Art. 12c – Yachtmaster Offshore (troisième partie)


(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

C’est enfin le premier jour de la formation pratique !

JOUR 1

Nous consacrons le début de la matinée à la découverte du bateau : un Oceanis 461 de chez Beneteau répondant au doux nom de Chao Lay. Alex, l’instructeur, commence par nous faire faire l’inventaire des principaux équipets(*) et coffres afin de repérer notamment où sont tous les éléments de sécurité (trousse à pharmacie, gilets de sauvetage, radeau de survie etc…). Il nous détaille ensuite le rôle de chacune des vannes et manettes importantes ainsi que chaque bouton du tableau électrique. Et bien sûr, il nous montre succinctement le moteur, comment le démarrer et les principales raisons de son dysfonctionnement (fumées blanches, bleues ou noires).

Nous profitons d’une pause thé (Alex est anglais, je vous le rappelle) pour lui poser toutes les questions qui nous viennent à l’esprit à la fois sur ce qu’il vient de nous montrer et sur le programme qui nous attend. Les choses sérieuses vont commencer dès la fin de la pause : nous allons partir naviguer !!! En attendant, petite révision des balises(*) / signaux sonores / feux à travers des jeux de cartes spéciaux. Alex montre une carte et désigne l’un d’entre nous qui doit donner la bonne réponse. Interdiction de souffler ! Cela fait partie des choses à connaître pour l’examen. Arghhhhh ! J’ai tout oublié ou presque !!! Vous savez vous à quoi on reconnaît de nuit un navire en train de pêcher avec un filet déployé sur une surface inférieure ou égale à 150 mètres ? Un navire de plus de 50 mètres ? La différence entre un navire non maître de sa manoeuvre et un navire à capacité de manoeuvre restreinte ? Hé bien, il faut savoir les reconnaître grâce à leurs marques de jour et de nuit. Dans la zone IALA(*) A, les balises bâbord sont rouge ou verte ? Dans le brouillard, 2 sons brefs signifient quoi ? Emilio et Vincent répondent du tac au tac. Pendant leur apprentissage de la théorie, ils ont déjà vu ces cartes à de nombreuses reprises et ce sera au programme de l’examen final ! Haaa la la !!! Je suis mal barrée… Je dois avoir le cerveau en deux parties : une partie avec une mémoire longue durée et l’autre avec une mémoire tampon… Il a dû avoir besoin de place parce que visiblement, ce que j’ai appris en ligne sur le sujet, j’en ai zappé une grosse partie… Il va falloir bachoter pour rattraper le niveau des autres !!!

Un peu dépitée, à la fin de la pause, je rejoins les autres sur le pont. Nous allons enfin quitter le ponton(*) pour commencer à nous amuser avec le bateau. A l’heure actuelle, celui-ci est amarré(*) « cul au ponton » et retenu à l’avant par un bout(*) accroché à une pendille(*). Alex nous explique point par point ce qu’il attend de nous : l’un d’entre-nous sera à la barre et gérera le moteur et la manœuvre en général, un autre à côté de lui sera en charge des amarres artères et le dernier sera à l’avant pour gérer la pendille. Le procédé est le suivant : d’abord vérifier que les amarres arrières sont bien doublées(*), démarrer le moteur, libérer l’une des amarres arrières et enclencher une marche avant légère tout en laissant filer la dernière amarre arrière (en la contrôlant bien sûr), de manière à s’assurer que le bateau ne parte pas en biais à cause du vent, puis synchroniser le mouvement avec la personne à l’avant qui doit libérer le bout de la pendille en veillant à l’accompagner le bout au vent(*) du bateau jusqu’à ce que l’on dépasse le moteur et que l’on soit sûr qu’il ne puisse pas se prendre dans l’hélice.

