(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)
A bord de Nautigirl, les larmes que j’avais retenu éclatent. Hé oui, c’est mon côté ultra émotif. Une émotion forte et je pleure… de peine ou de joie, ça fonctionne dans les 2 sens chez moi ! Bon, là c’est un mix de choc, de peur et de peine. Ici en Martinique, je ne connais pas encore beaucoup de monde alors, ne sachant vers qui me tourner, j’appelle Ben pour lui raconter ce qu’il vient de se passer. Il compatit avec moi et tente de trouver une solution. Il me propose de les suivre, lui et sa copine, jusqu’à la marina du Marin, sa prochaine destination.
Je dois alors lui avouer, penaude, que je sais pas encore gérer seule mon bateau. Je stresse déjà à l’idée de remonter l’ancre par moi-même au milieu d’un mouillage sans personne pour gérer la barre. Je m’imagine déjà en train de remonter la chaîne trop lentement et de voir Nautigirl emboutir un de ses voisins. Qu’à cela ne tienne, il se propose de venir m’aider. Banco ! Je vais pouvoir bouger de ce mouillage et m’éloigner de Pierre qui semblait se régaler d’avance de voir ma déconfiture…
Je mets un peu d’ordre à l’intérieur du bateau tout en observant Ben remonter l’ancre de son voilier et commencer à s’éloigner, son annexe(*) à couple(*) de la coque, les kayaks entreposés sur le pont. Une fois que le mouillage est dépassé, je le vois sauter dans l’annexe et venir vers moi laissant sa copine seule à bord du Sangria(*). Il me rejoint et nous attachons son esquif à l’arrière de Nautigirl. Gentiment, il se propose de remonter l’ancre pendant que je gère la barre. Nous nous éloignons tranquillement ensuite, non sans que j’ai adressé un geste d’au revoir au coéquipier de Pierre qui nous regarde. Pierre, lui, n’est déjà plus là. Je pars, fière comme Artaban, décidée à lui montrer que non, je n’ai pas besoin de lui… mais de Ben encore j’avoue, pour le moment…

Je n’ose pas envoyer la grand-voile(*). Pierre n’a pas pris le temps de monter en tête de mât comme il s’était engagé à le faire pour vérifier ce qui clochait. Du coup, par précaution, nous envoyons seulement le génois(*). Nous laissons le moteur en support car nous sommes partis tard, le courant ne nous est pas favorable et il faut atteindre le Marin avant la nuit.
Ben communique avec sa petite amie grâce à ma VHF portable. J’apprends avec surprise qu’elle a encore moins d’expérience que moi en voile et pourtant, elle, elle n’a pas hésité à prendre le bateau seule. J’en suis impressionnée. Je suis sans doute trop frileuse…
Il nous faut quelques heures à un rythme soutenu pour atteindre le Diamant, cette fameuse petite île inhabitée au Sud-Ouest de la Martinique dont le forme, comme son nom l’indique, fait penser à une pierre précieuse. Sur le trajet, Ben me montre comment brancher mon pilote(*) automatique et nous le testons. Le cap un peu merdique que nous avons pris nous oblige à finir quasiment face au vent et face à la houle pour rentrer au Marin. Nous rentrons le génois pour finir au moteur uniquement.
La petite amie de Ben l’appelle alors à l’aide sur la VHF. Quelque chose ne va pas. L’enrouleur(*) du génois fait des siennes et elle n’arrive pas à rentrer la voile. Ben me demande alors de me rapprocher du Sangria jusqu’à ce que les deux coques soient parallèles l’une à l’autre à quelques mètres de distance à peine. Nous réduisons tant que possible la vitesse et je le vois soudainement se jeter à l’eau et rejoindre rapidement son bateau à la nage. Une fois monté à bord, il se précipite à l’avant et je le vois gesticuler autour de l’enrouleur. Visiblement, il a trouvé le problème car quelques instants après, je vois le génois s’enrouler doucement sur lui même.
Il m’appelle à la VHF et me demande de les suivre jusqu’au Marin. Il me rassure en me disant qu’il restera en contact radio avec moi jusqu’au bout et qu’il me guidera ainsi jusqu’au chenal. Je me retrouve donc seule, livrée à moi même pour la première fois sur mon bateau et finalement, je réalise que je le vis mieux que ce que j’aurais pensé. Peut être qu’après tout, il fallait ce genre d’évènement pour me faire réaliser que ce n’était pas une si grande affaire que ça…
Je les vois rapidement s’éloigner. Avec un bateau plus léger que le mien et un moteur hors bord de 8 chevaux, ils avancent bien plus vite que moi, il n’y a pas de compétition possible ! Face au vent, face au courant, mon bateau peine… Je me sens suffisamment à l’aise avec le pilote pour tenter de sortir un peu de génois et tenter de louvoyer(*) à gauche et à droite… Peine perdue… A ce train là, je crains de rentrer de nuit. Et j’ai peur de perdre le contact radio avec Ben si je traîne trop. J’augmente alors le régime du moteur et doucement mais sûrement je me rapproche de la Marina du Marin.
