Art. 16 – Mon journal de bord durant ma Transpacifique en solo (partie 1)


Pendant les 38 jours de ma traversée, l’un de mes petits plaisirs quotidiens, c’était la rédaction d’un petit journal de bord que j’envoyais quotidiennement à mon p’tit frère qui le postait sur ma page Facebook afin d’en faire profiter tous ceux qui suivaient mon périple. Comme c’est très long, j’en ai fait 2 articles. Ci-dessous, vous trouverez les jours 1 à 18. Dans le suivant (partie 2), vous trouverez les jours 19 à 38 (l’arrivée).

23 juillet 2019 – Le départ

C’est parti Baby !!! Avec un peu de retard… A moi le Pacifique ! Je suis toute stressée et excitée en même temps !
Mon p’tit frère va prendre le relais pour vous poster des news comme on a fait pour la traversée des Caraïbes.
Et pour voir où j’en suis, c’est là : https://us0-share.inreach.garmin.com/nautigirl
Plein de bisous à tous ! Pensez à moi, priez pour moi, croisez les doigts pour moi que tout se passe bien sur ce long trajet. Rdv dans 45 jours grosso modo !

Jour 1 – 24/07/2019 – 19h00 UTC

Position 06°59.837N – 080°08.824W
Jour 1
99 milles nautiques parcourus depuis le départ sur les dernières 24 heures soit une moyenne de 4.1 nœuds.

J’ai quitté la marina de Vista Mar hier à 14h heure locale après un rapide au revoir à mes amis de là-bas. Ça fait toujours bizarre de passer du temps quelque part, d’y croiser les mêmes personnes et soudain de leur dire au revoir sans savoir si on se reverra un jour…

Bryan, le skipper d’un petit bateau comme le mien appelé Tarka, filme mon départ avec son drone. Grâce à lui, j’aurais de superbes images à mon arrivée aux Marquises. Merci Bryan !

Bavarde comme je suis, je profite des derniers moments de connexion pour donner des nouvelles aux membres de ma famille. J’appelle ensuite ma meilleure amie en France. Et c’est en pleine discussion avec elle que les premiers dauphins apparaissent tout autour du bateau ! J’ai même eu la sensation que l’un d’entre eux a cogné la coque ?!? On passe en mode vidéo pour que ses enfants puissent profiter du spectacle ! Conférence call entre le Panama et la France avec les dauphins svp !

Dans la foulée, après avoir raccroché, je devine le souffle d’une baleine – et son dos – droit devant moi mais trop loin pour que je sois certaine de ce que je vois.

Le vent est léger. Toutes voiles dehors, j’avance doucement. À la nuit tombée, le vent s’essouffle. Je mets en route le moteur et j’essaie de commencer à faire des petites siestes de 20 mn. Impossible… Je somnole par coups de 5 mn et refais un tour d’horizon… Au cours d’un de ces mini repos de 5 mn, j’ai subitement un coup de stress. Réveil en sursaut : est-ce que j’ai bien ouvert la vanne d’eau de mer avant d’allumer le moteur ? Vite je regarde. Ben sûr que oui ! Maintenant, bien réveillée, je m’en rappelle très bien ! Je contrôle régulièrement mon moteur, l’absence d’eau dans la cale. Tout ce qui a été fait au chantier semble fonctionner. Tant mieux !

Je vois des éclairs au loin. Vous savez ceux qui tombent directement du ciel vers la mer dans un beau zig-zag effrayant ? Le ciel est sombre. La lune est cachée par les nuages. Et je n’aime pas du tout la tronche de l’amas nuageux tout noir sur mon bâbord. J’essaie de m’en écarter au maximum ce qui signifie frôler la côte… De nuit, j’ai peur des casiers ou des pêcheurs. Je reste donc à 10 ou 15 MN au moins.

Entre deux tentatives de siestes et deux éclairs, j’observe l’environnement. Comme d’habitude, on voit bien le plancton fluorescent dans les petites vaguelettes provoquées par la coque du bateau. Mais le plus impressionnant, c’est la traînée de mon hélice : une longue traînée toute blanche telle un serpent fluorescent qui disparaît de la vue sitôt que j’allume ma frontale.

Mon Mer-Veille et mon AIS sont allumés. Ils me permettent de naviguer au milieu des cargos qui croisent mon chemin. Cette nuit, seulement 2 cargos. Ce matin, zéro. En début d’après-midi, je n’arrive plus à compter. Vivement que je finisse de traverser cette autoroute… C’est pas comme s’il existait des passages piétons… ici, le plus petit bateau a toujours tort… alors j’essaie de rester aussi loin que possible de ces monstres. Mais c’est difficile parfois : l’un passe devant moi, l’autre derrière.

Jour 2 – 25/07/2019 – 19h00 UTC

Position 05° 58.052N – 080°23.041W
Jour 2.jpg

178.1 milles nautiques parcourus depuis le départ soit une moyenne de 3.78 noeuds sur 48 heures. Pas génial, génial…

Pas de baleines ni de dauphins sur ces 24 heures. Juste des papillons. J’avais oublié de vous en parler de ceux là… n’imaginez pas les beaux papillons colorés hein ? Non des gros papillons marrons et noirs avec des ailes en formes de triangle au repos. Un gros corps. C’est tout moche. Comme une mite qui aurait avalé de la portion magique pour se transformer en méga mite… bref, z’ont débarqué de je ne sais pas où la nuit d’avant y a 36h environ et depuis j’attends que ces messieurs dames veuillent bien repartir… y en a sur le pont, sous la capote, sous le panneau solaire et même sur la voile. Ça se planque partout dans le bateau. Pas des centaines non, une dizaine seulement. Mais ça s’accroche au bateau et surtout ça me vole à la gueule… m’enfin, il en reste de moins en moins. J’ai presque pitié quand l’un d’entre eux prend son envol alors qu’on est à des dizaines de milles de la terre…

Ah oui et une abeille… encore… en pleine mer… ça fait déjà 2 fois que je me fais piquer par surprise par une abeille sur le bateau alors cette fois ci j’ai fait attention. Surtout que celle-là, elle a décidé d’arriver de nulle part et de se poser direct sous mon nombril, sur la lisière de mon short au moment où je sortais du bateau. Là tu réfléchis vite, tu fais le « gros ventre » histoire de combler tout espace entre ta peau et ton short pour qu’elle n’est pas l’idée d’explorer un endroit où tu n’as pas du tout envie d’être piquée et tu prends le premier linge disponible pour gentiment la chasser. Gentiment hein ! Qu’elle ne te revienne pas direct dessus pour se venger. J’ai réussi heureusement. La bête n’a pas demandé son reste et elle n’a même pas chercher à visiter le bateau (tant mieux). Elle est repartie aussi sec. Manquerait plus que mon bateau se transforme en arche de Noé version insectes non mais..

Hier après midi, il a draché sans discontinuer. Et le vent n’a pas arrêté de changer. Tout ça pile au moment où je traversais un rail de cargos. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est des sortes d’autoroutes invisibles à l’œil nu mais marquées sur les cartes que sont censés prendre les cargos. Un rail « monte » dans un sens et l’autre « descend » dans l’autre sens. Et tu y croises des beaux bébés d’acier de 200 ou 300 m de long qui vont à 15 nœuds au moins quand toi tu peines à avancer entre 3 et 5 nœuds. Bref, me suis retrouvée « à prendre à contresens » l’une de ces autoroutes, en longeant plusieurs de ces murailles d’acier pour tenter de virer de bord entre 2 d’entre elles. Mais pour cela, il fallait que j’attende 2 cargos avec suffisamment d’espace entre eux pour être sûre d’avoir le temps de passer. J’avais le nez rivé sur l’écran de mon AIS (ça indique notamment la route et la vitesse des navires étant équipé d’un émetteur et ça calcule les distances avant collision) car dehors, le temps était tellement couvert que je ne voyais les cargos que très très tard… donc merci la technologie ! T’as l’impression quand même, dans des moments comme ça, de jouer à du « touché coulé » grandeur nature. Sauf que là, c’est moi qui coulerait à coup sûr !

Une fois sortie du rail, le mauvais temps n’était pas si désagréable. Bon petit vent. Pas d’orage, ni d’éclairs. C’est ça surtout que je crains. Un ami m’a donné une boîte métallique. En cas de danger, je compte y ranger mon téléphone et mon iridium go en espérant que ça joue le rôle de cage Faraday. Ben oui, j’ai pas de four alors je fais avec les moyens du bord !

Après le grain, forcément, il a fallu trouver où faire sécher mes affaires trempées. Réponse : je ne sais toujours pas. C’est un vrai problème…

Nuit parfaite. Mer calme. Temps sec (enfin). Pas de cargos dans les parages. Pas de pêcheurs. Personne. Juste assez de vent pour que les voiles ne flappent pas. J’en ai profité pour dormir un maximum (toujours avec mon AIS et ses alarmes branchés quand même) : des siestes de 30 à 45 mn avec un petit tour d’horizon entre chaque dodo. En contrepartie, comme je n’ai pas mis le moteur de la nuit, la vitesse a été très très faible : 1 à 2 noeuds en moyenne…

Depuis ce matin, il arrête pas de pleuvoir ou de pleuvioter au moins… j’avoue que c’est un peu chiant à force. J’ai froid et je suis constamment humide. Mais j’ai récupéré un bon seau d’eau douce pour ma prochaine douche (quand j’aurais chaud !).

14h locales : l’heure de mon point journalier. Suis de nouveau au moteur après avoir fait 1h de la voile sous une pluie battante. Et là plus de vent donc je fonce désormais à 1800 RPM loin de la zone à côté de moi dont s’échappent des coups de tonnerre. J’aime pas ça, j’aime pas ça ! Heureusement, je suis à l’extrémité de la zone. Je n’avance qu’à 3 petits noeuds. C’est peu. J’ai un peu peur pour cette nuit. Je croise les doigts..

Petite frayeur mécanique ce matin : la marche avant ne passe pas. Bloquée. Le nez dans la cale moteur, j’enlève l’axe qui attache le câble de direction à l’inverseur, manipule le levier de l’inverseur : c’est pas ça ouf ! C’est sûrement le câble, un truc qui gêne ou je ne sais pas quoi. Je rattache le tout et pouuuuf plus de problème. Tout fonctionne nickel. A surveiller quand même …

Depuis que je suis partie, 2 choses me surprennent.
(1) La quantité de bouts de bois qui traînent dans l’eau. Y a parfois de vraies grosses branches. J’en ai heurté 2 déjà. Pas sûre que mon nouvel antifouling apprécie…
(2) Les trucs en plastique qui flottent au milieu de nulle part. Déjà vu : 1 tong rose (vous savez les compensées aux semelles bien épaisses), 1 semelle d’un bottillon en néoprène je pense, 1 jerrican blanc à moitié défoncé, 1 bouteille de coca… ça me fait penser à l’action de Benoît Leconte qui traverse le Pacifique à la nage pour dénoncer la pollution de plastique. Jetez un coup d’oeil à sa page, vous serez surpris de ce qu’il trouve en chemin.

Jour 3 – 26/07/2019 – 19h00 UTC

Position 05° 12.750N – 080°59.658W
Jour 3.jpg

C’est la DEBACLE !!!
255 milles nautiques parcourus depuis le départ dont que dalle sur les dernières 24 heures soit une moyenne générale de 3.5 nœuds.. Ça baisse tous les jours.

