14 faits insolites sur le Canal de Panama

(1) Une construction initiée par les Français.

En 1880, une collecte de fonds géante est organisée à la Bourse de Paris sous l’impulsion du promoteur Ferdinand Marie, vicomte de Lesseps (dit Ferdinand de Lesseps) fort de sa réussite avec le canal de Suez et la construction du canal de Panama commence en 1881.

Vingt-trois ans plus tard, les États-Unis prennent le relais après que la France ait accusé la perte de 25.000 ouvriers, soit près de 3 morts par jour pendant 25 ans (une bonne partie à cause du paludisme et de la fièvre jaune).

Ce projet a fait perdre tant d’argent à la France que le promoteur a été condamné à 5 années de prison qu’il n’a pas purgées en raison de son âge avancé (88 ans).

Le canal a finalement ouvert en 1914.

(2) Un traité qu’aucun Panaméen n’a signé.

Le 18 novembre 1903, deux semaines seulement après la révolution qui a mené le Panama à son indépendance vis-à-vis de la Colombie, le traité Hay-Bunau-Varilla est signé à Washington entre l’ingénieur français Philippe Bunau-Varilla, important actionnaire de la « Compagnie nouvelle du canal de Panama » (l’un des organisateurs de la révolution nommé ministre plénipotentiaire de la nouvelle république) et le secrétaire d’Etat américain John Hay.

Il conclut la vente pour 40 millions de dollars de la concession, des actions et des avoirs de la Compagnie nouvelle du canal de Panama. Et contre un paiement de 10 millions de dollars et une rente annuelle de 250.000 dollars, le Panama laisse aux États-Unis les droits d’exploitation et de construction à perpétuité sur le canal et une zone de 8 km de part et d’autre de la ligne médiane de celui-ci excluant les villes de Panama et de Colon).

Cet espace d’une superficie de 1.432 km2 restera américain jusqu’en 1979, date à laquelle il se retrouve sous double administration américano-panaméenne. Et c’est seulement en 1999 que le Panama retrouve le contrôle complet du canal. Le canal est maintenant dirigé par l’Autorité du Canal de Panama.

Malgré cette rétrocession, le canal est toujours considérée comme une voie d’eau intérieure par les États-Unis et il est prévu dans le traité de rétrocession que les bateaux battant pavillon américain ont une priorité de passage sur les autres !

(3) Des écluses gigantesques.

Il y a 3 ensembles d’écluses présentant des chambres en parallèle pour pouvoir autoriser le trafic dans les deux sens. Des Caraïbes vers le Pacifique, on trouve d’abord l’écluse du lac Gatùn à 3 chambres, puis celle de Pedro Miguel à 1 chambre et enfin celle de Miraflores à 2 chambres.

Chaque chambre fait 33,53 mètres de large (110 pieds) et 320,0 mètres de long (1.050 pieds) avec une longueur utilisable de 304,8 mètres (1.000 pieds).

La longueur totale des écluses en incluant les murs d’approche est de plus de 3 kilomètres.

(4) Une différence de niveau par rapport au niveau de la mer.

A Gatùn, le niveau du lac est de +26 mètres par rapport au niveau de la mer.
A Pedro Miguel, le dénivelé est de -9,5 mètres par rapport au niveau du lac Gatùn.
A Miraflores, il est de -16,5 mètres par rapport à Pedro Miguel.

Un bateau qui traverse l’ensemble d’écluses dans le sens Caraïbes-Pacifique sera donc élevé de 26 mètres avant de redescendre en deux étapes au niveau de l’Océan Pacifique.

(5) Des portes busquées.

Les portes qui séparent les chambres, retenant une masse d’eau considérable, se ferment en V afin que la force de l’eau elle-même permette d’assurer leur fermeture pendant les phases de vidage et de remplissage (portes « busquées »).

Par sécurité, les portes de chaque côté des chambres en amont du lac sont doublées. En effet, la rupture d’une porte viderait le lac de son eau entraînant une inondation catastrophique en aval. Les portes de sécurité sont à 20 mètres des portes principales.

(6) Des mules ou des lamaneurs en action.

Les gros navires sont entraînés dans les écluses par des petites locomotives électriques appelées des « mules » (ou « mulas » en espagnol).

Tandis que les plus petits bateaux sont reliés par des amarres à des « lamaneurs » qui les guident à la main.

(7) Un système qui fonctionne grâce à la gravité.

L’eau est déplacée dans les écluses par gravité (du lac vers la mer) en utilisant le phénomène des vases communicants. Elle est contrôlée par d’immenses vannes.

Une chambre d’écluse peut être remplie en 8 minutes seulement, occasionnant de violentes et nombreuses turbulences pour les navires amarrés à l’intérieur.

(8) Le lac Gatùn est un lac artificiel.

Il a été créé entre 1907 et 1913 par la construction du barrage Gatùn sur le Rio Chagres, un fleuve du centre de Panama qui se jette dans la mer des Caraïbes. A l’époque, c’était le plus grand lac artificiel au monde et le plus grand barrage en terre.

La topographie était idéale à cet endroit : des montagnes entourant une vallée qu’il a suffit d’inonder. Les sommets de ces montagnes forment désormais des îles et la présence de troncs à moitiés submergés rendent dangereuse la navigation en dehors du chenal balisé.

Il couvre une surface de 425 km2 et se situe à 26 mètres au-dessus du niveau de la mer. Il contient 5,2 km3 d’eau. Le lac Gatùn représente à lui seul 32,7 km des 77 km du canal. Il est utilisé comme réservoir afin d’alimenter les écluses du canal.

(9) La coupe Gaillard.

La coupe Gaillard ou « Coupe Culebra » est une vallée artificielle reliant le lac Gatùn aux écluses Pedro Miguel. Elle mesure 12,6 km de long et a représenté l’un des plus grands défis d’ingénierie de son temps. Au total, 76 millions de mètres cube de terre ont été excavés, dont 23 millions liés aux glissements de terrains à répétition. 27.000 tonnes de dynamite furent nécessaires !

Cette vallée porte le nom d’un ingénieur de l’armée américaine qui fut chargé de sa construction en 1907. Celui-ci mourut d’une tumeur au cerveau en 1913, à l’âge de 54 ans, quelques mois avant la fin de la construction du canal.

(10) Un gigantesque raccourci.

Passer par le canal de Panama au lieu de contourner l’Amérique du Sud représente un raccourci de 12.700 km, soit près d’un tiers de la longueur de l’équateur. Il évite également aux navires de franchir le fameux Cap Horn, à la pointe sud du Chili.

(11) Un raccourci qui n’est pas donné.

Le canal est payant. Les droits de passage sont déterminés par les Autorités du canal et sont basées sur le type de navire, sa taille et le type de cargaison.

Le passage le plus cher est celui du « Norwegian Pearl » qui a payé 376.000 USD en 2010. Le passage le moins cher revient à Richard Halliburton qui a traversé le canal à la nage en 1928 (malgré la présence de crocodiles). Il a payé 36 cents après avoir été pesé et mesuré.

(12) La sécheresse impacte le bon fonctionnement du canal.

La première année, 1.000 navires ont traversé le canal. Aujourd’hui, ils sont plus de 15.000 par an. Pour chaque transit, c’est environ 200.000 m3 d’eau du lac qui sont déversés dans la mer. Or, bien qu’il y ait assez de précipitations annuellement pour renouveler l’eau du lac, la saison sèche pose problème. A ce phénomène, se rajoute l’impact de la déforestation. Auparavant, la forêt tropicale jouait un rôle de tampon en absorbant et en relâchant progressivement de l’eau propre dans le lac. Aujourd’hui, avec la réduction de la végétation, moins d’eau est retenue dans les sols et de la boue se déverse dans le lac qui s’envase progressivement.

La quantité d’eau disponible dans le lac Gatùn diminuant, un deuxième barrage a donc été construit pour créer un deuxième lac artificiel et ainsi augmenter la réserve d’eau : le lac Alajuela.