J’atteins enfin le chenal. Ben suit mon évolution depuis son ordinateur de bord qui traque ma position grâce à mon AIS(*). Il me guide ainsi au fur et à mesure que je progresse à l’intérieur. Lorsqu’il me sait assez proche, je le vois de nouveau s’approcher de moi à bord d’un de ses kayaks. Il monte sur le pont et m’aide à ancrer correctement le bateau. Ca y est, je suis arrivée à bon port ! Je vois le bateau de Ben un peu plus loin. Nous convenons de nous rapprocher l’un de l’autre le lendemain matin, là tout s’est fini un peu dans la précipitation, c’est assez pour aujourd’hui, qu’on me laisse me remettre de mes émotions…
Le jour suivant, un voisin passe se présenter. Je lui propose de partager un café à bord. Ben ne tarde pas à apparaître à bord de ma nouvelle acquisition, ma nouvelle annexe. Il vient m’aider à déplacer Nautigirl. Le voisin nous écoute parler de notre plan quand soudain, il nous interrompt : « Hé, les gars, vous ne pouvez pas faire un tout droit là. Y a une caye(*) au milieu, vous allez échouer le bateau si vous ne faites par le tour ! ». Ahhhh, merci de prévenir. Je regarde avec des gros yeux Ben qui, lui, a un logiciel de navigation à bord et donc des cartes censées refléter la géographie et la profondeur du lieu…
Une fois le trajet adéquat retenu, nous déplaçons Nautigirl et nous le mettons à côté du Sangria que Ben me propose de visiter. Je m’y rends sur le champ et je découvre avec ébahissement tous les aménagements qu’il y a fait à l’intérieur. C’est comme une mini-matriochka, vous savez, les poupées russes qui s’emboîtent ? Sa table à carte(*) coulisse au dessus de la banquette bâbord(*) et vient se cacher sous le cockpit(*) lorsqu’on veut libérer un maximum de place. La banquette tribord(*) abrite un véritable petit frigo de cuisine comme on en voit dans les maisons. La cabine avant, quant à elle, est une véritable chambre avec un vrai matelas mais, en amateur de musique, il y range aussi un clavier et une guitare ! Tout ça dans 7,60 mètres ! Je suis impressionnée. Il est passionné par tout ce qui touche à l’électronique, l’informatique et l’électricité et ça se voit. Son bateau est suréquipé en panneaux solaires : il en a 4 de 100 watts chacun, amovibles, qu’il déplace sur le pont au fur et à mesure du déplacement du soleil et qui explique la présence de ce véritable frigo à l’intérieur du bateau. Il me propose d’ailleurs de m’aider à faire quelques modifications sur l’alimentation électrique de Nautigirl qu’il juge bien trop faible. Cool ! Je vais pouvoir réviser mes cours d’électricité du lycée !
BIENVENUE AU MARIN !
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A très vite !
PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.
GLOSSAIRE :
AIS : c’est l’abréviation d’Automatic Identification System. Il s’agit d’un système d’identification automatique, anti collision qui va envoyer des informations sur la position, le cap et la vitesse d’un bateau.
Annexe : C’est une petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.
Bâbord : en bateau, on ne dit pas gauche, on dit « bâbord », c’est la gauche du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.
Caye : C’est une zone proche d’une côte, caractérisée par une faible profondeur, souvent en sable ou composée de corail comme une petite île basse.
Cockpit : c’est l’emplacement à l’arrière du navire où se situe le barreur.
Enrouleur : pour faire simple, c’est le tube autour duquel s’enroule la voile d’avant.
Génois : c’est une voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).
Grand-voile : c’est la voile principale du navire, hissée sur le mât.
Louvoyer : faire du zig-zag en bateau, un bord d’un côté et un bord de l’autre pour remonter au vent (face au vent, impossible d’avancer bien évidemment)
Pilote automatique : comme son nom l’indique, c’est un dispositif qui permet de piloter le bateau sans intervention humaine. Très pratique lorsqu’on a pas envie de barrer soi-même !
Sangria : C’est le nom d’une série de voiliers construits en résine polyester par Jeanneau de 1970 à 1983. Destiné à la croisière côtière, il fait partie des voiliers qui ont démocratisé la voile en France.
Table à carte : c’est une table située à l’intérieur du bateau et destinée à y étaler les cartes marines.
Tribord : en bateau, on ne dit pas droite, on dit « tribord », c’est la droite du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.