Portrait 1 – Birgit HABELT, une septuagénaire dans le vent !

J’ai entendu parler d’elle l’année dernière en 2016 lorsque j’étais sur l’île de Fakarava, en Polynésie Française. On m’en a reparlé ici en Martinique en 2017. Cette femme, c’est Birgit HABELT, 70 ans. Je me suis intéressée au parcours de cette femme et voici ci-dessous son histoire (ce que j’en ai lu dans les journaux et pages internet en tout cas).

Elle est d’origine allemande et a parcouru une bonne partie des mers du globe. Pourtant, elle n’est pas une navigatrice née : elle a découvert le monde de la voile à l’âge de 48 ans seulement ! A l’époque, elle vivait en Guadeloupe avec son fils qui venait de passer son bac. C’est là-bas qu’elle a travaillé en tant qu’hôtesse sur des voiliers et qu’elle a tout appris. Ensemble, ils sont ensuite partis de Guadeloupe pour rallier l’île de Moorea en Polynésie Française à bord d’un bateau appelé « Poco Loco ». Ils pensaient y trouver du travail. Cela a été le cas pour son fils, Tammo, qui s’y est même installé tandis qu’elle, Birgit, continuait son chemin.

Depuis, elle n’a cessé d’écumer les mers du globe : mer Baltique, océan Atlantique, océan Pacifique. Elle a même tenté de passer le Cap Horn avec Popeye son compagnon de l’époque. Malheureusement, leur bateau a chaviré au niveau des 50e hurlants et des 40e rugissants. Ils ont réussi toutefois à gagner les côtes chiliennes pour réparer leur embarcation. Il paraît d’ailleurs qu’« il n’y a pas meilleure pompe de cale qu’un homme armé d’un seau et qui a très peur ». Elle s’est posée quelques temps à terre, quatre ans notamment en Espagne où elle a retapé une maison héritée de ses parents afin de pouvoir la revendre et se dégager de tout souci matériel.

En 2015, elle se met en tête de rejoindre son fils Tammo à Moorea où il réside afin de fêter ensemble son anniversaire le 23 mai 2016. Mais plutôt que de prendre un billet d’avion, elle a décidé d’aller le rejoindre en bateau.

Elle est donc partie à la recherche d’un petit voilier qui l’amènerait à destination. C’est un de ses amis qui la met sur la piste d’un « Muscadet » en vente à Roscoff en Bretagne. C’est un voilier de série de 6,40 mètres construit en 1967, le numéro 157 de la série. Elle y est allée, l’a vu, l’a acheté et a travaillé trois mois dessus pour le rendre navigable. Pour ces travaux, elle a emmené son bateau appelé « Fleur d’Ajonc » au chantier des Quatre-Vents à Saint-Pol-de-Léon à quelques kilomètres de Roscoff. Elle y a travaillé tous les jours parfois jusqu’à 3 heures du matin afin d’achever la préparation de son bateau en octobre 2015, sa date butoir pour quitter les côtes françaises en direction des îles Canaries. Il fallait presque tout refaire. Ponçage, sablage, époxy, peinture. Elle change le génois, la grand-voile et le spi. Elle achète un nouveau gréement avec un mât en alu à enrouleur, un régulateur d’allure un sonar, deux radios (une BLU et une VHF), deux GPS, des panneaux solaires, des batteries neuves et un moteur de secours. Bref, de quoi affronter une longue traversée de 20.000 kilomètres en solitaire.

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Quand on lui dit que c’est un vieux bateau, elle répond qu’il est « vingt ans plus jeune qu’elle ! ».

Le pari a été tenu et elle a largué les amarres le samedi 17 octobre 2015, à 69 ans ! Elle a profité de la seule fenêtre météo, avant la mauvaise saison, bien qu’il lui restait quelques petites choses à terminer sur le bateau. Elle a préféré filer sans se poser de questions plutôt que de rater le créneau. Elle n’a pas de pilote automatique et son mât, bien que récent, demande de l’attention. La vidéo de son départ est ici : https://www.youtube.com/watch?v=jQYhmuMT7I0

Il lui faut 27 jours pour rejoindre les Canaries. Une traversée difficile. Son régulateur d’allure est arraché dans le Golfe de Gascogne, elle n’a pas de pilote automatique pour compenser cela et elle tombe sérieusement malade, victime d’un empoisonnement à la confiture (si, si !!). Elle séjourne dix jours aux Canaries afin de se remettre avant de continuer sa route pour rejoindre les Antilles et plus précisément la Martinique. Il lui fallait traverser l’océan sans tarder, et ce, toujours sans pilote automatique. C’est au milieu de l’océan Atlantique que Birgit célèbre seule ses 70 ans : « C’était une journée magnifique, le temps était beau et chaud, une belle brise poussait mon voilier, et j’ai célébré mes 70 ans avec une bouteille de Mouton-Cadet Rothschild ».

Lorsqu’on lui demande comment elle fait pour avoir la météo, elle répond : « quand mon épaule gauche commence à me faire mal, je sais que le temps va changer, la basse pression arrive ». Et sinon, elle observe le ciel et réduit les voiles à temps.

Sous le vent de la Martinique, du côté de Saint-Pierre, elle lance un PAN-PAN (un appel d’urgence) et est prise en charge par la SNSM de Case-Pilote.

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Les sauveteurs en mer la trouvent à l’arrivée de la transat déshydratée, sous-alimentée et désorientée. Elle est hospitalisée et son bateau est remorqué dans une marina. Birgit se remet sur pied et reste six semaines en Martinique pour régler une bonne fois son problème de gréement. Elle achète également un pilote automatique afin de lui rendre la vie à bord un peu plus facile et traverse la mer des Caraïbes pour atteindre Panama.

Lors de la traversée du canal de Panama, ils sont six personnes à bord de ce minuscule bateau de 6,40 mètres de long le temps de traverser les trois écluses : elle, la capitaine, le pilote du port et quatre équipiers obligatoires pour assurer la sécurité pour un bateau. A nouveau, un peu de temps perdu car le premier bateau qui devait remorquer le Muscadet a fait défaut au dernier moment.

À la sortie du canal, Birgit atteint la ville de Balboa et se dirige vers les Marquises qu’elle atteint après 37 jours de mer le lundi 13 juin 2016. Son fils Tammo l’y retrouve. A cause des divers imprévus qu’elle a dû affronter durant son voyage, elle n’a pas pu arriver à le 23 mai 2016 à Moorea comme prévu mais c’est sans regret.

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Ensemble, en souvenir de celui réalisé 19 ans plus tôt à bord du précédent voilier de sa Brigit, le « Poco Loco », Tammo et elle emmène « Fleur d’Ajonc » de Nuku Hiva à Moorea. Cette dernière traversée durera 7 jours.

Depuis son départ de Roscoff, Birgit HABELT, à 70 ans, aura réalisé en 8 mois 133 jours de navigation pour 20.000 kilomètres parcourus.

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Comme quelqu’un l’a si joliment dit sur un forum de discussion sur l’épopée de Birgit « Il y a des Hommes qui en rêvent et des Femmes qui le font. Chapeau Bas Madame. »


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Art. 6 – Vive les travaux !

P = U x I… Je répète la formule pensivement… Effectivement, ça me dit vaguement quelque chose… Ça doit faire plus de vingt ans que je ne m’en suis pas servie de cette formule… A l’époque, j’étais encore sur les bancs du lycée et j’étais capable de répéter toutes les informations apprises et de les appliquer aux problèmes abstraits qu’on me posait pour les résoudre correctement. Aujourd’hui, je n’ai plus que de vagues souvenirs de cette période et je n’ai jamais appliqué concrètement ces types de connaissances. Du coup, j’ai oublié… Ben me refait rapidement un petit cours : la puissance P se mesure en Watts et elle est égale à la tension mesurée en Volts fois l’intensité mesurée en Ampères(*). J’essaie de visualiser la formule… pour avoir des Watts, on multiplie des Volts par des Ampères…

Ben commence par faire la revue de mes besoins électriques. Malgré un panneau solaire de 100 Watts sur le portique arrière et un autre panneau de 50 Watts fixé au pied du mât, soit 150 Watts au total, il me persuade vite que ce n’est pas suffisant par rapport à mes besoins électriques : mon pilote, les lumières à l’intérieur, les feux à l’extérieur, mon ordinateur, ma tablette etc…Honnêtement, je n’ai pas tout compris de ses explications mais il a l’air tellement sûr de lui que je me laisse guider. C’est ainsi que je commence à modifier Nautigirl. Exit le panneau solaire de 50 Watts. Il est démonté et revendu. En contrepartie, j’investis dans un panneau de 100 Watts qui rejoint celui qui était déjà sur le portique.

J’en profite pour acheter un moniteur d’activité ainsi qu’un nouveau convertisseur 12-220V. Hé oui, dans un bateau, tout fonctionne en 12 Volts et pour utiliser un ordinateur ou n’importe quel appareil qui ne fonctionne pas à la même tension, il faut un convertisseur et si possible un convertisseur qui délivre un courant stable ! Sinon, on grille ses appareils électriques en un rien de temps paraît-il ! Ben m’a fait tellement peur à ce sujet que j’ai préféré investir et abandonner le vieux que j’avais déjà à bord du bateau et qui semblait être sur le point de décoller tel une fusée tant il est chaud et tant son ventilateur faisait de bruit lorsqu’il était en marche. Le moniteur d’activité, quant à lui, branché aux batteries, me permet de suivre facilement leur niveau de décharge. Côté électricité, je suis donc parée maintenant grâce à Ben ! Celui-ci part vadrouiller dans les îles du Nord Caraibes et il me laisse un dernier cadeau avec de partir : une scie d’élagage qui se replie en deux.

Je suis ravie de son petit cadeau : ça marche super bien pour la découpe de planches de contreplaqué. J’ai déjà plein d’idées d’aménagements intérieurs pour tenter d’optimiser l’espace de rangement. Trop d’espaces sans étagères et c’est autant d’espace perdu, à moins de vouloir y entasser des choses pêle-mêle sans aucune organisation. Je ramène des planches à bord pleine d’enthousiasme et je commence à découper mes futures étagères. J’en mets partout où je peux. Je réalise même ma première porte de placard de ma vie, du type qui s’encastre, avec des petites charnières et tout et tout ! Ca paraît rien du tout mais je suis fière de mes petits accomplissements. Bien évidemment, cela a été une succession de tentatives avortées avant de trouver la bonne solution et plus rarement des succès du premier coup. Je découvre le monde du bateau… Non, le sika(*), ce n’est pas de la superglue, et non, tu ne peux pas faire tenir une baguette en bois sur de la résine sans vis… Et pour que l’étagère soit bien droite, vous feriez comment vous ? Avec un niveau, c’est ça ? Ben, j’y avais bien pensé et j’en ai même acheté un, mais figurait vous qu’un bateau au mouillage, hé bien, ça bouge toujours ! Du coup le niveau, ça sert pas à grand chose… Bref, j’apprends de mes erreurs… Tout doucement… Vraiment doucement…

Forcément je pose beaucoup de questions tout autour de moi. Et ce que j’observe, c’est que tu as beau poser la même question à différentes personnes, avec les mêmes mots, il n’y en a pas UNE SEULE qui te donnera la même réponse que son voisin… Donc, toi, petite nouvelle dans ce monde inconnu, tu dois donc faire un choix entre plusieurs possibilités sans savoir laquelle est la bonne… Et le problème, c’est qu’on te raconte pas mal de conneries ! Donc, tu fais un choix et parfois, ce n’était pas la bonne option…

Un exemple : j’avais un presse-étoupe(*) qui gouttait. De l’eau qui rentre dans ton bateau, même si c’est au compte-gouttes, ça ne paraît jamais bon et je me posais quelques questions. Du coup, une copine me parle d’un pote qui est un excellent mécano mais qu’il faut chopper avant 11 heures du matin parce que sinon, il risque de ne pas être en état (on parle d’un gros problème d’alcool là, si, si !) et qui pourrait rapidement jeter un coup d’œil en échange… d’une bière (ben ouais, forcément…). Je passe le voir avec elle et je le ramène sur le bateau. « Ha, mais c’est pas bon ça ! Attends je te le resserre ! ». Il m’emprunte quelques outils et s’exécute. Génial ! Quelques heures après, j’en parle avec quelqu’un au bar du coin (on passe beaucoup de temps dans les bars dans une marina) qui me dit « Mais non ! C’est le dernier truc à faire avec le type de presse-étoupe que tu as ! C’est un presse-étoupe à tresse. Il y a du suif à l’intérieur. C’est normal que ça goutte. C’est pour empêcher le suif de chauffer ! ». Merde… Ne me restait plus qu’à desserrer un peu le presse-étoupe pour le refaire goutter comme avant. Et résultat, au premier petit tour en mer que j’ai fait après avoir touché à ça, j’ai ramassé 30 litres d’eau dans les fonds : à la gite, je voyais l’eau dépasser des planchers. Autant dire que ça m’a bien fait stresser sur le coup et que je suis retournée rapidement au port. Heureusement que je n’étais pas seule à bord ce coup-là sinon j’aurais pu paniquer. En fait, j’avais trop desserré le presse-étoupe. Ca gouttait à l’arrêt comme il fallait, mais moteur en route, ça ne gouttait pas, ça « pissait » plutôt (trop desserré le machin). Et ça s’est joué à un 1/4 de tour de petits boulons. C’est un autre pote, qui s’y connaissait, lui, qui a finit d’ajuster le serrage de ce fameux presse-étoupe…

