Art. 8 – Premier carénage à Carriacou


(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Quelques heures après mon arrivée sur l’île de Carriacou(*), Nautigirl est sortie de l’eau. Je vois mon beau petit voilier, bien sanglé par en dessous s’élever doucement dans les airs à la demande de l’employé chargé de la manipulation de la grue. Il est debout sur la terre ferme et la commande à distance à l’aide d’une énorme manette qui rappelle un peu celle d’une console de jeu.

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Doucement, la grue emmène Nautigirl vers la terre ferme où les ouvriers du carénage l’attendent de pied ferme avec leur kärsher. Première opération : gros décrassage de la coque. L’eau sous pression décolle algues et coquillages et laisse apparaître le vieil antifouling(*). Effectivement, une petite remise en beauté ne lui fera pas de mal…

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Deuxième opération : placer le bateau à l’endroit qu’il occupera durant les quelques jours que durera le chantier. Nautigirl est ainsi guidée dans l’espace libre entre Archangels d’un côté et New Moon de l’autre. La grue relâche progressivement sa prise et bientôt Nautigirl tient en équilibre sur les béquilles prévues à cet effet. Je peux enfin l’observer sous toutes ses coutures !

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Ce sont les employés du carénage qui vont gérer toute la partie antifouling. Cela consiste à poncer le dessous du bateau afin de faire disparaître la vieille peinture, avant de passer un primaire d’accroche et un nouvel antifouling en trois couches. Moi, je vais pouvoir les regarder faire pour savoir comment procéder une prochaine fois !

P1020763En attendant que le ponçage de la coque commence, je me charge de démonter l’hélice afin de pouvoir rendre au bronze son brillant d’origine. J’apprends à l’occasion à me servir d’un démonte-hélice que me prête le chantier car, contrairement à ce que je croyais, ça ne se démonte pas aussi facilement. Une fois les différents éléments démontés, un petit bain dans du Corobrill(*) fait des miracles : j’ai à peine à gratter pour faire disparaître toute trace d’organisme vivant. J’en passe aussi sur l’arbre de l’hélice avec un gros pinceau. Bientôt l’ensemble retrouve presque son brillant et son aspect lisse d’origine.

P1020772J’en profite pour démonter la bague hydrolube(*). Je sais qu’il en existe différentes sortes. La mienne est une sorte de petit tube creux en caoutchouc qui est inséré dans la chaise d’arbre(*) assurant ainsi le centrage de l’arbre d’hélice. Elle pourrait encore faire l’affaire mais tant qu’à faire, autant en profiter pour en mettre une neuve ! Je cours au magasin tout proche pour en acheter une nouvelle mais j’ai une mauvaise surprise. Celui-ci est minuscule. Ils ont quelques articles en stock mais rien pour moi. Professionnels, ils tentent de contacter le magasin de l’île la plus proche, Grenade(*) mais sans succès… Je tente ma chance en appelant un magasin de Martinique. Ils ont ce qu’il faut mais ils ne peuvent pas le faire livrer… Je ne me laisse pas démonter. Je poste aussitôt un message sur une page Facebook qui rassemble toute une communauté de martiniquais « JAH Familia ». J’y explique que je recherche quelqu’un qui pourrait me descendre la pièce en question vers Carriacou. Rapidement, j’ai une réponse d’une boite de charter, Piwi Croisières. Ils sont prêts à me descendre la pièce à Union(*) dans quelques jours. C’est super gentil ça ! Parfait, je n’ai plus qu’à attendre la livraison !!!

En attendant, j’ai un autre travail qui m’attend… En rangeant les affaires que j’avais placé un peu en vrac à l’avant, je me suis rendue compte que les parois de la pointe avant du bateau sont humides… Il semblerait que la baille à mouillage(*) ne soit pas étanche… J’y plonge, la tête en avant… Un long et gros cordon, ou plutôt un pâté, de sikaflex(*) a été posé le long des angles en contact avec la paroi de la cabine avant. Je tire légèrement dessus et étonnamment, il cède très facilement. Je mets ainsi à jour ce qu’il y a en dessous : une sorte de mastic tout poreux qui visiblement a perdu toutes ses propriétés (en supposant qu’il ait été étanche à un moment donné). Lorsque je passe le doigt dessus, c’est comme mou, ça me ferait presque penser à de la pâte à modeler. Je sors mes outils et je commence à nettoyer la zone afin de repartir sur une base saine.