Depuis mon dernier point la veille, il n’a pas arrêté de pleuvoir… avec diverses intensités… de quelques gouttes à la bonne grosse onde tropicale. Et toujours pas de vent donc beaucoup de moteur.

Hier, j’avais déjà eu une petite surprise avec la marche avant impossible à faire passer. Après un A/R dans la cale moteur et le démontage de l’axe qui relie l’inverseur au câble de commande, j’avais pu m’assurer que manuellement la marche avant passait bien et donc que ça devait sûrement être le câble de direction. J’avais remis l’axe et ô miracle, tout avait re-fonctionné à merveille. Et sur les quelques arrêts et redémarrages du moteur entre quelques minutes ou heures ventées, pas de problème. Et bien ce matin, le coup fatal… impossible… je dis bien impossible de passer cette marche avant. La manette de l’inverseur était bloquée…. marche arrière, point mort, nickel… marche avant : ça ne passait pas… Crise de nerfs passagère sur le bateau… ça faisait 36h que je passais le plus clair de mon temps au moteur, à naviguer entre les orages, j’avais quasiment pas dormi la nuit dernière pour tenter de passer entre les éclairs… tout ça avec un moteur que je ne voulais pas pousser à plus de 1500 tours car j’entendais une vibration qui ne me plaisait pas… j’avais même mis la go pro dans l’eau : tout me semblait normal au niveau de l’hélice. La bague hydroluble est neuve, le joint PSS aussi, l’arbre a été contrôlé par un pro, le moteur a été aligné par un pro également… c’est quoi ce bordel ???J’ai clairement pensé un instant à faire demi tour. Avec ma misérable vitesse moyenne des dernières heures, je n’étais pas si loin de mon point de départ. Mais ça supposait de retraverser la ZIC (Zone Intertropicale de Convergence) dont j’ai déjà fait une bonne partie, et donc me retaper un temps instable et orageux et encore l’absence de vent pendant plusieurs jours…

Entre-temps, un ami m’a conseillé de faire tourner l’arbre à la main et de réessayer d’enclencher la marche avant. Ça a marché. Ça a un peu résisté à la main en marche avant et puis l’arbre a accepté de tourner et j’ai pu ensuite passer normalement la marche avant avec la manette des gaz. A compter de ce moment là, mon pote m’a conseillée de laisser la marche avant quand j’arrêtais le moteur, et de ne plus repasser au point mort pour être sûre de pouvoir utiliser mon moteur… Sur ce, je me suis donc dit « ok, je vais faire comme ça, cap sur les Galapagos ! ».

Et puis ce midi, comme c’était encore plus pétole que d’habitude, et après avoir contacté le mécano qui a travaillé sur la boîte de vitesse et le moteur, j’ai pris mon courage à 2 mains, me suis attachée et j’ai plongé pour voir mon arbre et mon hélice… tout ça en faisant abstraction des potentielles grosses bêtes qui me font peur tout autour, en me concentrant sur ma tâche et en évitant de prendre un coup de coque sur la gueule… Franchement, j’ veux pas dire mais j’suis hyper fière de moi sur ce coup là d’avoir bravé ma peur et de l’avoir fait… Je n’ai quand même pas osé tenter de décrasser mon loch (la petite roulette qui indique la vitesse du bateau en surface et qui est toujours bloquée à cause d’une bébête qui adore s’y loger) : trop loin de mon échelle en cas de « danger » et trop de courant sans palme et rien pour se tenir + le danger de la coque qui roule…

Et là… ô surprise ô désespoir, je me rend compte que mon arbre frotte à la sortie de mon tube d’étambot. On voit 1cm bien brillant à l’endroit où ça frotte… pas en haut, ni en bas, non sur le côté bâbord… d’où les vibrations qui ne doivent pas faire du bien à ma boite de vitesse neuve ou presque… ni à la bague en carbone de mon PSS en prend un coup aussi… J’ai fait confiance les yeux fermés à un pro qui n’a pas fait visiblement toutes les vérifs nécessaires. Moi non plus direz-vous mais vu le prix payé, je ne m’attendais pas à avoir des problèmes…

Bref, re-pétage de plombs sur le bateau… Je pleure. Je hurle de frustration. Et je ne sais pas quoi faire … j’ai personne à qui parler… suis au milieu de nulle part… alors j’attends… je me laisse bercer toutes voiles dehors par les flots seulement… le vent lui était toujours aux abonnés absents… Je sais grâce à ça désormais que j’ai un courant à contre de 1 noeud qui me repousse vers Panama… bref… et je réfléchis…

2 options :
Option 1 : je rentre à Vista Mar au Panama en espérant que le mécano arrange tout, sans rien me faire repayer. Ça, c’est au moins 3 jours pour remonter et encore avec le moteur car y a pas de vent + au milieu des orages + le prix de l’intervention si payante + le prix de la marina + le retard sur mon départ + refaire des courses d’alimentation etc + grosse déprime à gérer… et sans doute l’envie de lâcher mon bateau là bas pour de bon…

Option 2 : faire avec et continuer en espérant être à la limite de cette foutue ZIC et enfin chopper du vent très vite. Limiter l’utilisation du moteur et voir tout ça à mon arrivée aux Marquises. Quitte à mettre le bateau à sec encore une fois pour quelques temps si je ne peux plus le voir en peinture…

J’avoue avoir pas mal hésité… d’ailleurs, ça se voit à ma trace de cette ‪après midi‬… Le plus frustrant, c’est de ne pas pouvoir parler à haute voix. Ha oui, les appels vocaux avec iridium go, c’est de la merde ! On s’entend pas… Heureusement les sms passent… Sauf que je les reçois en double… bref… c’est dur de pas partager facilement ce genre de moment éprouvant pour les nerfs… j’ai envoyé quelques sms et quelques mails et ô malheur, tout le monde y va de son opinion qui n’est pas celle du voisin… et comme je suis super indécise, ben j’ai passé mon ‪après midi‬ à faire des allers retours dans la zone, dans un sens et dans l’autre en fonction grosso modo du dernier avis reçu…

Clairement j’ai pas envie de me retaper 3 jours pour remonter à Panama dans la pétole et les orages… mais j’ai pas non plus envie de péter ma nouvelle (ou presque) boîte de vitesse ou pire prendre l’eau à cause d’une délamination de la strate autour du tube d’étambot causée par les vibrations… Donc… j’hésite… il est 21h heures locales (pas UTC sinon rajoutez 5h) et j’hésite toujours… résultat : bateau à l’arrêt dans ZERO noeuds de vent, moteur éteint… j’attends la levée du jour pour replonger et ré-analyser plus intensément le problème en plein jour… parce que là clairement, j’en ai raz la casquette et qu’il fait nuit, qu’il y a pas de vent et donc j’ai rien de mieux à faire que de dormir… demain sera un autre jour…

Bref tout ça pour dire que : moral dans les chaussettes… Va falloir que j’en vende des bouquins pour pas finir dans le rouge à la banque à cause de ce bateau, moi j’ vous l’dis…

La bonne nouvelle du jour : je n’ai plus de papillons sur le bateau… sont sûrement morts écrasés par des gouttes de pluie. Et j’ai pu balancer à temps par dessus bord un chou en début d’état de décomposition. J’ai évité les asticots… c’est censé résister des semaines ce machin là… il aura fait 5 jours…

Ah et j’ai réussi à faire 31h avec un jerrican plein à ras bord de 5 gallons de gasoil soit pas loin de 20L. C’est pas mal cette conso. Ça a du bon finalement de rester à 1.500 tours par minute…

J’vous jure : il en faut du moral parfois… Faites de la voile qu’ils disaient…. mouais…

Jour 4 – 27/07/2019 – 19h00 UTC

Position 05° 03.000N – 081°04.237W
Jour 4

J’ai affalé toutes les voiles pour la nuit. De toute manière, y avait pas de vent du tout… par contre une houle assez prononcée qui a transformé mon bateau en berceau géant. Et puis je me suis couchée. Des lumières solaires allumées dans le cockpit en plus du feu de mât au cas improbable où je croisera quelqu’un…

Au matin, c’était toujours le calme plat. J’avais reculé vers le NE de 4 milles environ… merci le courant…

J’ai pris mon café tout en continuant à réfléchir. Et après de multiples échanges avec mes contacts sur la météo pour revenir vers Panama ou pour continuer vers les Galapagos, j’ai décidé de continuer.

Si je retourne vers Panama, c’est au moins 3 jours continus de moteur + les orages + l’arrêt à la marina + le temps de la réparation et je crois que si je repars là bas, j’arrête tout tout simplement. Trop d’efforts, trop d’énergie, trop d’argent et pas assez de récompenses en face…

Si je continue, j’espère sortir de la ZIC dans 24 à 48h. Ça signifie du vent et plus de moteur. Après tout, j’ai un voilier, du temps et mon problème c’est mon moteur sûrement mal aligné sur le côté, chose que je ne sait pas régler seule en pleine mer. Donc la solution, c’est de me servir de mes voiles jusqu’au bout et réserver le moteur au cas d’urgence vu qu’il marche parfaitement et que je veux juste éviter d’abimer tous les éléments neufs ou récents qui peuvent souffrir de la vibration que je ressens…

Donc après avoir passé un bon bout de temps à faire des ronds dans l’eau, j’en suis à présent à 295.1 milles nautiques parcourus depuis le départ dont quasiment rien sur les dernières 24 heures en raison de mes tergiversations nocturnes en solo… soit une vitesse moyenne générale de 3.01 nœuds, soit 5.6 km/ heure… qui dit mieux ?? Et en ligne droite, ça ne représente que 229 milles.

Mais on le sait bien, si on veut faire simple, on prend l’avion ou la voiture en ligne droite, alors qu’en bateau, on adore tirer des bords…Preuve en est : ça fait 2h que j’ai du vent. Un petit 10 nœuds apparents. Forcément il vient de la direction où je veux aller et donc je tire des bords. Et ne venez pas le faire la remarque que des bords parfaits font un angle de 90 degrés, je sais que je suis loin du compte. Déjà, je n’ai jamais réussi avec ce bateau et d’autre part, j’ai toujours un petit courant retort qui me repousse et qui « écrase » mes bords.

Rien de magistral aujourd’hui à dire. Petite modification d’un « bout » (corde) au niveau du bas du génois qui, une fois déployé à 100% ne tombait pas du tout dans dans l’alignement de la manille et du reste de la voile (j’espère qu’il y en a qui comprenne mon charabia)… bref, détendre la drisse du génois, couper le foutu morceau de dynema parce que le nœud était impossible à défaire, remplacer le morceau de dynema par un autre, cette fois-ci bien positionner, re-tendre la drisse et c’est reparti mon kiki ! Même pas un truc tombé à l’eau pendant ce temps. Je m’améliore !
Et je ne m’explique pas ce truc sur le génois. La seule explication rationnelle que j’ai trouvé c’est qu’il doit y avoir un diablotin sur le bateau qui s’amuse à faire des modifs dans mon dos pour voir si je les remarque. Y a pas d’autre explications… enfin je crois…
D’ailleurs, il doit avoir un cousin dans l’eau qui connaît Neptune et ses sbires et qui font exprès de m’emmerder ! Parce que, maintenant, mes bords, ils sont plats ! Si, si ! Quand je vire de bord, je repasse sur la trace du bord précédent ! Siiiii, j’vous dis ! Truc de dingue !!! 2 fois j’ai viré à quelques dizaines de minutes d’intervalle. Même schéma… Bord plat ! Et faut que je fasse du SO absolument !!! Pas du SE, ni du NO… Pour échapper à une nouvelle zone de pétole annoncée et chercher un courant favorable… . ben bah, j’ai rallumé le moteur les gars… vibrations avec… histoire de m’échapper un peu et cesser d’avoir l’impression d’être un hamster en train de tourner sans fin dans sa roue…

C’est le 4e jour sans voir et parler de vive voix à quiconque. Mon ours en peluche Mac ne parle pas encore, c’est donc que tout va bien !