En avril 2019, la sécheresse provoquée par le phénomène climatique El Nino était telle que le niveau du lac Gatùn était trop bas pour autoriser les transits habituels après 4 ou 5 mois quasiment sans la moindre goutte de pluie, obligeant ainsi l’Autorité du Canal à prendre des mesures sur les tailles des navires autorisés à emprunter cette voie. C’est la période la plus sèche jamais connue dans toute l’histoire du canal. Une situation d’autant plus critique qu’il faut aussi irriguer les champs de la région et approvisionner en eau courante les habitants de la capitale.

(13) Une différence de marnage entre les deux côtés du canal.

Le marnage côté Pacifique est d’environ 6 mètres. Le marnage côté Atlantique est d’environ 60 centimètres. Ça surprend quand on passe d’un côté à l’autre !

(14) Le niveau d’altitude des Océans Atlantique et Pacifique est différent.

En moyenne, l’Océan Pacifique est 20 centimètres plus haut que l’Océan Atlantique. Ça paraît impossible mais c’est vrai ! Oui, les deux océans communiquent et le niveau de la mer devrait être constant mais c’est oublier l’aspect géologique et gravimétrique (du terme « gravité ») des fonds sous-marins. Dans un verre d’eau ou une piscine, la surface de l’eau sera horizontale. La mer, elle, ce n’est pas le cas. En réalité, on a des bosses et des creux. Les bosses sont principalement situées au dessus des « dorsales océaniques » (des chaînes de montagnes sous-marine), un endroit où la plaque tectonique est plus épaisse qu’ailleurs. Celle-ci ayant une densité plus forte, on a ce qu’on appelle un excès de masse et donc une attraction de volume d’eau plus forte, ce qui forme une « bosse ». C’est ce qui explique cette différence de niveau entre les deux océans !

Vous voulez voir à quoi ressemble un transit à travers le Canal de Panama ? Visionnez mon passage avec mon 28 pieds, Nautigirl, de l’Atlantique vers le Pacifique :

 


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/c/DreamChaserNautigirl

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.


 

 

 

 

 

 

 

Comment éviter les collisions entre les baleines et les voiliers

D’après les cas rapportés, les collisions entre bateaux et baleines sont en constante augmentation depuis ces dernières décennies en raison de l’augmentation du trafic maritime mondial, notamment dans les plans d’eau et les routes que nous partageons avec les grands cétacés.

Il est évident que les collisions entre bateaux à moteur et baleines sont plus fréquentes que celles entre voiliers et baleines mais ces dernières ne sont pas aussi rares que ce que l’on voudrait croire. D’après les récentes études menées, de part leur nombre, la plupart des accidents concerne les voiliers de Monsieur et Madame Toulemonde naviguant entre 5 et 10 nœuds et non pas les grands voiliers de course qui naviguent pourtant à plus de 20 nœuds (la vitesse augmentant effectivement le risque de collision mais les plaisanciers sont nettement plus nombreux sur les flots que les coureurs).

Éviter un bateau n’est pas si évident que cela pour un cétacé qui utilise essentiellement son ouïe et non sa vue. En effet, les baleines sont probablement daltoniennes ce qui les empêchent de distinguer les couleurs.

Il faut savoir qu’on distingue deux grands groupes : les cétacés à dents (dit les « odontomètres ») comme les dauphins, les globicéphales et les cachalots, et les cétacés à fanons (dit les « mysticètes ») comme la baleine à bosse ou le rorqual commun. Les premiers se repèrent comme les chauve-souris en émettant des ultra-sons. Les autres n’ont pas ce système de « radar » et repèrent donc plus difficilement les voiliers puisqu’elles ne les voient pas et ne les entendent pas.

Un navire se propulsant au moteur est bruyant, un bateau sous voile l’est beaucoup moins et n’est pas particulièrement « détectable ». Si on rajoute à cela les phases de la vie courante durant lesquelles les cétacés peuvent être moins attentifs comme lorsqu’ils dorment, mangent, allaitent ou se reproduisent, vous imaginez bien qu’il leur arrive d’être surpris !

Ces collisions causent des blessures plus ou moins graves aux cétacés voire leur mort. C’est d’autant plus problématique lorsqu’il s’agit d’un individu appartenant à certaines populations très réduites comme celle de la baleine noire de l’Atlantique Nord. Du côté des bateaux, certains membres d’équipage se blessent, les voiliers sont endommagés (safran et quille généralement) et certains font même naufrage.

Les conseils pour minimiser les risques paraissent évident :

  • exercer une veille visuelle attentive la journée,
  • éviter tant que possible les zones à forte concentration de cétacés,
  • réduire la vitesse.

Et si vous apercevez ou entendez un souffle ou une baleine, n’hésitez pas à allumer le moteur pour vous signaler !

4 petites informations divertissantes pour briller en société :

  1. Les baleines et les dauphins ne peuvent rester que 10 à 20 minutes sous l’eau contre 90 minutes pour un cachalot !
  2. Chez le dauphin ou la baleine, la respiration est un acte volontaire et non pas un réflexe comme chez l’homme ! S’il y a perte de connaissance, c’est la mort par noyade… Il leur faut donc dormir tout en restant éveillé pour respirer régulièrement. Pour cela, ils flottent à la surface, sur le côté, un œil ouvert et l’autre fermé, en bougeant le moins possible et en reposant un de deux hémisphères de leur cerveau l’un après l’autre. Ainsi la moitié de leur cerveau dort pendant que l’autre veille et assure le contrôle des fonctions vitales et notamment la respiration. Lorsqu’ils alternent, ils changent de côté et ferme l’autre œil.
  3. Les cachalots font des siestes collectives de quelques minutes pendant lesquelles ils flottent en profondeur, le corps rigide à la verticale.
  4. Les cétacés à dents avalent leur nourriture sans la mastiquer, ils la gobent.

 


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/c/DreamChaserNautigirl

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.


 

 

 

Mon premier livre est sorti !

« Il était un petit navire », un livre écrit, revu et corrigé sur une période de 2 ans. J’espère qu’il vous plaira !

Ce livre est un mélange de fiction et de faits réels que j’ai vécu dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie française. Il vous fera plonger dans l’univers d’une navigatrice débutante découvrant la voile et la vie à bord d’un petit bateau. D’abord accompagnée, elle se retrouve rapidement seule en charge du voilier avec tout le lot de peurs, d’interrogations et de moments heureux que cela entraîne, le tout saupoudré d’aventures et de mésaventures à la fois comiques ou angoissantes. Le tout est raconté à la manière d’un journal intime. Un livre facile à lire qui plaira aux amateurs de voile et de la vie dans les îles.

Pour ceux qui me connaissent, ils reconnaîtront facilement ma manière d’être et de m’exprimer. Les bénéfices tirés de la vente m’aideront à financer du matériel nécessaire à ma traversée du Pacifique.

N’hésitez pas à laisser un commentaire sur les sites de vente si le livre vous plaît.

D’avance merci pour vos encouragements et votre aide.

Disponible sur Amazon.fr en format Kindle pour les commandes de la métropole :

https://www.amazon.fr/dp/B07MBF3R4L/ref=sr_1_4?ie=UTF8&qid=1546518817&sr=8-4&keywords=ebook+il+%C3%A9tait+un+petit+navire

Disponible sur Amazon.fr en format Kindle pour les commandes hors métropole (par exemple Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Martin, Polynésie française et étranger) :

https://www.amazon.com/était-petit-navire-French/dp/1793060193/ref=sr_1_fkmrnull_1?keywords=diane+jullich&qid=1552534135&s=gateway&sr=8-1-fkmrnull

Ou sous format Kobo :

https://www.kobo.com/ww/fr/ebook/il-etait-un-petit-navire-3?fbclid=IwAR3KEgzewA2OSF2KES9K0WuUr31Xgb4xP2kmRebj2hmm2a_30dTW2nbV9n0

Ou sous format Apple Books :

https://itunes.apple.com/fr/book/il-%C3%A9tait-un-petit-navire/id1448607534?l=en&ls=1&mt=11

La version papier est disponible sur Amazon !