Et c’est parti ! Il désigne le premier « skipper »… Moi… Merde… J’ai dû approcher deux fois un ponton de ma vie avec Nautigirl et encore, c’était des pontons à prendre de côté, avec plein d’espace. Autant dire que je n’en mène pas large. A moi de décider de l’organisation. J’affecte Vincent aux amarres arrières et Emilio à la pendille à l’avant. Nous passons un bref moment à nous concerter pour répéter les étapes, surtout plus pour moi que pour eux car, eux, ils ont l’habitude avec leur bateau. Je répète ce que j’ai compris mais Emilio m’interrompt sur la manière de gérer la pendille. Lui, il m’assure qu’on doit la faire passer sous le vent(*) du bateau, alors que moi, il me semble avoir entendu le contraire, Vincent, lui, ne sait plus. Étant la petite débutante en manœuvres de port, je décide de suivre les conseils d’Emilio qui a plus de 25 ans d’expérience dans le nautisme. Tout le monde se met en place. Je démarre le moteur, Vincent libère la première amarre arrière. Puis, j’entame la marche avant. Tout va bien : Chao Lay avance en ligne droite malgré le vent qui le pousse légèrement vers la droite. Vincent libère progressivement la seconde amarre pendant qu’Emilio libère des taquets la pendille et commence à revenir vers nous le bout dans les mains, du côté tribord(*) comme il le voulait, en veillant à ce qu’il ne se prenne pas dans les chandeliers. Le vent commence à pousser le bateau sur le côté, le bout commence à passer sous le bateau et Emilio n’arrive pas à le retenir et il lui glisse des doigts. Et c’est la catastrophe ! Le bout s’emmêle dans les pare-battages(*) sans qu’Emilio ne puisse faire quoi que ce soit. Pendant ce temps là, je gère le bateau comme je peux avec cette foutue barre à roue(*) qui fonctionne à l’inverse de la barre franche(*) que j’ai sur Nautigirl mais je ne peux pas éviter ce qui va suivre : je vois l’attache d’un des pare-battages se tendre, puis la filière(*) à laquelle il est lié se tordre sous la pression. Et soudain, CLAAAAC !!!, le bout emmène le pare-battage à l’eau en même temps que le bateau lui passe par dessus. J’entends au même instant Alex m’engueuler : « Ce n’est pas digne d’un skipper ! Qu’est-ce que tu fais ? C’est du n’importe quoi ! » (tout ça en anglais forcément). Il me rappelle qu’il fallait faire passer le bout de la pendille au vent du bateau et pas sous le vent, justement pour éviter de lui passer dessus avec l’effet du vent… Je me mords la langue. Je le savais !!! Comme d’habitude, comme je manque de confiance en moi, j’ai préféré écouter quelqu’un d’autre qui, lui, montrait de la confiance. Mais bon, ça ne sert à rien, c’est fait, c’est fait… Emilio échange un regard contrit avec moi. Alex me demande alors de me débrouiller pour récupérer le pare-battage. Ah ? Euh… avec ce gros bateau ? Au milieu de toutes les pendilles auxquelles sont amarrées les autres bateaux du ponton ? Heureusement, le pare-battage, avec le mouvement du bateau et le vent, a été emmené légèrement devant les pendilles des autres bateaux, j’arrive donc à les longer, sans y emmêler l’hélice, jusqu’à toucher le pare-battage avec la coque. Vincent n’a plus qu’à le récupérer à la main par l’arrière de Chao Lay. Je suis assez fière de moi sur ce coup-là mais Alex, lui, reste de marbre. Il décide de donner les commandes à Vincent. Je quitte la barre et m’occupe de remettre le pare-battage en place sur son filin. Je me sens un peu penaude sur le coup…

Vincent, lui, apparaît relativement confiant : il a l’habitude de faire des manœuvres avec son voilier. En face de nous, il y a les pontons des méga-yachts de luxe et deux d’entre-eux, qui se font face, sont libres. Alex, connaissant l’expérience de Vincent, lui demande d’accoster(*) le ponton sous le vent tout en commentant la manière de faire (ça, j’en suis sûre, c’est plus pour moi que pour les autres) : s’approcher du ponton à un angle de 45 degrés tout en réduisant l’allure puis le longer parallèlement, laisser ensuite le vent pousser la coque vers lui et stopper le mouvement avec un petit coup de marche arrière. Vincent gère la manœuvre comme un pro. Les pares-battages touchent gentiment le ponton et Emilio et moi, nous nous apprêtons à sauter dessus pour amarrer le bateau quant Alex nous interrompt pour nous dire que ce n’est pas nécessaire car on repart de suite !

