Portrait 2 – Patricia et Ernest WOLF, un couple bien surprenant !

Ernest et Patricia WOLF, c’est un couple d’origine suisse à la personnalité pétillante ! Ils ont passé 5 années à fabriquer eux-mêmes leur maison flottante au fond de leur jardin. Il s’agit d’un trawler mixte mer et rivière d’esprit hollandais  (un bateau à moteur) de 11,90 mètres de long sur 3,50 mètres de large répondant au doux nom de « Maranatha ».Version 3

Après avoir construit une maquette en bois au 1/10e, soit 1,20 mètre de long, les travaux sérieux ont commencé. Des tôles et encore des tôles d’aluminium qu’il a fallu patiemment découper, positionner, fixer et souder. La coque à elle seule leur a demandé 3 années de dur labeur.

En parallèle, Ernest travaille sur le moteur. Un vieux moteur Mercedes MO601 qu’il connaît par cœur et qu’il a marinisé lui-même en 80 chevaux.

Version 2

Une fois la coque terminé, Ernest et Patricia se sont attaqués aux aménagements intérieurs. Tout est pensé et réfléchi pour optimiser l’agencement pour la vie à bord. Ils font le choix d’un espace lumineux et décloisonné avec tout le confort nécessaire : réfrigérateur, congélateur, chauffage et même une machine à laver le linge !

Version 2

 

 

 

 

 

 

 

En mai 2009, après six ans de chantier, Maranatha est enfin terminé !

Le 9 mai 2009, leur petit village suisse organise une grande fête en son honneur et en celui de ses armateurs amateurs. Cette date est également celle à laquelle Ernest et Patricia disent adieu à leur vie « terrestre » : ils liquident tous leurs biens avant d’embarquer sur le bateau.

Et c’est le début de la grande aventure ! D’abord sur de fameux fleuves tels que le Rhin, la Saône ou le Rhône avant de déboucher sur la Méditerranée.

C’est en Tunisie qu’un premier gros coup de vent les persuade de rajouter un système de stabilisateurs avec tangons et paravanes de chaque côté de la coque pour réduire le roulis du bateau.

Ernest et Patricia continuent leur route en direction des îles Canaries, puis du Cap Vert dans l’optique de traverser l’Océan Atlantique, rien que ça ! Leur bateau est équipé de 2 réservoirs d’un total de 1.600 litres de gasoil auxquels ils vont rajouter 20 bidons de 30 litres qui seront fixés le long du bastingage afin d’assurer leur autonomie en carburant durant cette traversée de 2.100 milles en direction de Tobago à l’extrême sud de l’arc antillais. Ils prennent la mer le 19 avril 2012 pour 18 jours de traversée non stop dans des conditions qu’ils décrivent comme idéales. Leur vitesse moyenne de déplacement est de 5 nœuds afin d’assurer une consommation réduite de carburant. Ils consommeront un total de 2100 litres sur ce parcours, soit 1 litre par mille nautique !

Version 2

Après avoir arpenté quelques temps l’arc antillais, ils vont réaliser en 2015 le « Great Loop », c’est-à-dire le tour de l’Est des États-Unis et d’une partie du Canada en empruntant les voies maritimes protégées et le réseau fluvial, leur bateau étant véritablement passe-partout ! Départ de Key West en mai, arrivée à Mobile en novembre et retour à Key West en décembre 2015.

Version 2

A la fin du Great Loop, Ernest et Patricia continuent leur route plein sud vers Cuba, puis vers Haïti, Saint-Domingue et enfin Antigua. Depuis, ils continuent à vagabonder dans les Antilles.

J’ai eu la chance de croiser ce couple hors du commun sur l’île de Bequia (État de Saint-Vincent-et-les-Grenadines) et de visiter leur magnifique petite maison flottante. C’est un petit couple pétillant et plein de vie qui fait vraiment plaisir à voir ! Je suis heureuse qu’ils aient partagé leur histoire et leurs photos avec moi. J’aime rencontrer des personnages hors normes tels qu’eux.

Ernest, Patricia, je vous dis à un de ces jours sur la mer !