 


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/c/DreamChaserNautigirl

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.


 

 

Art. 13 – Retour vers le Marin

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Désormais diplômée de mon Yachtmaster Offshore(*), je compte désormais tranquillement remonter vers la Martinique mais pas avant d’avoir donné un coup de main à Vincent qui veut changer ses haubans(*). C’est un travail plus facile à réaliser à deux. Malheureusement, dans la foulée, il se fait un lumbago qui repousse d’une bonne semaine son projet et, par conséquence, mon départ…

Dès que son dos lui permet, nous prenons la direction de Prickly Bay(*) où se trouve un shipchandler(*) chez lequel il pourra se fournir en haubans neufs. Arrivés à bon port, je le rejoins sur son voilier pour commencer le démontage. Chacun en charge d’un côté, nous commençons à dévisser les ridoirs(*) en comptant les tours. Le mât est sécurisé avec des drisses(*) pour éviter tout risque de chute. Dès que c’est fini, Vincent file avec au magasin tout proche pour en obtenir de nouveaux.

Dans l’après-midi, je le rejoins seulement pour apprendre qu’il n’a pas pu se procurer de matériel neuf. Impossible d’avoir le bon modèle de sertissage. Argggghhhh !!! Il n’y a donc plus qu’à remonter les anciens. Je grommelle dans mon coin. C’était bien la peine de tout démonter pour rien après avoir attendu plus d’une semaine. Bon, en même temps, je n’avais pas de délai spécifique à respecter, alors nul mal n’a été fait…

Dès le lendemain, je suis enfin libre de remonter en Martinique. Mon but est de faire un trajet non-stop jusqu’au Marin. Cela représente grosso modo 180 milles nautiques (333 kilomètres). A 5 nœuds de moyenne, cela représente 36 heures de navigation dont 2 nuits complètes. Ce sera mon plus long trajet sur Nautigirl en solitaire. Jusqu’à présent ma plus longue navigation seule à bord, c’est un jour et une nuit consécutive. Cela représente donc un vrai challenge pour moi. D’autant plus que j’appréhende toujours autant l’obscurité en bateau.

Je vais pouvoir tester l’autopilote(*) que Vincent m’a récemment aidé à réparer, un Autohelm ST2000+. L’un des pignons du mécanisme s’était libéré de son emplacement, empêchant le vérin de fonctionner. Je comptais initialement le faire réparer chez un professionnel mais Vincent s’était proposé de jeter un coup d’œil et il avait tout de suite compris le problème. Il avait donc remis en place le pignon sur l’axe du moteur et tout remonté en m’expliquant comment faire si ça devait encore une fois arriver. Je vais pouvoir tester son bon fonctionnement désormais !

Le temps de ranger le bateau, de remonter le moteur hors-bord et de stocker l’annexe sur le pont, je ne pars que tard dans l’après-midi de Prickly Bay. Au moment même où je hisse la grand-voile sous pilote, je me rends compte qu’il y a déjà un problème : ce dernier fait des grincements horribles avant de s’immobiliser après quelques derniers soubresauts. Je suis obligée de le déconnecter pour barrer à la main. Et ce n’est pas tout ! En remontant vers la pointe sud de l’île de Grenade(*), je me rapproche du vent et je dois donc border mon génois(*) : je me rends compte alors que mon winch(*) bâbord(*) vient de se bloquer. Et quand je dis bloqué, c’est totalement bloqué, oui ! Il ne bouge plus d’un millimètre. C’est pourtant celui qui me sera utile tout le long de la traversée jusqu’en Martinique car avec un vent d’Est, cela signifie un unique long bord avec la voile toujours du même côté, à bâbord justement…

Et les mauvaises nouvelles ne s’arrêtent pas là… Après avoir mis en place mon deuxième pilote, un Raymarine SPX 5, je me rends compte que lui aussi fait des sienne. Le vérin semble réagir puisque passant du mode « Stand by » (Off) ou mode « Auto » (On), il ajuste la barre de quelques millimètres à gauche et à droite pour conserver le bon cap mais si je tente d’ajuster la route de quelques degrés en appuyant sur + ou – 1 ou sur + ou – 10, le pilote semble vivre sa vie comme s’il ne recevait pas mes indications… Super… Comment vais-je faire ?

Je m’énerve toute seule sur le bateau. Le stress monte. Je m’arrête à la première baie possible, celle de George’s Bay(*) où j’ai passé le plus clair de mon temps durant ma formation de Yachtmaster la semaine précédente. L’obscurité s’est déjà installée. Par sécurité, vu le nombre de bateaux qui oublient de mettre leur feu de mouillage pour se signaler, je jette l’ancre dès que la profondeur me paraît raisonnable.

Nautigirl est à l’arrêt attendant les décisions de son skipper. Les voiles sont affalées. Et moi, frontale sur le front, je suis en train d’essayer désespérément de faire tourner ce maudit winch qui me résiste. Rien n’y fait. Le démontage commence alors, rapidement interrompu quand je réalise qu’à peine la poupée(*) retirée, je suis coincée… Je vois bien que les deux pignons censés pivoter sur eux-mêmes sont totalement figés. Mais pour pouvoir les nettoyer, il faudrait que j’arrive à retirer l’axe central. Or, ce n’est pas une vis qu’il me suffirait de dévisser. C’est un truc creux. J’ai l’impression qu’il faut justement y mettre une vis du bon diamètre et tirer dessus pour pouvoir le retirer. Dans ma boite à vis fourre-tout, j’en ai une du bon diamètre. Je tente de l’insérer et avec une pince de faire levier. Rien ne bouge. J’essaie de bricoler un truc avec un écrou mais sans succès encore une fois. Et j’ai peur de foirer le pas de vis, de la péter ou de créer un problème encore pire. Si je ne peux rien faire par le dessus, je vais tenter par le dessous !

Le coffre bâbord est vidé en quelques secondes et je me saute dedans pour commencer à dévisser les 6 boulons qui retiennent le winch. Bientôt, ils sont tous dans ma main. Le temps de les poser dans un petit container et d’éviter d’en perdre à cause des mouvements du bateau, je m’arc-boute sur le winch pour le faire basculer mais il semble être scotché au pont. Pourtant, plus rien ne le retient. Hormis peut-être du sika ? Je tente d’insérer une lame de cutter entre la base du winch et le pont. Sans succès… Il n’y a même pas assez d’espace pour me le permettre. J’entoure le winch d’un cordage, fait un nœud et à l’aide de l’autre winch, je le tends au maximum pour tenter de faire basculer ce foutu winch. Aucun résultat…

C’est le moment que choisit un très bon ami de Martinique pour m’appeler, un marin. Je lui explique mes difficultés et quand il me lance subitement un « ça a pas l’air d’aller ! », je ne retiens plus mes larmes… Il m’achève (sans le vouloir, je le sais) lorsqu’il rajoute « Ah bah dis donc, t’as pas le mental pour traverser le Pacifique… ». De fierté, je ravale le reste de mes larmes, lui pose quelques questions et raccroche le téléphone. De dépit, ensuite, je pars dans la cabine avant où j’ai stockée une cartouche de cigarettes que je réserve pour ce même ami. Moi qui ai arrêté pour une énième fois de fumer il y a 3 semaines à peine, j’ai besoin d’une petite aide psychologique !

J’ouvre un paquet, allume une cigarette qui me file à moitié la nausée et regarde mon winch désabusée. Je décide finalement de cesser de lutter et de remonter le winch récalcitrant tout en l’arrosant copieusement de WD40(*), ça ne pourra pas lui faire de mal. Et puis, je décide d’aller dormir après un rapide dîner et une nouvelle cigarette. Je suis juste profondément dépitée…

Le lendemain, mon mug de café à la main, je manipule nonchalamment le winch. Miracle !!! il bouge !!! Il semblerait que le WD40 ait agi pendant la nuit ! Je ne veux pas savoir, ni comment. J’espère juste que ça va fonctionner jusqu’à mon retour en Martinique. Côté autopilote, pas d’évolution. Je vais faire avec le SPX 5 en veillant à lui donner le moins possible d’instructions et on verra bien ce que ça donnera. Il aura peut-être meilleur caractère aujourd’hui.