Il demande ensuite à Vincent de faire faire au bateau un 360° entre les deux pontons. Un 360° ? Sur une largeur de moins 80 mètres ? Vraiment ? Vincent le regarde un peu interloqué. Alex reprend donc les commandes le temps de nous montrer ce qu’il attend de nous : barre à bâbord toute avec un bon coup de marche avant, puis un bon coup de marche arrière sans toucher à la barre et à nouveau un coup de marche avant. On répète la manœuvre jusqu’à ce que le bateau ait fait une rotation complète. Vincent reprend son poste et exécute la manœuvre sans problème. De mon côté, j’ai vraiment du mal à comprendre pourquoi en marche arrière on ne touche pas à la barre. Dans mon esprit, si en marche avant, on met la barre d’un côté, en marche arrière, pour aller dans la même direction, on devrait faire l’inverse… Alors comme j’en avais l’habitude à l’école, je pose des questions et j’insiste parce que je « bugge »… Vous savez, le genre d’élève un peu énervante qui lève toujours la main et qui pose des dizaines de questions jusqu’à ce qu’elle comprenne alors que les autres, même s’ils n’ont pas compris, vont juste attendre la fin du cours tranquillement ? Bref, je sens les deux autres un peu agacés par mon comportement mais je n’ai pas le choix ! Il va falloir que je réussisse à faire la même chose qu’eux avec quasiment aucune expérience… Alex, lui, répond patiemment à mes questions et finit, à bout d’arguments, par me recommander de lire un bouquin du RYA sur la gestion des manœuvres à bord d’un voilier ou d’un bateau à moteur.

Alex demande ensuite à Vincent d’accoster sur le ponton en face du premier, celui au vent, ce qui signifie cette fois-ci, qu’il faut s’approcher au maximum de celui-ci pour éviter que le vent ne repousse trop rapidement la coque et qu’Emilio et moi, nous ayons le temps de sauter dessus pour pouvoir amarrer le bateau. En même temps que Vincent s’exécute, Alex le guide à haute voix pour expliquer à tous ce qu’il attend de nous : marche avant toute puis réduction des gaz, s’approcher du ponton à un angle de 45° et attendre le dernier moment pour tourner la barre à roue et amener la coque parallèle au ponton. Au premier essai, Vincent se rate un peu : le bateau est bien parallèle au ponton mais trop loin pour autoriser quiconque à l’atteindre à part un champion de saut en longueur. Au deuxième essai, il attend un peu plus avant de modifier l’angle de barre et sa manœuvre est parfaite.

Au tour d’Emilio maintenant ! J’appréhende déjà de reprendre le poste de pilotage. Je le regarde suivre les instructions d’Alex. Il réussit les trois manœuvres mais, je dois l’avouer, pas aussi bien que ce que j’aurais attendu étant donné son expérience…

Je passe ensuite à la barre mais Alex me demande alors de mettre le cap au large : aujourd’hui, pas de manœuvres au ponton pour moi. Je demande quand même si je peux m’entraîner un peu au pilotage du bateau en tentant le 360 mais loin des pontons hein ! Il me laisse faire de manière à ce que je me familiarise un peu avec le moteur de ce gros bateau. Ça change du Nanni 15 CV que j’ai à bord de Nautigirl : lui, il pousse bien !