Autre exemple… A la première pluie subie, je me suis rendu compte que les hublots fuyaient… Encore, un truc à régler et sur lequel tout le monde y aillait de son idée… « Mets du silicone ! », « Du sika, y a rien de mieux », « Sika oui, mais tu mets un primaire d’accroche avant hein, sinon ça tient pas ! », « Bof, met du tape(*) gris tout autour. De toute manière, ça finit toujours par fuir »…. Bref, à force de tourner en bourrique, j’ai décidé de faire simple. En attendant de faire un travail correct (quand je saurais quelle est la meilleure option), j’ai acheté dans un magasin un produit spécial fuites : une sorte de liquide qu’on fait couler dans les craquelures et qui, en séchant, se transforme en une sorte de pâte à joint qui comble les fissures. Momentanément, ça a suffit… Momentanément, seulement…

Je commence à me former un petit groupe d’amis au Marin. Et je ne suis pas la seule dont c’est le premier bateau. Du coup, nous formons des petits équipages mixtes (expérimentés et « débutants ») pour nous entraîner à naviguer à plusieurs bateaux dans la baie du Marin. Bonne ambiance à bord garantie ! Nautigirl est généralement le plus petit, les autres faisant plutôt dans les 40 pieds(*), il est donc aussi forcément le plus lent, mais ce n’est pas grave, les autres font demi-tour régulièrement pour ne pas me distancer.

 

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Je me rappelle d’une bonne frayeur lors d’un de ces petits tours d’entraînement. J’étais avec Théo à bord, la vingtaine, moniteur de voile légère et nous remontions au près(*) dans la baie lorsque notre route a croisé celle d’un voilier bien plus grand, sous moteur (voiles rangées donc) faisant droite ligne de collision sur nous. Théo, confiant, me dit « T’inquiète pas, on est sous voiles et on est tribord amures(*). On est prioritaire. Il va s’écarter de la route, tu verras ». Les secondes s’écoulent et nous sommes toujours en route de collision ! Théo reste confiant… Encore… Toujours… Je commence à m’inquiéter. Là, il faut vraiment qu’on fasse quelque chose ! Théo siffle. Je m’excite. J’essaie d’interpeler l’autre voilier. Pas une réaction de sa part. Au dernier moment, Théo tire à fond sur la barre pour abattre en grand et on passe au cul du bateau sourd. Et là, je vois deux nanas en bikini en train de faire bronzette. On crie, on engueule, on fait des gestes pour tenter de leur faire comprendre leur imprudence et on voit ces deux nymphettes – qui visiblement n’ont rien compris à ce qu’il venait de se passer – nous faire des grands signes pour nous dire bonjour… Un yacht russe… Visiblement, les personnes qui sont à l’extérieur sont là pour la décoration et pas pour les manœuvres… L’équipage, lui, ou le skipper tout au moins est invisible…

Nous nous motivons à réaliser des petits exercices comme par exemple récupérer un homme à la mer symbolisé par un pare-battage(*) jeté à l’eau et auquel nous avions attaché un seau (très mauvaise idée le seau en fait). Pour cet entraînement, nous étions trois (un expérimenté et deux débutants) sur un voilier de type « Ovni 39 ». Nous avons passé deux bonnes heures à tenter de récupérer le soit-disant homme à la mer sans succès. Soit on passait trop loin du pare-battage, soit on arrivait pas à l’attraper avec la gaffe à gauche du seau qui s’était bien évidemment rempli et qui jouait un poids mort. A la fin, n’y tenant plus, ainsi que pour pimenter le jeu, j’ai décidé de me jeter à l’eau pour motiver mes équipiers. J’ai rapidement rejoint le pare-battage, vidé le seau et attendu leur passage. Cette fois-ci, la manœuvre d’approche a été plus un peu meilleure. J’ai pu leur tendre le « faux homme à la mer » qui a retrouvé son coffre de rangement. Pour me faire remonter à bord, on a voulu tester une des méthodes possibles. Me tendre une drisse(*) afin de me remonter à bord à la force du winch(*). J’étais censée faire une boucle avec un gros nœud, me glisser dedans et attendre qu’on veuille bien me « treuiller ». Et ça ne s’est pas vraiment passé comme prévu… La drisse a filé le long du mât, aucun nœud au bout pour la bloquer avant qu’elle ne file totalement et qu’elle me reste entre les mains. De retour à la marina, je me suis proposée pour monter en haut du mat (15 mètres quand même) afin de la remettre en place…

Bref, je trouve une petit rythme de vie sympa dans la marina du Marin. Entre bricolage, petits tours en mer, soirées animées avec les copains dans les bars et restaurants pas chers du coin. Forcément, je rentre souvent de nuit au bateau. J’apprends à prendre confiance en moi au milieu des ancres, des bouées et des cayes(*) à éviter. Une caye ? C’est un haut-fond, grosso modi, une « no-go zone » même en annexe… Moi qui pensait que dans une marina, partout il y avait un minimum de profondeur, j’apprends à mes dépens que même au milieu d’un mouillage, on peut se retrouver moteur planté dans les algues et la vase dans 20 centimètres d’eau. De nuit, c’est mieux s’il vous plaît ! D’où l’importance d’avoir toujours des rames à bord !!! Et croyez-moi, tu ne les oublies qu’une seule fois !!!

Concernant encore le dinghy(*) : si vous saviez le nombre d’autres bêtises que j’ai pu faire avec… La plus drôle à raconter, c’est quand j’ai voulu pour la première fois regonfler un peu ses boudins. A l’époque heureusement, Ben était encore dans les parages. Bref, je m’installe pleine de bonne volonté dans l’annexe, la pompe à la main (pompe je précise qui n’est pas celle d’origine) et je tente d’insérer l’embout de la pompe à l’intérieur du trou prévu à cet effet. Et là, j’entends un « pffffffffffffff » continu… A moitié affolée (je me vois déjà baigner dans le port), je remets à la va-vite le bouchon comme je peux pour boucher la fuite et j’ai dû appeler Ben à la rescousse… En fait, il s’agissait juste d’un petit bitoniau qui, lorsqu’on appuie dessus en le faisant pivoter, laisse ouvert la valve. Lorsqu’on appuie juste dessus sans le faire tourner, sitôt qu’on cesse d’exercer une pression, il referme la valve. Là, en installant la pompe, j’avais dû le faire pivoter sans le vouloir (et sans savoir !)…. Je vous passe les détails concernant ma panne de moteur parce que j’avais oublié de remettre de l’essence… Bref, tous les petits moments de solitude à travers lesquels tous les voileux ou presque sont passés à un moment donné (j’avoue néanmoins que j’ai certainement dû exploser la moyenne)…

Régulièrement, je change de zone de mouillage. Quelques semaines du côté de la zone de carénage où je fais connaissance avec la faune de « Bichick », petit bar un peu « routard » avec un bon wifi où se retrouvent tous ceux qui bossent sur les bateaux dans les environs. Quelques semaines côté « nouvelle marina » avec les bars et les restaurants un peu plus orientés « touristes ». Et puis finalement un petit bout de temps côté troisième trou à cyclone(*) où l’eau est bien plus claire et plus accueillante que l’eau du reste de la marina, ce qui m’autorise des baignades régulières au cul du bateau.

C’est là-bas que je rencontrerai les amis qui vont me motiver à faire MA PREMIÈRE NAVIGATION SOLO ! Une gros cap psychologique à franchir pour moi.


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Annexe : petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.

Caye : C’est une zone proche d’une côte, caractérisée par une faible profondeur, souvent en sable ou composée de corail comme une petite île basse.

Drisse : “corde” que l’on voit courir le long du mat et qui sert à hisser ou affaler une voile.

Dinghy : annexe en anglais. Les deux mots sont couramment employés pour définir la même chose. Voir la définition d’annexe plus haut.

Pare-battages : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »). 

Pied : mesure de longueur qui, comme son nom l’indique, correspond environ à la taille d’un pied humain. C’est l’une des mesures les plus anciennes de l’histoire. Un pied fait 0,3048 mètre.

Près : lorsque le voilier navigue au plus près du vent (à 45°), l’allure correspondante est le près.

Presse-étoupe : pièce garnie d’un joint assurant l’étanchéité de l’arbre de transmission. En gros (en très gros), l’hélice est fixé sur un tube (l’arbre) qui rentre dans la coque du bateau et c’est ce fameux presse-étoupe qui permet de ne pas couler par cet endroit.

Sika : abréviation de « Sikaflex » qui est une marque de colles et de mastics d’étanchéité très réputée dans le monde marin.

Tape gris : scotch gris plastifié à l’extérieur et tissé à l’intérieur très très solide. Il sert dans beaucoup de situations.

Tribord amures : On dit tribord amures quand le bateau reçoit le vent par tribord (droite en regardant l’avant du bateau).

Trou à cyclone : baie particulièrement bien protégée dans laquelle se réfugient les bateaux en cas de menace de vents forts.

Winch : avec sa manivelle, sorte de gros moulin à café sur lequel vient s’enrouler la “corde” qu’on cherche à tendre. Il permet de démultiplier les efforts.

Pourquoi le lapin est l’ennemi du marin ?

Interdilapinction de prononcer le mot « L…N » à bord d’un bateau ! On peut parler éventuellement de « l’animal aux longues oreilles », de « pollop », de « coureur cycliste » ou de « langoustine des prés » mais pas de L…N !

Les marins le détestent. Cette croyance nous vient d’un temps beaucoup plus ancien où on emportait à bord des animaux vivants, dont des lapins, pour les manger au cours de longues traversées (avant l’existence des frigos et des congélateurs). Certains réussissaient à s’échapper et provoquaient des catastrophes à bord en rongeant les cordages en chanvre retenant la cargaison dans les cales (provoquant une déstabilisation et de la gîte pouvant entraîner un naufrage) et en s’attaquant au calfeutrage des planches de bois, fait avec de l’étoupe de chanvre (provoquant ainsi des entrées d’eau fatales).

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C’est depuis ce temps-là que les lapins vivants sont bannis de tout voyage maritime. Il est même interdit de prononcer ce mot à bord ou d’apporter à bord des livres, des magazines ou des photos l’évoquant. Dur sanction à l’encontre de cet animal bien plus mignon et utile au demeurant qu’un autre tout autant dangereux pour les navires : le rat.

C’est d’ailleurs bien souvent lui qui ronge beaucoup de choses à bord quand par malheur il arrive à monter à bord lors d’une escale. On ne verra jamais un lapin suspendue à une amarre tentant d’infiltrer les cales d’un voilier, mais un rat, si !

D’ailleurs, notre chanteur national Renaud se fout un peu de cette superstition dans sa chanson « Dès que le vent soufflera » en la finissant par ces paroles « Nous nous en allerons (de lapin) ». Pour écouter la chanson entière, c’est ici : https://youtu.be/489RRPngpmk.

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Moi la mer elle m’a pris
Je m’souviens, un mardi

J’ai troqué mes santiag’
Et mon cuir un peu zone
Contre une paire de dockside
Et un vieux ciré jaune,

J’ai déserté les crasses
Qui m’disaient : Sois prudent
La mer c’est dégueulasse
Les poissons baisent dedans !

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Moi la mer elle m’a pris
Au dépourvu, tant pis…

J’ai eu si mal au coeur
Sur la mer en furie
Qu’j’ai vomi mon quatre-heures
Et mon minuit aussi.

J’me suis cogné partout
J’ai dormi dans des draps mouillés
Ça m’a coûté des sous
C’est d’la plaisance, c’est l’pied !

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…

C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme
Mais elle prend pas la femme
Qui préfère la campagne.

La mienne m’attend au port
Au bout de la jetée
L’horizon est bien mort
Dans ses yeux délavés,

Assise sur une bitte
D’amarrage, elle pleure
Son homme qui la quitte,
La mer c’est son malheur !

