Art. 12a – Yachtmaster Offshore (première partie)


(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Cela fait presque une année que je vis sur mon bateau. Les premiers mois ont été difficiles avec la prise de confiance nécessaire pour oser naviguer seule dessus.

Je me rappelle encore du stress que j’ai ressenti lorsque j’ai dû relever l’ancre pour la première fois toute seule : c’était juste pour me déplacer d’un point A à un point B dans la Marina du Marin. Nautigirl n’ayant pas de guindeau(*), tout se fait à la main. J’avais peur de ne pas être assez rapide et de voir le bateau, poussé par le vent, finir dans la coque de l’un de ses voisins. J’imaginais déjà devoir gérer les questions d’assurance qu’une belle balafre sur la peinture d’un bateau – ou pire – aurait pu occasionner… A force de m’entraîner, j’ai pu prendre conscience de l’erre(*) qu’a le bateau en fonction du vent sur le mouillage. Maintenant, je ne cours plus comme une dératée de l’avant à l’arrière, le coeur battant, pour mettre la marche avant à fond et m’éloigner le plus vite possible des potentiels obstacles comme je le faisais avant. Désormais, je sais comment Nautigirl se comporte. Je sais de combien de temps je dispose avant d’approcher dangereusement d’un autre bateau. Je sais dans quelle direction je vais être entraînée et je sais que j’ai largement le temps de tout gérer et de sécuriser l’ancre avant de bondir sur la manette des gaz.

J’ai, depuis peu, commencé à naviguer seule, de jour comme de nuit, même si au fond de moi, j’ai toujours un peu peur quand la nuit s’installe. Certains aiment l’obscurité en navigation, moi non. J’appréhende toujours le coucher du soleil. Après quelques heures dans le noir, je finis par me détendre mais je pense toujours à un incident possible, toujours plus gérable de jour que de nuit dans mon esprit.

J’ai toujours ce projet de ramener Nautigirl en Polynésie mais je ne me sens pas encore prête. Je manque encore d’expérience et pour la développer, la meilleure manière de faire, dans mon esprit, est de me trouver une formation avec une école de croisière.

Je commence ainsi à me renseigner sur les différents stages et formations proposés dans les Caraïbes. Après pas mal de recherches, je finis par m’intéresser au programme du Yachtmaster proposée par la RYA (Royal Yachting Association), la fédération nationale des sports nautiques du Royaume-Uni représentée un peu partout dans le monde.

J’hésite entre « Yachtmaster Coastal » et le « Yachtmaster Offshore ». Le premier est destiné aux navigateurs qui comptent rester près des côtes, le second, à ceux qui souhaitent naviguer jusqu’à 150 miles d’un abri. Au-delà, on parle de « Ocean Yachtmaster » et une très grosse partie de la formation porte sur l’utilisation du sextant. J’opte donc pour le « Yachtmaster Offshore » qui me paraît un bon compromis vu que, pour le moment, apprendre à manipuler le sextant, c’est un peu prématuré dans mon esprit…

En continuant ma recherche sur le net, j’apprends que, dans les Caraïbes, la formation peut se faire sur l’île d’Antigua(*) ou sur celle de Grenade(*). Elle est destinée à un public anglophone. Ça tombe bien, je parle couramment l’anglais. Par contre, j’avoue que sur le vocabulaire technique, je suis faiblarde. J’ai peur d’être un peu larguée pendant les cours…

Une copine américaine m’envoie un petit message sur Facebook pour m’encourager dans mes démarches et me parle d’un site qui permet de valider la partie théorique de la formation en ligne sur le site www.navathome.com. Elle-même a validé la théorie de son Yachtmaster via ce site et elle a passé la pratique dans un des centres RYA des Etats-Unis. Je décide de suivre son exemple. Le « Fastrack to Coastal / Yachtmaster Theory » coûte 475 GBP. J’hésite un peu avant de m’engager dans ce type de dépense mais vu toute formation a un coût, n’est-ce pas ? Je clique sur le lien Paypal et valide l’achat…

Préparer ce cours en ligne me permettra de prendre le temps nécessaire pour apprendre et retenir tous les mots de vocabulaire qu’il me manque. Je me dis que ce sera sûrement plus facile que de passer la théorie et la pratique dans la même semaine dans l’un des centres RYA des Caraïbes.

Quelques jours après, je reçois par Fedex les supports du cours : un compas, une règle de cras, des cartes spécifiques et divers livrets utiles à l’examen final.

Finalement, je vais passer près de deux mois à préparer cette théorie en ligne à raison de quelques heures par jour (mais pas tous les jours, je le reconnais !) : 1 mois en Martinique en profitant du Wifi haut débit d’un ami habitant au Marin (impossible de travailler correctement dans l’un des bars de la Marina…) et puis, chassée du mouillage par l’approche du cyclone Maria(*), 1 mois à Bequia, île anglophone, dans le fameux Maria’s café. C’est là, à cette occasion d’ailleurs, que j’ai rencontré John et qu’avec lui et trois pasteurs, je suis montée en Dominique pour y apporter des vivres quelques jours après le passage dévastateur du cyclone.