Jour 5 – 28/07/2019 – 19h00 UTC

Position 04°23.607N – 081°48.193W
Jour 5

Navionics sur mon IPad s’arrête régulièrement de fonctionner du coup je perds ma trace et la distance parcourue exacte. Mon approximation est 378.5 NM avec toutes les boucles impromptues et virements de bord… en ligne droite ou presque, ça ferait 300 NM… bref j’arrête de calculer ma vitesse moyenne sinon ça va me déprimer.

Depuis hier après-midi, un couple de fous me tient compagnie. Des oiseaux bien sûr… pas des fadas qui m’auraient rejoint à la nage.

Franchement pas farouches les 2. Trop marrant de les voir tenir en équilibre sur mon balcon avant malgré la houle qui les projettent dans tous les sens. Même le génois tour à tour déployé puis enroulé ne les effraie pas ! J’ai pu les photographier, les filmer à 30 cm d’eux ! Je suppose qu’il y a mâle et femelle. L’un a un bec bleu et l’autre non. Lequel est la femelle ? Le plus dépenaillé ne bouge pas du balcon. Il passe son temps à se nettoyer. Le plus remplumé, avec le bec bleu, part faire un grand tour autour du bateau, quand il trouve que je m’approche un peu trop, avant de revenir atterrir à moitié sur la tronche de l’autre. Il me fait penser au pélican dans le dessin animé « Bernard et Blancia ».

Bref j’ai des plumes et du duvet de fou sur le bateau maintenant et je ne serais pas étonnée de trouver plus encore bientôt… encore que leur tête est côté pont et leur cul côté mer. J’ai de l’espoir que le guano tombe à l’eau !

J’étudie donc le comportement de mes invités sur le bateau. L’heure officielle du coucher semble être 19h. Ce sont des couches-tôt haha ! Bien campés sur leurs pattes, la tête sous l’aile, basta ! Bonne nuit les petits ! Ils arrivent ainsi à amortir les mouvements de la proue du bateau sans basculer. Impressionnant !

Ils m’ont donc tenu compagnie toute la nuit et pendant qu’eux dormaient profondément, moi, je m’octroyais des siestes de 20 à 30 mn entre deux manips… Le but était de descendre le plus au SO possible avec l’annonce de la descente encore plus au sud de la ZIC pour ce WE… Cette foutue zone de convergence intertropicale semble me suivre et vouloir m’empêtrer le plus longtemps possible… J’ai tenté la voile malgré le vent faible et promis, je jure que je n’invente pas : je faisais des bords plats ! Genre je faisais un bord tribord amure et quand je virais de bord, au près serré svp, je repassais sur mes traces ! Truc de dingue !!! Du coup j’ai rallumé le moteur… obligée… et j’ai foncé nez dans le vent le plus au sud possible… Dans le courant de la nuit, j’ai senti le vent forcir. J’ai donc éteint avec soulagement le moteur qui me cassait les oreilles avec cette vibration qui m’inquiète et j’ai tenté un bord puis un autre, cette fois-ci je faisais de vrais bords à angle aigu… Tentant d’optimiser ma route, je n’ai pas beaucoup dormi et fais pas mal d’allers-retours carré-cockpit.

Le bateau gitant au près, quand je sors dans le cockpit en pleine nuit, je contrebalance avec mon corps le mouvement du bateau et j’agrippe la capote puis la filière du côté opposé à la grand-voile. Normal… sauf qu’à un moment, le pied encore posé sur la dernière marche de l’escalier, je relève le nez, frontale allumée en lumière rouge sur la tête et là… je me retrouve nez à nez avec l’un des fous qui dormait sur la filière. On a dû se faire mutuellement peur haha ! Du coup, il s’est envolé pour se réinstaller sur le balcon avec sa copine.Et depuis ce matin, je n’en vois plus qu’un : le remplumé qui m’a fait peur cette nuit. Sa copine est partie… je pense que dans la nuit, elle a dû lui expliquer qu’elle en avait marre qu’il lui atterrisse à moitié dessus chaque fois qu’il revenait d’un petit tour… ou qu’il ronflait trop fort… ou qu’il prenait toujours la meilleure place : oui, j’ai vu le petit malin bien confortablement installé sur l’enroul
eur de
mon génois cette nuit, protégé de part et d’autre par le balcon. Bref, elle a disparu et lui est resté (j’ai décidé que le plus gros des fous était le « il »).Bref, il va et vient autour du bateau. Se pose. Repart… Ça met un peu d’animation quoi.

Je trouvais qu’une poule sur un petit bateau, c’était pas pratique. Mais un fou, c’est nickel ! Ça te suit. Ça se pose sur un bout de fil et ça tient. Suis sûre que tu peux le dresser pour pêcher pour toi ! Idée à retenir…Bon sinon bah… je tire des bords… de longs bords pas rapides car le courant est contre moi. Mais je me rapproche de plus en plus de la zone où les vents et le courant devraient m’être plus favorables. Alors je prends mon mal en patience. Et je récupère de la nuit avec des longues siestes en compagnie de Mac, mon fidèle ours en peluche. Ça fait du bien un peu de douceur !

Et depuis ce matin, je vois enfin un petit bout de terre c’est le roche de Malpelo qui se dessine à l’horizon. On dirait deux petites montagnes pointues accrochées l’une à l’autre. Ça fait du bien de voir un morceau de terre quand même…

Jour 6 – 29/07/2019 – 19h00 UTC

Position 04°00.549N – 82°54.516W
Jour 6

À y est !!! Normalement je suis enfin sous la ZIC !!! Victoire !!! A partir de maintenant, fini les orages et surtout un peu plus de vent régulier. La vitesse moyenne devrait s’améliorer.

456 NM depuis le départ.
80 NM sur les dernières 24h.

Jusqu’à cette nuit, je n’avais jamais été aussi lentement de ma vie d’un point A à un point B… c’était infernal… j’essayais d’économiser autant que possible le moteur mais parfois, il était impossible d’y échapper si je ne voulais pas passer 2 semaines coincée dans cette foutue ZIC avec toutes ses cellules orageuses..

Y a qu’à voir ma trace sur Garmin… je pense qu’on voit facilement ma trace au moteur et à la voile….

Grosso modo : si je descends tout droit vers le sud , c’est du moteur et si je zig zag comme un alcoolique qui va de gauche à droite pour tenter d’aller tout droit, c’est de la voile.

Heureusement pour m’accompagner, j’ai « Mac » mon ourson équipier et « Fous le camp » mon fidèle fou… enfin fidèle pour 48h seulement parce que depuis ce matin, il a disparu… Alors même que je venais de le baptiser. L’ingrat… Un nom commençant par le son « fou » forcément. J’ai repensé à cette histoire du chien qui s’appelait « Fous le camp » et dont j’imaginais la vie perturbante pour lui et les gens autour :  » Fous le camp, ici »,  » Fous le camp, reviens », « Vous avez vu Fous le camp? »… bref j’ai décidé de copier et de lui attribuer le même nom… vu qu’il fout le camp régulièrement dans la journée pour faire un tour ou quand je vire de bord et que le génois le gêne…
Encore que je le trouve pas mal stoïque l’animal. Toute la nuit, sur le balcon avant, le bateau au près serré dans 15 à 18 nœuds de vent apparent, il s’en ait pris de sacrés douches avec les vagues ! Sans oublier le bateau qui pique du nez parfois entre 2 vagues. C’est comme essayer de dormir debout dans un manège à sensations fortes pendant qu’on vous balance des seaux d’eau salée en pleine face… Au moins ça dégage le guano et les plumes du pont, vous me direz…Ben il a tenu bon toute la nuit ou presque comme insensible à ce qui l’entourait la tête sous son aile en équilibre sur la filière et puis ce matin, il a dû se dire qu’il avait eu son compte…
A un moment où le vent a refusé, mon génois s’est mis à contre et a fait virer le bateau. Le temps que j’intervienne, que je fasse passer le génois du bon côté, et que je revire proprement de bord pour continuer ma route, l’animal n’a pas moufté ! Il était sur la filière bâbord et la bordure du génois lui est passé 10 ou 20 cm par-dessus lui en claquant fortement bien sûr… Impressionnant la stoïcité de l’animal ! ou alors il est sourd et à moitié aveugle ? J’hésite sur l’explication…

Z’avait remarqué que j’ai parlé de vent hein ? Ouuuui ! J’en ai enfin depuis cette nuit. Et là, je fais du près serré au 260° environ (j’arrive pas à faire mieux) pour descendre doucement mais sûrement sous le 4e parallèle où se situe plus ou moins la fin de la ZIC et un vent plus favorable. Chose faite pile poil au moment de mon point journalier. C’est pas beau ça ?

Et je suis bien heureuse d’être enfin sortie de la ZIC. Mon pote Kevin, un sud africain rencontré sur le chantier, vient de partir de Vista Mar il y a 36h environ. A 5 noeuds au moteur par temps calme ou à la voile (voire plus), il est déjà en train de fortement me rattraper comme il me dit dans ses sms. J’en suis verte de jalousie, j’avoue… sauf que lui, s’est pris une sacrée branlée cette nuit à 200 NM de là. Vu son âge et son expérience, ça a dû être méchant pour qu’il parle de tempête. Et là, je suis bien heureuse de pas avoir fait demi-tour quand j’hésitai sinon je me la serais prise aussi…

Je devrais passer plusieurs jours sur le même bord, gité à mort. C’est pas la même pour se déplacer sur le bateau et se faire à manger quand tout est à 30 degrés d’inclinaison… Le sketch pour me faire un café et des tartines ce matin. J’ai mis de tout partout et j’ai manqué de mains. 2 c’est pas assez dans certaines conditions. Déjà que les jambes et les pieds te servent à te caler… Dans une position qu’on ne pourrait pas appeler confortable mais plutôt aussi raisonnablement pratique que possible (pour tenter de te faire ton petit déj sans que la majorité ne finisse par terre)… Bref va falloir être inventive pour éviter de m’ébouillanter ou de tout renverser par terre à chaque fois que je voudrais manger quelque chose…

PS : pour ceux qui s’interrogent, je n’ai pas accès à Facebook en pleine mer. Je galère déjà à envoyer et recevoir de simples mails par mon iridium go… C’est mon p’tit frère qui, gentiment, copie-colle les comptes rendus journaliers que je lui envoie. Et ma maman qui me renvoie de temps en temps certains de vos commentaires par mail pour me booster le moral. Esprit de famille et travail d’équipe
Et c’est top de vous lire ! Merci ! Continuez comme cela, ça m’encourage à mort !
Je ne pourrais bien évidemment répondre aux messages et commentaires FB qu’une fois arrivée à bon port avec un bon Wifi et devant une Hinano fraîche (voire plusieurs)