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…

« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Comme on prend un taxi…

Je f’rai le tour du monde
Pour voir à chaque étape
Si tous les gars du monde
Veulent bien m’lâcher la grappe,

J’irai z’aux quatre vents
Foutre un peu le boxon
Jamais les océans
N’oublieront mon prénom…

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…

« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Et mon bateau aussi…

Il est fier mon navire
Il est beau mon bateau
C’est un fameux trois-mâts
Fin comme un oiseau hisse ho !

Mais Tabarly Pajot
Kersauson et Riguidel
Naviguent pas sur des cageots
Ni sur des poubelles !

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…

« C’est pas l’homme qui prend la mer
C’est la mer qui prend l’homme »
Moi la mer elle m’a pris
Je m’souviens, un vendredi

Ne pleure plus ma mère
Ton fils est matelot
Ne pleure plus mon père
Je vis au fil de l’eau,

Regardez votre enfant
Il est parti marin
Je sais c’est pas marrant
Mais c’était mon destin.

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…(de requin)

Dès que le vent soufflera je repartira
Dès que les vents tourneront nous nous en allerons…(de lapin)

Art. 5 – Direction Le Marin !

IMG_0500(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

A bord de Nautigirl, les larmes que j’avais retenu éclatent. Hé oui, c’est mon côté ultra émotif. Une émotion forte et je pleure… de peine ou de joie, ça fonctionne dans les 2 sens chez moi ! Bon, là c’est un mix de choc, de peur et de peine. Ici en Martinique, je ne connais pas encore beaucoup de monde alors, ne sachant vers qui me tourner, j’appelle Ben pour lui raconter ce qu’il vient de se passer. Il compatit avec moi et tente de trouver une solution. Il me propose de les suivre, lui et sa copine, jusqu’à la marina du Marin, sa prochaine destination.

Je dois alors lui avouer, penaude, que je sais pas encore gérer seule mon bateau. Je stresse déjà à l’idée de remonter l’ancre par moi-même au milieu d’un mouillage sans personne pour gérer la barre. Je m’imagine déjà en train de remonter la chaîne trop lentement et de voir Nautigirl emboutir un de ses voisins. Qu’à cela ne tienne, il se propose de venir m’aider. Banco ! Je vais pouvoir bouger de ce mouillage et m’éloigner de Pierre qui semblait se régaler d’avance de voir ma déconfiture…

Je mets un peu d’ordre à l’intérieur du bateau tout en observant Ben remonter l’ancre de son voilier et commencer à s’éloigner, son annexe(*) à couple(*) de la coque, les kayaks entreposés sur le pont. Une fois que le mouillage est dépassé, je le vois sauter dans l’annexe et venir vers moi laissant sa copine seule à bord du Sangria(*). Il me rejoint et nous attachons son esquif à l’arrière de Nautigirl. Gentiment, il se propose de remonter l’ancre pendant que je gère la barre. Nous nous éloignons tranquillement ensuite, non sans que j’ai adressé un geste d’au revoir au coéquipier de Pierre qui nous regarde. Pierre, lui, n’est déjà plus là. Je pars, fière comme Artaban, décidée à lui montrer que non, je n’ai pas besoin de lui… mais de Ben encore j’avoue, pour le moment…

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Je n’ose pas envoyer la grand-voile(*). Pierre n’a pas pris le temps de monter en tête de mât comme il s’était engagé à le faire pour vérifier ce qui clochait. Du coup, par précaution, nous envoyons seulement le génois(*). Nous laissons le moteur en support car nous sommes partis tard, le courant ne nous est pas favorable et il faut atteindre le Marin avant la nuit.

Ben communique avec sa petite amie grâce à ma VHF portable. J’apprends avec surprise qu’elle a encore moins d’expérience que moi en voile et pourtant, elle, elle n’a pas hésité à prendre le bateau seule. J’en suis impressionnée. Je suis sans doute trop frileuse…

Il nous faut quelques heures à un rythme soutenu pour atteindre le Diamant, cette fameuse petite île inhabitée au Sud-Ouest de la Martinique dont le forme, comme son nom l’indique, fait penser à une pierre précieuse. Sur le trajet, Ben me montre comment brancher mon pilote(*) automatique et nous le testons. Le cap un peu merdique que nous avons pris nous oblige à finir quasiment face au vent et face à la houle pour rentrer au Marin. Nous rentrons le génois pour finir au moteur uniquement.

La petite amie de Ben l’appelle alors à l’aide sur la VHF. Quelque chose ne va pas. L’enrouleur(*) du génois fait des siennes et elle n’arrive pas à rentrer la voile. Ben me demande alors de me rapprocher du Sangria jusqu’à ce que les deux coques soient parallèles l’une à l’autre à quelques mètres de distance à peine. Nous réduisons tant que possible la vitesse et je le vois soudainement se jeter à l’eau et rejoindre rapidement son bateau à la nage. Une fois monté à bord, il se précipite à l’avant et je le vois gesticuler autour de l’enrouleur. Visiblement, il a trouvé le problème car quelques instants après, je vois le génois s’enrouler doucement sur lui même.

Il m’appelle à la VHF et me demande de les suivre jusqu’au Marin. Il me rassure en me disant qu’il restera en contact radio avec moi jusqu’au bout et qu’il me guidera ainsi jusqu’au chenal. Je me retrouve donc seule, livrée à moi même pour la première fois sur mon bateau et finalement, je réalise que je le vis mieux que ce que j’aurais pensé. Peut être qu’après tout, il fallait ce genre d’évènement pour me faire réaliser que ce n’était pas une si grande affaire que ça…

Je les vois rapidement s’éloigner. Avec un bateau plus léger que le mien et un moteur hors bord de 8 chevaux, ils avancent bien plus vite que moi, il n’y a pas de compétition possible ! Face au vent, face au courant, mon bateau peine… Je me sens suffisamment à l’aise avec le pilote pour tenter de sortir un peu de génois et tenter de louvoyer(*) à gauche et à droite… Peine perdue… A ce train là, je crains de rentrer de nuit. Et j’ai peur de perdre le contact radio avec Ben si je traîne trop. J’augmente alors le régime du moteur et doucement mais sûrement je me rapproche de la Marina du Marin.

J’atteins enfin le chenal. Ben suit mon évolution depuis son ordinateur de bord qui traque ma position grâce à mon AIS(*). Il me guide ainsi au fur et à mesure que je progresse à l’intérieur. Lorsqu’il me sait assez proche, je le vois de nouveau s’approcher de moi à bord d’un de ses kayaks. Il monte sur le pont et m’aide à ancrer correctement le bateau. Ca y est, je suis arrivée à bon port ! Je vois le bateau de Ben un peu plus loin. Nous convenons de nous rapprocher l’un de l’autre le lendemain matin, là tout s’est fini un peu dans la précipitation, c’est assez pour aujourd’hui, qu’on me laisse me remettre de mes émotions…

Le jour suivant, un voisin passe se présenter. Je lui propose de partager un café à bord. Ben ne tarde pas à apparaître à bord de ma nouvelle acquisition, ma nouvelle annexe. Il vient m’aider à déplacer Nautigirl. Le voisin nous écoute parler de notre plan quand soudain, il nous interrompt : « Hé, les gars, vous ne pouvez pas faire un tout droit là. Y a une caye(*) au milieu, vous allez échouer le bateau si vous ne faites par le tour ! ». Ahhhh, merci de prévenir. Je regarde avec des gros yeux Ben qui, lui, a un logiciel de navigation à bord et donc des cartes censées refléter la géographie et la profondeur du lieu…

Une fois le trajet adéquat retenu, nous déplaçons Nautigirl et nous le mettons à côté du Sangria que Ben me propose de visiter. Je m’y rends sur le champ et je découvre avec ébahissement tous les aménagements qu’il y a fait à l’intérieur. C’est comme une mini-matriochka, vous savez, les poupées russes qui s’emboîtent ? Sa table à carte(*) coulisse au dessus de la banquette bâbord(*) et vient se cacher sous le cockpit(*) lorsqu’on veut libérer un maximum de place. La banquette tribord(*) abrite un véritable petit frigo de cuisine comme on en voit dans les maisons. La cabine avant, quant à elle, est une véritable chambre avec un vrai matelas mais, en amateur de musique, il y range aussi un clavier et une guitare ! Tout ça dans 7,60 mètres ! Je suis impressionnée. Il est passionné par tout ce qui touche à l’électronique, l’informatique et l’électricité et ça se voit. Son bateau est suréquipé en panneaux solaires : il en a 4 de 100 watts chacun, amovibles, qu’il déplace sur le pont au fur et à mesure du déplacement du soleil et qui explique la présence de ce véritable frigo à l’intérieur du bateau. Il me propose d’ailleurs de m’aider à faire quelques modifications sur l’alimentation électrique de Nautigirl qu’il juge bien trop faible. Cool ! Je vais pouvoir réviser mes cours d’électricité du lycée !

BIENVENUE AU MARIN !


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PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

AIS : c’est l’abréviation d’Automatic Identification System. Il s’agit d’un système d’identification automatique, anti collision qui va envoyer des informations sur la position, le cap et la vitesse d’un bateau.

Annexe : C’est une petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.

Bâbord : en bateau, on ne dit pas gauche, on dit « bâbord », c’est la gauche du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

Caye : C’est une zone proche d’une côte, caractérisée par une faible profondeur, souvent en sable ou composée de corail comme une petite île basse.

Cockpit : c’est l’emplacement à l’arrière du navire où se situe le barreur.

Enrouleur : pour faire simple, c’est le tube autour duquel s’enroule la voile d’avant.

Génois : c’est une voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

Grand-voile : c’est la voile principale du navire, hissée sur le mât.

Louvoyer : faire du zig-zag en bateau, un bord d’un côté et un bord de l’autre pour remonter au vent (face au vent, impossible d’avancer bien évidemment)

Pilote automatique : comme son nom l’indique, c’est un dispositif qui permet de piloter le bateau sans intervention humaine. Très pratique lorsqu’on a pas envie de barrer soi-même !

Sangria : C’est le nom d’une série de voiliers construits en résine polyester par Jeanneau de 1970 à 1983. Destiné à la croisière côtière, il fait partie des voiliers qui ont démocratisé la voile en France.

Table à carte : c’est une table située à l’intérieur du bateau et destinée à y étaler les cartes marines.

Tribord : en bateau, on ne dit pas droite, on dit « tribord », c’est la droite du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

Art. 4 – Et maintenant, je fais quoi ?

IMG_0499(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Le jour J est arrivé ! Pierre est là, prêt à m’assister pour le premier déplacement de mon bateau. A l’heure actuelle, il m’est encore inimaginable de manœuvrer moi-même Nautigirl. Cela semble ironique mais c’est vrai. Je suis consciente tout de même qu’il va vite falloir me mettre dans le bain…

Pour le moment, j’essaie de me concentrer sur la dernière mission à mener à bien avant de quitter la marina : le grattage de la coque. Les longs cheveux verts qui stagnent à la surface de l’eau laissent imaginer l’épaisseur de verdure qui doit l’envelopper et qui ralentira atrocement l’allure si l’on ne s’en occupe pas avant.

Rien qu’à l’idée que je vais faire trempette volontairement dans l’eau polluée du port me dégoûte déjà… Je ne peux m’empêcher de penser à tous ces bateaux soigneusement alignés les uns à côtés des autres… Autant de toilettes dont il faut bien évacuer les déchets quelque part… et tous ne sont pas équipés de réservoirs à eaux noires et Nautigirl fait partie de ceux là… Beurkkkkkkk !

Nous sommes parés. Masques et tubas sur la tête. Une raclette chacun. Nous sautons à l’eau. Chacun s’occupe d’un côté pour aller plus vite. Je racle consciencieusement l’antifouling(*) en essayant de ne pas laisser courir mon imagination qui a tendance à devenir débordante dans une eau opaque. En Polynésie, j’étais capable de nager au milieu des requins sans éprouver de frayeur parce que la mer est limpide et ici, j’aurais presque peur de mon ombre car on y voit pas à plus d’un mètre… Je laisse à Pierre le soin de s’occuper de la quille… des deux côtés… Ca m’angoisse de sonder plus en profondeur… Un coup de brosse métallique sur l’hélice et son arbre et nous ressortons nous rincer soigneusement à l’eau douce sur le ponton. J’ai l’impression de sentir ma peau me démanger. Mon imagination court de nouveau. J’espère que je n’aurais pas la surprise de me voir pousser de gros boutons purulents suite à ce passage prolongé dans ce bouillon de culture.

Cette fois-ci, nous sommes prêt ! Je vais enfin naviguer pour la première fois avec mon bateau. J’ai honte de dire cela parce que, normalement, quand on achète un voilier, on demande à faire un tour avec, on ne se contente pas de le regarder, bref, on l’essaye… Et bien, ça ne m’était même pas venu à l’idée !!! Je croise les doigts pour ne pas découvrir un défaut majeur.