En prime, quelques photos supplémentaires :

P1040835

P1040836

P1040832

P1040834

P1040793

P1040792

P1040803P1040804.jpg

 

 

 

 

 

 

Art. 8 – Premier carénage à Carriacou

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Quelques heures après mon arrivée sur l’île de Carriacou(*), Nautigirl est sortie de l’eau. Je vois mon beau petit voilier, bien sanglé par en dessous s’élever doucement dans les airs à la demande de l’employé chargé de la manipulation de la grue. Il est debout sur la terre ferme et la commande à distance à l’aide d’une énorme manette qui rappelle un peu celle d’une console de jeu.

Capture d_écran 2017-10-12 à 11.33.58

Doucement, la grue emmène Nautigirl vers la terre ferme où les ouvriers du carénage l’attendent de pied ferme avec leur kärsher. Première opération : gros décrassage de la coque. L’eau sous pression décolle algues et coquillages et laisse apparaître le vieil antifouling(*). Effectivement, une petite remise en beauté ne lui fera pas de mal…

P1020746 (1)

Deuxième opération : placer le bateau à l’endroit qu’il occupera durant les quelques jours que durera le chantier. Nautigirl est ainsi guidée dans l’espace libre entre Archangels d’un côté et New Moon de l’autre. La grue relâche progressivement sa prise et bientôt Nautigirl tient en équilibre sur les béquilles prévues à cet effet. Je peux enfin l’observer sous toutes ses coutures !

P1020780 (1)

Ce sont les employés du carénage qui vont gérer toute la partie antifouling. Cela consiste à poncer le dessous du bateau afin de faire disparaître la vieille peinture, avant de passer un primaire d’accroche et un nouvel antifouling en trois couches. Moi, je vais pouvoir les regarder faire pour savoir comment procéder une prochaine fois !

P1020763En attendant que le ponçage de la coque commence, je me charge de démonter l’hélice afin de pouvoir rendre au bronze son brillant d’origine. J’apprends à l’occasion à me servir d’un démonte-hélice que me prête le chantier car, contrairement à ce que je croyais, ça ne se démonte pas aussi facilement. Une fois les différents éléments démontés, un petit bain dans du Corobrill(*) fait des miracles : j’ai à peine à gratter pour faire disparaître toute trace d’organisme vivant. J’en passe aussi sur l’arbre de l’hélice avec un gros pinceau. Bientôt l’ensemble retrouve presque son brillant et son aspect lisse d’origine.

P1020772J’en profite pour démonter la bague hydrolube(*). Je sais qu’il en existe différentes sortes. La mienne est une sorte de petit tube creux en caoutchouc qui est inséré dans la chaise d’arbre(*) assurant ainsi le centrage de l’arbre d’hélice. Elle pourrait encore faire l’affaire mais tant qu’à faire, autant en profiter pour en mettre une neuve ! Je cours au magasin tout proche pour en acheter une nouvelle mais j’ai une mauvaise surprise. Celui-ci est minuscule. Ils ont quelques articles en stock mais rien pour moi. Professionnels, ils tentent de contacter le magasin de l’île la plus proche, Grenade(*) mais sans succès… Je tente ma chance en appelant un magasin de Martinique. Ils ont ce qu’il faut mais ils ne peuvent pas le faire livrer… Je ne me laisse pas démonter. Je poste aussitôt un message sur une page Facebook qui rassemble toute une communauté de martiniquais « JAH Familia ». J’y explique que je recherche quelqu’un qui pourrait me descendre la pièce en question vers Carriacou. Rapidement, j’ai une réponse d’une boite de charter, Piwi Croisières. Ils sont prêts à me descendre la pièce à Union(*) dans quelques jours. C’est super gentil ça ! Parfait, je n’ai plus qu’à attendre la livraison !!!