Direction le chenal pour sortir de la marina après avoir hissé les voiles. Alex me donne des instructions sur la route à suivre. Pas de carte électronique, juste le compas magnétique et une carte papier à consulter à l’intérieur. Nous contournons la pointe Sud de Grenade(*) et passons entre la côte et Glover Island(*). Le but est de se familiariser avec les différentes zones où l’examinateur – qui nous délivrera ou non notre certificat – risque de nous emmener. Les fonds par là-bas sont peu profonds, le courant peut être fort. Il faut savoir observer les signes : des petites vaguelettes signalant un récif, la trace du bateau pour le courant, les petits moutons indiquant les risées de vent… Alex me demande ensuite de rentrer dans Prickly Bay à la voile. Moi qui est l’habitude, à l’entrée d’un mouillage, d’y rentrer au moteur, toutes voiles affalées, ça me change ! Alex veut que je fasse des bords entre les bateaux. Heureusement, j’ai un équipage pour faciliter la manoeuvre ! Emilio et Vincent sont à mes ordres pour gérer le génois(*) : l’un choque(*) l’écoute et l’autre borde(*). C’est super agréable de naviguer ainsi en équipe. Le jeu est de réussir les plus beaux virements de bord(*) possibles quitte à passer au raz de la chaîne de certains bateaux au mouillage poussé par Alex. J’avoue qu’à une occasion notamment Vincent et moi avons eu un peu chaud… Nous n’aurions jamais osé faire ça avec nos bateaux… Le petit jeu prend fin lorsqu’Alex me demande de mouiller(*) sous voile uniquement.

Gros stress sur le moment. C’est ma première fois à la voile ! Je serre(*) le vent et ordonne à Emilio d’enrouler le génois. Puis, je demande à Vincent d’aller à l’avant pour gérer l’ancre. Je me rapproche de plus en plus du vent jusqu’à avoir la grand-voile fasseyante(*) et pour stopper le bateau, je demande à Emilio de repousser la bôme(*) contre le vent que la grand-voile serve de frein jusqu’à arrêter notre course. La technique fonctionne et Vincent n’a plus qu’à libérer l’ancre et laisser filer la chaîne pendant qu’Emilio affale(*) la grand-voile.

Nous déjeunons à bord. Alex a tout prévu : sa femme nous a préparé un repas local que nous n’avons plus qu’à réchauffer. Emilio, qui a l’habitude de gérer la cuisine sur les bateaux sur lesquels il travaillait, prend les commandes. En échange, Vincent et moi, nous feront la plonge. Au cours du repas, nous prenons le temps de faire plus connaissance. Chacun parle de son expérience personnelle et de son vécu. L’histoire d’Emilio est particulièrement émouvante. Il a sincèrement l’air d’être un bon gars. Il fait tout ce qu’il peut pour repartir à zéro et continuer à assumer financièrement pour sa famille. Décrocher le Yachtmaster est primordial pour lui…

Au début de l’après-midi, après avoir passé un peu de temps à étudier les cartes et à prendre des notes, nous repartons en mer. Cette fois-ci, c’est Vincent qui passe à la barre et qui nous donne des ordres à Emilio et à moi. Le départ se fait à la voile, sous génois seul tout d’abord. La grand-voile est hissée dans la foulée au près serré pendant que nous slalomons entre les bateaux du mouillage. Alex nous emmène dans la baie d’à côté, « Mont Hartman Bay », et son « Secret Harbour ». L’approche est bien plus technique car des bouées délimitent une sorte de chenal entre les récifs mais les vents des dernières semaines ont pu en déplacer certaines. C’est une navigation à vue avec des bords courts au près serré. A nouveau c’est du slalom dans le mouillage et un ancrage à la voile.