Anxieuse, je largue les amarres et Pierre nous dirige hors du méandre que constituent les différents pontons de la marina. Nous sortons enfin de l’enclave et prenons la direction des Anses d’Arlet à quelques milles nautiques de là. Je me repose complètement sur lui pour nous orienter car je n’ai encore aucun logiciel de navigation à bord et je ne connais pas la côte. Incapable de reconnaître le paysage que je vois défiler, je me laisse donc guider.

Je reprends la barre pendant que Pierre tente de hisser la grand-voile(*). Il trouve qu’elle est difficile à hisser sur les derniers mètres. Il faudra qu’il monte au mat pour aller voir me dit-il. Ok, super… un premier problème à régler… Nous déroulons le génois(*) et je suis surprise de constater à quel point il recouvre une grande partie de la grand-voile. Nous coupons le moteur et nous commençons à tirer quelques bords. Je profite des conseils de Pierre qui est également moniteur de voile. Le bateau réagit bien. Je suis heureuse !

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Nous atteignons rapidement les Anses d’Arlet. Je vois les mâts dépasser au loin indiquant l’emplacement du mouillage. Nous nous glissons entre les bateaux à la recherche de celui de Pierre qui me guide pour ancrer correctement. Ca y est, les deux jumeaux sont l’un près de l’autre. La copie du mien présente une coque bleue foncée, pas de portique à l’arrière ni de capote mais il a bien la même ligne effectivement. Je gonfle l’annexe(*) pliable que j’ai à bord et nous ramons jusqu’à terre pour fêter l’évènement avec le coéquipier de Pierre que nous récupérons au passage.

La fin de la semaine arrive vite. Je rencontre Ben à bord d’un voilier de 7,60 mètres de type Sangria(*). Il a traversé l’Atlantique sur son mini-bateau en compagnie de deux autres équipiers qu’il a débarqué au Marin, au sud de la Martinique. A l’heure actuelle, il vit à bord avec sa copine. Il cherche à vendre son zodiac motorisé car il préfère se déplacer en kayak. Pas besoin de gonfler quoi que ce soit, pas d’essence à acheter, pas de panne à résoudre et donc plus d’économie de temps et d’argent à terme. Il vient d’ailleurs d’acheter deux magnifiques kayaks flambants neufs qui trônent sur de chaque côté du pont.

Et justement, moi, je n’aime pas mon annexe et son fond souple à latte. Elle faisait partie de l’équipement fourni à l’achat avec le bateau. Chaque fois que je grimpe à l’intérieur, j’ai l’impression que les lattes vont péter sous mon poids et que je vais traverser le fond souple. L’annexe de Ben, elle, a un plancher gonflable qui, bien gonflé, imite presque un plancher rigide. Et ça semble être solde car je vois même Ben, avec 80 kilos, sauter dedans depuis le pont de son bateau, sans sourciller. Et son petit moteur me fait envie également. Mon annexe n’est pas motorisé. C’est tout à la rame et je n’ai pas de dames de nage(*) du coup, il faut soit ramer à deux, chacun une rame de son côté, soit ramer à l’avant seul en pagayant une fois à gauche, une fois à droite (pas très efficace…). Et un 4 temps Yamaha de 2,5 chevaux qui pèse dans les 13 kilogrammes, c’est facile à porter et à déplacer pour moi.

Je fais part de mes projets à mon conseilleur qui semble vouloir apporter son grain de sel dans tout ce que je fais, quitte à prendre les décisions à ma place… Ben a prévu de quitter le mouillage le lendemain matin, dimanche, et Pierre, qui n’est pas disponible de la journée, me propose d’aller voir ensemble l’annexe et son moteur juste avant son départ, à 8h00. Ok… Le soir même, je les vois, lui et son coéquipier, se faire entraîner par une troupe surexcitée dans une fiesta à quelques kilomètres de là tandis que moi, je décide de rester tranquillement à bord de mon voilier à bricoler.

Le lendemain matin, je vois le temps défiler sans réussir à joindre Pierre. Personne sur son bateau. Vers 9 heures, je décide de partir à sa recherche à terre et, en route, je croise son coéquipier en train de nager dans ma direction, un sac plastique sur la tête et nu comme un ver. Je l’interpelle en faisant semblant de ne rien remarquer. Il ne sait pas où est Pierre. Ils étaient ensemble jusqu’à très tôt ce matin, ensuite il a suivi une copine et il l’a perdu de vue. Là, il ne souhaite plus qu’une seule chose, c’est d’aller dormir pour récupérer. Et il nage tout nu avec ses affaires bien au sec dans le sac qu’il a sur la tête car quelqu’un lui a piqué le short de bain qu’il portait hier pour nager jusqu’à la plage, qu’il avait pourtant planqué et laissé sécher dans une barque qui trainait là bas. Et non, il n’avait pas eu envie de tremper son jean…

Ben m’appelle sur mon téléphone. Il est pressé de partir. Du coup, je décide d’aller le voir pour traiter en tête à tête. Re-belote. Je me trouve de nouveau devant un objet que je souhaite acheter sans avoir les connaissances techniques nécessaires. Ca commence à bien faire… Après tout, je me suis débrouillée seule pour le voilier, Ben a l’air honnête, on verra bien.

Il m’emmène faire un petit tour avec lui pour tester le Yamaha. Démarrage au quart de tour, pas de raté. Il soulève le capot et dévoile l’intérieur du moteur qui a l’air vraiment propre comme s’il venait d’essuyer méticuleusement chacune des pièces avec un chiffon. Ca m’impressionne. Il m’assure qu’il fonctionne bien, qu’il l’a toujours entretenu lui-même et qu’étant électro-mécanicien de métier, il sait ce qu’il fait. Je veux bien le croire. Vraiment je suis tentée… Et son annexe date de l’année précédente, elle est donc récente et devrait résister longtemps aux UV agressifs du soleil. Vraiment ce combo zodiac et moteur est tentant. Et puis je suis certaine de pouvoir facilement revendre ma propre annexe plus tard. « Ok, tope là, je t’achète l’ensemble !!! ».

Je reviens sur Nautigirl toute heureuse. Je réalise alors que Pierre et son coéquipier sont en train de prendre le café ensemble sur leur bateau. Je plonge à l’eau pour les rejoindre et me faire inviter. Enthousiaste, je leur explique la situation. Et là, encore, je vois Pierre changer d’attitude. Au lieu d’être heureux pour moi, il semble me reprocher de ne pas l’avoir attendu (deux bonnes heures quand même…. un rendez vous à 8 heures du matin, honoré à 10h… là le soit-disant « délai légal du retard martiniquais » était arrivé à expiration d’après moi…), de n’en faire qu’à ma tête et que si c’est comme ça, il récupère ses outils sur mon bateau et que je n’ai plus qu’à me débrouiller seule.

Choquée et interdite devant son attitude que je ne comprends pas, je tente de m’expliquer. Je l’ai attendu, il n’était pas disponible et je ne voulais pas laisser passer une bonne affaire, ça se comprend, non ? Et puis quoiqu’il arrive, je suis adulte, non ? Si je fais une erreur, et bien tant pis pour moi, où est le problème ? Pourquoi le prend-t-il mal ?Impossible de lui faire entendre raison… Je ne comprends pas la brutalité de sa réaction, ni de ses paroles. Je suis dégoûtée et je ne peux m’empêcher de penser qu’il a véritablement un problème avec ses sautes d’humeur inexpliquées…

Enervée, je lui réponds alors que si telle est sa décision, pas de souci, je me débrouillerai. Et sans attendre sa réponse, je saute à l’eau pour rejoindre mon voilier à la nage. Trois minutes après, il me rejoint, attrape les 2 ou 3 outils qui lui appartiennent et remonte sur son annexe. Il se tourne alors vers moi en me lançant avec un sourire de défi un « bonne chance » bien narquois et il s’éloigne…

ET MAINTENANT, JE FAIS QUOI ?


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PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Annexe : petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau au mouillage.

Antifooling : peinture couvrant la partie immergée de la coque et contenant des produits toxiques destinés à empêcher le développement des mollusques et des algues.

Dames de nage : rien à voir avec des femmes en train de nager, non ! c’est un objet, parfois en forme de fer à cheval à l’envers, qui sert à fixer une rame sur l’annexe.

Génois : c’est une voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

Grand-voile : c’est la voile principale du navire, hissée sur le mât.

Sangria : nom d’une série de voiliers construits en résine polyester par Jeanneau de 1970 et 1983 destinés à la croisière côtière et faisant partie des voiliers qui ont démocratisé la voile en France.

Art. 3 – Les préparatifs avant le départ

Vue depuis le ponton avant - copie(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Nautigirl est à moi. Avant de m’y installer définitivement, je passe 3 jours à le nettoyer de fond en comble car l’avant-dernier propriétaire y a dispersé de la poudre anti-cafard dans tous les recoins possibles et Frédéric, le dernier acquéreur, ne s’en est jamais débarrassé. Du coup j’en trouve partout… A moins qu’il n’ait transféré de la cocaïne depuis Sainte-Lucie avec le bateau et qu’il ait fait une bataille de boules de coke à bord, ce dont je doute très sincèrement… En tout cas, le produit à l’air efficace car nul part, je ne trouve la trace d’un insecte. D’ailleurs, vu la quantité de poudre que je trouve dans les coffres, les équipets(*) et dans les coutures des coussins, je ne suis pas sûre que seuls les cafards y laissent leur peau. Après avoir aspiré le plus gros, je tente d’enlever délicatement le reste avec une éponge, les mains protégés par des gants, essayant de ne pas en respirer par inadvertance. Certains coins sont tout simplement inaccessibles et je finis par abandonner l’idée de faire disparaître toutes traces de ce produit. Il est là depuis trop longtemps et parfois il semble comme collé à la résine. Je fais de mon mieux et, ma foi, s’il en reste un peu, tant mieux, cela fera fuir les potentiels cafards qui voudraient tenter leur chance à bord.

Maintenant que j’ai fait le grand nettoyage de printemps sur le bateau… chose qui ne nécessite, a priori, pas de connaissances particulières… comment vais-je faire pour le déplacer ? La marina m’a autorisé à rester jusqu’à la fin du mois car même si Frédéric a vendu le bateau, elle ne compte pas lui rétrocéder une quote-part du loyer payé pour la place de port, et lui – bon prince – m’en fait bénéficier. Il faut donc que je bouge le bateau après-demain et pour le moment, je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre.

J’ai beau avoir passé récemment mon permis hauturier(*) (1 mois avant ma traversée de l’atlantique) pour justement en savoir plus sur la voile, hé bien, je n’ai rien appris sur la navigation elle-même, j’ai juste appris à tracer une route ou à faire un relèvement(*), et j’ai eu 20 sur 20 ! Ça, c’est encore mon côté « bonne élève » qui s’imagine qu’il y a un diplôme pour tout… Et bien en bateau, visiblement, rien ne remplace l’expérience… Et c’est une chose d’avoir transater(*) en équipage sur un gros voilier avec un skipper à bord (un Sun Odyssey 479), mais c’est autre chose d’être, toute seule, à bord de sa propre embarcation. Je n’ai jamais fait de manœuvres de port, je n’ai vu démarrer le moteur qu’une seule fois et il ne suffit pas de savoir tourner une clé pour le faire, je ne sais pas me servir du pilote automatique (*) que j’ai à bord et je n’ai aucune idée sur la manière dont je peux diriger le bateau et gérer les voiles en même temps en ayant aucun équipier sous la main…

Il me faut une notice d’utilisation… ou plutôt, comme je l’ai fait pour la voiture, je pense qu’il me faut un peu de « conduite assistée » pour prendre confiance en moi et « faire connaissance » avec mon bateau. Et justement je pense à une personne qui pourrait m’y aider car elle possède le jumeau de Nautigirl. C’est Pierre, le fameux pote qui m’a brutalement abandonnée sur le trajet de la marina alors que nous étions censés aller ensemble au rendez-vous fixé par Frédéric… Quelques jours se sont écoulés, il sera peut-être de meilleure humeur…

J’ai donc appelé Pierre pour lui demander son aide. Il semble qu’il n’ait pas un si mauvais fond finalement puisqu’il répond à ma demande. Je dois préciser que j’ai su lui donner une certaine motivation puisque je lui ai proposé de le payer pour le temps et les conseils qu’il me prodigue. Et comme il n’a pas encore trouvé de boulot pour le moment, ça l’arrange tout de même je pense, même s’il ne me l’avoue pas…

Je vais donc le chercher en voiture aux Anses d’Arlets, à une heure de route de là, où il a mouillé(*) son bateau. Je le ramène à la marina Z’abricots. Il inspecte scrupuleusement ma nouvelle acquisition. Je me fais traiter de folle de l’avoir ainsi acheté sur un coup de tête sans rien y connaître et fais semblant de ne rien entendre quand je lui rappelle que j’avais pourtant prévu de venir bien accompagnée au fameux rendez-vous avec Frédéric. Je coupe court à la discussion : « Bref, c’est fait alors maintenant, il est comment mon bateau ? »

Il commente tout ce qui lui paraît suspect ou à surveiller. Il contrôle le gréement(*), s’assure que le mât est droit, que les haubans(*) sont en bon état. Il pose ensuite la main sur un winch(*) et tente de le faire tourner. Et là, rien… bloqué. Tout comme tous les autres winches d’ailleurs. Hé oui, c’est un point que je n’ai pas pensé à contrôler en faisant la visite. Frédéric m’avait dit qu’il naviguait régulièrement avec le bateau alors j’ai supposé que les winches fonctionnaient sinon comment faisait-il pour border(*) le génois(*) ou hisser la grand-voile(*) ? A la réflexion, on dirait qu’il n’a pas passé tant de temps à apprendre ou qu’il a cessé d’apprendre depuis un bon bout de temps… Pierre regarde ensuite l’état des drisses(*) et des écoutes (*). Il observe les pieds de chandeliers(*), le rail de fargue(*), l’état des filières(*).