En attendant, j’ai un autre travail qui m’attend… En rangeant les affaires que j’avais placé un peu en vrac à l’avant, je me suis rendue compte que les parois de la pointe avant du bateau sont humides… Il semblerait que la baille à mouillage(*) ne soit pas étanche… J’y plonge, la tête en avant… Un long et gros cordon, ou plutôt un pâté, de sikaflex(*) a été posé le long des angles en contact avec la paroi de la cabine avant. Je tire légèrement dessus et étonnamment, il cède très facilement. Je mets ainsi à jour ce qu’il y a en dessous : une sorte de mastic tout poreux qui visiblement a perdu toutes ses propriétés (en supposant qu’il ait été étanche à un moment donné). Lorsque je passe le doigt dessus, c’est comme mou, ça me ferait presque penser à de la pâte à modeler. Je sors mes outils et je commence à nettoyer la zone afin de repartir sur une base saine.

Après en avoir discuté avec Yves, je décide de poser fibre et résine sur la zone pour la rendre parfaitement étanche. J’ai tout le matériel nécessaire pour le faire mais encore aucune pratique. C’est mon premier challenge résine ! 2 doses de résine pour 1 dose de durcisseur… Un premier mélange me sert à reboucher les fentes apparentes avec du micro-ballon(*) chargé dedans. Ça fait une sorte de mastic facile à utiliser. Un deuxième mélange est appliqué tel que sur la fibre de verre que j’ai préalablement découpée. J’ai un pinceau pour appliquer la résine sur la fibre mais j’ai du mal à ne pas faire de coulures un peu partout. Ça coule par terre, j’en mets plein mes gants qui collent au pinceau mais tant pis, j’apprends ! Je laisse sécher plusieurs heures avant de poncer et de passer une deuxième couche et enfin une troisième. Une fois la réparation terminée et la dernière couche poncée, je n’ai plus qu’à remplir la baille à mouillage à ras bord après avoir bouché le trou d’évacuation pour voir si de l’humidité rentre à l’intérieur de la pointe avant du bateau. Après une nuit d’attente, bonne nouvelle, tout est bien resté sec à l’avant. Problème résolu !

Entre chaque temps de séchage, je m’occupe à d’autres petites tâches sous la supervision d’Yves qui joue le coach avec moi. Grâce à lui, j’apprends ainsi à faire la vidange de l’huile d’inverseur(*), tâche que Pierre n’avait pas eu le temps de me montrer. Mes hublots montrant de nouveau des zones de faiblesse qui laissent passer quelques gouttes d’eau, il m’encourage à creuser le joint de sika tout autour pour en reposer un tout beau tout neuf, ce que je m’applique à faire consciencieusement espérant que c’est la dernière fois qu’il fuit (ce ne sera hélas pas le cas d’ici quelques mois…).

Les jours passent vite et bientôt tous les bateaux sont prêts à être remis à l’eau. Enfin, tous, sauf le mien, vu qu’il me manque ma bague hydrolube et que sans elle, je ne peux pas remettre mon hélice. Du coup, nous négocions de remettre le bateau d’Yves en premier à l’eau afin qu’il puisse m’emmener à Union où je dois récupérer ma pièce.

Archangels fend les flots en direction de l’île d’Union toute proche. Yves contrôle l’ensemble des passes-coques(*) qu’il a posé durant le chantier car, comme il me l’explique, c’est la première chose à vérifier  lorsqu’on remet un bateau à l’eau. Je suis dehors dans le cockpit quand je l’entends pousser un juron. L’un des passes-coques laissent s’infiltrer de l’eau. On ne risque pas de couler à cause de ça car la fuite n’est pas si importante, néanmoins, il va falloir ressortir le bateau très vite. Impossible de résoudre ça la coque dans l’eau. Il met la pompe de cale(*) en marche. Désormais, il a juste envie de rejoindre rapidement Union pour que je récupère ma pièce et repartir aussi sec à Carriacou pour ressortir le bateau.

Nous atteignons l’île de Union. J’ai eu des nouvelles du skipper en charge du catamaran de Piwi Croisières qui transporte ma bague hydrolube. Il est tout proche. Et effectivement, une heure après avoir accosté au ponton principal du port de Clifton, nous le voyons arriver à notre rencontre à bord de son annexe(*). Ça y est ! J’ai ma bague ! Nous filons de nouveau vers Carriacou.