Un peu plus tard, la grand-voile est hissée, le génois déployé, je prends enfin la direction de la Martinique. Mon autopilote (le seul viable), malgré son manque de réactivité, me permet tout de même de me reposer de temps à autre. De toute manière, rien n’y fait, impossible de fermer les yeux plus de 5 minutes. Je me suis pourtant fabriqué un petit coin bien confortable dans le cockpit grâce à quelques coussins waterproof. Mais la moindre vague éclatant un peu fortement sur la coque, le moindre écart du bateau met tous mes sens en émoi. Et je serais sûrement mieux à l’intérieur pour me reposer si je n’avais pas un sentiment constant de nausée à chaque fois que je passe trop de temps en bas… Donc pas le choix… C’est dehors ou rien…

La journée s’écoule sans souci. Mon trajet suivant les côtes des îles, je capte internet tout le long du trajet et c’est comme ça que j’apprends que durant cette nuit du 13 au 14 décembre 2017, j’assisterai aux premières loges à une pluie de météores. Et les conditions d’observation seront plus que favorables avec l’absence de la Lune la majeure partie de la nuit !

images2Effectivement, j’assiste à un superbe spectacle. Seule au milieu de la mer, j’ai l’impression d’avoir réservé un Planétarium juste pour moi. Le spectacle m’en fait oublier mon appréhension habituelle de la nuit. Allongée sur un bout de matelas dans le cockpit, je compte les étoiles filantes sans oublier de me lever régulièrement pour faire un tour d’horizon et vérifier qu’il n’y a aucun bateau dans les environs. Un beau croissant de lune fait son apparition à la fin du spectacle bientôt suivi d’un beau lever de soleil. Ces magnifiques images qui se sont succéder durant la nuit me font regretter de ne pas avoir d’appareil photo digne de ce nom pour partager ces couleurs uniques. J’en oublierai presque ma fatigue alors que j’ai à peine dormi depuis mon départ.

Il est l’heure du café lorsque, sous le vent d’une île, je me fais surprendre par deux sauts énormes d’un tout petit dauphin. On aurait dit un mini-dauphin, presque un jouet !!! C’est la première fois que j’en vois un si minuscule. Les adultes, eux, se contentent de me dépasser en nageant sagement. Décidément, cette navigation est pleine de surprises !

La seconde journée s’écoule doucement. Bientôt le soleil est haut dans le ciel et tape de plus en plus fort. Malgré la chaleur, je me couvre le plus possible le corps et le visage pour éviter de vilains coups de soleil.

La fatigue se fait de plus en plus sentir. D’une manière presque militaire, je m’oblige à me relever toutes les 20 minutes pour contrôler les alentours. Entre temps, j’essaie de me reposer mais entre le soleil, le bruit et le mouvements des vagues, rien n’y fait, j’ai vraiment du mal à dormir quelques minutes.

IMG_0829La nuit tombe alors que je longe la côte sous le vent de l’île de Sainte-Lucie(*). J’ai tellement hâte d’arriver à bon port pour pouvoir réellement dormir ! En attendant, pour me tenir éveillée, j’ai la musique à fond dans le cockpit grâce à mon iPod et un haut-parleur étanche. Et je n’oublie pas de scruter régulièrement les alentours à la recherche de feux de navigation qui signifieraient des bateaux à proximité. Mais rien. Tout va bien.

Soudain, j’aperçois pour la première fois une lumière blanche haute dans le ciel. Mon imagination et mon cœur s’emballent ! Je suis certaine qu’un énorme cargo est prêt à me passer dessus tellement il est proche ! Mais comment ai-je pu ne pas l’apercevoir avant ? J’éteins subitement la musique, certaine d’entendre le bruit d’un moteur, d’un déplacement d’eau. Rien ! J’essaie d’éclairer les alentours avec ma frontale mais dans la nuit noire, forcément, je ne vois pas grand chose. J’éclaire ma grand-voile avec ma frontale pour me signaler ne sachant pas quoi faire d’autre mais je vois toujours cette lumière qui semble se rapprocher. Une lumière blanche unique. Aucune autre. Pas de feux de navigation rouges ou verts, juste une lumière blanche. Je commence à paniquer. Je ne peux compter que sur moi pour identifier ce que je vois puisque je suis seule à bord et je ne comprends pas ce que c’est. Mon ipad sur lequel apparaît la trace de ma navigation n’est pas lié à mon AIS du coup, je fonce à l’intérieur pour allumer mon ordinateur que je peux, lui, connecter à l’AIS par un port USB. Forcément, quand je tente de l’allumer, je réalise qu’il n’a plus de batterie. Vite, trouver le bon câble, vite, le brancher, vite, réanimer l’ordi. Rapidement, je vois la position des autres bateaux ayant un émetteur AIS autour de moi. J’ai les mains qui tremblent de précipitation et de tension. Rien. Aucun bateau identifié à proximité. Ça ne me calme pas pour autant. Je ne comprends rien de ce que je vois et la nuit est sombre, si sombre !!!

Je ressors et oriente une nouvelle fois la lumière de ma frontale sur ma grand-voile tout en regardant anxieusement en direction de cette lumière qui me semble si proche et si menaçante. Soudain, elle semble s’éloigner à toute allure avant de disparaître et que deux petites lumières rouges et vertes apparaissent à sa place. Je réalise soudainement, à la manière donc l’ensemble se déplace, qu’il s’agit d’un hélicoptère. Mais étonnamment, je n’entends pas le bruit de ses pales !!! Pourtant ça devrait faire un bruit de dingue ce genre de machine normalement ! Dans le cas présent, je n’entends que le bruit du vent. Rassurée d’avoir compris ce que c’était, même si je n’arrive pas à saisir comment il est possible que je n’entende pas son moteur, je peux éteindre ma frontale, refermer mon ordinateur et sentir la course effrénée de mon cœur ralentir. L’avantage de cette mésaventure, en tout cas, c’est que j’en ai subitement oublié ma fatigue !

J’entame enfin la traversée du canal séparant Sainte-Lucie et la Martinique. Comme d’habitude, je remonte le plus au Nord possible d’île en m’aidant au moteur pour espérer ne faire qu’un seul bord malgré le courant qui me repousse vers l’Ouest. Malheureusement, je réalise rapidement que, pour cette fois, l’orientation du vent et le courant vont m’obliger à tirer des bords… Je râle à voix haute. Ça signifie une route rallongée et forcément quelques heures de plus de navigation…

Tout au long de la traversée du canal, j’ai beau serrer le vent au plus près, la pointe sud de la Martinique s’éloigne de plus en plus. J’ai presque peur de finir au niveau de Fort-de-France !!! Finalement, à 3 heures du matin, j’atteins le Diamant(*). Je vois Saint-Anne(*), où plutôt je devine l’emplacement du mouillage a à peine à 9 milles de là ! J’ai tellement hâte d’arriver et de fermer les yeux…

Je vire de bord avant d’atteindre les hauts-fonds du Diamant indiqués clairement sur Navionics. Je sais que mon tirant d’eau me permettrait de passer dessus mais je crains surtout les casiers de pêcheurs.

Je tire ensuite bords sur bords mais entre la houle que j’ai presque de face et le vent qui forcit, la vitesse de croisière tombe drastiquement. Et malgré le jour qui pointe, la luminosité peine à poindre en raison du grain qui s’apprête à me tomber dessus. D’épais nuages gris et noirs semblent m’attendre au-dessus du mouillage de Saint-Anne sur lequel je comptais m’arrêter. Et comme je suis trop lente à me déplacer, ils décident de venir à ma rencontre ! Je file récupérer une veste à l’intérieur pour me couvrir et referme par précaution la porte du carré(*). De larges trainées dans le ciel laissent, en effet, déjà deviner l’épaisseur du rideau de pluie sous lequel je vais bientôt me retrouver…

Il est presque 6 heures du matin et au rythme auquel je me déplace, en raison des bords incessants que je suis obligée de tirer, je n’ai couvert que 6 milles depuis le Diamant, soit une vitesse de déplacement (en ligne droite) de 2 nœuds environ. Il est temps d’allumer le moteur pour soutenir un peu la vitesse sinon, j’en ai encore pour un bon bout de temps…

Le vent monte. Les premières rafales se font ressentir juste avant que la pluie n’arrive. Les gouttes tombent drues pendant plusieurs minutes. Je réalise rapidement d’ailleurs que ma veste de quart Décathlon n’est pas aussi waterproof qu’elle devrait ! Heureusement, la pluie n’est que passagère.