Après en avoir discuté avec Yves, je décide de poser fibre et résine sur la zone pour la rendre parfaitement étanche. J’ai tout le matériel nécessaire pour le faire mais encore aucune pratique. C’est mon premier challenge résine ! 2 doses de résine pour 1 dose de durcisseur… Un premier mélange me sert à reboucher les fentes apparentes avec du micro-ballon(*) chargé dedans. Ça fait une sorte de mastic facile à utiliser. Un deuxième mélange est appliqué tel que sur la fibre de verre que j’ai préalablement découpée. J’ai un pinceau pour appliquer la résine sur la fibre mais j’ai du mal à ne pas faire de coulures un peu partout. Ça coule par terre, j’en mets plein mes gants qui collent au pinceau mais tant pis, j’apprends ! Je laisse sécher plusieurs heures avant de poncer et de passer une deuxième couche et enfin une troisième. Une fois la réparation terminée et la dernière couche poncée, je n’ai plus qu’à remplir la baille à mouillage à ras bord après avoir bouché le trou d’évacuation pour voir si de l’humidité rentre à l’intérieur de la pointe avant du bateau. Après une nuit d’attente, bonne nouvelle, tout est bien resté sec à l’avant. Problème résolu !

Entre chaque temps de séchage, je m’occupe à d’autres petites tâches sous la supervision d’Yves qui joue le coach avec moi. Grâce à lui, j’apprends ainsi à faire la vidange de l’huile d’inverseur(*), tâche que Pierre n’avait pas eu le temps de me montrer. Mes hublots montrant de nouveau des zones de faiblesse qui laissent passer quelques gouttes d’eau, il m’encourage à creuser le joint de sika tout autour pour en reposer un tout beau tout neuf, ce que je m’applique à faire consciencieusement espérant que c’est la dernière fois qu’il fuit (ce ne sera hélas pas le cas d’ici quelques mois…).

Les jours passent vite et bientôt tous les bateaux sont prêts à être remis à l’eau. Enfin, tous, sauf le mien, vu qu’il me manque ma bague hydrolube et que sans elle, je ne peux pas remettre mon hélice. Du coup, nous négocions de remettre le bateau d’Yves en premier à l’eau afin qu’il puisse m’emmener à Union où je dois récupérer ma pièce.

Archangels fend les flots en direction de l’île d’Union toute proche. Yves contrôle l’ensemble des passes-coques(*) qu’il a posé durant le chantier car, comme il me l’explique, c’est la première chose à vérifier  lorsqu’on remet un bateau à l’eau. Je suis dehors dans le cockpit quand je l’entends pousser un juron. L’un des passes-coques laissent s’infiltrer de l’eau. On ne risque pas de couler à cause de ça car la fuite n’est pas si importante, néanmoins, il va falloir ressortir le bateau très vite. Impossible de résoudre ça la coque dans l’eau. Il met la pompe de cale(*) en marche. Désormais, il a juste envie de rejoindre rapidement Union pour que je récupère ma pièce et repartir aussi sec à Carriacou pour ressortir le bateau.

Nous atteignons l’île de Union. J’ai eu des nouvelles du skipper en charge du catamaran de Piwi Croisières qui transporte ma bague hydrolube. Il est tout proche. Et effectivement, une heure après avoir accosté au ponton principal du port de Clifton, nous le voyons arriver à notre rencontre à bord de son annexe(*). Ça y est ! J’ai ma bague ! Nous filons de nouveau vers Carriacou.

Dès notre arrivée au carénage, Yves négocie un bon prix pour une sortie expresse de son voilier (chaque sortie de l’eau avec la grue est facturée). Avant la nuit, son voilier est donc de nouveau suspendu sous la grue au dessus de la terre ferme ce qui lui permet de faire le nécessaire pour régler son problème de passe-coque. Pendant ce temps-là, je mets en place ma nouvelle bague hydrolube et je remonte enfin mon hélice tout propre.

