Art. 12d – Yachtmaster Offshore (quatrième partie)


(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

JOUR 2

A mon réveil, je relis encore une fois mes notes. Une fois sur Chao Lay, nous prenons tout ensemble un thé pour commencer cette nouvelle journée d’entraînement. De nouveau, Alex sort les jeux de cartes sur les balises(*), signaux sonores et lumineux que nous devons connaître par cœur ! A force de répétition, ça commence à venir doucement. Mais il va falloir que je révise sérieusement tout de même… Ensuite, Alex affecte à chacun de nous les coordonnées (latitude, longitude) d’un point précis qu’il va falloir retrouver grâce à un compas de relèvement(*) en prenant plusieurs repères de notre choix. J’apprends en même temps à utiliser ce type d’instrument. J’avoue que j’en avais acheté un pour Nautigirl sans vraiment chercher à comprendre comment ça fonctionne. Emilio, Vincent et moi, nous passons ainsi une bonne heure à travailler sur les cartes marines locales pour trouver les amers(*) idéaux qui nous permettront de mener l’équipage complet au point précis qui nous a été affecté. Ensuite, nous partons.

Cette fois-ci, j’assure parfaitement la manœuvre pour quitter le ponton. J’ai bien veillé à ce qu’Emilio accompagne la pendille au vent(*) du bateau cette fois-ci ! J’enchaîne ensuite sur les manœuvres d’appontage(*) que les autres ont réalisé la veille. J’ai le cœur qui bat en les réalisant. On me sent hésitante bien sûr mais j’assure jusqu’au bout. Alex, rassurant, me promet que j’aurais d’autres occasions de m’entraîner avant de passer l’examen.

Vincent prend ma suite à la barre à roue(*). Il nous emmène au large. Et c’est lui qui, le premier, va devoir emmener le bateau au point géographique qui lui a été affecté. Alex nous indique qu’on peut soit demander à nos coéquipiers de repérer les trois amers et angles nécessaires pendant qu’on barre, soit décider d’affecter une autre personne à la barre et utiliser soi-même le compas de relèvement vu qu’il est difficile de faire les deux en même temps. Vincent décide de garder le contrôle du voilier pendant qu’il nous indique, à Emilio et à moi, les points de repère qu’il a choisi. Première étape : repérer les amers sur terre ou sur mer (un phare, le bout d’un cap ou une balise par exemple). Puis, placer le compas de relèvement devant son œil en fixant ce point et indiquer le cap observé pour préciser à Vincent dans quel direction il doit aller pour atteindre l’angle souhaité. Emilio et moi lui indiquons à haute voix les mesures obtenues au fur et à mesure que le voilier avance dans la bonne direction. Ça demande un peu de gymnastique intellectuelle pour orienter le bateau dans le bon sens, surtout qu’on y va à la voile et pas au moteur, du coup, on ne peut pas suivre forcément la route idéale. A force d’efforts et de patience, Vincent finit par nous emmener à l’endroit souhaité. « C’est ici ! » (en anglais bien sûr). Il met un instant le bateau à la cape(*) le temps qu’Alex confirme la position grâce au GPS. Pas mal ! Il est à 50 mètres du point fixé.

Mon tour maintenant. Personnellement, je préfère laisser Vincent à la barre (j’ai plus confiance en ces capacités de voileux qu’en celles d’Emilio, dois-je avouer). Et Emilio et moi reprenons nos postes et nos compas de relèvement. Je relis mes notes et réalise rapidement qu’un des amers que j’ai choisi ne se voit pas d’où nous sommes. Retour à l’intérieur du carré pour consulter de nouveau la carte et en choisir un meilleur. Je ressors et guide graduellement Chao Lay à l’endroit souhaité. « C’est ici ! ». Mise à la cape et confirmation du point avec le GPS… Je suis à 200 mètres… Pas génial mais acceptable. Au tour d’Emilio. Cette fois-ci, je passe à la barre. Il arrive à un meilleur score que moi.

Ensuite direction, une petite baie un peu plus loin sous le vent de Grenade(*) où nous nous entraînons à prendre un coffre(*) à la voile selon le même principe qu’ancrer à la voile sauf que là, il faut réussir à s’arrêter suffisamment près de la bouée pour qu’un des membres de l’équipage puisse la saisir avec la gaffe. A nouveau, nous faisons plusieurs essais à tour de rôle.