Je renonce à m’ancrer dans le mouillage de Saint-Anne. Désormais, je veux juste me poser quelque part, dormir et ne pas à avoir à re-bouger dans les heures qui suivent pour faire ma clearance(*). Je décide donc de viser directement la baie du Marin que je finis par atteindre à 7 heures du matin. Il était temps ! Mais ce n’est pas fini, il faut encore que je trouve un endroit où poser mon ancre. Et avec les 25 nœuds de vent qui soufflent à l’heure actuelle, il faut être attentive. Hors de question de mal gérer le mouillage et de devoir remonter l’ancre et de recommencer. Je tente de trouver une petite place près des pontons et de la capitainerie mais c’est peine perdue. Trop de bateaux, trop peu d’espace de libre… Du coup, je sélectionne un endroit près d’un trou à cyclone relativement bien protégé du vent.

Il est 8 heures quand je peux enfin me jeter sur la banquette pour faire une petite sieste. Sieste qui durera finalement 6 heures après 44 heures de navigation solo, 2 jours en mer et 171 milles nautiques, ce qui représente une moyenne de 3,88 nœuds au lieu des 5 prévus… Trop optimiste, j’avais oublié de prendre en considération les bords nécessaires si la direction du vent n’était pas favorable et le temps passé sous le vent des îles où le vent est généralement très faible. Peu importe, l’essentiel, c’est de l’avoir fait et d’être bien arrivée. Mon record personnel à ce jour ! Et visiblement, je ne suis pas encore prête pour la mini-transat… Comment font-ils pour gérer leur sommeil ?!? Un aspect à améliorer chez moi…


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Autopilote ou pilote automatique : dispositif de guidage automatique d’un bateau sans intervention humaine.

Bâbord : en bateau, on ne dit pas gauche, on dit « bâbord », c’est la gauche du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

 

 

Carré : pièce intérieure du bateau où l’on peut se réunir.

Clearance : faire sa clearance, c’est faire les démarches douanières nécessaires pour entrer ou sortir d’un pays.

Diamant : célèbre rocher à 4 kilomètres de la côte sud/sud-ouest de la Martinique. Abrupt et haut de 175 m, celui-ci fut conquit, fortifié et habité pendant 17 mois par les Anglais au début du 19è siècle avant d’être repris par les Français.

Drisse : « corde » que l’on voit courir le long du mat et qui sert à hisser ou affaler une voile.

George’s Bay : port et mouillage au sud-ouest de l’île de Grenade.

Génois : voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (i.e, le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Haubans : câbles qui soutiennent latéralement le mât, reliant les hauts du mât au pont du bateau.

Poupée : c’est le corps externe du winch, ce sur quoi on enroule le cordage.

Prickly Bay : mouillage au sud de l’île de Grenade.

Ridoir : dispositif permettant de fixer un câble à une partie fixe avec la possibilité de régler la tension dudit câble.

Sainte-Anne : mouillage / commune au Sud de la Martinique à la sortie du chenal menant au port du Marin (autre commune du Sud de la Martinique).

Sainte-Lucie (Saint Lucia en anglais) : état insulaire des Antilles situé entre, au sud, les îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au sud-est, la Barbade et au nord, la Martinique.

Shipchandler : commerce de fournitures pour bateaux.

WD 40 : produit magique que tout le monde ou presque a à bord d’un bateau. Il protège le métal de la rouille et de la corrosion, il décoince des pièces coincées, il repousse l’humidité et il lubrifie quasiment tout. Il élimine même la graisse, la saleté de la plupart des surfaces. Magique, je vous dis !!!

Winch : avec sa manivelle, sorte de gros moulin à café sur lequel vient s’enrouler la « corde » qu’on cherche à tendre. Il permet de démultiplier les efforts.

Yachtmaster Offshore : formation de skipper anglo-saxonne.

 

Portrait 6 – Laura DEKKER, une ado qui n’a pas froid aux yeux

Je suis arrivée il y a quelques semaines sur l’île de Saint-Martin, l’île où Laura DEKKER, une adolescente néerlandaise, a bouclé le tour du monde à la voile, en solitaire avec escales en janvier 2012 à l’âge de 16 ans et 123 jours. Ceci a fait d’elle la plus jeune navigatrice à réaliser le tour du monde, battant de 8 mois le précédent record détenu par l’australienne Jessica WATSON qui, elle, reste toutefois la plus jeune navigatrice à avoir effectué un tour du monde à la voile sans escale en passant par les trois caps ! Des records établis mais non reconnus par les organes officiels qui refusent d’attribuer des records à des mineurs d’âge, pour éviter toute tentative dangereuse de record.

Pour réaliser son rêve, L aura a dû se battre farouchement. En effet, en 2009, à 13 ans, elle elle affiche déjà son intention de faire le tour du monde seule et sans assistance avec un départ qu’elle prévoit au mois de septembre. Malheureusement pour elle, les services de la protection de l’enfance s’opposent à cette idée qu’ils jugent trop dangereuse, les garanties présentées pour sa sécurité leur paraissant insuffisantes. Ils obtiennent donc la suspension du départ grâce à une mesure de justice.

Butée, Laura encourage ses parents à se battre avec elle devant les tribunaux pour prouver qu’elle a les capacités mentales et physiques pour réaliser son rêve.

Au bout de 10 mois de procédures, elle finit par gagner. Le tribunal rejette en juillet 2010 la demande de prolongation jusqu’en août 2011 du placement de la jeune fille sous la surveillance du Conseil de protection de l’enfance. Ce dernier renonce à interjeter appel contre cette décision. Il convient que ce sont les parents de Laura qui portent la responsabilité finale concernant leur enfant même s’il considère qu’un enfant de 14 ans ne devrait pas être exposé aux risques inutiles que comporte un tel voyage en solitaire.

Laura a le feu vert ! Il faut dire qu’elle a de l’expérience malgré son jeune âge. Son père est constructeur de bateaux et il a navigué au long cours pendant 7 années avec sa mère qui a donné naissance à Laura en Nouvelle-Zélande sur le bateau ! Elle navigue depuis son plus jeune âge. Quand ses parents divorcent en 2002, elle a 6 ans et elle décide de vivre avec son père aux Pays-Bas où elle continue à faire de la voile sur des bateaux de plus en plus grands. Elle commence par un Optimist, puis un dériveur de type « Mirror ». A 10 ans, elle veut un voilier avec une cabine. Ce sera donc un Hurley 700 qu’elle emprunte à son propriétaire pour faire ses premières longues distances en solo dans les eaux néerlandaises avant d’acheter le sien. A 13 ans, sur son Hurley 700, elle navigue seule jusqu’en Angleterre où elle est arrêtée par la police britannique sous les ordres des autorités hollandaises qui considèrent qu’elle n’aurait pas dû faire une telle navigation solo. Elle est remise aux mains de son père qui a été enjoint de se rendre en Angleterre et celui-ci l’autorise à repartir seule à la voile aux Pays-bas ! En effet, il sait ce que vaut sa fille et il l’a toujours encouragé. Elle commence alors à préparer son tour du monde. Cela commence par la recherche d’un bateau plus grand. Le Hurley 700 est bientôt vendu pour faire place à un Hurley 800 offert par un sponsor. C’est à cette période que le Conseil de protection de l’enfance commence à s’intéresser à son cas d’un peu trop près et les autorités lui retirent même son bateau. Laura ne se laisse pourtant pas abattre. Elle trouve sur internet un Dufour Arpège de 9 mètres en vente sur l’île de Saint-Martin et elle décide, sans rien dire à personne, de se rendre là-bas pour l’acheter. Elle retire ainsi 3.500 euros de son compte d’épargne et laisse juste une note à son père avant de partir en train à Paris d’où elle prend l’avion pour l’île des Caraïbes. Sur place, elle contacte le broker chargé de la vente du voilier et au-moment de signer les papiers, elle voit la procédure interrompue lorsque ce dernier est averti d’un mandat international de recherche pour Laura. Il est obligé de l’accompagner au Yacht-Club tout proche où l’attend la police locale qui la renvoie aux Pays-Bas sous escorte. Cela ne va pas arranger ses déboires avec la justice et cela l’empêche d’obtenir de nouveaux sponsors. Toutefois, elle n’abandonne pas son rêve. Elle travaille dur pour répondre à plusieurs demandes des juges : elle obtient notamment son brevet de secourisme, elle suit une formation sur la gestion du sommeil, elle s’assure de pouvoir poursuivre sa scolarité pendant son tour du monde grâce à des cours par correspondance. Sa famille puise dans ses propres économies pour lui permettre d’acheter un vieux Gizz Fizz, un ketch (voilier à 2 mâts) de 11,50 mètres, de chez Jeanneau qu’elle va entièrement refaire avec l’aide de son père. C’est le fameux Guppy avec lequel elle va établir son record.