Le lendemain matin, Archangels est remis à l’eau suivi de Nautigirl. Direction le Marin en Martinique ! De nouveau, Yves joue mon ange-gardien et m’accompagne tout au long du trajet. Tous les soirs, nous stoppons sur l’une des îles que nous longeons. Lorsqu’enfin nous arrivons au niveau de l’île de Sainte-Lucie(*), Yves met toutes les voiles et rejoint la Martinique me laissant faire la dernière partie du trajet toute seule. Je pense qu’il en avait assez de freiner son cheval de course depuis aussi longtemps et je le comprends !

De retour au Marin, je décide de régler ce problème de VHF(*) qui semble ne pas fonctionner correctement à une distance même modérée. Un professionnel passe à bord pour tester le matériel. Il semble que tout soit ok. Il ne comprend pas les difficultés que je peux rencontrer. Il manipule les boutons de la VHF tout en parlant à haute voix. Il me parle de la fonction « HIGH » (haute) et « LOW » (basse). Hein ? Késako ? Et là, je réalise que pendant tout le voyage, j’ai laissé la VHF sur la puissance minimale qui ne permet d’émettre que sur une distance d’un mille(*) nautique environ au lieu des 20 à 25 milles autorisés avec la puissance la plus forte… Alors, tous ces problèmes de communication à distance avec Yves sur l’aller/retour qui m’ont valu un beau hors forfait téléphonique (vu que lorsque j’avais besoin de le contacter, j’utilisais mon téléphone quand j’arrivais à avoir du réseau), c’était ça ???? Effectivement, je me rappelle avoir vaguement entendu parler de cette notion de « High » et « Low » lorsque j’ai passé mon CRR(*) (le certificat m’autorisant à utiliser une VHF) mais visiblement je n’avais pas saisi l’importance de celle-ci…

Vive la blonde attitude !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Annexe : petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.

Antifouling : peinture couvrant la partie immergée de la coque et contenant des produits toxiques destinés à empêcher le développement des mollusques et des algues.

Bague hydrolube : pièce en caoutchouc rainurée a l’intérieur, elle assure le centrage de l’arbre d’hélice et sert de pallier, elle est lubrifiée par l’eau. C’est une pièce d’usure à changer régulièrement.

Baille à mouillage : soute à l’avant du bateau dans laquelle on range la chaîne et parfois l’ancre elle-même.

Carriacou : île du sud des Antilles faisant parti de l’État de Grenade. C’est l’île la plus septentrionale des îles de l’État de Grenade. La population est d’environ 8.000 habitants.

Chaise d’arbre : appendice sur la coque d’un navire supportant l’arbre d’hélice.

Corobrill : mélange d’acide phosphorique et de détergents.

CRR : Certificat Restreint de Radiotéléphoniste.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Inverseur : c’est ce qui permet de gérer la marche avant et la marche arrière.

Micro-ballons : ce sont de minuscules sphères de verre se présentant sous la forme d’une poudre blanche extrêmement légère. Mélangées à la résine, les microballons permettent de « charger » celle-ci sans l’alourdir et de remplir des cavités sans rajouter trop de poids.

Mille marin ou mille nautique :  1.852 mètres environ ce qui correspond au calcul d’une minute d’angle à l’équateur.

Passe-coque : tube à collerette et traversant la coque. Il est destiné à y connecter un tuyau d’évacuation ou de prise d’eau généralement.

Pompe de cale : c’est une pompe qui permet d’évacuer l’eau de l’intérieur du bateau depuis l’un des points les plus bas de la coque.

Sainte-Lucie (Saint Lucia en anglais) : état insulaire des Antilles situé entre, au sud, les îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au sud-est, la Barbade et au nord, la Martinique.

Sika : abréviation de « Sikaflex » qui est une marque de colles et de mastics d’étanchéité très réputée dans le monde marin.

Union : une des îles de l’archipel des Grenadines, archipel situé dans les petites Antilles, entre l’île de Saint-Vincent au nord et Grenade au sud. Elle fait partie de l’État de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, dont c’est l’une des îles les plus méridionales.

VHF : radio à très haute fréquence (bande de fréquences comprises entre 30 MHz et 300 MHz).

3 réflexions au sujet de “Art. 8 – Premier carénage à Carriacou”

  1. Ah Tyrell Bay, ses moustiques… son vendeur d’huîtres de palétuviers!!! Joli travail rondement mené. As-tu pu vérifier l’état de la mèche de safran? J-C

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