Dès notre arrivée au carénage, Yves négocie un bon prix pour une sortie expresse de son voilier (chaque sortie de l’eau avec la grue est facturée). Avant la nuit, son voilier est donc de nouveau suspendu sous la grue au dessus de la terre ferme ce qui lui permet de faire le nécessaire pour régler son problème de passe-coque. Pendant ce temps-là, je mets en place ma nouvelle bague hydrolube et je remonte enfin mon hélice tout propre.

Le lendemain matin, Archangels est remis à l’eau suivi de Nautigirl. Direction le Marin en Martinique ! De nouveau, Yves joue mon ange-gardien et m’accompagne tout au long du trajet. Tous les soirs, nous stoppons sur l’une des îles que nous longeons. Lorsqu’enfin nous arrivons au niveau de l’île de Sainte-Lucie(*), Yves met toutes les voiles et rejoint la Martinique me laissant faire la dernière partie du trajet toute seule. Je pense qu’il en avait assez de freiner son cheval de course depuis aussi longtemps et je le comprends !

De retour au Marin, je décide de régler ce problème de VHF(*) qui semble ne pas fonctionner correctement à une distance même modérée. Un professionnel passe à bord pour tester le matériel. Il semble que tout soit ok. Il ne comprend pas les difficultés que je peux rencontrer. Il manipule les boutons de la VHF tout en parlant à haute voix. Il me parle de la fonction « HIGH » (haute) et « LOW » (basse). Hein ? Késako ? Et là, je réalise que pendant tout le voyage, j’ai laissé la VHF sur la puissance minimale qui ne permet d’émettre que sur une distance d’un mille(*) nautique environ au lieu des 20 à 25 milles autorisés avec la puissance la plus forte… Alors, tous ces problèmes de communication à distance avec Yves sur l’aller/retour qui m’ont valu un beau hors forfait téléphonique (vu que lorsque j’avais besoin de le contacter, j’utilisais mon téléphone quand j’arrivais à avoir du réseau), c’était ça ???? Effectivement, je me rappelle avoir vaguement entendu parler de cette notion de « High » et « Low » lorsque j’ai passé mon CRR(*) (le certificat m’autorisant à utiliser une VHF) mais visiblement je n’avais pas saisi l’importance de celle-ci…

Vive la blonde attitude !


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ.

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Annexe : petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.

Antifouling : peinture couvrant la partie immergée de la coque et contenant des produits toxiques destinés à empêcher le développement des mollusques et des algues.

Bague hydrolube : pièce en caoutchouc rainurée a l’intérieur, elle assure le centrage de l’arbre d’hélice et sert de pallier, elle est lubrifiée par l’eau. C’est une pièce d’usure à changer régulièrement.

Baille à mouillage : soute à l’avant du bateau dans laquelle on range la chaîne et parfois l’ancre elle-même.

Carriacou : île du sud des Antilles faisant parti de l’État de Grenade. C’est l’île la plus septentrionale des îles de l’État de Grenade. La population est d’environ 8.000 habitants.

Chaise d’arbre : appendice sur la coque d’un navire supportant l’arbre d’hélice.

Corobrill : mélange d’acide phosphorique et de détergents.

CRR : Certificat Restreint de Radiotéléphoniste.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Inverseur : c’est ce qui permet de gérer la marche avant et la marche arrière.

Micro-ballons : ce sont de minuscules sphères de verre se présentant sous la forme d’une poudre blanche extrêmement légère. Mélangées à la résine, les microballons permettent de « charger » celle-ci sans l’alourdir et de remplir des cavités sans rajouter trop de poids.

Mille marin ou mille nautique :  1.852 mètres environ ce qui correspond au calcul d’une minute d’angle à l’équateur.

Passe-coque : tube à collerette et traversant la coque. Il est destiné à y connecter un tuyau d’évacuation ou de prise d’eau généralement.

Pompe de cale : c’est une pompe qui permet d’évacuer l’eau de l’intérieur du bateau depuis l’un des points les plus bas de la coque.

Sainte-Lucie (Saint Lucia en anglais) : état insulaire des Antilles situé entre, au sud, les îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au sud-est, la Barbade et au nord, la Martinique.

Sika : abréviation de « Sikaflex » qui est une marque de colles et de mastics d’étanchéité très réputée dans le monde marin.