Il descend dans le carré(*) et soulève la descente(*) masquant le moteur. Il l’observe silencieusement, contrôle le niveau d’huile et son aspect, le démarre un instant, écoute et l’éteint. Il soulève les planchers, encore une chose que je n’ai pas faite, et s’exclame alors: « Les boulons de quille(*) ! On ne les voit pas ! ». Effectivement, là où on devrait les voir, on ne devine que de grosses bosses recouvertes par de la résine peinte en blanc… Je m’étonne à voix haute : « Ha ? Et, c’est important ? » J’ai alors le droit à un véritable sermon disant que oui, bien sûr, c’est extrêmement important car ce sont eux qui maintiennent la quille attachée au bateau, qu’ils ne doivent jamais être masqués. Il pense que c’est sans doute une ruse du propriétaire pour masquer des boulons de quille en mauvais état… Je commence déjà à imaginer mon voilier perdre sa quille en pleine route. Ainsi, ce sont de simples vis qui tiennent la quille ? J’imaginais… je ne sais pas moi… que c’était soudé, vissé, collé mais pas que c’était simplement boulonné… Il commencerait presque à me faire penser que je me suis faite avoir ! J’appelle rapidement Frédéric pour lui demander pourquoi ces fameux boulons de quille sont recouverts de résine. Il me répond que la table qui occupe le centre du carré n’est pas d’origine et que c’est lorsqu’elle a été installée sur ses deux nouveaux pieds tous proches des boulons de quille qu’il a été décidé de résiner le fond du bateau et de le peindre pour faire plus propre et plus joli et que les boulons de quille sont en parfait état (enfin, c’est ce que j’ai compris de son explication). « Ah ? Ok… ». Je ne peux que le croire sur parole sinon il faut que j’enlève l’épaisse couche de résine pour faire apparaître le dessus des boulons. Pas facile de vérifier ses dires, hummm… Je verrais plus tard…

Je me retourne vers Pierre : « Et sinon ? Forcément, il y a des points à revoir mais , tout de même, je n’ai pas non plus acheté une ruine ? Si ? Non ? Ha, tant mieux !!! ». A sa grimace, je comprends qu’il considère que j’aurais pu plus mal tomber et que j’ai simplement eu de la chance mais que je ferais mieux de ne pas me vanter… Lui, il aurait tout de suite vu ce qu’il n’allait pas et il aurait négocier à mort le prix et fait céder le propriétaire… Je lui rétorque que, d’après moi, si j’avais tenté de négocier le prix, le prochain visiteur aurait payé cash le montant demandé et que Nautigirl me serait passée sous le nez. Visiblement, nous avons du mal à accorder nos points de vue respectifs… Ca promet pour plus tard…

Il finit son inspection du bateau, puis il commence à dresser la liste des choses à acheter pour pouvoir bricoler dessus. Pour le moment, en effet, je n’ai aucun outil en ma possession. Je viens d’arriver de transatlantique avec mon sac à dos et mon aile de kite. Point barre. La seule chose que j’ai trouvé à bord, c’est une visseuse fonctionnant sur le 12 volts.

Les plus chanceux, lorsqu’ils achètent un bateau récupèrent la trousse à outils du bord, d’autres, comme moi, doivent se la constituer. Nous partons donc pour faire le tour des magasins. Il me faut acheter des tournevis de tailles et d’empreintes variés, une scie à métaux, un cutter et des lames, des seaux (ça sert toujours des seaux sur un bateau), des clés plates, des clés à oeil, des clés Allen, une clé à cliquet, un coffret de mèches et d’empreintes diverses pour la visseuse, des pinces, un marteau etc… Bref, je dépense une fortune pour avoir un minimum d’outils à bord et devenir une bricoleuse en herbe. Ca aussi, c’est un détail auquel je n’avais pas prêté attention : lorsqu’on achète un bateau et qu’on vous laisse de l’outillage à bord, ça représente une économie considérable et à l’inverse, quand il n’y a rien…

Même raisonnement pour la vaisselle. Pour vivre à bord, il faut bien des couverts, des assiettes, des verres, des bols, des casseroles etc., et là encore, mon bateau était vide de chez vide… Nouveau coup dur à mon porte-monnaie… Ah non, j’oubliais… J’a trouvé à bord 4 gobelets violets en plastique épais et un set de petites assiettes jaunes poussin jetables… Et un gros paquet de chips et une bouteille d’eau ! Youhou !!! Bref, ce n’était pas Byzance, loin de là et j’ai fini cette journée « explosion de ma carte bancaire » au rayon « Vaisselle » et « Alimentation » d’un supermarché histoire de pouvoir me faire à manger à bord.

Le lendemain, je retourne au bateau avec Pierre. J’ai déjà pris le temps d’y ranger tous les outils. Je suis impatiente de commencer ma formation « Maintenance du bateau ».

Première étape, démonter les winches qui sont tous bloqués, sans exception. Pierre me montre comment faire sur le premier. Il le désosse complètement devant moi en prenant soin de mettre toutes les pièces dans une petite bassine trouvée dans un des coffres du bateau. L’essentiel, m’explique-t-il, c’est de faire attention à ne perdre aucune pièce. Et il m’apprends qu’il faut toujours utiliser un récipient pour stocker les pièces lorsqu’on démonte quelque chose sur un voilier. Sinon, on a vite fait de perdre quelque chose et lorsque ça tombe dans l’eau, c’est perdu à jamais généralement… Je le regarde faire et répète ses mouvements sur un autre winch. Finalement, c’est presque comme le jeu de construction Meccano, il suffit de savoir quelle pièce va où. Quand tout est démonté, on nettoie les pièces avec un peu de gasoil, il paraît que ça décape pas mal. On brosse, on frotte pour faire disparaître le mélange de saletés et de graisse qui s’est accumulé un peu partout et qui empêche le winch de fonctionner. Un peu de WD 40(*), ce produit magique…, un peu de graisse et hop ! on remonte le tout et ô miracle, le winch tourne ! Quelques heures après, ils fonctionnent tous. Un premier point de réglé ! J’ai réussi à ne rien perdre en route même si j’ai eu une petite frayeur j’avoue, quand un petit ressort a jailli de son emplacement pour tomber à l’intérieur du bateau et non dans l’eau. La chance était avec moi ce jour là car la boîte qui fabriquait ce type de winches n’existe plus et pas moyen de trouver des pièces de rechange.

Deuxième étape, faire l’entretien courant du moteur. Je n’ai aucune idée de la date de la dernière vidange et des changements de filtre. Tout ce que je sais, c’est que Frédéric, en 6 mois, n’a rien fait et que ça doit commencer à dater. Pierre me montre donc comment faire la vidange d’huile et il me donne ses petits trucs et astuces pour travailler proprement sans s’en mettre partout. Par exemple, découper dans sa longueur une bouteille d’eau en plastique qui s’insérera sous la vis de purge afin de récupérer la vieille huile. Il me parle de l’utilité des couches pour bébé hyper absorbantes et parfaites pour nettoyer les éventuelles coulures d’huile. Original… Je n’aurais jamais pensé qu’une couche pour bébé puisse trouver son utilité à bord d’un bateau hormis si… on a un bébé… Je filme tout ce qu’il me montre au cas où, plus tard au moment où je devrais le refaire, j’oublierai un détail. Après avoir retiré le filtre à huile, il s’attaque au circuit de gasoil et démonte le filtre et le préfiltre. Le lendemain matin, je file acheter des éléments neufs chez un shipchandler(*) et je rejoins Pierre les bras chargés de mes achats. Il commence le remontage tout en continuant ses explications. Nous vérifions ensuite les niveaux : huile, gasoil et liquide de refroidissement. Il me rappelle tout en les suivant les étapes à respecter avant de démarrer le moteur : vanne d’eau de mer ouverte, manette des gaz au point mort, interrupteur n°1 sur « on », interrupteur n°2 sur « préchauffage » pendant quelques secondes et ensuite « start ». Le moteur tousse et démarre. Tout va bien, il ronronne comme un vieux pépère et à l’arrière, je cours le vérifier, il crache bien de l’eau, signe qu’il est bien refroidi par l’eau de mer.

Tout est ok pour le départ prévu demain matin !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Carré : pièce intérieure du bateau où l’on peut se réunir.

Chandeliers : barres métalliques verticales fixées tout autour du pont et dans lesquelles passent les filières, rien à voir avec une bougie même si ça peut vaguement y ressembler.

Corde : terme proscrit du vocabulaire maritime, chaque “corde” ayant un nom particulier comme un bout, une drisse, une écoute ou une amarre par exemple.

Descente : c’est le petit ensemble de marches qui mène à l’intérieur du voilier.

Drisse : “corde” que l’on voit courir le long du mat et qui sert à hisser ou
affaler une voile.

Ecoute : “corde” fixée au coin de la voile et qui sert à régler l’angle de la voile par rapport au vent (en la tendant plus ou moins fort).

Equipet : c’est un terme marin qui désigne un petit rangement qu’on trouve dans les cloisons des voiliers.

Filières : câbles, généralement métalliques, courant tout autour du pont à travers les chandeliers afin de servir de garde-corps ou de bastingage.

Génois : c’est une voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

Grand-voile : c’est la voile principale du navire, hissée sur le mât.

Gréement : ensemble de la voilure et de tout ce qui sert à l’établir : mât, bôme, haubans etc.

Haubans : câbles qui soutiennent latéralement le mât, reliant les hauts du mât au pont du bateau.

Mouiller un bateau : c’est un terme de marin qui signifie poser l’ancre quelque part afin de « stationner » son bateau.

Permis hauturier : ce permis permet de conduire des bateaux – à moteur – sans limitation de puissance, de taille ou d’éloignement par rapport à un abri à la différence du permis côtier (navigation jusqu’à maximum 6 milles d’un abri). Pour information, aucun permis n’est nécessaire pour un voilier.

Pilote automatique : comme son nom l’indique, c’est un dispositif qui permet de piloter le bateau sans intervention humaine. Très pratique lorsqu’on a pas envie de barrer soi-même !

Quille : sorte de “nageoire ventrale” qu’on distingue sous la coque du voilier servant de plan anti-dérive. Étant également lestée, elle permet d’abaisser le centre de gravité du bateau et d’en assurer ainsi la stabilité latérale.

Rail de fargue : pourtour, généralement métallique, qui dépasse de quelques centimètres tout autour du pont, telle une couronne et ayant pour rôle, par exemple, d’empêcher un pied par exemple de glisser à l’extérieur du bateau.

Relèvement : faire un relèvement, c’est mesurer l’angle sous lequel on voit quelque chose (un phare, un autre bateau etc.) par rapport à une direction de référence qui est le Nord.

Shipchandler : c’est un magasin spécialisé dans les fournitures de pièces de bateau.

Transater : traverser l’Océan Atlantique en voilier.Gréement : ensemble de la voilure et de tout ce qui sert à l’établir : mât, bôme, haubans etc.

WD40 : produit magique que tout le monde ou presque a à bord d’un bateau. Il protège le métal de la rouille et de la corrosion, il décoince des pièces coincées, il repousse l’humidité et il lubrifie quasiment tout. Il élimine même la graisse, la saleté de la plupart des surfaces. Magique, je vous dis !!!

Winch : avec sa manivelle, sorte de gros moulin à café sur lequel vient s’enrouler la “corde” qu’on cherche à tendre. Il permet de démultiplier les efforts.