Le fait de continuer à préparer ma théorie dans une île anglophone m’aura beaucoup aidé puisque, du coup, j’avais sous la main des gens pour m’expliquer quelques mots techniques dont je ne trouvais pas la définition française sur internet. Tous les mots sauf un : « Bolt hole »… Cette expression était un mystère pour les marins à qui j’ai demandé des explications, John tout d’abord et quelques américains de passage au café. John traduisait ce mot par grosso modo « trou de vis », ce qui dans le contexte – préparer une navigation entre un point de départ et un point d’arrivée – ne voulait rien dire. Les autres n’avaient aucune autre idée. J’ai donc envoyé un mail à mon contact de Navathome, Victor, pour lui demander de m’éclaircir. J’avoue que la réponse m’a un peu surprise. Visiblement les anglais peuvent être un peu susceptibles… Lui, en tout cas… Il semblerait qu’il ait compris de mon mail que je lui disais que ce mot n’était pas anglais et donc que moi – une française – l’accusait de ne pas parler correctement anglais ?!? J’avais juste indiqué dans mon mail, qu’étant française, je n’arrivais pas à comprendre cette expression. Comment pourrais-je me targuer d’expliquer à un anglais qu’il ne parle pas sa propre langue correctement ?!? Bref, après avoir calmé le jeu avec ce personnage hautement susceptible, j’ai fini par avoir l’explication : « bolt hole » = « trou à cyclone » et c’est une expression purement « british », c’est pour ça que de ce côté du monde, les marins anglophones ne la connaissaient pas. Pour la petite histoire, il m’a quand même narguée en disant que c’était une expression parfaitement anglophone et il a fallu que je fasse une impression écran d’un dictionnaire technique en ligne (trouvé après coup) indiquant que c’était une expression purement britannique pour qu’il s’excuse du ton sec qu’il avait utilisé précédement… Haaaa, ces anglais !!! En dehors de ce petit malentendu, je dois tout de même reconnaître que Victor s’est toujours montré efficace et j’ai pu échanger à plusieurs reprises par mail avec lui lorsque j’avais des questions sur la formation.

A la fin de ces deux mois de préparations, je m’inscris enfin à l’examen final, toujours en ligne. Le principe est simple : on envoie un mail pour signaler qu’on est prêt à passer l’examen, on reçoit un lien par mail avec un mot de passe valable 24 heures et on a 8 heures maximum pour compléter les questions. Hé bien, croyez-moi, 8 heures, c’est sport !!! Une série de questions diverses et variées sur l’ensemble du programme et surtout un long cas pratique dans lequel il faut préparer une navigation dans une zone concernée par des marées importantes, un fort courant et des obstacles divers (forcément, sinon ce ne serait pas drôle !). Bref, une journée bien remplie pour finir par valider l’examen avec un score satisfaisant. Heureusement que John m’avait gentiment proposé de passer l’examen chez lui au calme avec un bon Wifi et surtout loin du brouhaha constant du Maria’s Café.

Entre-temps, je me suis rapprochée de l’un des centres RYA de l’arc antillais et j’ai choisi Grenada Bluewater Sailing (www.grenadabluesailingwatersailing.com), le centre RYA de Grenade, l’ile la plus proche de Bequia. Nous sommes mi-novembre et la prochaine formation pratique se déroule en décembre. Je descends donc tranquillement sur Grenade sur Nautigirl.

Bientôt la pratique du Yachtmaster Offshore !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Antigua : la plus grande des deux îles principales de l’Etat d’Antigua-et-Barbuda dans les Caraïbes. Elle est située à une cinquantaine de kilomètres au nord de la Guadeloupe et au nord-est de l’île des Antilles britanniques de Montserrat. La population est d’environ 80.000 habitants.

Erre : élan, vitesse du navire lorsqu’il n’est pas propulsé.

Grenade : principale île de l’Etat de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants. La Grenade est surnommé « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Guindeau : treuil placé à l’avant du bateau dans lequel passe la chaîne et qui permet de relever l’ancre. Il est soit manuel (on actionne un levier qui ressemble vaguement à celui d’un bandit manchot pour faire fonctionner le treuil), soit électrique.

Maria : L’ouragan Maria est le quatorzième cyclone tropical, le septième ouragan dont le quatrième ouragan majeur de la saison cyclonique 2017 et le deuxième ouragan de catégorie 5 après l’ouragan Irma survenu une semaine auparavant. Formé à partir d’une onde tropicale ayant traversé l’Atlantique tropical depuis l’Afrique de l’ouest, il a pris beaucoup de temps à devenir une dépression tropicale mais s’est intensifié ensuite rapidement près des Petites Antilles qu’il a traversé à la catégorie 5. Ses vents soutenus ont atteint à son apogée 280 km/h et sa pression centrale était inférieure à 908 hPa, faisant de Maria le dixième plus intense des cyclones de l’Atlantique depuis la création d’archives fiables. Il est responsable d’une dévastation totale de la Dominique, des îles Vierges des États-Unis et surtout de Porto-Rico.

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