Laura quitte enfin le port de Den Osse aux Pays-Bas le mercredi 4 août 2010, en compagnie de son père, pour rejoindre Lisbonne au Portugal d’où elle compte commencer son tour du monde à la voile en solitaire avec escales et assistance en prenant la route de l’Ouest. Malheureusement, arrivés là-bas, la paire se heurte de nouveau aux autorités qui ne veulent pas laisser partir Laura seule. Ils rejoignent donc Gibraltar, ancienne colonie britannique, extérieure à l’Europe où ils espèrent que le gouvernement hollandais n’arrivera pas à interférer à temps pour empêcher Laura de partir. Le 21 août 2010, elle commence enfin son voyage solo.

Sa route a été la suivante :
21 au 25/08/2010 : Gibraltar – Lanzarote (Canaries) : 650 milles
21/09/2010 : Lanzarote – Gran Canaria (Canaries) : 130 milles
10 au 16/11/2010 : Gran Canaria (Canaries) – Sal (Cap Vert) : 780 milles
17 au 18/11/2010 : Sal – Sào Nicolau (Cap Vert) : 85 milles
02 au 18/12/2010 : Sào Nicolau (Cap Vert) – Saint Martin : 2223 milles
20 au 21/01/2011 : Saint-Martin – Les Saintes : 154 milles
26/01/2011 : Les Saintes – La Dominique : 20 milles
02 au 05/02/2011 : La Dominique – Bonaire : 450 milles
14 au 19/03/2011 : Bonaire – San Blas : 670 milles
29 au 30/03/2011 : San Blas – Colòn (Panama) : 80 milles
10/04/2011 : Colòn (Panama) – Canal de Panama : 43 milles
16/04/2011 : Panama – Las Perlas : 50 milles
19 au 26/04/2011 : Las Perlas – Galàpagos : 900 milles
08 au 25/05/2011 : Galàpagos – Hiva Oa (Marquises) : 3.000 milles
01 au 06/06/2011 : Hiva Oa (Marquises) – Tahiti : 700 milles
13/06/2011 : Tahiti – Moorea : 18 milles
17 au 18/06/2011 : Moorea – Bora-Bora : 130 milles
27/06 au 09/072/011 : Bora-Bora – Tonga : 1.300 milles
14 au 17/07/2011 : Tonga – Suva (Fiji) : 470 milles
27/07 au 30/07/2011 : Suva (Fiji) – Port Vila (Vanuatu) : 600 milles
09 au 24/08/2011 : Port Vila (Vanuatu) – Darwin (Australia) : 2.400 milles
26/09 au 11/11/2011 : Darwin (Australia) – Durban (South Africa) : 6.000 milles
17 au 19/11/2011 : Durban – Port Elizabeth (South Africa) : 420 milles
24 au 26/11/2011 : Port Elizabeth – Cape Town (South Africa) : 470 milles
12/12/2011 au 21/02/2012 : Cape Town (South Africa) – Saint Martin : 5.800 milles.

Sur son trajet, elle prend le temps de s’arrêter un peu partout. Elle prend des photos, filme des bouts de son aventure, elle affronte des tempêtes et réussit à rentrer saine et sauve à Saint-Martin. Au total son périple aura duré 1 an et demi. 400 personnes sont présentes pour l’applaudir lorsqu’elle accoste au ponton du Yacht-Club. Parmi elles, ses parents, sa sœur et de nombreux proches bien évidemment.

Laura vient de prouver que, même si tout tout le monde ne peut pas faire un tour du monde à la voile en solitaire, elle, elle en est capable !

maxresdefault

 

Art. 12e – Yachtmaster Offshore (cinquième partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

JOUR 5

Nous nous levons tous stressés, je pense. Arrivés sur Chao Lay, nous rencontrons Ian l’examinateur qui va nous suivre pendant ces deux derniers jours. Autour du thé matinal, il se présente, nous parle de son cursus, de son expérience dans la voile et nous fait remplir les formulaires nécessaires au passage de l’examen.

Il contrôle que nous avons validé la théorie du Yachmaster ainsi que l’examen VHF et que nous avons tous suivi avec succès la journée de formation aux premiers secours. Ensuite, il nous demande, à tour de rôle, de parler de notre passé en voile et du nombre de milles nautiques réalisés. Je lui parle de mon expérience de 7 mois dans les Tuamotu en Polynésie française sur le 28 pieds de mon ex, de ma transatlantique réalisée en tant qu’équipière sur un 47 pieds, de l’achat de Nautigirl début 2017 et des milles réalisés en solo avec. Nul besoin de lui présenter les attestations que j’ai récupéré des différents skippers, il se contente de me poser des questions précises pour s’assurer que je ne pipote pas. Il procède de même avec les autres. Vincent passe haut la main le test également. Les choses se corsent un peu pour Emilio qui a effectué, d’après ses dires, près de 40.000 milles, ce qui est énorme, dont les deux tiers sur des yachts motorisés. Son expérience à la voile date de plus d’une dizaine d’années. Cela explique les difficultés que Vincent et moi avons perçues lorsqu’il prenait la barre : avoir du mal à conserver une allure au vent arrière sans risquer un empannage(*) intempestif, confondre les mots « empannage » et « virement de bord(*) »… L’instructeur creuse un peu l’expérience dont il parle et finit par valider son inscription à l’examen du Yachtmaster.

Une fois les papiers remplis et le thé avalé, Ian nous pose des questions sur l’emplacement des éléments de sécurité. Chaque question est adressé spécifiquement à l’un d’entre nous et lui seul est autorisé à répondre. Les autres se contentent de l’encourager sans prononcer un mot.