Jour 7 – 30/07/2019 – 19h00 UTC

Position 03°48.153N – 84°08.559W
Jour 7.jpg

Bon… ZIC ou pas, j’ai toujours une vitesse moyenne de merde… je pense que Neptune ou un de ses sbires doit être accroché à ma quille, bras et/ou jambes écartés pour faire le plus de traînée possible et me faire ralentir tout en étant mort de rire de voir ma mine déconfite devant ma SOG (Speed Over Ground ou vitesse fond, la vitesse indiquée par le GPS quoi…). Et la ZIC redescend vers moi. Je risque d’y être engluée encore 24h sauf miracle… Alors en attendant qu’elle arrive, je tente d’optimiser ma route et mes voiles, le nez collé à mon GPS pour voir si mon nouveau cap ou mon nouveau réglage de voiles fait soudain décoller ma vitesse. Pas facile de se rendre compte avec la houle de travers qui envoie parfois valdinguer le bateau alors qu’il prenait de la vitesse. Je lis sur quelques secondes des chiffres comme : 3.00 noeuds, 4.10 noeuds, 3.90, 4 50 (ça monte !), 5.0 (hourra !) et puis SLHOUURPFRFR (le bruit de la grosse vague qui tape sur le côté de la coque, inonde le cockpit et qui postillonne dans le carré) : 1.90 noeuds. Et merde !!! Le vent n’est pas constant. Ce matin, ma vitesse moyenne était de 2 noeuds à un moment, j’ai craint la pétole mais heureusement ça a repris. Bref, je fais avec les conditions que j’ai…

532 NM depuis le départ.
75.5 NM sur les dernières 24h.
C’est pas fameux fameux. Comptez pas sur moi pour le prochain Vendée Globe…

7 jours sans parler. J’ai l’impression de faire un stage dans une retraite religieuse ou un truc où on s’engage au silence complet pendant le séjour… 1 semaine complète et c’est pas fini. Même pas un petit coucou par VHF… Ceux qui me connaissent doivent halluciner. Moi aussi. Mais ça va. Mac, mon super équipier en peluche, n’a toujours pas commencé à parler. C’est que tout va bien pour le moment.

J’ai tenté de sauver de la mort un calamar (je crois que c’est ça vu que je ne suis pas certaine de savoir à quoi ça ressemble et que je n’en mange pas) : long corps qui se finit pas de mini tentacules, gros oeil ? Bref un truc que j’ai trouvé dans mon cockpit en pleine nuit mais malheureusement déjà trop sec pour espérer une réanimation quelconque une fois retourné à l’eau. Ma question maintenant c’est : comment ça a atterrit ici ? Ça saute ces machins là ? Parce qu’impossible qu’une vague l’ait déposé là où je l’ai trouvé… ou tombé du bec d’un oiseau ? Je me pose de ces questions existentielles parfois… quelqu’un a la réponse ?

Pour la petite histoire : j’ai passé un mois grosso modo à la Marina de Vista Mar pour réparer ma boite de vitesse et ma fuite sous la tube d’étambot. C’est là où j’ai fait la connaissance d’un sud-africain d’une soixantaine d’années, Kevin, mon voisin direct de chantier. Lui bourlingue à travers le monde depuis un sacré bout de temps. Tous les soirs après avoir bossé sur Nautigirl, je m’invitais sur son bateau pour boire une bière ou un verre de vin post journée de travail. C’était mon petit moment de réconfort de la journée. On comparaît l’état d’avancement de nos travaux respectifs.

Son bateau était à sec pour des travaux du même genre que les miens mais provoqués par des raisons différentes. Lui, il s’est pris un tronc d’arbre en route pour les Galapagos. Oui un gros tronc d’une douzaine de mètres de long qui a tapé à l’avant de son bateau et qui a roulé sous sa quille avant d’aller s’encastrer entre son hélice et le skeg (ou saumon ?) de son safran. Vous y croyez vous à cette malchance phénoménale ? Tout ça bien sûr en pleine nuit avec à bord une équipière septuagénaire atteinte de la sclérose en plaque et qui n’a même pas eu la force nécessaire pour gérer la barre pendant que lui, passé par dessus bord, en appui sur son annexe gonflée et mise à l’eau en urgence, cramponné à son rail de fargue, il tentait, frontale au front, à chaque vague soulevant le cul du bateau, de marcher à reculons sur le tronc pour peu à peu repousser la partie la plus courte vers l’autre côté. 12 mètres le machin ! 4 qui dépassait d’un côté et 8 de l’autre ! Faire passer 4 mètres sous son bateau, vague après vague, pas après pas, en pleine nuit, en équilibre instable, c’est pas un warrior ce gars ?
Finalement libéré de cet entrave, il a réalisé que sa boîte de vitesse et son hélice étaient endommagées et qu’il prenait l’eau. Retour vers le continent alors qu’il avait déjà fait 300 milles en direction des Galapagos.
Après mise à sec de son bateau, il a réalisé que la souche avait fait sauté 2 des 3 pales de son hélice repliable + tordu la structure + abîmé son tube d’étambot, d’où la fuite d’eau + abîmé son inverseur.

Son équipière bateau-stoppeuse a préféré finalement prendre l’avion pour traverser le Pacifique vu qu’elle s’est un peu fait peur sur la route…
C’est comme ça qu’on s’est connu : voisins de chantier à partager les mêmes types de galères et les apéros du soir. J’ai entendu grâce à lui des extraits de plusieurs langues qu’il parle couramment : afrikaaner bien sûr mais aussi zulu, swahili et un autre langage dont je n’ai pas retenu le nom mais avec des mots pleins de claquements de langue, imprononçables pour moi.
Il est parti 5 jours après moi et il tente de me rattraper. Plus grand bateau. Moteur plus puissant. Vitesse de pointe plus élevée. Il y arrivera, c’est sûr mais j’espère le plus tard possible. J’ai ma petite fierté quand même, non mais !
La prochaine bière qu’on se boira ensemble, ce sera de la Hinano. Ça changera de la Panama ou de la Balboa

Petite remarque sur le bateau et un truc auquel je n’avais pas pensé… j’ai un évier avec une évacuation excentrée côté bâbord.. ben, vu que je suis bâbord amure, mon bateau penche vers tribord donc du côté opposé à celui du trou. Ce qui veut dire qu’à chaque fois que j’utilise ce foutu évier, je dois le vider à l’éponge sinon l’eau s’accumule sur le côté et menace de déborder à chaque coup de gite.. j’aurai un truc à dire au concepteur de cet évier spécial bateau : le mec, il a jamais fait de voile ou bien il a jamais passé 4 jours gité du mauvais côté à devoir vider son évier à la mano ! Ou c’est sa femme qui le faisait pour lui…

J’aurais des choses à dire aussi sur les chiottes posées travers à la coque… impossible à utiliser… gros risque de débordement ! Vive le seau. Franchement, y a que ça de vrai. Facile, rapide, efficace. Faut juste prévoir le bon diamètre pour les fesses : ni trop grand sinon tu passes à travers, ni trop petit sinon t’es pas bien installé. Après à toi de voir comment faire pour qu’il ne se casse pas la figure pendant que toi- toi-même tu essaies de rester en équilibre sur le bateau gité, tout en faisant tes petites affaires et en te rhabillant. Tout un programme. Finalement la vie, c’est tout un ensemble de petits bonheurs simples comme réussir à vider son seau par dessus bord sans en avoir mis une seule goutte à côté et sans se casser la figure… Les gars, sachez que je vous envie votre ensemble 3 pièces. J’ai personnellement testé le pisse- debout pour les filles et je préfère la technique du seau… plus efficace et moins « accidentogène » haha !

Sur ces réflexions philosophiques, je vous dis à demain en espérant annoncer plus que 75 milles nautiques en 24h. Sinon ça va me prendre encore 4 jours pour rejoindre le niveau des Galapagos…

Jour 8 – 31/07/2019 – 19h00 UTC

Position 03°35.891N – 85°35.988W
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Distance totale depuis le départ = 624 NM dont 91 NM sur les dernières 24h. Largement mieux qu’hier et qu’avant-hier même si ce n’est pas encore la panacée.

Je suis officiellement dans la zone UTC-6. J’ai donc reculé ma montre d’une heure. Y en aura encore quelques-uns des changements d’horaire d’ici mon arrivée…

En tout cas, ça y est, les chevaux sont lâchés depuis le milieu de la nuit. C’était vraiment comme si soudainement la quille, comme enlisée, s’était soudainement libérée ou que ce qui semblait retenir ou peser sur la quille avait soudain lâché prise. Je faisais du 2 à 3 noeuds depuis un bout de temps et soudain, le bateau a commencé à vraiment accélérer. Libération ! Yahooooouuuuu ! J’ai enfin un bateau qui avance à une allure raisonnable entre 4 et 5 noeuds voire un peu plus parfois. J’ai donc creusé l’écart entre Kevin, mon pote de galères sud-africain, et moi. Il est à 215 NM, toujours en pleine ZIC et sans possibilité d’utiliser son moteur car son démarreur a cramé. Du coup, cette nuit, son bateau a dérivé vers le nord quand il tentait pourtant si fort de faire du sud… et ce après une journée complète sous la pluie… Qui est-ce qui a dit que le bateau c’est de tout repos ?
Son nouveau plan d’action est de tenter de rallier les Galapagos pour réparer ou éventuellement d’attendre les Marquises. Il réfléchit encore.

Nuit longue. Réveils toutes les 20 mn puis 30 puis 45 mn… J’avoue que depuis que j’ai traversé le rail de cargos il y a quelques jours, je n’ai croisé que 2 autres cargos de très très loin. Seul mon AIS me l’a signalé. Trop loins pour les voir de visu. Pas un seul bateau de pêche. Pas un seul filet. Pas un seul container perdu flottant entre 2 eaux. Pas un seul tronc d’arbre (quelques branches parfois grosses quand même dans le golfe de Panama). Tant mieux : pourvu que ça dure. Du coup, la motivation pour me réveiller toutes les 20 mn n’est pas vraiment là…

20 mn c’est le temps nécessaire pour un cargo avançant à 20 noeuds d’avancer de 6.33 milles dans ma direction. A 6 NM, de nuit, le feu de tête de mât indiquant un navire faisant route au moteur se voit. Au-delà, on ne le voit pas. Les feux rouges et verts indiquant si l’on voit le côté bâbord ou tribord n’ont, eux, qu’une portée de 2 NM. Vous comprenez donc l’importance de faire très fréquemment des tours d’horizon ? Tu vas te reposer après t’être assurée de ne pas voir de feux indiquant un navire près de toi, tu te réveilles et baaam : la proue d’un énorme cargo juste devant toi !!!