INFO 01 – Les cyclones ont tous un prénom

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La liste des noms qui seront attribués aux cyclones et tempêtes à venir dans la la zone Atlantique Nord est établie chaque début d’année par le Centre National des Ouragans de Miami en Floride (National Hurricane Center ou NHC en anglais) ? En 2017, elles s’appelleront : Arlene, Bret, Cindy, Don, Emily, Franklin, Gert, Harvey, Irma, Jose, Katia, Lee, Maria, Nate, Ophelia, Philippe, Rina, Sean, Tammy, Vince, Whitney.

On donne ainsi un nom commençant par la lettre A à la première tempête de l’année, ensuite c’est B et ainsi de suite. Certaines lettres comme Q, U, X, Y et Z sont exclues car il n’y a pas assez de prénoms leur correspondant.

Si vous voulez briller en société, je vous donne quelques détails complémentaires. Alors, lisez jusqu’au bout !

C’est en Australie, au début du 20ème siècle, qu’un météorologue a, pour la première fois, baptisée une tempête tropicale. Il a décidé de lui donner le nom d’un politicien qu’il n’aimait pas.
Pendant la Seconde guerre mondiale, les militaires américains prennent l’habitude de nommer de nommer les tempêtes dans les zones tropicales d’après le nom de leur femme par exemple.

Ce n’est qu’à partir de 1950 que le Bureau météorologique américain décide de donner systématiquement un nom aux cyclones en utilisant dans un premier temps l’alphabet phonétique.

Puis à partir de 1953, ce sont des prénoms exclusivement féminins qui sont utilisés selon la croyance populaire (humm… masculine plutôt) que les humeurs des femmes sont aussi imprévisibles que les tempêtes. Ceci, forcément, a engendré la colère des ligues de féministes aux Etats-Unis trouvant anormal d’associer le nom d’une femme à une catastrophe naturelle.
Il faudra attendre 1979 (soit 26 ans plus tard !!!) pour voir l’apparition de noms masculins dans la liste !

Les mêmes listes sont réutilisées tous les six ans. L’année 2017 est la première année d’un cycle. En 2024, on réutilisera les mêmes prénoms en supprimant les plus traumatisants. C’est pourquoi il n’y aura plus de Katrina, de Mitch ou encore d’Harvey par exemple.

Dans le cas d’une année record où le nombre de tempêtes tropicales dépasse le nombre de 21, les tempêtes suivantes font appel à l’alphabet grec, en commençant par Alpha.

Le recours à ces noms permet de faciliter les échanges avec les spécialistes, les autorités et la population. Chaque phénomène dangereux étant ainsi identifié, le risque de confusion est réduit lorsque deux ouragans se suivent par exemple.

Comme je le disais, seules les phénomènes de type tempête « et plus » sont baptisées. Lorsqu’ils sont « bébés », ce ne sont que de simples perturbations tropicales. Selon les conditions que celles-ci rencontrent, elles peuvent se transformer en dépression tropicale. Sur les animations satellites, les vents forment alors clairement un cercle fermé. S’ils atteignent 17 mètres par seconde (soit 62 km/h), on parle de tempête tropicale. C’est à ce stage généralement qu’on lui donne un prénom. A partir de 118 km/h, on parle de cyclone tropical autrement dit un ouragan.

Les ouragans sont classés dans 5 catégories, selon l’échelle de Saffir-Simpson, qui correspondent à des niveaux d’intensité et à des intervalles de vitesses de vents : catégorie 1 : des vents de 119 à 153 km/h (soit 64 à 82 noeuds), catégorie 2 : des vents de 154 à 177 km/h (soit 83 à 95 noeuds), catégorie 3 : des vents de 178 à 210 km/h (soit 96 à 113 noeuds), catégorie 4 : des vents de 211 à 251 km/h (soit 114 à 135 noeuds), catégorie 5 : des vents de plus de 251 km/h (soit plus de 135 noeuds).

Instructif, n’est-ce pas ?

Art. 2 – Qui est DreamChaser ?

Vue depuis le ponton avant - copie

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

DreamChaser, c’est le nom que j’ai choisi pour me représenter sur les réseaux sociaux. J’aurais pu garder mon vrai nom me direz-vous ? Oui, mais je cherchais à la fois un petit peu de discrétion ainsi qu’à associer au nom de mon bateau un mot qui puisse refléter ce que je recherche à l’heure actuelle, c’est-à-dire poursuivre mes rêves. En anglais, un chasseur de rêves se dit « dream chaser ». Mon voilier portant un nom à consonance anglais, j’ai donc opté pour la même langue pour mon surnom, c’est comme ça que j’ai retenu DreamChaser.

Poursuivre mes rêves ? », c’est -à-dire ?

Hé bien, depuis que j’ai commencé à travailler, le rythme infernal de ma vie professionnelle, et sans doute ma personnalité qui tend à ne jamais remettre au lendemain ce que je peux faire aujourd’hui, m’ont empêchée de prendre du temps pour moi et pour les activités que j’affectionne, le kite-surf, le surf ou la plongée, bref les activités nautiques en général. Et pourtant, je vis à Tahiti depuis plus d’une décennie. Mais j’y travaille, certes différemment, mais aussi dur ou presque qu’à Paris (hé oui ! La vie sous les cocotiers ne signifie pas pour autant qu’on s’y roule les pouces). C’était une lutte constante pour dégager du temps de pratique avec comme constat final un sentiment d’inachevé car les mois et les années filaient sans pour autant voir mon niveau s’élever… En même temps, je dois dire que je ne fais sûrement pas partie des gens « naturellement doués ». Mais il est vrai que plus on pratique, plus on s’améliore ou en tout cas, moins on perd !

L’approche de la quarantaine a commencé à tout remettre en question dans ma tête. Si je devais résumer ma vie, j’aurais dit que, côté professionnel, je l’avais réussie, et côté personnel, c’était une catastrophe. Pas de relation amoureuse sérieuse, un petit ami de passage dans ma vie car voileux et en plein tour de monde, pas d’enfant, et des amis que je voyais rarement car je privilégiais mon boulot aux soirées (et travaillant à mon compte, j’y passais souvent mes nuits et mes week-ends).

Patrick, c’est le nom de ce petit ami, lui, était dans un contexte totalement opposé au mien. Lui, il privilégiait le côté personnel au côté professionnel. Il était constamment entouré d’amis, notamment car, comme il me l’expliquait, il avait, et il prenait, toujours le temps. Il passait des heures et des heures à kiter ou à surfer selon les conditions du moment. Sa vie entière se résumait à vivre ses envies et être heureux. Alors, bien entendu, il ne faut pas croire que tout est idyllique dans son cas. Vivre ainsi, c’est vivre hors de la société, sans assurance maladie, sans revenu régulier et accepter de se contenter de peu. Et lui, il y arrivait parfaitement. S’il fallait qu’il mange du riz blanc pendant un mois parce qu’il ne lui restait plus un sou, ça ne lui posait aucun problème. Il travaillait un peu quand ça lui chantait ou quand nécessité faisait loi et le reste du temps, c’était pour lui.

Côtoyer un personnage si différent de moi m’a permis de me donner le coup de pied au derrière qu’il me manquait pour décider de changer de vie. Le fait d’en être amoureuse aussi. Je l’ai été rarement été dans ma vie mais quand ça m’arrive, je suis prête à soulever des montagnes. Et dans le cas présent, il a été là au bon moment pour me faire passer un cap : je décide de tout plaquer et de le suivre sur son voilier…

Mais ne croyez pas que c’est lui qui m’y a poussée, non, non ! C’est un homme indépendant, très gentil mais qui ne sait pas ce que c’est que d’être amoureux, en tout cas pas encore à ce stade de sa vie. Non, il s’est plutôt contenté de ne pas stopper mon enthousiasme à chaque fois que je lui parlais de mes projets, sans jamais en être le moteur. Et moi, aveuglée par mes sentiments, je voyais dans ses réactions une approbation de sa part (ah ! l’amour !!!) et nul besoin de me pousser, j’avançais toute seule, je courais même !

J’ai trouvé un repreneur pour ma clientèle que j’avais pris plus de 5 années à développer. J’ai pris 6 mois environ pour, petit à petit, prévenir mes clients, les présenter à mon successeur, bref organiser la fin de ma vie professionnelle. Pour moi, c’était quelque chose de très significatif ! On ne quitte pas du jour au lendemain un revenu confortable obtenu au prix de sa sueur sans se poser la moindre question. On s’interroge, on oscille même de multiples fois entre “Je le fais ?”, “Je ne le fais pas !”, “ Allez, courage, ça va être super !”, “Non, je vais regretter…”. Et puis finalement, on fonce en essayant de ne pas trop réfléchir.

Arrive la fin de ma dernière saison fiscale, le 31 mars 2016… J’ai rendu tous mes bilans. Les dossiers ont été transférés à mon successeur. J’ai dit au revoir à tous mes clients. Certains sont dubitatifs. Me connaissant depuis plusieurs années, ils m’imaginent assez mal capable de vivre sur un petit bateau loin du rythme effréné que je connais habituellement. Et sans confort particulier. Pas de frigo, pas de douche. 8,50 mètres à sa partager à deux avec, en plus, plein de bordel à bord : des kites, des surfs, des paddles et même un kayak ! Ils parient même sur mon retour prématuré dans mon activité professionnelle. « Tu verras, dans 3 mois, tu t’ennuieras et tu reviendras ! ». Et moi, je les écoute en souriant. Je ne réfléchis pas. Je ne sais même pas moi-même si je vais aimer ou non la vie de bateau que je m’apprête à vivre à bord d’Eureka, le bateau de Patrick.

Et finalement, je passe 5 mois à bord avec lui. 5 mois de sentiments contrastés. Des rires, des découvertes fantastiques, des rencontres formidables, des larmes aussi, des peurs, de l’ennui parfois également. Tout un panel de sentiments y passe…

De l’ennui au début car effectivement passer d’une vie à 100 kilomètres par heure à une vitesse de déplacement de 4 noeuds(*), soit moins de 8 kilomètres/heure environ, c’est dur… Tout me semble lent. Je vois Patrick régler constamment ses voiles, bricoler par ci et par là et moi, je découvre cet environnement, je ne suis pas à l’aise, je n’arrive pas à l’aider ni même parfois à m’intéresser tout simplement. Petit à petit, je lui demande de me montrer comment gérer le bateau dans l’espoir qu’un jour, j’arrive à me débrouiller sans son aide. Doux et patient, il m’apprend tout ce qu’il sait. Mais moi, je ne retiens qu’une petite partie de ce qu’il me transmet, tout est trop nouveau. Manipuler un voilier, c’est autre chose que de faire de l’Optimist comme quand j’étais petite. Niveau bricolage, j’ai quelques notions mais entre ce qu’on fait dans une maison et ce qu’on fait sur un bateau, rien à voir. Côté mécanique et côté électricité, je suis une bille, tout simplement… Et je manque très fortement de confiance en moi. Je sais que je ne suis pas une autodidacte. C’est comme ça. Moi, j’apprends et j’ai toujours appris dans les livres. J’étais bonne à l’école, la parfaite petite élève. Mais l’école de la vraie vie, c’est autre chose. Et visiblement, de ce côté-ci, je fais partie des cancres. Prendre en charge seule un bateau me semble être un challenge inabordable pour moi même si Patrick,lui, semble confiant en mes capacités…

Au cours de notre voyage, je rencontre grâce à lui, des dizaines de navigateurs au profil variés. La plupart se sont déjà croisés en cours de route… quelque part dans le monde… Lui, c’était à Panama, lui au Vénézuela, cette autre personne, c’était en Martinique etc… Le monde des marins semble petit, c’est étonnant pour moi. Ils partagent leurs anecdotes : leur passage du canal de Panama, leur rencontre avec les indiens San Blas, le passage de l’Equateur au cours de leur traversée du Pacifique, leur expérience plus ou moins réussie avec des coéquipiers. Celui-là est franco-américain et il arrive tout droit de San Francisco avec son tout petit bateau de 8 mètres de long sans moteur à bord. Il est obligé de tirer des bords dans les passes des atolls(*) pour y rentrer et c’est pas rien !

Ces passes, justement, elles m’impressionnent tellement… Imaginez un courant qui va plus vite que la vitesse de déplacement maximale du bateau ! Si on arrive au mauvais moment et que le sens du courant n’est pas favorable, il est parfois tout à fait impossible d’y rentrer. Je découvre cet environnement. Il me paraît vraiment menaçant parfois d’ailleurs. Je pense qu’il me manque un petit côté “risque-tout”… Je me rappelle au moins trois bonnes frayeurs vécues à bord d’Eureka à cause des passes(*).