Union : une des îles de l’archipel des Grenadines, archipel situé dans les petites Antilles, entre l’île de Saint-Vincent au nord et Grenade au sud. Elle fait partie de l’État de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, dont c’est l’une des îles les plus méridionales.

VHF : radio à très haute fréquence (bande de fréquences comprises entre 30 MHz et 300 MHz).

Pourquoi un marin ne part pas un vendredi ?

protectionCertains marins refusent catégoriquement de partir un vendredi mais lorsqu’on les interroge, ils avouent volontiers ne pas savoir pourquoi on dit que ça porte malheur…

L’une des explications qu’on trouve à cette croyance est qu’autrefois les marins touchaient leur paye le jeudi et qu’ils faisaient la fête toute la nuit suivante… Alcool à gogo… Gueule de bois carabinée le lendemain, le vendredi donc…. Parfois, les équipages étaient dans un état tellement piteux que les accidents étaient nombreux à bord et parfois il était même tout simplement impossible de lever l’ancre… D’où l’origine de cette superstition

Une autre explication qu’on trouve à une origine religieuse… Car le vendredi est un jour maudit : c’est le jour de la crucifixion de Jésus-Christ, le jour où le diable tenta Eve et où Adam mangea le fruit défendu..

 

 

Art. 7 – Ma première fois en solo !

Archangels(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

J’aime ce mouillage à l’entrée du troisième trou à cyclone non loin de la pointe Marin qui abrite le club Med. Je peux enfin me baigner dans une eau claire. Ce n’est pas aussi limpide qu’en Polynésie mais c’est bien mieux que les autres endroits où j’ai pu mouiller jusqu’à présent.

Je continue à améliorer doucement mon intérieur. La scie d’élagage que m’a offerte Ben est devenue ma meilleure amie depuis quelques temps. D’une chute de bois, je fabrique une petite étagère pour épices, c’est encore un peu de place gagnée. Je ne jette rien, je garde et je tente de réutiliser au maximum. Economie, économie ! C’est que tout coûte cher sur un bateau…

En inspectant l’un des placards que j’ai aménagé dernièrement, je réalise que l’étagère du dessus présente des traces d’humidité. C’est même un peu humide lorsque je passe ma main dessus. Une des règles primordiales en bateau est la suivante : si vous avez de l’eau quelque part, cherchez-en la cause après l’avoir goûtée pour déterminer si c’est salé ou pas (ça élimine très vite certaines options dans le doute). Il a bien plu ce matin mais cela ne peut pas provenir des hublots, ça ne serait pas logique vu la position de la trace… Je tâtonne essayant de comprendre d’où provient cette eau. Soudain, je sens une goutte sur mon doigt. Je glisse ma tête dans le placard : c’est la cadène(*) qui retient un haubans(*) qui suinte et ça coule le long de la contre-plaque(*) avant de finir sur l’étagère. C’est pas bon signe ça ! Je sors pour tâter le pont tout autour de la zone d’infiltration. J’ai peur que le sandwich(*) ne soit infiltré d’eau mais a priori la surface semble saine. Rien ne s’enfonce sous la pression exercée par mon doigt. Tant mieux mais je vais devoir rapidement faire quelque chose.

Je suis interrompue dans mes pensées par l’arrivée d’un inconnu. C’est Yves, un voisin de mouillage qui passe se présenter. Il me voit m’affairer sur mon voilier depuis la veille et il vient me proposer un coup de main si j’ai besoin. Ca tombe bien car moi j’ai plein de questions pour lui qui semble s’y connaître. Je lui explique mon problème de cadène qui fuit. Effectivement, il me conseille d’y remédier rapidement et il m’explique la procédure. Ne jamais desserrer seul un haubans, toujours par paire ! Un tour sur le ridoir(*) d’un des haubans, un tour sur son jumeau sur l’autre bord. Veiller à compter le nombre de tours afin de pouvoir retendre ses haubans comme ils l’étaient initialement à la fin de la procédure. Au besoin, mettre un scotch sur le pas de vis pour repérer jusqu’à où les ridoirs étaient vissés avant…