Mais imaginez aussi la fatigue qu’engendre se réveiller toutes les 20 mn. Et se rendormir promptement pour ne gâcher aucune de ces précieuses 20 mn de sommeil… Vous comprenez aussi qu’en l’absence – a priori – d’obstacles, on soit tenté de rallonger ces siestes. AIS en veille, je m’y autorise, je l’avoue de plus en plus pour récupérer. En plus, avec le temps couvert que j’ai depuis le départ, c’est la nuit noire dehors alors même bien éveillée, impossible de repérer un obstacle flottant qui n’aurait pas de feu visible : un tronc ?!? Un filet etc… si je dois passer dessus de nuit, je ne pourrais pas l’éviter de toute manière…

J’avoue que le temps passe doucement. Je découvre seulement – je sais, j’ai du retard – la série « Buck Rogers ». Ça occupe. C’est vieux mais c’est drôle et ça marche même en 2019 ! En tout cas sur moi. En même temps, c’est de ma génération, c’est sûrement pour ça que je trouve ça drôle. Pas sûre que quelqu’un né en 2000 trouve ça super intéressant. Quoique : coincé sur une coquille de noix au milieu du Pacifique, tu trouves tout super intéressant rien que pour t’occuper…

Et sinon je lis pas mal. Je viens de terminer « Le trésor de Jean » de Régis d’Isarn de Villefort, un véritable Indiana Jones des temps modernes, un archéologue à la recherche de trésors engloutis et aussi écrivain, un très bon écrivain ! J’étais à fond dans l’histoire. Et je suis en train de finir de dévorer son deuxième livre « L’affaire Panama ». Trop drôle d’avoir rencontré ce gars à Panama grâce à Bryan, notre pote commun. Lui, Régis me connaissait via le forum Hisse et Oh et moi, Bryan me parlait de son pote, aventurier et chercheur de trésor. Très sympa, lorsqu’on s’est enfin rencontré, il m’a offert ses bouquins pour passer le temps pendant la Transpacifique et bien franchement merci ! Super moment de lecture ! C’est palpitant, ça bouge, c’est plein de rebondissements, ça parle de cartes au trésor, de recherches scientifiques, de criminels, de narcos, de sous-marin, du Panama et de son canal. On apprend plein choses tout en étant hypnotisé par le récit. Bref, j’adore et j’ai de bonnes leçons à prendre de lui pour un jour espérer pouvoir écrire comme lui !

PS : pour répondre à un commentaire précédent qui demandait si on pouvait acheter mon livre au Canada, la réponse est oui sur Amazon.com dans le monde entier en numérique ou en papier, sur Amazon.fr en France et aussi sur Apple books et Kobo. Il suffit de taper mon nom et le nom du bouquin pour le trouver : Diane JULLICH Il était un petit navire.

PS2 : aucune idée de la maison d’édition de Régis d’Isarn de Villefort mais n’hésitez pas à vous y intéresser, ça veut le détour.

Jour 9 – 01/08/2019 – 19h00 UTC

Position 03°19.811N – 087°19.418W
Jour 9

Distance totale depuis le départ = 729 NM dont 105 NM sur les dernières 24h. C’est de mieux en mieux !
Encore 200 milles nautiques et je serais au-dessus des Galapagos. Après, ce sera du tout droit ou presque vers les Marquises.

Hier soir, devinez qui j’ai vu revenir sur le balcon avant ? Mon petit couple de fous ! Oui, oui ! Les fous sont de retour et franchement j’étais juste heureuse de partager mon petit esquif avec d’autres êtres vivants même si on ne parle pas le même langage.

Eux, je les entends parler entre eux. Y en a un qui discute plus que l’autre. Dans le genre « couac-couac, pouet-pouet » (ouais, je sais, j’ai un don pour reproduire à l’écrit le cri des animaux). C’est sûrement pour s’excuser d’avoir encore atterri sur la tête de l’autre en visant une petite place entre lui et mon génois. Faut dire que maintenant que j’avance bien, ça rajoute à la difficulté de l’exercice, c’est sûr… ou alors il est en train de lui dire de la fermer parce qu’il n’a pas fait exprès ? (j’ai que ça à faire d’imaginer leur dialogue… ça m’occupe un peu). Bref, j’espère qu’ils vont rester un peu. A chaque tour d’horizon et check du réglage des voiles, je balance un rapide coup de frontale côté balcon pour vérifier leur présence.

Depuis le milieu de la nuit, y en a plus qu’un. Une nouvelle dispute familiale ? « J’te quitte, j’en ai ras le bol que tu m’atterrisses dessus à chaque fois. T’en fais exprès ! » ou « Ce calamar, il était pour moi, tu m’l’as piqué, je ne te le pardonnerai jamais » ou « J’en ai marre de me faire rincer à chaque vague, ton plan pour voyager sans se fatiguer est vraiment nul, j’me casse ».

Vivement que je puisse parler de vive voix avec quelqu’un parce que bientôt je vais vous pondre des romans sur ce que se racontent les oiseaux qui m’entourent. Vu que, quand je les trouve, les calamars et les poissons volants sont déjà morts, c’est quand même vachement plus dur d’improviser un dialogue avec eux, restons un minimum cohérent

Côté Kevin, mon pote de galères maritimes, cette nuit, c’était la déprime. Le moteur de son démarreur a cramé et il était en pleine pétole. A 2h du matin, il finissait son deuxième 360 degrés à cause des courants et de l’absence de vent… bonjour le moral… Et en dehors de l’utilité du moteur pour se dégager de zone sans vent, lui, il en a régulièrement besoin pour recharger ses batteries. Donc à partir de maintenant il a deux choix : soit s’arrêter aux Galapagos mais il vient d’apprendre qu’un arrêt d’urgence là-bas ça coûte 1.000 dollars (et ensuite il faut réussir à obtenir la pièce rapidement sinon tu rajoutes un billet je pense), soit faire sans jusqu’aux Marquises mais ça suppose revoir sa conso électrique pour réussir à tenir avec ses panneaux solaires et son éolienne essentiellement + recours ponctuel à son générateur pour lequel il a 40 litres d’essence. Et je sais que sur le chantier, il mettait tous les soirs, par nécessité, le générateur en route pendant 1 heure. Ne pas pouvoir recharger ses batteries, ça signifie plus assez d’électricité pour alimenter le frigo, le pilote automatique, les instruments de nav etc…

Perso, ce que je consomme dans la nuit (on parle d’ampères-heure), je le récupère en journée grâce à mes panneaux solaires essentiellement et un tout petit peu grâce à mon éolienne. Suffit d’un peu de soleil. Même un temps gris clair, ça suffit. Heureusement d’ailleurs parce que j’ai eu essentiellement du temps normand depuis le départ !

Cette nuit, je crois que c’est la première fois où j’ai pu voir les étoiles pendant un petit bout de temps avant que ça se recouvre… encore…
J’ai envie de voir du soleil ! Que le jour se lève sur un ciel dégagé. Ça changerait… Même si les paysages avec tous ces nuages de forme et de couleur différentes reste magnifique.

Et j’ai aussi envie d’arrêter de me faire secouer comme un prunier. Pouvoir me faire un café tranquillement sans faire super gaffe à bien renverser l’eau chaude dans mon gobelet et pas sur ma main à cause des mouvements incessants du bateau. Pouvoir faire cuire un truc sans voir le couvercle voler 3 fois dans le bateau.

Depuis ce matin, j’ai l’impression qu’un géant prend le bateau par le mât et le secoue dans tous les sens de manière incontrôlée pour tenter de me faire gerber. Vraiment… et puis une fois de temps en temps, tu as le gros SPLASHHH d’une vague plus traitre que les autres qui éclate sur la coque et inonde tout le cockpit. Comme ça… sans prévenir… j’ai de la chance pour le moment : ça c’est toujours produit quand j’étais à l’intérieur mais je vais m’en prendre une à un moment, y a de bonnes chances… faut être réaliste…

Étonnamment, depuis que je suis partie, je n’ai pas ressentie la moindre nausée. Et pourtant après un mois à terre, j’étais sûre que les premières heures ou journées seraient difficiles. Et bien pas du tout. Sûrement que le fait de se savoir seule à devoir tout gérer quoi qu’il arrive joue dans mon cas : j’ai pas le choix et mon cerveau semble l’avoir bien imprimé. Tant mieux.

C’est vrai que la route est longue…

Jour ‪10 – 02/08/2019‬ – 19h00 UTC

Position 03°08.388N – 88°47.602W
Jour 10.jpg

Distance totale depuis le départ = 859 NM dont 130 NM sur les dernières 24h. Ça a dépoté cette nuit !!! Mais pas sur une ligne droite parfaite du coup j’ai pas avancé d’autant dans la bonne direction. Mais c’est le genre de chiffre qui fait plaisir : 130 NM soit 5.41 noeuds de vitesse moyenne.

Cette nuit, c’était LA nuit durant laquelle Rick m’a gonflée. Vous vous souvenez de Rick ? Mon autopilote ? Surnommé ainsi parce qu’il faut tout le temps « riiiiiiiick – riiiiiiiiick » (oui, je sais, je décris très bien à l’écrit les bruits de grincements, j’ai le même don que pour les bruits d’oiseaux). Rappelez- vous, je vous l’avais présenté durant ma traversée de la mer des Caraïbes….
Ben, ce pauvre Rick – de la famille des SPX5 de chez Raymarine – s’est pris beaucoup de pluie sur la tronche depuis le départ et pas mal de paquets de mer. La houle un peu tordue que j’ai en ce moment et qui me rend folle ainsi que le vent capricieux lui en ont beaucoup demandé également… alors hier soir, il s’est révolté et a tenté de se mettre en grève plusieurs fois…
A chaque fois que l’alarme sonnait, c’était pile poil quand je tentais de m’assoupir un peu. Et baaam ! Alarme. Donc, moi, normal : je bondis de ma couchette pour le mettre en standby, saisir la télécommande et bondir dehors, tout ça en petite culotte forcément parce que j’ai pas pris le temps de m’habiller… alors que 5 mn avant, j’avais la salopette qui va bien avec la petite veste pour rester bien sèche dessous. Résultat des courses : tu remets en route ton autopilote, t’as le cul trempé (vu qu’il pleuviote comme presque chaque soir et que les bancs sont trempés) et tu repars tenter de dormir un peu à l’intérieur. Trois fois hier soir, il me l’a fait…
A un moment, warrior, je me suis dis « Vas y ! Dégaine ta canette de red bull et si Rick ne peut pas le faire, toi, tu vas le faire, et tu vas montrer à la machine que l’homme fera toujours mieux ! ». Ben… en fait non… De nuit, tu ne vois rien de la houle qui t’arrive dessus, le vent est irrégulier en puissance et en direction. Du coup, tu passes ton temps la frontale allumée pour voir si tes voiles sont gonflées ou non. Zéro sensation dans la barre pour t’aider car t’es dans une sorte de bain à remous et ça fausse toute sensation à la barre. Bref, après 20 mn, j’ai décidé que Rick ne faisait pas un si mauvais job après tout. Alors je l’ai réembauché. Et ‪à minuit‬, il a décidé de déclarer forfait… comme ça, tout d’un coup…
Donc re-réveil en sursaut pour saisir mon autopilote de secours, un ST2000+, toujours de chez Raymarine et toujours pas baptisé (vu que lui ne fait pas de bruit mais qu’il est beaucoup moins fiable dans la durée que le SPX5 : on verra s’il m’inspire). Débrancher Rick. Brancher sur une autre prise Jane Doe (en attendant son surnom). Trouver un sac plastique dans lequel l’envelopper car j’en ai vu plusieurs mourir devant mes yeux à cause de l’humidité. Trouver du scotch pour empaqueter le bordel… retrouver le bon cap et aller se recoucher… bref j’ai eu une nuit agitée…

Et ce matin, c’est le GPS de mon IPad Air sur lequel j’ai aussi Navionics, mon programme de navigation et Weather4dpro pour la météo qui refuse de fonctionner… or toutes ces applications fonctionnent notamment grâce à ce GPS. Tout comme l’application qui me permet de savoir quand un satellite passe sur ma zone et m’autorise à envoyer ou charger mes mails via iridium go… sinon je peux passer une heure à appuyer sur les boutons sans que rien ne se passe… bref, j’ai essayé d’éteindre et de rallumer l’iPad sans que cela ne change rien. J’ai tenté de le charger à 100% sur le secteur avant d’éteindre et rallumer, j’ai fait « réinitialiser localisation et confidentialité » et toujours pas de GPS… si quelqu’un a une idée, c’est le moment ! Heureusement que j’ai OpenCpn un autre logiciel de nav sur un ordinateur portable… mais j’aime bien utiliser l’iPad qui est plus pratique et surtout c’était mon seul moyen de télécharger la météo en la superposant à ma
trajectoire…

Vu cette défaite avec l’électronique de bord, j’ai pris toute la matinée pour oser vérifier que c’était juste le fusible qui avait pété pour Rick et heureusement c’était bien le cas. Gros oufffff de soulagement car c’est LE pilote le plus fiable pour moi. Le ST2000+, c’est vraiment pour dépanner ou sur du court trajet.