Première frayeur : une traversée de nuit de la passe nord de Fakarava(*). Nous avions quitté le mouillage à la nuit tombée et, déjà ça, ça ne m’avait pas trop plus. Moi à la barre pendant que Patrick remontait l’ancre bloquée à 10 mètres de profondeur sur un rocher (ha bah oui, on n’avait pas de guindeau(*) donc c’était tout à la main). Une fois libres, j’avais paniqué lorsqu’il avait fallu s’orienter au milieu des bateaux amarrés autour de nous en l’absence de repères alors que lui avait même envie de passer au cul du bateau des potes pour leur dire au revoir. Il avait dû venir me remplacer rapidement à la barre car je ne voulais pas risquer de heurter un voisin que je n’aurai pas vu. La peur avait déjà commencé à s’instiller en moi. Ensuite, nous avons franchi la passe à quelques milles nautiques de là toujours dans l’obscurité la plus complète, Patrick toujours à la barre. Le logiciel de navigation nous informait que nous étions au centre de la passe et moi, le regard fixé sur les indications du sondeur(*), je voyais les chiffres diminuer à toute vitesse : 5 mètres, 4 mètres, 3 mètres… J’étais accrochée, pétrifiée, au bastingage(*) et j’ai sérieusement pensé que le GPS(*) racontait n’importe quoi et que nous allions nous échouer sur les bords de la passe sans même nous rendre compte et peut être couler… En fait, c’était sûrement un banc de poissons qui, passant en dessous du bateau, perturbait le sondeur. Mais à l’époque, je n’avais pas conscience de ce genre de choses. Je me sentais toute à fait démunie dans cet environnement où je ne me maitrisais pas grand chose et je me reposais entièrement sur Patrick. C’était tout le contraire de ma vie professionnelle dans laquelle j’étais totalement en charge et où j’évoluais comme un poisson dans l’eau sans avoir besoin de personne…

Deuxième frayeur : le passage, de jour cette fois-ci, de la passe sud de Fakarava. Patrick avait, à mon goût, frôlé de bien trop près le spot de surf et ses vagues en sortant de la passe et j’avais cru, un moment, que le bateau risquait d’être entraînée par l’une d’entre-elles et que nous finirions à l’eau, la coque en l’air, entraînés sur le récif. Cela nous avait valu une bonne engueulade, lui, ne comprenant pas mon stress de ne rien maîtriser et de tout subir, et moi ayant besoin de décharger sous forme d’une certaine agressivité à la fois ma montée d’adrénaline et mon impuissance à lui faire comprendre ma peur.

Troisième frayeur : un mouillage(*) en plein dans la passe de Faaite(*), une passe connue pour son courant bien plus puissant que dans d’autres atolls. Vue la petite taille du voilier de Patrick, il était difficile de s’amarrer(*) au quai prévu pour des embarcations bien plus volumineuses, donc nous étions amarrés à l’unique et solide corps mort(*) au sein même de la passe. Au moment de partir, Patrick avait cru bon de libérer l’une des deux amarres(*) sans m’avertir et malheureusement, au moment où je m’approchais de l’étrave(*), pour nous désolidariser du corps mort, le nez du bateau a commencé à prendre le courant du mauvais côté entraînant l’amarre restante, toujours attachée sur le pont(*) du bateau, sous la coque, l’obligeant ainsi à basculer sur le côté, me faisant craindre un moment qu’on allait se retourner. J’ai heureusement réussi, je ne sais plus comment, à nous libérer permettant ainsi au bateau de retrouver son assiette et pivoter dans le bon sens pour se laisser guider par le flux de l’eau à l’extérieur de la passe.

Bref, en dehors de ces moments d’adrénaline, je découvre des paysages fantastiques, je plonge dans des endroits merveilleux, je kite dans des sites paradisiaques et j’apprends même à chasser mon propre poisson qu’on déguste souvent autour de barbecues improvisés sur la plage entourés de tous les amis du mouillage.

Arrive le moment où Patrick doit recevoir deux amies argentines à bord à qui il s’est engagé à donner des cours de kite (il est moniteur). Il les connaît de longue date et régulièrement elles le retrouvent là où est le bateau pour découvrir de nouveaux spots de kite et profiter de ses conseils. Craignant de ne pas supporter de vivre dans une telle promiscuité avec 3 autres personnes à bord dont deux ne parlant essentiellement qu’espagnol, langue que je ne maitrise aucunement, avec en plus leurs bagages qui va encore réduire l’espace de vie à bord, je préfère prendre quelques semaines de vacances en France.

Je pars à bord d’un voilier nommé « Naoma », un 38 pieds qui appartient à un couple d’américains très sympas, Ryan et Nicole que j’ai rencontré très brièvement quelques jours auparavant. Et je passe 48 heures avec eux pour rejoindre Tahiti à la voile. Je suis un peu intimidée car c’est la première fois que je fais du bateau-stop et je ne les connais pas beaucoup… Rapidement, je me détends. Ils sont super cools ! J’ai passé notamment pas mal de temps à discuter avec Ryan. Un mec génial ! Il m’encourage et me motive à suivre mes envies et mes rêves. On parle de nous, de nos familles respectives. Il me parle de sa maladie aussi. Il souffre d’une maladie incurable, une dystrophie musculaire, qui réduit progressivement sa masse musculaire et pour me montrer ce que cela signifie, il me montre une vidéo dans laquelle il en parle : https://www.youtube.com/watch?v=4ktBIBoowq8. Et ce grand sportif, au lieu d’être aigri ou d’en vouloir à la terre entière, déborde de joie de vivre, de bons sentiments, s’intéresse à qui je suis et prend le temps d’écouter mes craintes sur ma vie et mon couple. Et il me pousse à suivre mes envies sans m’effacer derrière quelqu’un d’autre. Arrivée à Tahiti, je prends l’avion pour Paris totalement boostée par nos discussions !

(Petite aparté : Ryan et Nicole ont une chaîne Youtube qui s’appelle « Two Afloat », n’hésitez pas à vous abonner, leurs vidéos sont très géniales. Ils ont beaucoup d’humour ! https://www.youtube.com/channel/UCs3WnQG-QeLq1ebfr0gBUhg. Et si vous voulez les encouragez dans leur aventure, leur page Patreon est celle-ci : https://www.patreon.com/twoafloat ! N’hésitez pas, vous ne serez pas déçus !)

Dans la foulée, je décide de m’inscrire pour suivre une formation pour devenir instructeur IKO(*) dans l’objectif d’aider, dans le futur, Patrick, à donner des cours de kite. J’avais déjà commencé à le faire mais je voulais être formée et diplômée par un organisme indépendant. Ainsi, en octobre 2016, je deviens officiellement instructeur IKO. Je suis fière de moi et heureuse de pouvoir compléter mon panel de compétences extra-professionnelles (l’année précédente, j’étais devenue instructeur de plongée PADI(*) en novembre après 3 mois à batailler sec pour libérer les heures de pratique nécessaires tous les week-ends). Je me dis qu’à presque 40 ans et pour une nana qui a passé sa vie derrière l’écran d’un ordinateur, ce n’est pas si mal. J’aime penser que je casse l’idée qu’on se fait d’une comptable…

Mes 40 ans justement approchant à grands pas, je ressens la nécessité de mettre à plat ma relation de couple. J’avais envie de me projeter avec mon homme mais j’avais le sentiment d’être la seule à m’investir réellement. Lui-même reconnaissait que j’étais toujours celle qui faisait le premier pas vers lui quand, lui, il continuait à frayer son chemin seul. Bref, j’avais besoin de savoir s’il m’aimait vraiment ou non… Quoique, lorsqu’on se pose ce genre de questions, logiquement, on a déjà la réponse… J’ai donc rédigé une longue missive récapitulant mon ressenti sur les deux années passées ensemble et le suppliant d’être honnête avec moi. En retour, il a pris son courage à deux mains afin de poser les vrais mots sur ce qu’il ressentait pour moi. Résultat de son introspection : il m’aime bien, je suis une fille formidable mais il est trop égoïste pour … blablablablabla… bref, tout ce qu’on dit à quelqu’un qu’on ne veut pas blesser mais qui ne fait quand même jamais plaisir à entendre. Forcément, je ne l’ai pas très bien pris… D’autant plus qu’il a réussi à me le dire pile poil le jour de mes 40 ans. En même temps, ce jour-là ou un autre, le résultat aurait été le même. Au moins, j’étais fixée…

C’est à partir de ce moment là que j’ai décidé de me prendre totalement en main. Hors de question de rentrer en Polynésie. Je n’avais pas envie de croiser mon ex trop rapidement, j’avais besoin de temps. Hors de question aussi de rester en France. J’avais quitté la métropole en 2004 et je me voyais mal m’y réinstaller. J’avais réussi à faire le plus dur, c’est-à-dire plaquer ma vie professionnelle et il était hors de question que je retourne dans cette vie conformiste trop rapidement. C’est tellement dur de quitter tout cela que je n’aurais peut être pas le courage et la volonté de tout quitter une deuxième fois… Et à quel âge dans ce cas ? Non ! Là, j’ai 40 ans, toutes mes dents (enfin presque en réalité)… C’est maintenant où jamais !

Je repense à ces discussions avec ces différents « voileux » que j’ai rencontré autour d’un feu de camp ou sur leur bateau. Ils m’ont donné envie de voir les paysages dont ils m’ont parlé. Et pourquoi pas, hein ? C’est ainsi que j’ai créé un profil sur plusieurs sites internet qui mettent en contact un propriétaire de bateau avec des personnes désireuses de naviguer. Mon premier projet, c’est de traverser l’Atlantique, rien que ça. Mon oncle, décédé à 48 balais, a été skipper dans l’une de ses diverses vies professionnelles et l’a traversé plusieurs fois. Je suis curieuse de faire le même passage que lui. Et j’espère presque pouvoir rencontrer de l’autre côté, des gens qui l’auraient croisé.

Une ou deux semaines passent sans proposition. Et soudain, Philippe, le propriétaire d’un Sun Odyssey 479, me contacte. Il a 70 ans, il est peu loquace mais il a l’air sympa au téléphone. Il a acheté un bateau neuf et souhaite le ramener en Martinique où il réside. Je saute sur l’occasion et prends un billet d’avion pour les Canaries où je le rejoins lui et l’autre équipier Antoine, 28 ans, infirmier urgentiste. Eux-mêmes ne se connaissent que depuis quelques semaines. Ils sont venus de France avec le bateau. Je complète ainsi une belle équipe pour traverser l’océan Atlantique.

Cela se révèle être une fabuleuse expérience ! Et comme, pour moi, il n’y a rien de mieux pour garder un bon souvenir que de le transcrire en vidéo, pour voir le résumé de cette transatlantique, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=AnSJBzcJE0M&t=52s.

Une fois arrivée en Martinique, j’hésite à continuer en bateau stop jusqu’en Polynésie. Mais j’ai envie d’y aller à mon rythme en m’arrêtant dans des endroits un peu perdus pour y faire un peu de kite, de surf ou de pêche, comme ce que j’ai connu avec mon ex en Polynésie et comme ce qu’il m’a raconté avoir vécu ici. C’est pour ça que l’idée saugrenue d’acheter un bateau me vient. Et puis, je veux réellement apprendre à naviguer. Être équipière, c’est bien, mais, au fond, on a toujours tendance à se reposer sur le capitaine lorsqu’il y a une petite difficulté ou une décision à prendre. Je veux voir si je suis capable de prendre mon courage à deux mains et de skipper mon propre bateau. Et on m’a déjà dit plusieurs fois que tant que je n’achèterai pas mon propre voilier, je n’arriverai pas à me lancer. Hé bien, devinez-quoi, j’ai relevé le défi ! Le premier d’une longue série !

C’EST AINSI QUE DREAMCHASER EST NEE !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Amarre : c’est une grosse “corde” utilisée par les bateaux pour se “garer” le long d’un quai ou d’un autre bateau ou pour s’attacher à un corps-mort.

Amarrer : comme dirait le dictionnaire Larousse, c’est attacher un navire au moyen d’amarres.

Atoll : c’est une île corallienne basse qui ressemble à un anneau. La mer qu’elle enferme en son centre s’appelle un lagon.

Corps-mort : c’est un objet pesant en général, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Etrave : c’est l’avant de la coque du navire.

Fakarava : c’est un atoll situé dans l’archipel des Tuamotu (Polynésie Française).

Faaite : c’est un atoll situé dans l’archipel des Tuamotu, proche de Fakarava (Polynésie Française).

GPS : cela signifie, en anglais, Global Positioning System. C’est un système de géolocalisation mondial qui permet, grâce aux satellites, de savoir où on se trouve de façon très précise et qui permet également trouver son chemin pour aller à un endroit.

