Je suis arrivée il y a quelques semaines sur l’île de Saint-Martin, l’île où Laura DEKKER, une adolescente néerlandaise, a bouclé le tour du monde à la voile, en solitaire avec escales en janvier 2012 à l’âge de 16 ans et 123 jours. Ceci a fait d’elle la plus jeune navigatrice à réaliser le tour du monde, battant de 8 mois le précédent record détenu par l’australienne Jessica WATSON qui, elle, reste toutefois la plus jeune navigatrice à avoir effectué un tour du monde à la voile sans escale en passant par les trois caps ! Des records établis mais non reconnus par les organes officiels qui refusent d’attribuer des records à des mineurs d’âge, pour éviter toute tentative dangereuse de record.
Pour réaliser son rêve, L aura a dû se battre farouchement. En effet, en 2009, à 13 ans, elle elle affiche déjà son intention de faire le tour du monde seule et sans assistance avec un départ qu’elle prévoit au mois de septembre. Malheureusement pour elle, les services de la protection de l’enfance s’opposent à cette idée qu’ils jugent trop dangereuse, les garanties présentées pour sa sécurité leur paraissant insuffisantes. Ils obtiennent donc la suspension du départ grâce à une mesure de justice.
Butée, Laura encourage ses parents à se battre avec elle devant les tribunaux pour prouver qu’elle a les capacités mentales et physiques pour réaliser son rêve.
Au bout de 10 mois de procédures, elle finit par gagner. Le tribunal rejette en juillet 2010 la demande de prolongation jusqu’en août 2011 du placement de la jeune fille sous la surveillance du Conseil de protection de l’enfance. Ce dernier renonce à interjeter appel contre cette décision. Il convient que ce sont les parents de Laura qui portent la responsabilité finale concernant leur enfant même s’il considère qu’un enfant de 14 ans ne devrait pas être exposé aux risques inutiles que comporte un tel voyage en solitaire.
Laura a le feu vert ! Il faut dire qu’elle a de l’expérience malgré son jeune âge. Son père est constructeur de bateaux et il a navigué au long cours pendant 7 années avec sa mère qui a donné naissance à Laura en Nouvelle-Zélande sur le bateau ! Elle navigue depuis son plus jeune âge. Quand ses parents divorcent en 2002, elle a 6 ans et elle décide de vivre avec son père aux Pays-Bas où elle continue à faire de la voile sur des bateaux de plus en plus grands. Elle commence par un Optimist, puis un dériveur de type « Mirror ». A 10 ans, elle veut un voilier avec une cabine. Ce sera donc un Hurley 700 qu’elle emprunte à son propriétaire pour faire ses premières longues distances en solo dans les eaux néerlandaises avant d’acheter le sien. A 13 ans, sur son Hurley 700, elle navigue seule jusqu’en Angleterre où elle est arrêtée par la police britannique sous les ordres des autorités hollandaises qui considèrent qu’elle n’aurait pas dû faire une telle navigation solo. Elle est remise aux mains de son père qui a été enjoint de se rendre en Angleterre et celui-ci l’autorise à repartir seule à la voile aux Pays-bas ! En effet, il sait ce que vaut sa fille et il l’a toujours encouragé. Elle commence alors à préparer son tour du monde. Cela commence par la recherche d’un bateau plus grand. Le Hurley 700 est bientôt vendu pour faire place à un Hurley 800 offert par un sponsor. C’est à cette période que le Conseil de protection de l’enfance commence à s’intéresser à son cas d’un peu trop près et les autorités lui retirent même son bateau. Laura ne se laisse pourtant pas abattre. Elle trouve sur internet un Dufour Arpège de 9 mètres en vente sur l’île de Saint-Martin et elle décide, sans rien dire à personne, de se rendre là-bas pour l’acheter. Elle retire ainsi 3.500 euros de son compte d’épargne et laisse juste une note à son père avant de partir en train à Paris d’où elle prend l’avion pour l’île des Caraïbes. Sur place, elle contacte le broker chargé de la vente du voilier et au-moment de signer les papiers, elle voit la procédure interrompue lorsque ce dernier est averti d’un mandat international de recherche pour Laura. Il est obligé de l’accompagner au Yacht-Club tout proche où l’attend la police locale qui la renvoie aux Pays-Bas sous escorte. Cela ne va pas arranger ses déboires avec la justice et cela l’empêche d’obtenir de nouveaux sponsors. Toutefois, elle n’abandonne pas son rêve. Elle travaille dur pour répondre à plusieurs demandes des juges : elle obtient notamment son brevet de secourisme, elle suit une formation sur la gestion du sommeil, elle s’assure de pouvoir poursuivre sa scolarité pendant son tour du monde grâce à des cours par correspondance. Sa famille puise dans ses propres économies pour lui permettre d’acheter un vieux Gizz Fizz, un ketch (voilier à 2 mâts) de 11,50 mètres, de chez Jeanneau qu’elle va entièrement refaire avec l’aide de son père. C’est le fameux Guppy avec lequel elle va établir son record.