J’avoue que je n’ai pas tout compris sur le moment mais ça ne me paraît pas trop difficile. Après avoir discuté un moment, Yves s’éclipse et retourne sur son bateau « Archangels » en me laissant seule face à mes haubans. Je lutte un bon moment avec ceux-ci. Ils me valent même la perte d’une clé de 8 dans la mer qui s’envole littéralement dans les airs afin de faire un gros plouf alors que je m’escrime à desserrer le premier haubans. Je plonge immédiatement à sa suite mais sans succès. Nouvelle leçon de la journée : toujours avoir plusieurs clés de la même taille ! Heureusement Yves me dépanne gentiment. Je réussis enfin à vaincre ces foutus haubans ainsi que les cadènes et les contre-plaques. Après avoir bien nettoyé la zone, l’avoir asséchée plusieurs heures et l’avoir bourrée de sika(*), je remonte le tout avec encore une fois l’intervention d’Yves pour contrôler la tension des haubans une fois ceux-ci remontés.

Il me présente à ses meilleurs amis au mouillage, un couple très sympa vivant sur leur bateau « New Moon ». Nous passons plusieurs soirées ensemble. Ils projettent de partir bientôt sur l’île de Cariacou(*) au sud de l’arc antillais pour faire l’antifouling(*) de leur bateau et ils m’encouragent à les suivre.

Sur le moment, je ne suis pas véritablement partante pour cette idée… C’est sûr, l’antifouling est à faire… La somme demandée au Marin par le carénage(*) pour l’entrée et la sortie d’eau de Nautigirl avec quatre jours inclus à terre me semble faramineuse : 600 EUR environ et ça c’est sans avoir acheté ni fait l’antifouling. J’avais dans l’idée de monter en Guadeloupe qui m’a proposé un devis moitié moins cher mais ce qui m’a freinée jusqu’à présent c’est que je ne sais pas comment on fait un antifouling et que je ne connais personne en Guadeloupe alors qu’au Marin si ! Voilà maintenant qu’on me propose de faire un tir groupé à la zone de carénage de Carriacou. Mes amis négocient un prix de groupe et nous nous partageons le coût des matériaux : primaire(*), antifouling etc… Et ils seront là pour répondre à toutes mes questions puisqu’ils feront eux-même le même travail sur leur voilier respectif ! Dans ces conditions, je serais folle de refuser !

Ne me reste plus qu’une seule raison d’hésiter. Je n’ai pas d’équipier et je n’ai encore jamais navigué seule. Et faire environ 150 milles(*) nautiques d’une seule traite pour une première fois, cela me paraît un défi trop important… Yves vient encore une fois à ma rescousse. Il me propose de suivre le rythme de Nautigirl avec son voilier un First(*) 40.7 qui va aisément deux fois plus vite que moi normalement. « Pas grave, je réduirais les voiles ! »  me dit-il en souriant ! Dans ces conditions… que puis-je dire ? « C’est parti mon kiki ! »

New Moon est déjà parti tôt ce matin. Les amis d’Yves vont d’une seule traite sur Carriacou. Moi et Yves, nous partons tranquillement dans la matinée pour faire une première étape à Sainte-Lucie à environ 20 milles de là. Je pars en avance, Yves me rejoindra sur la route. De toute manière, il sait qu’il me rattrapera rapidement.

Je relève l’ancre, le cœur battant. C’est le grand départ pour moi. Mon premier canal à traverser ! Je sors du Marin. Je hisse la grand-voile et déploie le génois. Tout se passe bien. Le vent est assez fort, 25 nœuds avec quelques rafales à plus de 30 nœuds, la houle est prononcée et le pilote automatique force sur la barre mais il gère, ça va. Je commence à me détendre légèrement.

globi2J’entre à peine dans le canal quand soudain je vois deux énormes têtes noires et toutes rondes jaillir de l’eau à quelques dizaines de mètres du bateau. Je ne sais pas ce que c’est mais leur route est à 90° de la mienne ! Nous sommes en droite ligne de collision ! Ce ne sont pas des dauphins, leur tête est énorme !!! Ça ne peut être que des orques dans mon esprit… C’est plus grand qu’un dauphin, plus petit qu’une baleine et c’est tout noir. Des orques, hein ? Quoi d’autre ? Le cœur battant la chamade, je décroche mon pilote et j’abats(*) à fond pour les éviter tout en scrutant attentivement la surface de l’eau… Je ne les verrais jamais réapparaître. Les animaux ont sondé dans les profondeurs et moi j’en suis quitte pour une bonne petite trouille ! indexJe me suis imaginée un instant coulée à quelques milles seulement de mon point de départ ! Ça aurait été ballot tout de même lors de ma première navigation !!! J’apprendrais plus tard que ce sont des globicéphales qui peuvent mesurer de 5 à 6 mètres, rien à voir avec une orque qui peut atteindre 10 mètres !