J’ai donc décidé de passer au régulateur d’allure pour économiser mes pilotes électriques qui prennent cher. Pour ça, il a fallu que je passe par dessus bord pour mettre la pale dans l’eau. J’étais tellement crispée à l’idée de lâcher prise, même attachée, que je me suis bloquée le genou gauche sur un mouvement. J’ai encore un peu mal mais tout va bien maintenant. N’empêche que j’ai réalisé que s’il m’arrive un truc qui m’handicape physiquement, c’est chaud les marrons… je m’impressionne d’être restée la tête froide, à me masser le genou jusqu’à ce que je récupère une amplitude de mouvement suffisante. Ensuite, j’ai fini de mettre en place le reste des éléments nécessaire au bon fonctionnement du régulateur. Idem, suis restée hyper calme quand j’ai cherché dans tout le bateau un de ces petits éléments jusqu’à ce que je me rappelle l’avoir placé dans le sac où je stocke mes manivelles de winch dans le cockpit. Ça m’est revenu en mémoire pendant que, de déception, je grignotais un paquet de chips en réfléchissant. Et enfin ! J’ai pu le mettre en route nickel chrome ! La dernière fois que je l’avais utilisé, ça doit faire plus d’un an je pense… ça marche juste avec le vent, ça consomme zéro électricité et c’est silencieux. Ne reste plus qu’à le baptiser quand j’aurais l’inspiration.

Le fonds de l’air est frais par ici je trouve. J’ai hâte d’avoir du soleil toute la journée et des nuits claires et dégagées. Ça n’a été le cas que quelques heures cette nuit et ce matin. Ça me manque un peu la chaleur.
Pourvu que ça s’améliore vite tout ça… toute la nuit, j’ai eu l’impression d’être dans un gros chaudron avec des bulles qui parfois éclatent contre la coque du bateau créant une explosion d’eau au-dessus, parfois le bateau est comme projeté en l’air et retombe dans le creux d’une vague dans un énorme bruit : baaaaaaam ! C’est horrible. Et je suis coincé dedans depuis plusieurs jours. Vraiment mais vraiment dur pour le moral… et là j’ai pas le choix que de continuer en espérant trouver mieux plus loin… et vite SVP !

Et sinon pour la petite histoire : trahison !! Le couple de fous a réapparu sur le bateau de Kevin 200 milles, soit 371 km, derrière moi. A moins que ce ne soit des cousins à eux ? Je ne maîtrise pas bien la vitesse de déplacement d’un fou volant… En tout cas, mon balcon semble bien vide maintenant…

PS : si quelqu’un a une idée pour mon iPad air wifi+cellular, dites là moi svp ! Comment faire pour que son GPS interne refonctionne sans tout réinitialiser (sinon je perds mes applications) ?

Jour ‪11 – 03/08/2019‬ – 19h00 UTC

Position 02°45.171N – 090°16.069W
Jour 11.jpg

Distance totale depuis le départ = 977 NM dont 118 NM sur les dernières 24h. Ça continue sur un bon rythme et cette fois-ci en ligne droite.

Pour la 2ème nuit consécutive, j’ai enfin pu voir la Voie lactée et les étoiles clairement pendant quelques temps avant que de nouveaux les nuages assombrissent l’horizon. Il paraît que ce temps gris constant ou presque est lié au courant froid de Humboldt en conflit avec l’air chaud tropical. Je découvre !

Les nuits sont fraîches et c’est plutôt vivifiant. Ça aide à se réveiller plus rapidement à chaque tour d’horizon et de réglage de voiles. Parce que parfois, j’ai quand même du mal à décoller les deux paupières. Ma dernière nuit de 8h ininterrompues de sommeil date !

Mon régulateur d’allure tient parfaitement bien son rôle. Les petits ajustements faits sur Panama portent leurs fruits. Merci pour ton aide Bryan !

Cette nuit, je franchirai le cap symbolique de 1.000 milles nautiques parcourus d’une traite et en solo (1.852 kilomètres). Auparavant, ma plus longue expérience solo, c’était 45 heures entre Grenade et la Martinique. Finalement, le plus dur, c’est de prendre la décision de se lancer. Il faut se sentir prête dans sa tête, sentir qu’on connaît suffisamment son bateau pour pallier à la plupart des difficultés qu’on pourrait rencontrer et se faire confiance. Le reste suit, a priori…

Il ne me reste « plus » que 3 fois cette distance à faire, soit 3.000 milles, c’est-à-dire 5.556 kilomètres, pour atteindre les Marquises. Une pécadille !

Jour 12 – 04/08/2019 – 19h00 UTC

Position 01°58.365 N – 091°58.033 W
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Distance totale depuis le départ = 1.101 NM dont 124 NM sur les dernières 24h soit 5.17 noeuds en moyenne. Pas mal !

J’ai franchi le palier de mes 1.000 premiers milles nautiques solo à 00h56 UTC soit 18h56 en heure locale, en pleine nuit. Rien de spécial pour l’occasion. J’ai juste fini mon plat riz-sauce tomate-petites saucisses coupées en morceau-fromage arrosé d’un coup d’eau du robinet de Panama. Et tout ça dans la casserole pour avoir moins de vaisselle, la frontale sur la tête… oui, je sais ma vie fait rêver…

Je n’ai rien bu à l’occasion car je préfère ne pas boire d’alcool en nav mais je ferai une petite exception pour le passage de l’Equateur, c’est certain ! Enfin à voir à quel heure je le passe… c’est sûr qu’une gorgée de rhum comme ça à 5h du matin, ça peut être un peu dur à faire passer.

Le vent a tourné de presque 30 degrés au cours de la nuit m’autorisant à gagner un peu de terrain vers le sud. Depuis la levée du jour, j’ai repris une route au 240 histoire, normale notamment de passer bien au dessus des minuscules îles (ou bouts de rochers ?) de Darwin et de Wolf. Bien au nord et très éloignées des principales îles des Galapagos. Franchement, si tu n’utilises pas de carte papier pour préparer ta nav et que tu ne zoomes pas assez sur ta carte électronique, tu ne les vois pas et tu es susceptible de te faire une grosse frayeur en passant trop près.

Depuis les 2 cargos croisés peu après que j’ai dépassé le rail de cargos à la sortie de la baie de Panama, c’est la première fois que j’ai des cibles AIS sur l’écran. Toutes autour des îles principales des Galapagos sauf une sur la minuscule île de Darwin : « Jesus del gran poder » un navire de passagers. C’est donc qu’il doit y avoir des trucs à voir là bas malgré la petitesse de l’île… curieuse de regarder sur Google earth à quoi ça ressemble…

Avec le courant favorable qui me pousse, je me fais des pointes à 6-7 noeuds ! Ça dépote !

Effectivement pour ma route, je dispose des meilleurs conseils possibles, ne vous inquiétez pas. Et ça fait du bien de se savoir bien épaulée. Ça soulage d’un gros poids. Je n’ai plus qu’à faire avancer le bateau en tentant de ne rien casser.

Par contre, du côté de Kevin, mon pote de galères comme je m’appelle, encore 175 milles derrière moi, il hésite toujours à s’arrêter ou non aux Galapagos.
S’il s’arrête, ça lui coûte 1.018 dollars qu’il devra débourser avant même de mettre pied à terre et de savoir si le mécano local pourra l’aider ou non. Sinon il devra faire venir la pièce d’Equateur – si elle est disponible. Et s’il doit attendre plus de 15 jours pour l’avoir, ce sera un nouveau billet à poser pour rester aux Galapagos. Pas donné hein les Galapagos ? Et ça, c’est le prix pour 15 jours sur une seule des îles. Si vous voulez en faire plusieurs, c’est plus cher.
S’il continue, il doit trouver une solution pour trouver un nouveau démarreur en Polynésie ou ailleurs et le faire livrer aux Marquises.
Le problème, c’est qu’il a besoin de son moteur normalement pour avoir assez d’énergie à bord de son voilier tous les jours. Donc, s’il prend la décision de continuer sans s’arrêter aux Galapagos, il devra jongler entre son frigo, son pilote automatique et ses instruments de bord pour ne pas consommer plus d’ampères-heure que ses panneaux solaires et son éolienne ne peuvent reconstituer.
Bref… choix cornélien…
Mon frère aura posté avant celui-ci un autre message sur mon profil mentionnant le numéro de la pièce recherchée ainsi qu’une pièce similaire. S’il y a un distributeur à Tahiti que vous pouvez appeler pour moi (enfin pour Kevin) pour savoir combien coûte la pièce, si elle est disponible et fournir une adresse mail qu’il serait possible d’utiliser pour contacter ce fournisseur, commentez l’autre message svp !
Pour info, la pièce recherchée est la suivante : Bosch Starter part number Bosch 1107078 OU la pièce équivalente suivante : Volvo penta D@-40 B part number 3803904 Starter motor.

Quant à mon IPad, le GPS refuse toujours de fonctionner. Je tenterai une restauration une fois aux Marquises. J’ai trop peur de perdre des applications importantes durant le procédé si je le fais en pleine mer…

Jour 13 – 05/08/2019 – 19h00 UTC

Position 01°03.005 N – 093°49.609 W
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Distance totale depuis le départ = 1.252 NM dont 151 NM sur les dernières 24h soit 6.29 noeuds en moyenne. Pas mal du tout ! Pas sûre d’avoir déjà fait autant de distance sur 24h jusqu’à présent (depuis l’achat de Nautigirl je veux dire)… Merci le courant ultra favorable ! On va essayer d’en profiter le plus longtemps possible.

Mon régulateur d’allure assure trop ! Il mérite un nom. Ce sera Hercule ! Hercule le régul (vous voyez mon petit côté poète) ? Parce ce qu’il est aussi fort qu’Hercule face à ses travaux.