Nous nous y arrêtons pour déjeuner et Alex en profite pour nous parler du programme de l’après-midi : cette fois-ci, nous devrons rejoindre différentes zones affectées à chacun d’entre-nous le long de la côte en prenant des repères visuels et en nous servant des compas e relèvement au besoin. Le déjeuner est détendu et pendant le café, nous étudions les cartes pour prendre les notes nécessaires à atteindre le point qui nous a été attribué (nous avons interdiction de sortir les cartes dans le cockpit de peur qu’elles s’envolent ou soient mouillés).

Ensuite, c’est Vincent qui s’y colle. Il nous emmène sans problème sur le premier mouillage. Ensuite, c’est le tour d’Emilio. Nous sommes tous décontractés et discutons ensemble pendant qu’il barre. Résultat, il dépasse sans s’en rendre compte le point qu’il devait atteindre… C’est au bout d’une demi-heure qu’Alex lui en fait la remarque. Nous nous lançons un regard contrit Vincent et moi. Avec les discussions animées à bord, nous avons peut être perturbé sans le vouloir Emilio qui, distrait, a dépassé la zone qui lui était affectée sans faire attention à ses points de repère. Du coup, Alex me file la barre. Cette fois-ci, l’ambiance est un peu plus tendue à bord. Je regarde dix fois mes notes pour m’assurer de ne pas faire la même erreur qu’Emilio. Finalement j’atteins sans problème le mouillage qui m’a été affecté.

Nous finissons la journée d’entraînement de nuit afin de retravailler des exercices de repérages d’amer dans l’obscurité : en effet de nuit, il s’agit de pouvoir repérer les balises d’après leurs signaux lumineux cette fois-ci ! D’où l’utilité des cartes à jouer qu’on revoit un peu tous les jours. Et après cette très très longue journée, c’est retour au port.

JOUR 3

Le lendemain, nous avons le droit de venir un peu plus tard qu’en temps normal et rebelote : thé, cartes à jouer, planning du jour. Cette fois-ci, c’est : manœuvres d’homme à la mer. Une fois au large, nous passons chacun à notre tour : Alex balance une bouée à laquelle un bout est attaché à la mer, celui qui est à la barre doit crier « Homme à la mer ! » (« Man over board ! » en anglais) pour avertir tout le monde et doit affecter les tâches nécessaires aux autres membres de l’équipage :

  • appuyer sur le bouton « MOB » sur le GPS(*),
  • désigner un membre de l’équipage qui doit pointer avec le bras l’homme à la mer sans jamais le perdre de vue,
  • faire envoyer par un autre membre d’équipage une alerte via l’ASN(*) et un Mayday(*),
  • sans attendre de s’éloigner de trop, border la grand-voile et mettre le bateau à la cape de manière à faire faire demi-tour au bateau et qu’il repasse non loin de l’homme à la mer,
  • lancer la bouée fer à cheval accompagnée d’un fanion perché sur un manche à balai (afin de la voir de loin) près de la victime,
  • démarrer le moteur,
  • rouler le génois,
  • préparer la corde à lancer,
  • virer sous grand-voile seule et manœuvrer le bateau sous le vent de l’homme à la mer tout en le gardant en vue,
  • approcher l’homme à la mer, nez au vent de manière à faire faseyer(*) la grand-voile,
  • récupérer l’homme à la mer du côté sous le vent du bateau en arrière du mât,

Nous passons l’épreuve les uns derrière les autres avec plus ou moins de succès. A chaque échec, Alex nous fait recommencer jusqu’à la réussite complète.