Allez, juste pour vous faire rire, ma réaction en live car j’ai réussir à filmer ce moment (si, si !). C’est trop ridicule mais c’est trop bon à regarder !!! https://youtu.be/0mTsV-vs41A

Après ce petit intermède, je vois le bateau d’Yves se rapprocher rapidement. Il me dépasse et nous échangeons quelques mots à la VHF(*). Il observe mes voiles depuis son cockpit et me donne des conseils sur le bon réglage. Petit à petit, nous nous rapprochons des côtes de Sainte-Lucie(*). Nous nous donnons rendez-vous à « Rodney Bay » au nord de l’île. Sur les derniers milles, Henry lance toute la toile et il disparaît rapidement à l’horizon. Je le retrouve dans la baie comme prévu vers 17h00 et j’ancre non loin de lui.

Je suis fière de moi ! C’est ma première traversée solo, sous l’œil bienveillant d’Yves ok, mais seule à bord quand même ! Je remplis mon livre de bord : 5 heures de porte à porte, 20 milles…

Je dîne à bord d’Archangels. Yves me donne les instructions pour la navigation du lendemain. Départ prévu à 3 heures du matin car une longue navigation nous attend pour atteindre Bequia(*). Extinction des feux à 20 heures…

Le réveil est dur ! Il fait nuit noire. Je remonte l’ancre et je pars avant Yves. De toute manière, il est bien plus rapide que moi alors pourquoi se presserait-il ? Je monte les voiles et me lance à l’assaut de la côte sous le vent de Sainte-Lucie.

Je navigue depuis presque deux heures maintenant. Il n’est pas loin de 5h du matin et je commence à peine à voir poindre le jour quand j’entends soudain un énorme SPLASH !!! Je tourne la tête juste à temps pour voir un second dauphin effectuer une cabriole en l’air. Il est si près de Nautigirl que j’aurais presque peur qu’il n’atterrisse sur le pont ! Dommage qu’il fasse encore si sombre, j’aurais voulu profiter à 100% de la beauté de ce spectacle. J’appelle Yves à la VHF pour partager ce petit moment de bonheur ! Je le vois un petit peu plus loin dans mon sillage. Les dauphins sont partis le rejoindre. Ils l’accompagneront une quinzaine de minutes avant de disparaître au loin.

La journée est longue. C’est la première fois que je navigue si longtemps. J’essaie de dormir quelques minutes par ci, par là mais je n’y arrive pas. Tous mes sens sont constamment en alerte. De toute manière, je n’arrive pas à trouver de place confortable. Dans le cockpit, si je m’allonge sur le banc côté sous le vent, je suis gênée par le pilote qui m’empêche de relever les jambes. Si je m’allonge sur le banc côté au vent, avec la gite, je me retrouve par terre. Si je m’allonge en travers du cockpit, c’est un peu mieux mais avec la gite, je me retrouve presque en appui sur mes jambes, difficile de se laisser sombrer dans le sommeil dans ce cas là… Je tente de m’allonger par terre au fond du cockpit mais à chaque mouvement un peu prononcé du bateau, je me dresse comme un lemming pour voir ce qu’il se passe.