Au moment du point d’hier, je franchissais la longitude la plus à l’ouest des Galapagos. J’ai vu de loin l’île Darwin. Bien plus grosse que ce que j’imaginais à voir sa taille sur la carte papier ! Finalement, même en pleine nuit, pas de souci, tu peux pas foncer dessus sans la voir. Impossible !

Désormais, le but, c’est de rejoindre le plus vite possible l’Equateur puis les alizés.

Et justement concernant le passage de l’équateur, pour ceux qui l’ont fait, comment avez- vous fêté l’événement ? Avez-vous suivi la tradition ?

Depuis quelques jours, le fond de l’air est frais, très frais : j’ai froid. La nuit, c’est pantalon et sweat obligatoires. J’aurais bien rajouté les chaussettes mais c’est un truc à se vautrer par terre à chaque quart. Déjà que pieds nus, je glisse sur mes planchers, je n’ose même pas imaginer en chaussettes. A quand des planchers – jolis certes – mais surtout antidérapants ? Histoire d’éviter de se la jouer à la Mickaël Jackson à chaque coup de gite, debout dans le bateau ?

Cette nuit, enfin, j’ai eu le droit à un champ d’étoiles au dessus de ma tête. C’est la première fois depuis que je suis partie que le ciel était presque complètement dégagé. Jusqu’à présent, je n’avais le droit qu’à de petites percées. Ça a duré quelques heures et le temps grisâtre et nuageux a repris sa place. J’en oublierai presque ce qu’est un grand ciel bleu…

J’ai cru avoir un nouveau visiteur cette nuit quand allongée dans le carré, regardant vers l’arrière du bateau, j’ai soudain vu un mouvement près de mon panneau solaire. Frontale allumée, j’ai réalisé que c’était un oiseau blanc qui a semblé hésiter un long moment à se poser sur les panneaux avant de s’éloigner gêné par la lumière sans doute. Je l’ai revu plus tard volant devant le génois, un oeil sur le balcon avant me semblait-il. Et puis finalement il a disparu. Pour de bon. Dommage. J’aurais bien partagé un bout de trajet.

Hier après midi, j’ai épongé pour la 2e fois l’eau à l’avant liée à l’infiltration d’eau par les vis de mon rail de fargue ou par ma baille à mouillage. J’hésite en fait sur la cause. Sur un 28 pieds, va trouver de la place pour déplacer et stocker des affaires mouillées de la pointe avant vers euh… ailleurs… tout en ayant encore assez de place pour te déplacer et t’allonger quelque part……
Bref, de l’eau avait coulé à l’intérieur du coffre avant. Forcément, à chaque virement de bord, l’eau qu’il y avait sur le côté a glissé tranquillement vers l’autre côté et sur sa route, y avait la trappe de visite non étanche… A l’intérieur un vieux spi symétrique qu’on m’a donné + 2 ou 3 autres petites affaires étaient bien trempées. Mes ailes de kite, elles, ne sont que légèrement humides ouffff… bref, j’ai tout sorti. Tout épongé. J’ai laissé respirer le coffre ouvert toute la nuit. Et j’essaie de trouver comment faire sécher les affaires mouillées sur un bateau constamment gité et déjà bien encombré…
Une vraie partie de plaisir ce Tétris grandeur nature…

A me voir m’agiter comme ça dans la pointe avant, avec le bateau qui tape, sans ressentir la moindre envie de gerber, je m’impressionne. Normalement je suis sensible à ce genre de chose. J’ai le mal des transports facilement si je ne conduis pas. Bah a priori en bateau, le fait d’être seule à bord pour une longue période semble plutôt avoir une influence très bénéfique sur mon oreille interne. Surprenant ! Mais c’est tant mieux et je ne vais pas me plaindre ! Pourvu que ça dure !

Depuis ce matin, je pense à m’ouvrir une de mes conserves faites maison. Genre mon petit boeuf bourguignon cuisiné avec amour en Martinique avant de partir. Normalement, j’ai respecté tout le protocole pour ne pas mourir emprisonnée mais depuis que j’ai lu un article sur la toxine botullique, j’hésite… Elle est sans goût, sans odeur et elle n’a pas besoin d’air pour se développer. Les symptômes ? Oh rien de méchant : elle te paralyse ?!?!! Bon… je crois que je vais quand même me l’ouvrir ma conserve… et tenter de me faire confiance… Franchement, ce serait trop con de mourir seule en pleine mer à cause d’un boeuf bourguignon mal préparé hein ? A quelques milles de l’Equateur en plus…

PS : merci à tous pour votre aide concernant le démarreur de Kevin. Je lui ai transmis vos propositions et contacts par iridium. A priori, il a décidé de continuer vers les Marquises sans moteur en se débrouillant pour réduire drastiquement sa consommation électrique.

Jour 14 – 06/08/2019 – 19h00 UTC

Position 00°12.929 S – 095°27.095 W
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Vous avez remarqué le S au lieu du N dans ma latitude ? Oui, oui j’ai traversé l’Equateur ce matin ! Hourra ! Encore une grosse étape franchie !

Distance totale depuis le départ = 1.409 NM dont 158 NM sur les dernières 24h soit 6.55 nœuds en moyenne. C’est encore mieux d’hier. Incroyable ! J’ai presque l’impression d’être sur un bateau de compétition ! C’est mon record personnel sur Nautigirl. Merci le courant ultra favorable encore une fois ! Là, on sent bien qu’il est moins présent et le vent est plus faible, mais on va tenter de tirer le meilleur des conditions !

En tout cas, hier après-midi, je me suis fait un petit plaisir avec une conserve faite maison. Tout va bien. Suis encore vivante. Pas de toxine botullique dans celle-ci. Ou alors ça a un effet à retardement.
Mon boeuf aux oignons étant – a priori – rangé tout au fond, j’ai reporté mon choix sur une conserve accessible. Ce fut « boeuf aux oignons ». Le seul plat pour lequel j’ai triché car celui là vient d’un restau chinois. Le 999 au Marin en Martinique. D’ailleurs si quelqu’un peut les rassurer et leur dire que oui le processus de conserve en bocal de verre permet bien de déguster leur plat plusieurs mois après, ce serait sympa. La nana de la caisse a halluciné lorsqu’elle m’a vu débarquer avec ma cocotte minute au mois de mars pour embarquer du boeuf aux oignons à mettre en conserve. Je lui ai expliqué le principe et elle ne m’a pas cru. Mais le résultat est là : son plat cuisiné courant mars a été mangé en août et la cliente est toujours en bonne santé (a priori).

Boeuf aux oignons et riz : un délice pour le déjeuner, le dîner et le déjeuner suivant… ben oui, en mer on ne gâche pas et vu que j’avais préparé des conserves pour 2, ben ça me fait plusieurs repas de suite… un peu monotone mais vu la galère que c’est de cuisiner sur un bateau en mouvement, c’est aussi bien.

Toute la nuit, j’ai eu le droit à un magnifique ciel étoilé digne d’un planétarium. Enfin, un ciel dégagé de tout nuages !

A 4h42, mon alarme AIS me signale le 1er cargo depuis plus de 10 jours. Il passera à 5NM de moi. J’ai veillé le temps qu’il passe et qu’il s’éloigne. Un gros bébé de 300 mètres. Là, t’es bien contente d’avoir l’AIS qui te transmet toutes les infos nécessaires : sa vitesse, son cap, à quelle distance minimum il passera de toi… Parce que je sais pas si c’est ma vie qui baisse, la presbytie ou je ne sais quoi d’autres, mais qu’est ce que j’ai du mal de loin à distinguer clairement si c’est rouge (côté bâbord) ou vert (côté tribord)…

Ensuite, j’ai téléchargé mes mails sur mon iridium go tout ça pour lire un message urgent d’un pote disant que je suis tout proche de la zone où se situe d’une bouée météo type Atlas n°32321 qui fait plusieurs tonnes… je regarde sur Open Cpn, sur Navionics et sur ma carte papier : rien de signalé ! Ben là, du coup ça finit de te réveiller… Surtout quand tu apprends qu’elle fait 6 ou 7 m de haut… j’ai compté les minutes croyez moi qui me séparaient du lever du soleil… j’allais à 5 noeuds et plus et franchement, de nuit, j’avais beau scruter l’horizon, pas sûre que j’aurais pu l’éviter si j’avais été sur sa trajectoire… bref, me suis fait une petite frayeur ce matin…

Et à 7h56 heure locale, soit 13h56 UTC, je passais l’Equateur ! Pour l’occasion, Mac mon équipier en peluche s’est fait le porte-parole de Neptune. Vu qu’il ne peut pas parler, il avait rédigé un petit courrier à lire à haute voix expliquant ce qu’il attendait de moi. C’est ainsi que je me suis vue baptisée par Neptune après avoir vidé un seau d’eau de mer sur moi par une température extérieure de 21 degrés SVP ! Imaginez la température de l’eau… Forcément, quitte à être mouillée, j’en ai profité pour prendre une douche. J’avais quand même prévu une bouteille d’eau chaude pour me rincer et me réchauffer. Faudrait pas que je tombe malade non plus…
Et à 8h10 du matin, j’ai donc trinqué au rhum avec Neptune et Mac… Ça, c’est fait !! Ça aurait pu être pire… ça aurait pu être à 5h du matin… là, de nuit, ça aurait eu encore plus de mal à passer… quoique avec du sucre et du citron façon ti-punch, c’était pas dégueu !

Toute la journée : temps superbe, ciel bleu, houle calme et longue, vent faible mais courant favorable : j’en ai profité pour bricoler un truc à l’avant pour mon infiltration d’eau. On verra si c’est mieux ou non

Désormais, c’est presque une ligne droite vers les Marquises. Je descends encore une chouilla vers le 2°S et ensuite plein ouest !

PS : au fait, merci Jacopo pour les biscuits ! J’ai ouvert la boîte aujourd’hui pour le passage de l’Equateur, comme tu me l’avais demandé. Très bons !! Miam-miammmmm !

Jour 15 – 07/08/2019 – 19h00 UTC

Position 01°08.612 S – 097°01.054 W
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Distance totale depuis le départ = 1.520 NM dont 111 NM sur les dernières 24h soit 4.63 noeuds en moyenne. Fini la moyenne de fou des dernières jours. Retour à des vitesses « normales ». Dommage. Je commençais à m’habituer à filer comme une fusée !

Après avoir passé l’Equateur, j’ai pu profiter d’une vraie bonne journée de « pause » dans ce voyage. Ciel bleu et dégagé. Grand soleil. Un fond d’air un peu frais mais vivifiant. Vent faible mais vitesse satisfaisante grâce au petit courant favorable. Une mer calme : de grosses ondulations qui se remarquaient à peine. Bref une journée à faire aimer le bateau même aux plus réticents ! J’en ai profité pour me reposer à fond.

Depuis cette nuit, c’est reparti avec une houle un peu désordonnée parfois. De nouveau, je dois m’accrocher à tout ce qui m’entoure pour garder l’équilibre. Ça, ça ne me manquait pas.