Il demande à Vincent et Emilio où se trouvent les gilets de sauvetage, où sont les vannes importantes du bateau, à quoi elles servent. Ils décortiquent ensemble le classeur qui rassemblent les différents schémas de l’intérieur du bateau. Les choses se compliquent lorsqu’il demande à voir la grosse trousse à pharmacie. Nous séchons tous sur son emplacement… C’est sûr, Alex nous l’a présentée. Mais où est-elle passée ? Impossible de mettre la main dessus. Nous commençons à retourner l’intérieur du bateau… Sans succès… Ian finit par passer à autre chose. Il sait qu’on en a fait l’inventaire, il y a juste eu un petit bug sur l’endroit où la trousse est placée et il n’a pas envie de perdre trop de temps là-dessus…

Il se tourne ensuite vers moi pour que je lui présente le « grab bag » et son contenu. C’est le sac de survie, celui qu’on jette dans le radeau en cas d’avarie et qui est censé contenir tout le matériel utile en cas d’abandon du navire. Lors de la première journée du stage, nous en avions fait le tour rapidement. Du coup, j’en sors les articles un par un en expliquant la fonction de chacun d’entre eux. Les choses se compliquent lorsque Ian me demande comment les fusées qui s’y trouvent fonctionnent et quel type est utilisé dans quelle situation. Il me faut relire les indications sur les étiquettes ne m’en rappelant plus et n’en ayant jamais actionné de ma vie : les fumigènes flottants (à utiliser de jour, une tirette pour déclencher, balancer à l’eau sous le vent du bateau), les fusées parachute (à utiliser de jour comme de nuit, tenir à 2 mains avec des gants et utiliser sous le vent, visible à 50 km max) et les fusées à main (à utiliser de jour comme de nuit, tenir à une main avec un gants lorsque les secours sont proches). Bref, j’hésite un peu mais je m’en sors. Je vois bien que Ian est là pour nous aider plutôt que pour nous enfoncer. Quand il nous sent hésiter, il nous rassure et nous pose des questions visant à nous orienter.

Il nous demande ensuite de lui montrer le moteur. Et à nouveau, c’est la ronde des questions. Chacun son tour. Il commence par Emilio, qui connaît par cœur ce domaine, ayant travaillé pendant des années sur des yachts motorisés. Ensuite, c’est le tour de Vincent qui, lui aussi, a pas mal travaillé dans l’entretien de bateaux. C’est facile pour eux ! Arrive mon tour. Il me demande d’identifier 2 ou 3 trucs sur le moteur. Puis il veut savoir ce que signifie une fumée noire à la sortie de l’échappement. Facile : « Ça signifie une mauvaise combustion du carburant ! ». Ian valide d’un hochement de tête et me lance un : « Et ? ». « Et, quoi ? »… Arghhhh ! le seul truc qu’on a appris, c’est ce que signifiait les couleurs des fumées : bleue = de l’huile dans les gaz d’échappement, blanche = de l’eau… Mais les raisons de la présence de gasoil, d’huile ou d’eau, euh… je n’en ai aucune idée, on n’en a pas parlé ! Ian tente de m’orienter :
– « Pour brûler du gasoil, on a besoin de quoi ? »
Euh… d’air ?
Ok, et donc, s’il n’y a pas assez d’air pour brûler le gasoil, c’est peut être un problème au niveau du filtre à air, non ?
– Euh… oui !
– Ok, montre-moi le filtre à air. »
Arggghhhh !!! On n’a pas vu ça non plus pendant le stage… Ok, ok, à quoi ressemble un filtre à air ? Je regarde le moteur de face… Non, ça a pas l’air d’être là… Je passe sur le côté… Ah, là !!! C’est ça ! Ian valide d’un hochement de tête. Il voit bien que je ne suis pas une spécialiste, il se tourne alors vers les autres pour demander ce qui pourrait également créer cette fumée noire. Emilio fournit la réponse : « Problème d’injecteurs ». Je transpire à l’idée qu’il revienne vers moi. Mais, non ! On va passer aux manœuvres !

C’est Vincent qui s’y colle en premier. Il sort Chao Lay de son emplacement sans problème et Ian lui demande d’accoster(*) au ponton sous le vent en marche avant, puis la même au ponton au vent. Il réussit ces premiers tests haut la main. Mon tour ensuite ! Je prends la main sur la barre et exécute les manœuvres demandées en faisant un sans faute, vitesse d’approche parfaite, je suis trop heureuse ! Ça me rassure pour la suite. Au tour d’Emilio. Il approche le ponton un peu vite je trouve, trop vite !!! J’ai juste le temps de lui crier qu’il est beaucoup trop rapide et « booooooouuum ! ». La pointe avant tape fortement le ponton, la coque glisse ensuite le long du ponton, les pare-battages(*) sont compressés à bloc, l’un d’entre-eux se bloque sous le rail supérieur du ponton et « crrrrrrrrrracccc ! », il est arraché ! Mauvais point pour Emilio… Très mauvais point, nous savons tous que c’est UN des trucs à éviter en examen… Je saute sur le ponton, récupère le pare-battage qui flotte tout prêt et remonte à bord. Emilio est stressé à mort… Le temps de remettre en place le pare-battage, il refait l’appontage(*), qu’il réussit cette fois-ci. Au tour de la deuxième manœuvre, l’approche du ponton au vent cette fois-ci. La tension est tellement forte qu’il rate son premier essai : le bateau est bien trop loin du ponton pour nous autoriser, Vincent et moi, à sauter dessus pour l’amarrer. Deuxième essai, réussi… Enfin à peu près, je dois faire du saut en longueur pour atteindre le ponton, ainsi que Vincent. Mais on réussit à attacher le bateau…

Direction le large ensuite. Je reprends le poste de pilotage avec instruction d’aller vers Prickly Bay pendant que Vincent disparaît dans le carré(*) avec Ian. J’essaie de tendre l’oreille mais sans succès. Je n’entends rien de ce qui se dit… Une demi-heure après, les deux réapparaissent. Vincent m’informe gentiment qu’il a subi toute une batterie de questions sur les feux, balisages et signaux sonores divers ainsi que sur la météo et même sur le fonctionnement d’un radar. Un radar ? Mince ! Je n’ai jamais utilisé de radar de ma vie. C’était prévu à l’examen ? Première nouvelle… En tout cas, Vincent est content de lui, même concernant les questions sur le radar : normal puisqu’il sait comment ça marche, lui, et qu’il en a déjà utilisé ! Ian discute un moment avec le reste du groupe pendant que je continue de barrer jusqu’à dépasser Glover Island(*). Puis, il demande à Vincent de prendre ma place et l’informe que l’on va s’arrêter pour le déjeuner dans Prickly Bay. Ce dernier y mène donc Chao Lay et nous effectuons une belle arrivée à la voile sous la commande de ce dernier. Une fois ancré, nous nous lançons dans la préparation du déjeuner, encore une fois préparé par la femme de Ian qui nous a particulièrement gâtés pour ce jour d’examen.

Au cours du déjeuner, la conversation porte pas mal sur la situation d’Emilio, son éviction du Vénézuela, ses diplômes annulés et son impérieuse nécessité de réussir son Yachtmaster pour pouvoir travailler et refaire sa vie. A la fin du déjeuner, Ian nous avertit que la journée va être particulièrement longue puisque nous finirons bien après la tombée de la nuit mais sans pour autant avoir à dormir sur le bateau. Nous rentrerons à la marina. Youpiiii !

Au début de l’après-midi, c’est Emilio qui prend la barre. Après un départ à la voile, il remonte vers Glover Island, plein vent arrière(*) et encore une fois, je le vois approcher dangereusement le point où il risque de faire empanner le bateau. Et je sais que ce n’est pas passé inaperçu auprès de Ian…

De retour du côté de George’s Bay, nous commençons les manœuvres d’homme à la mer, la bête noire de Vincent. Heureusement, pour lui, c’est Emilio qui s’y colle en premier. Je balance l’espèce de bouée qui est censée représenter le malheureux et nous suivons les ordres. Tout se déroule correctement et Vincent récupère sans encombre l’objet flottant avec la gaffe. A son tour maintenant. Visiblement, il est nerveux. Cela se ressent à travers le ton un peu sec avec lequel il s’adresse à nous. Je jette à nouveau la bouée par dessus bord et Vincent entame la manœuvre. Il vire de bord, met le bateau à la cape, repasse près de l’homme à la mer comme convenu avant de s’en éloigner un peu et d’entamer le dernier virement de bord qui nous permettra d’aborder l’objet du côté sous le vent de la coque. Et là, mauvaise gestion de sa part, on arrive bien trop loin de lui pour autoriser quiconque à le ramener à bord. La tension monte d’un cran. Ian lui offre un deuxième essai. Il se veut rassurant et nous explique qu’il ne recherche pas la perfection du premier coup, il veut juste s’assurer qu’on sait le faire. Du coup, Vincent repart pour un deuxième tour. Et cette fois-ci, il réussit. Je passe en dernier avec le bénéfice d’avoir vu les bonnes et mauvaises pratiques des autres et je valide l’exercice.