Nous nous arrêtons ensuite déjeuner dans la baie de Saint-Georges. Au programme de l’après-midi, il s’agit ensuite de trouver un point précis grâce aux lignes de sonde(*). De nouveau, Alex affecte à chacun d’entre nous un point précis et nous avons le temps nécessaire pour observer les cartes et repérer les amers et les profondeurs utiles pour mener le bateau à l’endroit visé. Une fois prêts, nous passons chacun à notre tour à la barre et nous suivons les repères que nous avons noté pour espérer réussir du premier coup. Cet exercice est chaud ! Le nez collé sur le sondeur, on tente de suivre les lignes de sonde qu’on a repéré sur la carte en espérant ne pas s’écarter de notre route idéale. On s’aide des balises éventuelles qui se trouvent non loin pour éviter de s’en éloigner… Finalement, on s’en tire tous mais difficilement quand même. A chaque fois qu’on pense être arrivé à notre cible, Alex vérifie sur le GPS à quelle distance nous en sommes réellement : 50, 100 ou 300 mètres… J’ai eu le pire des scores…

Nous repartons ensuite au ponton. Le reste de l’après-midi est consacré à la préparation de « passages ». Sur des cartes marines représentant le sud de l’Angleterre, la Manche et le Nord-Ouest de la France (Normandie), Alex affecte à chacun de nous une route à préparer entre un port français et un port anglais et les données utiles du bateau « fictif » que nous utilisons (vitesse moyenne, tirant d’eau(*)). Nous avons les instructions nautiques(*) à notre disposition pour connaître les marées, très fortes dans la zone et qui peuvent mettre à sec certaines zones parfois, les courants, dangers et balisages des différents ports. Nous avons quelques heures pour commencer à nous imprégner des informations. Je me vois affecter un passage entre Portsmouth et Cherbourg. A moi de choisir la date de départ dans l’année, ce qui conditionnera les coefficients de marée(*) à retenir. Je commence à faire de savants calculs pour pouvoir partir de mon port de départ lorsque la marée le permet et arriver de la même manière à mon port d’arrivée. En fonction de ces heures, il faut compulser les guides nautiques afin de savoir quels courants vont affecter la navigation heure par heure et ainsi définir un cap compas(*) à retenir. J’utilise les connaissances acquises durant la préparation de la théorie avec Navathome. C’est long à préparer cette route ! On est tellement mieux dans les Caraïbes où la notion de marée est quasiment inexistante et les courants, existants certes, mais tellement moins conséquents !!! En plus, Alex nous met la pression en nous disant que l’examinateur pourra, au choix, nous demander de lui présenter cette route ou décider d’une autre qu’il faudra préparer devant lui… A la fin de la journée, Alex nous laisse à bord afin qu’on puisse continuer nos devoirs et il nous précise où se trouve la clef du bateau si on désire venir un peu plus tôt le lendemain pour continuer. J’arrive sur Nautigirl la tête pleine de toutes les informations emmagasinées pour la préparation de la route. Je compte bien me lever tôt le lendemain pour continuer à préparer mon passage. En attendant, je finis la soirée avec des révisions des cartes à jouer dont j’ai recopié les plus difficiles sur des feuilles de papier.

JOUR 4

Le lendemain, conformément à ma résolution de la veille, je me lève à l’aube pour aller à bord de Chao Lay en avance et continuer à dresser ma route entre Portsmouth et Cherbourg. Je ne suis pas la seule à avoir eu la même idée, les autres, Emilio et Vincent, sont aussi là ! Et c’est avec plusieurs questions et de grands sourires que nous accueillons Alex une heure après. Pendant notre rituel « thé » quotidien, il passe en revue nos passages, les uns derrière les autres et nous fournit conseils et réponses à nos questions. Puis, nous partons en manœuvre.

Cette fois-ci, nous revoyons celle de l’homme à la mer avec l’aide du moteur puis sans, juste à la voile ! La procédure, sous voiles, varie un peu. Après avoir suivi les premières étapes et balancé la bouée accompagnée du drapeau à l’homme à la mer, s’en éloigner travers(*) au vent ou grand largue(*) sur cinq ou six longueurs de coque sans jamais perdre le contact visuel, puis virer de bord en visant la victime tout en la laissant du côté sous le vent, s’en approcher au près serré(*) de manière à pouvoir avancer à la voile mais aussi pouvoir choquer les voiles pour ralentir l’allure, enrouler la voile d’avant pour ne finir qu’à la grand-voile et contrôler l’allure pour avancer doucement sur l’homme à la mer jusqu’à l’atteindre et stopper le bateau en faisant faseyer la grand-voile, voire en repoussant la bôme au vent pour s’en servir comme d’un frein. Ne reste ensuite qu’à récupérer l’homme à la mer. De nouveau, nous passons chacun à notre tour plusieurs fois jusqu’à réussir la manœuvre à la perfection. Étonnamment, c’est Vincent qui s’en tire le plus mal. Il se met tellement de pression qu’il en fait des erreurs qu’il n’aurait jamais fait en temps normal, j’en suis sûre. Cette épreuve est sa bête noire semble-t-il.