Au tour d’Emilio désormais. Nous ressortons, toujours à la voile et redescendons en direction de Glover Island. Je suis assez surprise de voir la manière dont Emilio gère la navigation. En dehors du fait qu’il mélange les mots « virement de bord » et « empannage(*) » en anglais, ce qui peut être un peu gênant, il semble ne pas réaliser qu’il est parfois tellement proche du vent arrière(*) qu’il risque de faire empanner le bateau à tout moment. Et ça, c’est la sanction immédiate dans l’examen. Un empannage non maîtrisé peut entraîner de la casse au niveau du gréement(*). Ça donne vraiment l’impression qu’il n’a pas été sur un voilier depuis des années, étonnant. Je ne suis pas la seule à le remarquer. Vincent aussi… Et Alex…

De retour à la marina de départ, Emilio laisse la barre à Alex pour qu’il nous montre la manœuvre finale : accoster « cul au quai ». Préparer les deux amarres arrières. Sortir la gaffe(*) pour attraper le bout attaché à la pendille. Affecter les rôles à chacun de l’équipage : Vincent et moi en charge des amarres, Emilio en charge de la pendille. Longer les pendilles des autres bateaux en marche avant lente, s’écarter d’environ deux longueurs de coque, stopper l’erre, engager une marche arrière puis tourner la barre de manière à entrer entre notre pendille et celle du voisin. Au moment où l’arrière du bateau passe à côté de la pendille et de la bouée soutenant le bout, la personne en charge de la pendille doit choper la bouée puis le bout avec la gaffe puis saisir le bout à la main et l’accompagner jusqu’à la proue(*) pendant que le bateau manœuvre. Continuer à virer jusqu’à ce que le bateau se retrouve parallèle à son voisin. Contrôler la vitesse afin de maîtriser la trajectoire. Ralentir. Stopper le bateau avec un coup de marche avant à l’approche du ponton après s’être assuré que la personne à l’avant a eu le temps d’attacher le bout de la pendille aux taquets. La personne en charge des amarres arrières doit être prête à sauter sur le ponton afin de sécuriser le bateau avec l’une des amarres. Une fois que le voilier est attaché au ponton avec l’une des amarres, finir le travail avec la deuxième amarre.

Nous réalisons la manœuvre entière sous le contrôle d’Alex. Je suis déjà sur le ponton prête à attacher la deuxième amarre au ponton quand Alex m’interrompt : « Pas la peine, on repart ! ». Hein ???? Je ressaute sur la plage arrière. Cette fois, c’est Vincent qui prend les commandes. Je gère la pendille et Emilio les amarres à l’arrière, afin que chacun tourne sur les différents postes. Le bateau avance, je libère la pendille et accompagne le bout sous le vent et gentiment jusqu’à l’arrière du bateau. Aucun pare-battages arraché durant l’opération ! Vincent assure. Je le sens concentré mais pas vraiment tendu. De mon côté, je le regarde faire anxieuse de voir mon tour arriver. Il entame la marche arrière. J’attrape la gaffe et vise la bouée de la pendille. Ça me fait penser au jeu de la pêche au canard auquel on a tous joué petit. Notre trio fonctionne bien, Chao Lay apponte tranquillement. Et c’est reparti pour un tour ! Cette fois-ci, c’est Emilio à la barre et Vincent le remplace côté amarre. Hop ! Vite fait, bien fait, le bateau sort et retourne dans sa place sans souci. Mon cœur s’emballe un instant, ça va être à mon tour ! Et bien non, Alex sonne la fin de la journée. Finalement, c’est aussi bien, ça va me permettre de me laisser la soirée pour réviser ma « technique moteur ». Nous partageons tous une bière pour fêter la fin de cette première journée au Yacht-Club d’à côté avant de repartir chacun chez soi.