Kevin, mon pote sud-africain, est sur mes talons et me rattrape un peu plus tous les jours. On s’envoie régulièrement nos positions et j’avoue être un peu verte de voir que tranquillement il se rapproche. Je m’y attendais. Je sais que son bateau est plus rapide que le mien mais quand même… Je fais ce que je peux pour avancer aussi vite que possible mais quand il m’annonce faire 8.5 noeuds depuis 2 jours grâce au vent et au courant dont il bénéficie, je vois bien qu’on ne joue pas dans la même catégorie. Jamais de la vie, la carène de Nautigirl ne fera ça ! Sa vitesse max est de 6 noeuds environ, allez 6.5 noeuds pourquoi pas. Mais pas au-delà…. sniffffff. Ça donne envie ces chiffres quand même…

Direction 2°30S 100W et ensuite, un tout droit sur Hiva Oa où j’espère trouver un bon mécano pour mon moteur. Suffit de trouver la perle rare : le gars (ou la nana) avec le bon savoir faire. Si vous avez un nom, faites m’en profiter svp !

Environ 2.600 milles nautiques encore à parcourir. J’ai fait un tiers du trajet jusqu’à présent. Vous pouvez commencer à ouvrir les paris pour la date d’arrivée !

Jour 16 – 08/08/2019 – 19h00 UTC

Position 01°56.859 S – 098°54.480 W
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Distance totale depuis le départ = 1.647 NM dont 127 NM sur les dernières 24h, soit 5.3 nœuds en moyenne ce qui n’est vraiment pas mal du tout vu les conditions que j’ai eues. Merci le courant encore une fois.

La nuit a été tout simplement la pire que j’ai vécu jusqu’à présent. A chaque fois que je touchais aux voiles ou au régulateur d’allure, les conditions changeaient dans les 3 minutes qui suivaient. Incroyable ! J’avais à peine le temps de me peletonner sous ma couverture en essayant de couvrir mes petits pieds vu qu’il fait toujours super frais ici, qu’il fallait que je me relève… Ce petit jeu a duré jusqu’à 2h30 du matin… A cela, vous pouvez rajouter une houle de merde en plus du vent changeant et en direction, et en force. Bref, je suis fatiguée…

Ce matin, Kevin a, lui aussi, passé l’Equateur. Il a bénéficié de 2 jours avec une moyenne de 8 nœuds. Il est maintenant à 115 milles environ au-dessus de moi. On est quasiment sur la même longitude. Lui a pris une option de route plus Nord et plus directe. A priori, il a bénéficié de meilleurs courants mais il a subi aussi du plus mauvais temps que moi. Il semble maintenant qu’il soit pris dans une bulle sans vent qui va durer quelques jours, ce qui devrait le ralentir.
Quant à moi, j’ai eu du vent très faible toute la matinée et ça vient seulement de monter. Et je devrais bénéficier de bonnes conditions pour les prochains jours. A moi d’essayer d’en profiter le plus possible pour tenter de retarder le plus possible le moment où Kevin me dépassera. Un vague remake de David contre Goliath. Que les éléments me soient favorables pour compenser la taille de mon petit bateau et le profil de ma carène

PS : je n’ai pas reçu Fous le camp et sa compagne. Juste une petite visite ce matin d’un de leur cousin qui a fait une petite pause sur le panneau solaire.

Jour ‪17 – 09/08/2019‬ – 19h00 UTC

Position 02°43.399 S – 100°45.969 W
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Distance totale depuis le départ = 1.793 NM dont 146 NM sur les dernières 24h, soit 6.08 noeuds en moyenne.
Encore 2.350 milles nautiques avant les Marquises ! 40% d’effectués, 60% à parcourir encore…

Hier après-midi, après mon point journalier, j’ai eu le droit ‪à 1h‬ de bon vent, environ 15 noeuds, avant que ça ne se recasse la figure… malgré tout, la vitesse est restée bonne grâce au courant favorable. Ah ce courant… ce ne serait pas la même sans sa présence. Normalement entre 8 et 10 noeuds de vent, je suis très loin des 5 noeuds de vitesse…
Le vent n’est remonté que le lendemain dans la matinée. Toujours irrégulier… généralement 8-10 noeuds et puis ça monte jusqu’à 17-18 et ça redescend subitement. Pas facile les réglages de voiles dans ces conditions…

Toute la journée d’hier, j’ai attendu patiemment que mes batteries se rechargent à 100%. Mais rien n’y a fait… sur 35 Ampères heure qu’il me manquait, j’en ai récupéré seulement 10 environ… ok, le temps était grisâtre une bonne partie de la journée, mais quand même, ça me paraissait surprenant. ‪Vers 16h‬ heures locales, le soleil brillait enfin et j’ai décidé d’orienter un peu les panneaux vers lui et là ô horreur, ô damnation : je réalise qu’il y a un connard d’oiseau qui a chié tout ce qu’il pouvait sur l’intégralité des panneaux !!! Y en avait sur toute la surface !!!
Alors va te mettre sur la pointe des pieds sur le tableau arrière de ton bateau arrière qui gite, lui, pendant ce temps là, une main agrippée au portique, l’autre en train d’essayer de nettoyer le massacre avec un chiffon en microfibre…. en plus c’est que ça pue à mort le guano !!! M’en suit foutu partout… Obligée d’improviser pour nettoyer l’arrière des panneaux solaires beaucoup trop loin pour que je puisse passer la main. Je m’impressionne d’ailleurs de plus en plus quand je vois ma capacité à trouver des solutions de plus en plus rapidement : elle est loin la petite comptable qui ne savait rien faire de ses 10 doigts. J’ai attrapé la gaffe, attaché le chiffon mouillé dessus et m’en suis servie pour nettoyer la partie inatteignable autrement.
Après, va balancer un seau d’eau par dessus sans perdre l’équilibre : ben non, j’ai pas perdu l’équilibre, j’ai juste pas été assez rapide pour me mettre à l’abri des projections. Résultat : mes panneaux sont redevenus propres mais moi j’ai pué le poisson… L’occasion d’une nouvelle douche à l’eau propre cette fois-ci…
En tout cas maintenant : je les chasse moi les fous qui tentent de profiter de mes panneaux solaires !!! Ou je leur enfile un bouchon bien profond là où je pense, non mais !!!

Hier soir par contre, au coucher du soleil, magnifique moment avec un bon groupe de dauphins qui ont entouré le bateau. C’était pas des fans de gym genre « Je t’envoie des grosses pirouettes en l’air », plutôt des fans de glisse. On voyait juste leur dos rond apparaître dans la houle avec le bruit caractéristique de leur respiration, genre un tube qui se débouche « schloupppp » (voyez ce talent d’imitation des sons haha !). Bref un moment magique comme je les aime !!!

Au courant de la nuit, j’ai récupéré un énorme poisson volant sur le pont. Le plus balèze que j’ai vu sur mon bateau jusqu’à présent. Il aurait été parfait au BBQ je pense mais je l’ai remis à l’eau… ‪à 3h du matin‬, j’avais pas envie d’écailler du poiscaille…

Et sinon, petite frayeur ce matin avec mon iridium Go qui ne fonctionnait plus… ça signifiait rupture de contacts avec le continent hormis les 50 sms que je peux envoyer et/ou recevoir via mon In reach Garmin… c’était marqué « insérer carte SIM ». Ok, pas de panique : démonter la batterie, retirer et remettre la carte SIM qui pourtant fonctionnait très bien jusqu’à présent et rallumer le bordel… même message d’erreur…. ok je recommence. Rien d’anormal de visible sur la carte SIM. Alors, je me dis que ça ne doit pas faire assez « contact » donc, au dessus de la carte SIM et sous la batterie, j’ai glissé un petit morceau de papier plié en 4 comme j’ai déjà vu un pote le faire sur mon ancien téléphone satellite et ô miracle, ça a remarché ! Je me sens dans le peau de Mac Gyver… et ultra rassurée quand même de pouvoir recevoir ET donner des nouvelles. Seule petite inquiétude : l’appareil a buggé et il a fallu que je l’éteigne et le rallume pour qu’il
accepte de fonctionner normalement. Je croise les doigts pour, qu’à compter de maintenant, je n’ai plus de soucis…

PS : Au fait, j’ai oublié de préciser que je suis dans la zone UTC-7 depuis hier déjà. Du coup, j’ai repoussé à nouveau d’une heure tous les appareils de bord mentionnent l’heure locale. Wouhou ! Activité super passionnante : je suis sûre de faire des jaloux hein ! …

Jour ‪18 – 10/08/2019‬ – 19h00 UTC

Position 03°16.5490 S – 102°18.3140 W
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Distance totale depuis le départ = 1.893 NM dont 100 NM sur les dernières 24h, soit 4.18 noeuds en moyenne, ce qui est presque miraculeux compte tenu des conditions rencontrées sur cette période…

Grosse pétole hier après-midi et une bonne partie de la nuit avec 5 à 7 noeuds de vent. Du coup, j’ai sorti mon nouveau code D, un sorte de spi asymétrique, équipé d’un emmagasineur pour qu’il soit plus facile à gérer solo. Ça m’a permis de garder une vitesse raisonnable on va dire, mais pas formidable.
A la tombée de la nuit, j’ai préféré l’affaler et le ranger pour privilégier le génois tangonné bien plus facile à gérer en cas de coup de vent pour moi…
Déjà, je suis assez lente pour installer le tangon : y a toujours un « bout » (corde) qui ne passe pas là où il devrait au premier essai, entre la balancine, le hale-bas et l’écoute que je rajoute sur le génois et qui est reliée au winch par une poulie à l’arrière du bateau pour pouvoir border le génois sans que l’écoute n’appuie sur la filière… bref, c’est tout un bordel !
Et aucune envie en pleine nuit d’avoir à jouer l’acrobate à l’avant pour ranger le code D enroulé : contrairement au génois sur enrouleur, lui ne peut pas rester à poste, il y a trop de chances qu’il se déploie seul partiellement… donc je le range après chaque utilisation…

J’ai bien fait car ‪à minuit‬, je me suis pris un petit grain rapide. Bon coup de vent et sous la pluie SVP pour bien se réveiller.

Après, plus de vent… j’en ai profité pour dormir avec AIS et Mer-veille en veille. A mon réveil, j’ai trouvé une hécatombe de poissons volants sur tout le pont : 14 au total dont un qui a manqué de justesse l’entrée du carré. A 10 centimètres près, je le retrouvais sur ma table à carte… Du coup, ça a été nettoyage du pont ‪après le petit déjeuner‬ pour faire disparaître les écailles qu’ils avaient laissé un peu partout. Ce faisant, j’ai trouvé la source de la mauvaise odeur à l’arrière du bateau… je ne comprenais pas… j’en arrivais à me dire que décidément, l’odeur de fiente de fou était tenace. Ben non, en fait, c’était un bon gros calamar qui s’était fichu entre ma bouée fer à cheval et mon portique arrière sur lequel elle est accrochée. Fallait le trouver celui-là !

Comme tous les matins, j’ai fait le point avec Kevin sur nos positions respectives. Il est à 140 milles au nord de ma position. Lui, cette nuit, c’était l’attaque des calamars ! Il en a compté 20 ce matin mais pas un seul poisson volant.

Il semble qu’on ait à peu près les mêmes conditions de vent malgré la distance qui nous sépare : calme hier et cette nuit, un peu plus fort depuis ce matin.

J’espère que je vais récupérer une bonne vitesse ces prochains jours. J’avoue que le temps commence à se faire long… Encore 2.235 milles me séparent d’Hiva Oa…

Une réflexion sur “Art. 16 – Mon journal de bord durant ma Transpacifique en solo (partie 1)”

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