Nous enchaînons l’après midi avec des prises de bouées à la voile et quelques manœuvres de ponton au moteur et sous voile puis nous rentrons au port. Demain, c’est le grand jour ! Nous avons comme instructions de venir avec tout le nécessaire pour dormir à bord le lendemain soir…

Demain, l’examen final commence !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Amer : point de repère fixe et identifiable sans ambiguïté utilisé pour la navigation maritime.

Appontage : s’arrêter au ponton.

ASN (Appel Sélectif Numérique) ou DSC en anglais (Digital Selective Calling) : mode de communication utilisant une technique de transmission automatique des appels codés en format numérique. L’ASN permet d’appeler sélectivement une station de navire ou une station terrestre et, de lancer un appel de détresse automatique.

Au vent (de) : expression s’utilisant pour situer un objet dans l’espace en indiquant qu’il se trouve du côté d’où souffle le vent.

Balise : marque latérale fixe ou flottante indiquant un chenal ou un danger par exemple. Elles ont toutes une couleur bien déterminée fonction des rôles qu’elles jouent.

Barre à roue : grand volant vertical actionnant le gouvernail du bateau.

Cap compas : le cap compas (Cc) : c’est le cap indiqué par le compas, c’est-à-dire l’angle entre le nord du compas (Nc) et la ligne de foi.

Cape (à la) : sur un voilier, la cape peut se prendre avec les voiles hissées en laissant la voile d’avant bordée à contre et en choquant la grand-voile. C’est la cape courante. Lorsque le navire est à la cape, le vent et la mer arrivent généralement par le travers avant, la vitesse est réduite ou limitée à la dérive due au vent ; le navire ne lutte plus contre les mouvements de la mer mais se laisse porter par elle. Cette allure est utilisée essentiellement dans le mauvais temps, pour permettre à l’équipage de se reposer.

Coefficient de marée : grandeur indiquant l’importance des marées en fonction de l’époque.

Coffre : objet pesant, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Compas de relèvement : compas de navigation sur lequel se superpose une réglette mobile (appelée « alidade »), qui permet de mesurer la direction d’un objet ou d’un astre, sur le plan horizontal, par rapport au nord. La mesure obtenue s’appelle un azimut.

Faseyer : flotter, battre au vent.

GPS (Global Positioning System en anglais) : système de géolocalisation mondial qui permet, grâce aux satellites, de savoir où on se trouve de façon très précise et qui permet également trouver son chemin pour aller à un endroit.

Grand largue : le vent arrive pratiquement par l’arrière du bateau. Le largue est une allure très simple à maîtriser : il suffit de se laisser pousser par le vent.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Instructions nautiques : documents officiels, publiés par les services hydrographiques (appelés SHOM pour la France), à destination des navigateurs qui fréquentent les zones maritimes et les ports sous la responsabilité de ces services. Ils contiennent en principe toutes les informations nécessaires au navigateur et doivent être utilisées en complément des cartes marines.

Ligne de sonde : une sonde indique la profondeur minimale en un lieu donné et une ligne de sonde rejoint toutes les profondeurs identiques dans la zone.

Mayday : expression utilisée internationalement dans les communications radio-téléphoniques pour signaler qu’un bateau est en détresse et que la vie humaine est immédiatement menacée, par exemple en cas d’incendie à bord, ou de naufrage.

Près serré : allure à laquelle on avance vers le vent avec un angle de remontée maximum qui peut varier entre 30 et 45° selon les performances du bateau.

Tirant d’eau : distance verticale entre la ligne de flottaison et le bas de la quille.

Travers (au vent) : à cette allure, le vent arrive sur le côté du bateau. C’est généralement l’allure la plus rapide.

 

 

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