Laura quitte enfin le port de Den Osse aux Pays-Bas le mercredi 4 août 2010, en compagnie de son père, pour rejoindre Lisbonne au Portugal d’où elle compte commencer son tour du monde à la voile en solitaire avec escales et assistance en prenant la route de l’Ouest. Malheureusement, arrivés là-bas, la paire se heurte de nouveau aux autorités qui ne veulent pas laisser partir Laura seule. Ils rejoignent donc Gibraltar, ancienne colonie britannique, extérieure à l’Europe où ils espèrent que le gouvernement hollandais n’arrivera pas à interférer à temps pour empêcher Laura de partir. Le 21 août 2010, elle commence enfin son voyage solo.
Sa route a été la suivante :
21 au 25/08/2010 : Gibraltar – Lanzarote (Canaries) : 650 milles
21/09/2010 : Lanzarote – Gran Canaria (Canaries) : 130 milles
10 au 16/11/2010 : Gran Canaria (Canaries) – Sal (Cap Vert) : 780 milles
17 au 18/11/2010 : Sal – Sào Nicolau (Cap Vert) : 85 milles
02 au 18/12/2010 : Sào Nicolau (Cap Vert) – Saint Martin : 2223 milles
20 au 21/01/2011 : Saint-Martin – Les Saintes : 154 milles
26/01/2011 : Les Saintes – La Dominique : 20 milles
02 au 05/02/2011 : La Dominique – Bonaire : 450 milles
14 au 19/03/2011 : Bonaire – San Blas : 670 milles
29 au 30/03/2011 : San Blas – Colòn (Panama) : 80 milles
10/04/2011 : Colòn (Panama) – Canal de Panama : 43 milles
16/04/2011 : Panama – Las Perlas : 50 milles
19 au 26/04/2011 : Las Perlas – Galàpagos : 900 milles
08 au 25/05/2011 : Galàpagos – Hiva Oa (Marquises) : 3.000 milles
01 au 06/06/2011 : Hiva Oa (Marquises) – Tahiti : 700 milles
13/06/2011 : Tahiti – Moorea : 18 milles
17 au 18/06/2011 : Moorea – Bora-Bora : 130 milles
27/06 au 09/072/011 : Bora-Bora – Tonga : 1.300 milles
14 au 17/07/2011 : Tonga – Suva (Fiji) : 470 milles
27/07 au 30/07/2011 : Suva (Fiji) – Port Vila (Vanuatu) : 600 milles
09 au 24/08/2011 : Port Vila (Vanuatu) – Darwin (Australia) : 2.400 milles
26/09 au 11/11/2011 : Darwin (Australia) – Durban (South Africa) : 6.000 milles
17 au 19/11/2011 : Durban – Port Elizabeth (South Africa) : 420 milles
24 au 26/11/2011 : Port Elizabeth – Cape Town (South Africa) : 470 milles
12/12/2011 au 21/02/2012 : Cape Town (South Africa) – Saint Martin : 5.800 milles.
Sur son trajet, elle prend le temps de s’arrêter un peu partout. Elle prend des photos, filme des bouts de son aventure, elle affronte des tempêtes et réussit à rentrer saine et sauve à Saint-Martin. Au total son périple aura duré 1 an et demi. 400 personnes sont présentes pour l’applaudir lorsqu’elle accoste au ponton du Yacht-Club. Parmi elles, ses parents, sa sœur et de nombreux proches bien évidemment.
Laura vient de prouver que, même si tout tout le monde ne peut pas faire un tour du monde à la voile en solitaire, elle, elle en est capable !