Guindeau : c’est un treuil placé à l’avant du bateau dans lequel passe la chaîne et qui permet de relever l’ancre. Il est soit manuel (on actionne un levier qui ressemble vaguement à celui d’un bandit manchot pour faire fonctionner le treuil), soit électrique.

IKO : cela signifie, en anglais, International KiteBoarding Organization, ce qui signifie Organisation Internationale de Kitesurf.

Mouillage : c’est un terme qui désigne plusieurs choses selon le contexte. Le bateau est au mouillage, lorsqu’il est accroché à son ancre, ou à son corps mort, il ne navigue pas. Le mouillage c’est aussi la chaîne et l’ancre. Un bon mouillage est un lieu où l’on peut s’arrêter en sécurité.

Noeud : c’est l’unité de mesure de la vitesse utilisée en navigation maritime. Il correspond à un mille marin par heure, soit 1 852 mètres par heure ou 0,5 mètre par seconde.

Optimist : c’est un tout petit voilier avec une seule voile, souvent traité de caisse à savon, parfait pour apprendre la voile lorsqu’on est enfant (jusqu’à 10-12 ans).

PADI : cela signifie, en anglais, Professional Association of Diving Instructors, ce qui signifie Association Professionnelle d’Instructeurs de Plongée.

Passe : rien à voir avec un ballon ou une femme qui vend ses charmes… Une passe, c’est un passage entre deux terres et qui relie le lagon intérieur d’un atoll à l’océan.

Pont : c’est la surface du bateau sur laquelle on marche lorsqu’on est à l’extérieur.

Sondeur : c’est un appareil servant à mesurer la profondeur.

Art. 1 – Qui est Nautigirl ?

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Nautigirl, c’est le nom de mon bateau.

Pourquoi avoir choisi ce nom ? Hé bien, c’est très simple. Tout simplement parce que je suis tombé amoureuse de ce nom, le jour où je l’ai vu imprimé sur un vieux tee-shirt, suspendu parmi d’autres du même genre, sur l’un des murs d’un bar, ou plutôt d’une gargote perdue au fin fond du sud de l’île de Fakarava, dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie Française. J’y avais fait un stop tout à faire par hasard avec les amis avec lesquels je naviguais à l’époque. Nous rêvions d’une bière fraîche et c’est ce désir qui nous avait emmené à cet endroit, le seul à proposer ce type de prestation à plusieurs miles nautiques à la ronde. Tout en dégustant ma Hinano, j’avais observé les lieux plus par désœuvrement que par réel intérêt. Et mes yeux avaient été attirés par ce nom imprimé sur un tee-shirt gris.

Je me rappelle avoir été interpellée tant je le trouvais original. J’imaginais qu’un équipage exclusivement féminin avait fait don de ce vêtement au bar de la plage pour que celui-ci agrandisse le nombre de ses trophées déjà nombreux, polos, tee-shirts, casquettes au nom de différents bateaux et drapeaux du monde entier. J’aimais le double sens du nom « Nauti-girl » : d’abord, une fille qui navigue (en latin, on a « nauta » qui signifie « marin, matelot » et en anglais, « girl », c’est une fille), ensuite, en anglais, cela se dit de la même manière que « naughty girl » qui veut dire polissonne, dans le sens de « garnement » ou « chenapan » au départ… Malheureusement, depuis quelques années, l’évolution des mœurs a fait évoluer cette expression vers un côté un peu plus « cochon » quand on parle d’une fille… Alors que lorsqu’on désigne un garçon en utilisant le même adjectif, « a naughty boy », on reste bien dans l’esprit que j’avais au départ, c’est-à-dire un garnement et pas un gros chaud qui montrerait son cul et ses pectoraux à toutes une bande de nanas assoiffées…

Bref, je suis tombée amoureuse de ce nom. Je ne l’avais encore jamais vu porté par un bateau. Je me suis donc juré, à ce moment-là, que le jour où j’aurais un voilier, je l’appellerai ainsi… Sans savoir que j’allais en acheter un six mois plus tard…

Et me voilà fin décembre 2016, à quelques jours de Noël, me dirigeant en voiture vers la marina Z’abricots du côté de Fort-de-France, en Martinique, où je dois voir le seul bateau correspondant à mon budget dans les environs. Je suis accompagnée d’un pote que j’ai rencontré aux Canaries juste avant mon départ en Transatlantique qui, justement, possède le même type de voilier et qui vient de transater avec. Il est censé m’accompagner pour m’aider à contrôler le bon état de ma potentielle future acquisition. Malheureusement, nous nous disputons en chemin et il décide de m’abandonner au milieu du chemin. Je pile, je gare la voiture un instant sur le côté et il descend énervé. Je redémarre, agacée également. J’accélère et je vois sa silhouette disparaître dans mon rétroviseur.

Le sujet de la dispute ? J’avais un rendez-vous fixé à 15h par le vendeur et je comptais, naturellement, m’y rendre à l’heure dite, en compagnie de mon conseilleur… Mais, celui-ci avait plus envie de faire la fête que de se montrer ponctuel à un rendez-vous. Il voulait donc passer d’abord chez un ami, boire une ou deux bières, se faire inviter pour le barbecue parce que « Tu comprends, ici c’est la Martinique, on est toujours en retard ici… C’est le retard martiniquais »… Moi, pas d’accord, je lui avais expliqué que je trouvais très sympa qu’il me propose son aide mais qu’à vouloir se pointer avec les 2 bonnes heures de retard qu’il envisageait déjà, je risquais de mettre en colère mon vendeur ou de voir disparaître le bien avant même de l’avoir vu, et que donc, s’il voulait m’aider, qu’il le fasse jusqu’au bout, c’est-à-dire en respectant l’heure fixé par le vendeur. S’il préférait voir ses potes, pas de souci, je le déposerai et j’irai seule à l’heure fixée. Ma proposition me semblait correcte, le ton et l’attitude utilisés également mais, néanmoins, je l’ai vu s’agacer sans même comprendre pourquoi jusqu’à ce que, abruptement, il me demande de descendre « là, tout de suite, maintenant ». J’ai obtempéré non sans lui avoir proposé de le rapprocher de sa destination. Il a refusé.

Tant pis pour lui, moi, ça me donne plus de temps pour me rendre sur le lieu de mon rendez-vous. Je connais encore mal Fort-de- France et ses environs et un surcroît de temps me sera utile. Je trace ma route tout en me demandant comment je vais faire une fois sur place. Je n’ai aucune connaissance particulière sur les questions à poser lorsqu’on achète un bateau, ni sur les points à contrôler. J’avoue que l’idée d’acheter un bateau m’est venue un peu comme une lubie et que je ne suis pas encore préparée véritablement à la chose. La Transatlantique que je viens d’achever s’est tellement bien passée que j’ai envie de continuer sur cette lancée et, si possible, sur mon propre bateau dans lequel je pourrais mettre toutes mes petites affaires et mes « jouets » tels que mon matériel de kite ou de plongée et ainsi m’arrêter à ma guise dans tous les lieux où je pourrais pratiquer ce genre d’activité. Un peu ce que j’ai connu en Polynésie pendant une bonne partie de l’année 2016, à bord d’Eureka, le bateau de mon ex, Patrick.

Je ne suis plus qu’à quelques kilomètres de la marina quand le propriétaire m’appelle. Il m’avertit que le couple qui vient de visiter le bateau a été emballé et qu’ils viennent de l’acheter. Je raccroche dépitée et je cherche une bretelle pour pouvoir faire demi-tour sur la voie rapide. Je suis maintenant sur le chemin du retour, en plein embouteillage quand il me rappelle de nouveau. La dame a, paraît-il, persuadé son mari, pourtant très motivé, que le bateau était trop petit pour eux et qu’ils feraient mieux d’en acheter un plus grand. Ils sont donc revenus sur leur engagement. Le bateau est libre et c’est moi la prochaine visite ! Je refais un demi-tour tant bien que mal… Il manque des panneaux pour rendre l’orientation plus facile dans les environs de Fort-de-France, croyez-moi ! J’arrive enfin à la marina. Je gare la voiture en hâte tout au bout du parking pour me rapprocher du ponton où je dois rencontrer Frédéric, l’actuel propriétaire.

Il m’ouvre justement le portillon qui permet d’accéder au ponton n°6 où se trouve le voilier. Il m’accompagne alors jusqu’à un joli monocoque à la robe blanche, au nez pointu et à la coque ronde. C’est un Sail 902 de 28 pieds, ce qui représente 8,50 mètres. Il a été construit en 1979. Il est donc plus jeune que moi, mais pas de beaucoup, et il a l’année de naissance de mon petit frère, sûrement un bon présage, me dis-je (quand on n’a pas de connaissances techniques, on a tendance à se raccrocher à ce genre de pensées rassurantes pour un esprit non rationnel) !

Il a l’air tout beau, tout propre. J’aime le taud de grand-voile et sa capote bleus. La peinture de la coque, celle du pont et son anti-dérapant semblent récentes. Je vois la structure d’un régulateur d’allure à l’arrière ce qui me plaît déjà ayant pris l’habitude avec mon ex de naviguer quasi-exclusivement grâce à cela. Je rentre à l’intérieur. L’espace me paraît relativement grand pour un bateau de cette taille, 2,90 mètres. En même temps, ma seule référence est le 28 pieds d’Adri qui est beaucoup moins large que celui-ci même si aussi long, 2,50 mètres de mémoire… Les équipets sont vides tout comme les coffres du bateau, ce qui participe sans doute à l’impression de place que j’ai à cet instant, je m’en rendrais compte plus tard. Timidement, je pose quelques questions à Frédéric. « Je peux voir le moteur ? » Il retire l’ensemble des trois marches qui permettent de descendre dans le bateau et qui cachent également le principal accès au moteur. Je lui demande de le mettre en marche. J’écoute, attentive au moindre bruit suspect qu’une néophyte telle que moi pourrait entendre. Il a l’air de tourner rond. Frédéric l’éteint. Il me dit que c’est un bon bateau, qu’il l’a acheté il y a 6 mois seulement pour apprendre à naviguer mais qu’il vient d’apprendre qu’il est muté en métropole et donc qu’il doit le revendre. Il me fait son éloge avec son gréement d’il y a 5 ans, son jeu de voiles complet (une grand-voile neuve et l’ancienne, deux génois, un lourd et un léger, une trinquette et deux tourmentins). Je ne sais pas me servir de la moitié d’entre-elles mais qu’importe, je vais apprendre ! Je tente de faire le poids face à lui en posant quelques questions par-ci, par-là. Véritablement, le bateau me plaît. Il est dans mon budget et il n’y en a pas beaucoup dans cet état à ce prix-là d’après mes recherches, rapides je l’avoue. Et puis, j’ai ce projet de poursuivre rapidement ma route vers la Polynésie. Il me faut un bateau et vite ! Vite m’entraîner, vite le préparer, vite rejoindre Panama et vite traverser la Pacifique pour enfin rejoindre la Polynésie… J’ai peur d’hésiter et que le prochain acheteur ne dise oui à ma place. Déjà, celui-ci s’approche sur le ponton. J’hésite. Oui, non… oui… non… OUUUUIIII ! « Ok, je le prends ! ».

Nautigirl est à moi désormais. Enfin, ce n’est pas encore Nautigirl. A l’heure actuelle, mon voilier s’appelle encore Arwez, un nom breton que Frédéric lui a donné il y a 6 mois. Lui-même l’a renommé. Enfin, renommé… pas vraiment… il a changé une seule lettre, l’ancien propriétaire, avant lui, l’ayant nommé Arvez… Ah, ces bretons !!! Le « v » s’est donc simplement transformé en « w ». Personnellement, quand j’ai appris cela, j’ai trouvé cela très étrange de ne changer ainsi qu’une seule lettre ne modifiant même pas la prononciation du nom. D’ailleurs, la femme qui s’occupait des formalités douanières se rappelait encore du passage de Frédéric. Elle aussi avait été interloquée par son choix.

Je file faire les papiers dans la foulée. Il me faut encore quelques jours pour obtenir un bel autocollant avec la typographie que je souhaite indiquant le nom que j’ai choisi. J’en profite pour sélectionner un modèle d’oeil bleu que je souhaite coller de part et d’autre de son étrave. Cette paire d’yeux sera chargée de veiller avec moi pour conserver l’intégrité de la coque et éviter tous les obstacles flottants que nous pourrions rencontrer en navigation. Je passe quelques heures à décoller les 5 lettres composant l’ancien nom, des bouts de plastique collés par une sorte d’adhésif ultra résistant, je vous promets ! Et enfin, je re-baptise mon vaisseau et je lui attribue ses deux nouveaux organes de vue.

NAUTIGIRL EST NEE !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.