Nous en profitons pour admirer le spectacle que nous offre un voilier sous pavillon allemand qui tente d’accoster le ponton à essence tout proche du Yacht Club. Toute fraiche des connaissances acquises le matin même, je me permets de commenter à haute voix les multiples tentatives du skipper qui, objectivement, devrait revoir quelques principes de base ! Il arrive à pleine balle en direction du ponton qui se trouve au vent du bateau mais il n’attend pas assez longtemps avant de modifier l’angle d’approche, du coup il se retrouve trop loin du ponton. Et sa femme debout, amarre en main, prête à sauter sur le ponton, se fait engueuler… Attitude déjà observée à plusieurs reprises sur différents mouillages : le gars foire son approche et se venge sur sa femme, comme si elle y pouvait quelque chose, la pauvre… Énervé, il fait une marche avant toute et enlise sa quille dans la caye(*) toute proche et pourtant bien visible. Résultat, il tente de forcer encore plus sur la marche avant, moteur à fond, pour s’en dégager en tentant de passer par-dessus !!! C’est du grand n’importe quoi : ça remue du sable et du sable… Finalement, il finit par comprendre que sa technique n’est pas la bonne et il finit par enclencher la marche arrière. A force d’insistance, il arrive à se dégager. Il effectue un demi-tour et re-tente sa chance, toujours sans changer de mode opératoire… Forcément, il obtient le même résultat ou presque… sauf que cette fois, la pointe avant s’approche suffisamment près du ponton pour autoriser sa femme à sauter à terre mais le voilier – enfin son arrière, je veux dire – s’éloigne aussitôt du ponton sans qu’elle puisse faire quoi que ce soit. Son mari commence à gesticuler. Heureusement, un gars vient à leur rescousse et réussit à récupérer l’amarre arrière que lui lance le skipper dans un geste furieux. Et que tu tires et que tu tires sur le bout enroulé autour des taquets du ponton… A force d’efforts mutuels, ils finissent par accoupler le bateau au ponton à essence… Nous retournons à notre bière, morts de rire.

De retour sur Nautigirl, je profite du Wifi local pour télécharger sur l’application RYA le fameux bouquin que m’a conseillé Alex sur les manœuvres au moteur « Boat handling for sail & power ». Je le dévore tout en me faisant des petites notes et schémas pour réussir à comprendre l’effet de cette foutue marche arrière sur le safran(*)… Mais c’est difficile pour moi… J’ai trop tendance à comparer le pilotage d’un bateau à celui d’une voiture : si on tourne le volant à fond à droite et qu’on va un coup en marche avant puis un coup en marche arrière, hé bien on revient à notre point de départ non ? Je lis et relis les passages importants. Je finis par saisir quelques points importants.

Tout d’abord, il faut connaître le pas(*) de son hélice. Chao Lay a un pas d’hélice à droite. Cela signifie que l’hélice, en marche avant, tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Du coup, en marche avant, même si on ne touche pas à la barre, il a une tendance naturelle à pointer son nez vers bâbord(*) et forcément son cul s’oriente naturellement vers tribord(*) : il va donc tourner dans le sens anti-horaire et on l’aide avec un franc coup de barre et de marche avant. Ce qui contrôle la direction du bateau, c’est son safran et pour qu’il est une réelle action, il faut un flux d’eau dessus, donc de la vitesse. Plus le flux d’eau est important, plus l’action du safran sera ressenti et en utilisant le moteur, on accélère l’hélice et donc le flux d’eau. Le bateau va pivoter sur sa quille. Pour pivoter sur place, il faut donc alterner des coups de marche avant, marche arrière sans attendre que le bateau ne prenne de la vitesse et en veillant bien par passer par le point mort quelques secondes entre chaque pour ne pas faire souffrir la boîte de vitesse. En marche avant, c’est le flux de l’hélice sur le safran qui oriente le nez du bateau. En marche arrière, c’est le couple d’hélice qui oriente le bateau.

Bref, je me sens un peu plus prête à aborder la journée du lendemain.


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Accoster : se mettre contre le quai ou un autre bateau.

Affaler : faire descendre un cordage ou une voile.

Amarre : grosse « corde » utilisée par les bateaux pour se « garer » le long d’un quai ou d’un autre bateau ou pour s’attacher à un corps-mort.

Amarrer : comme dirait le dictionnaire Larousse, c’est attacher un navire au moyen d’amarres.

Au vent (de) : expression s’utilisant pour situer un objet dans l’espace en indiquant qu’il se trouve du côté d’où souffle le vent.