Je communique quand je le peux avec Yves sur la VHF. Il est obligé de réduire de moitié sa voilure pour ne pas me semer. Parfois, quand il en a assez, il remet de la toile et fait demi-tour un peu plus loin. J’ai l’impression que j’ai un problème de VHF… Autant j’arrive à entendre ce qu’il me dit, autant quand j’émets, j’ai l’impression qu’il ne m’entend pas tout le temps sauf quand il est vraiment près… A voir…

Nous rejoignons Bequia(*) en pleine nuit. Yves m’y a précédé et il a mouillé dans une dizaine de mètres d’eau. Je suis crevée, énervée, fatiguée… Il est près de 20h30, ça fait plus de 17 heures qu’on est parti. Il me propose pour me faciliter la vie de mettre à couple Nautigirl et Archangels. Pas de chaîne et d’ancre à gérer. Le seul problème c’est que son bateau ne cesse de faire des va-et-vient autour de son point d’ancrage avec les risées de vent. C’est la première fois que je fais ce genre de manœuvre et j’ai peur de lui rentrer dedans ou d’abîmer nos coques. Je tente une première approche mais son bateau chasse vers le mien. Apeurée, je m’éloigne brutalement. Je m’excite toute seule sur mon bateau pendant que lui, Yves, reste stoïque limite moqueur : il ne voit pas la difficulté… Moi, je veux juste me reposer, je n’en peux plus, et son putain de bateau qui n’arrête pas de bouger m’énerve !!! J’échange quelques paroles un peu vives avec lui. La fatigue… Lui serein reste cool et me laisse m’énerver toute seule. Finalement, je réussis à finaliser mon approche. Il a tout préparé, pare-battages(*) et amarres(*), pour me faciliter la vie. Il me fait même à dîner !

Et de nouveau le lendemain matin, le lundi 13 mars 2017, départ de nuit à 3h30 pour arriver à Carriacou, à 35 milles nautiques de là, en début de matinée pour ne pas rater notre rendez-vous avec la zone de carénage. A 12h00, je vois mon voilier quitter la surface de l’eau et être gruté afin d’être mis à sec.

Prochain étape : OPERATION CARENAGE !!!


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ.

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Abattre : manœuvrer le voilier de manière à l’écarter du lit du vent. 

Amarre : grosse “corde” utilisée par les bateaux pour se “garer” le long d’un quai ou d’un autre bateau ou pour s’attacher à un corps-mort.

Antifouling : peinture couvrant la partie immergée de la coque et contenant des produits toxiques destinés à empêcher le développement des mollusques et des algues.

Bequia : île du Sud des Antilles faisant partie de l’état de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Bequia se situe au sud de l’île de Saint-Vincent. C’est la plus grande île des Grenadines. La population est d’environ 6.000 habitants.

Cadène : pièce généralement métallique solidaire du pont du navire sur laquelle est frappé un câble tenant le mât. La traction exercée sur une cadène nécessite que la cadène soit également solidarisée avec la coque par la mise en place d’une contreplaque (ou renvoi de cadène) qui est une pièce métallique située sous le pont qui reprend l’effort exercé par la cadène et la transmet à la coque.

Carénage : lieu où l’on carène (nettoie) les coques des bateaux.

Carriacou : île du sud des Antilles faisant parti de l’Etat de Grenade. C’est l’île la plus septentrionale des îles de l’État de Grenade. La population est d’environ 8.000 habitants.

Contre-plaque : voir cadène

First 40.7 : un voilier de marque Beneteau, l’une des références mondiales de la course-croisière.

Haubans : câbles qui soutiennent latéralement le mât, reliant les hauts du mât au pont du bateau.

Mille marin ou mille nautique :  1.852 mètres environ ce qui correspond au calcul d’une minute d’angle à l’équateur.

Pare-battage : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »).

Primaire : appelé encore sous couche. Il s’utilise pour améliorer l’accroche de l’antifouling sur la coque.

Ridoir : dispositif permettant de fixer un câble à une partie fixe avec la possibilité de régler la tension dudit câble.

Sainte-Lucie (Saint Lucia en anglais) : état insulaire des Antilles situé entre, au sud, les îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au sud-est, la Barbade et au nord, la Martinique.

Sandwich : assemblage en couches des différentes couches de résine et de fibre qui constituent le pont.

Sika : abréviation de « Sikaflex » qui est une marque de colles et de mastics d’étanchéité très réputée dans le monde marin.

VHF : radio à très haute fréquence (bande de fréquences comprises entre 30 MHz et 300 MHz).