Bâbord : en bateau, on ne dit pas gauche, on dit « bâbord », c’est la gauche du bateau lorsqu’on se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

Balise : marque latérale fixe ou flottante indiquant un chenal ou un danger par exemple. Elles ont toutes une couleur bien déterminée fonction des rôles qu’elles jouent.

Barre à roue : grand volant vertical actionnant le gouvernail du bateau.

Barre franche : tige de bois ou de métal directement reliée à la mèche du safran et actionnant le gouvernail du bateau.

Bôme : barre rigide à la perpendiculaire du mât d’un voilier sur laquelle est fixée la partie inférieure de la grand-voile et qui permet de l’orienter.

Border : sur un voilier, border signifie ramener une voile plus près du bordé, c’est-à-dire la coque du bateau. On se sert pour cela de l’écoute de la voile concerné (le cordage attaché au bout de la voile) sur laquelle on tire pour rapprocher la voile.

Bout : (se prononce « boute ») cela désigne, de façon générale, un cordage sur le navire car le mot « cordage » n’est jamais utilisé par les navigateurs.

Caye : zone proche d’une côte, caractérisée par une faible profondeur, souvent en sable ou composée de corail faisant penser à une petite île basse.

Choquer (une voile) : opération consistant à détendre, donner du mou, à un cordage permettant ainsi de relâcher la pression dans la voile.

Doubler une amarre : faire faire un aller-retour à l’amarre autour de la bitte d’amarrage au ponton (sans faire de noeud) de manière à pouvoir libérer le navire depuis son pont sans avoir à descendre à terre.

Empannage : action de faire tourner le bateau en passant par le vent arrière.

Equipet : terme marin désignant un petit rangement qu’on trouve dans les cloisons des voiliers.

Faseyer : flotter, battre au vent.

Filières : câbles, généralement métalliques, courant tout autour du pont à travers les chandeliers afin de servir de garde-corps ou de bastingage.

Gaffe : perche munie d’un croc en plastique ou en fer au bout.

Génois : voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (i.e, le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).
Gréement : ensemble de la voilure et de tout ce qui sert à l’établir : mât, bôme, haubans etc.

Glover Island : minuscule îlot sous la péninsule sud de Grenade.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

IALA (International Association of Marine Aids) : il s’agit de l’association internationale de signalisation maritime qui a définit deux régions différentes dans le monde : IALA A et IALA B. La région A comprend l’Europe, l’Afrique et la majeure partie de l’Asie et de l’Océanie, ainsi que le Groenland. La région B comprend les Amériques (sauf le Groenland), le Japan, la Corée, les Philippines, Taiwan, Hawaii et l’île de Pâques. Le balisage est différent dans ces deux zones.

Mouiller : immobiliser un bateau en mer au moyen d’une ancre.

Pare-battage : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »).

Pas d’hélice : une hélice est dite « pas à droite » ou « à gauche » selon que les pâles vues depuis l’arrière du bateau (en regardant vers l’avant) sont inclinées à droite ou à gauche.

Pendille : Une pendille, c’est une bouée attachée à un corps-mort(*) coulé au fond du port à laquelle on attache généralement un bout qu’on laisse par facilité sur cette bouée quand on quitte la place de port.

Ponton : construction flottante formant une plate-forme.

Proue : avant d’un navire (opposé à la « poupe »).

Safran : partie du gouvernail d’un navire constitué d’un pan vertical immergé pouvant pivoter pour dévier le flux d’eau sous la coque pour changer la direction du navire.

Serrer (le vent) : rapprocher le nez du navire du vent.

Sous le vent : expression s’utilisant pour situer un objet dans l’espace en indiquant qu’il se trouve du côté d’où souffle le vent.

Tribord : en bateau, on ne dit pas droite, on dit « tribord », c’est la droite du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

Vent arrière : allure d’un navire avançant avec le vent provenant de son arrière.

Virement de bord : manœuvre consistant à faire tourner le bateau face au vent de manière à changer le côté du bateau qui reçoit le vent.

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