Vincent reprend la barre et nous emmène le long de la côté sous le vent de Grenade(*). Pendant ce temps, Ian m’entraîne à l’intérieur. C’est à mon tour de passer la batterie de questions qu’il a préparé. Il commence par me montrer son iPad sur lequel défile des images représentant des feux qu’il faut que je reconnaisse : le même type d’exercice que celui des cartes à jouer d’Alex. Heureusement que j’ai bossé intensivement sur les cartes même les plus compliquées, sans faire d’impasse, parce que je tombe notamment sur le feu jaune scintillant signalant… un aéroglisseur… oui, le genre de truc qu’on ne voit pas tous les jours… Ensuite, on passe aux signaux sonores représentés par des tirets courts ou longs et aux balises et leurs couleurs. Tout se déroule parfaitement. Je connais les cartes par cœur. Ça se complique quand il sort une carte isobarique(*). Il me demande d’identifier un anticyclone, une dépression, me demande dans quel sens circule le vent, la puissance du vent sur une zone donnée. On parle de front chaud, de front froid, de brise de mer, de brise de terre. Je sèche sur « comment se forme les nuages ? ». Une histoire d’humidité et de température forcément mais j’ai du mal à sortir l’explication… Ian tente de me guider avec des sortes de questions fermées auxquelles je peux répondre par oui ou par non. Finalement, c’est lui qui me donne un cours sur ces foutus nuages ! Ensuite, il sort plusieurs photos d’un écran de radar. Aïe ! Je préfère lui dire la vérité : je n’ai jamais approché un radar de ma vie et je suis une complète néophyte sur le sujet… Gentiment, il m’explique comment cela fonctionne. Et suite à ses éclaircissements, je dois lui indiquer sur les photos qu’il me présente successivement si le point que je vois sur l’écran est un bateau qui est en ligne de collision avec moi ou non. Enfin, mon entretien prend fin. Ian se veut rassurant : tout s’est bien passé. Même si mon score n’est pas parfait, il est largement suffisant.

Nous ressortons dans le cockpit. Chao Lay est maintenant proche d’un mouillage avec des bouées disponibles. Ian demande à Vincent de prendre un coffre(*) à la voile. Celui-ci effectue la manœuvre et je suis chargée d’accrocher la bouée avec la gaffe pendant qu’Emilio jouera sur la bôme et la grand-voile pour freiner le bateau si besoin est. Je suis à l’avant, gaffe tendue dans la direction où Vincent doit faire pointer le nez du bateau. Il suit mes indications et je choppe la bouée sans problème. Ian me demande de la relâcher aussitôt et de prendre la place de Vincent pour réaliser la même manœuvre. Nous échangeons nos postes. Je relance le voilier en bordant la grand-voile(*) et en donnant un peu de génois(*). Je vire ensuite de bord et commence à me rapprocher de la bouée. Tout se déroule à la perfection : génois roulé, grand-voile faseyante(*) à son approche. Je vois Vincent se pencher pour attraper la bouée avec la gaffe, l’accrocher et… la lâcher !!!! Quoi ??? J’en crois pas mes yeux. Il l’a fait exprès ou quoi ? Je regarde Ian pour savoir si c’est validé ou non. Franchement, tout était nickel, scrogneugneu !!! Et maintenant le vent, assez fort, nous a déjà repoussé loin de la bouée… Hé bien, non, il faut que je recommence. Je grommelle dans ma barbe… Franchement, Vincent, tu as fait exprès ou quoi ??? Vincent s’excuse auprès de moi et informe Ian qu’il a juste lâché maladroitement la bouée. Mais rien n’y fait : il faut que je recommence. Allez, rebelote ! Et cette fois-ci, Vincent assure. Au tour d’Emilio, cette fois-ci qui me réaffecte la gaffe. Il valide l’épreuve du premier coup. Et cette fois-ci, nous attachons le bateau au corps-mort.

Nouvelle pause thé. Ian en profite pour nous attribuer différentes coordonnées géographiques dans une zone proche qu’il nous faudra atteindre de nuit grâce à des points de repères qu’il nous appartient de choisir. En attendant que la nuit s’installe, nous nous installons dans le carré pour prendre les notes nécessaires sur les cartes de navigation. Ayant déjà arpenté la région en long et en large au cours des précédentes journées, je veille à bien sélectionner des balises ou des phares visibles depuis le point que je suis censée atteindre (histoire de ne pas répéter l’erreur faite en entraînement quelques temps plus tôt). L’obscurité commençant à s’installer, nous partons et chacun d’entre-nous prend tour à tour la direction des opérations pour trouver le point géographique qui nous a été affecté. Tout se déroule parfaitement. Nous validons l’épreuve avec succès, la marge d’erreur acceptable étant généreuse. Puis nous rentrons à la Marina vers 20h30. Plus qu’une journée d’épreuve…

JOUR 6

En ce dernier jour d’examen, nous avons l’autorisation exceptionnelle de n’arriver qu’à 9h00 pour compenser la grosse journée de la veille. Autour du thé du matin, Ian nous affecte de nouveau des coordonnées précises à atteindre en prenant comme repères des lignes de sonde et tout autres amers utiles. Après avoir travaillé un moment sur les cartes et rédigé nos notes, nous larguons les amarres à la recherche de ces fameux points. Nous validons tous l’épreuve avec succès.

Après avoir navigué pendant un moment, chacun à notre tour, Ian part s’isoler avec Emilio à l’intérieur du bateau. C’est l’heure des fameuses questions. Vincent étant à la barre et moi en charge des écoutes et donc près de la descente(*), je surprends des bribes de conversation. Ça n’a pas l’air de se passer idéalement… Visiblement Emilio a des trous de mémoire importants, sûrement le stress. Ils finissent par réapparaître et Emilio n’a pas l’air confiant.

Nous déjeunons dans une baie toute proche. A la fin du repas, après avoir débarrassé la table, Ian nous demande sur quelles routes Alex nous a fait travailler (pour rappel, la mienne était Portsmouth/UK à Cherboug/France). Nous lui présentons l’un après l’autre ce que nous avons préparé. Il veut savoir comment nous avons calculé l’heure de départ, quels sont les courants subis au cours de la navigation, le cap compas(*) retenu versus le cap réel, les obstacles éventuels auxquels il faut s’attendre… Bref, il s’assure que nous avons lu toutes les informations contenues sur la carte et dans les instructions nautiques et que nous sommes conscients également de ce qu’il faut avoir à bord pour accueillir un équipage et naviguer en toute sécurité. Il nous donne également des petits exercices de calcul de cap réel versus cap magnétique(*) versus cap compas en fonction de certaines hypothèses de vent et de courant. Encore une fois, Emilio montre quelques difficultés à résoudre certains problèmes et Ian doit le guider quelque peu. Nous finissons par reposer cartes, règle de cras(*) et compas pour rentrer à la base. Aujourd’hui, nous finissons tôt !

De retour au ponton, Ian part s’isoler avec Alex dans une petite guérite tout près du bateau. Vincent, Emilio et moi, nous sommes tous anxieux. Nous attendons avec impatience le retour de Ian pour savoir si nous sommes certifiés ou non. Finalement, c’est Alex qui revient vers nous. Il s’adresse de suite à Victor, lui demandant d’aller rejoindre Ian. Victor s’éloigne. Pendant ce temps-là, c’est silence radio sur Chao Lay. J’en profite pour me fumer une cigarette sur le ponton. Je vois enfin Victor revenir vers nous. Il est souriant : il a son Yachtmaster !!! Il envoie Emilio rejoindre Ian à son tour. Pendant ce temps-là, Victor et moi, nous nous lançons dans une discussion animée. Il est tellement heureux d’avoir décroché l’examen ! C’est alors que nous voyons Emilio revenir vers nous à grands pas, visiblement énervé. Il a les larmes aux yeux. Ian lui a refusé le sésame. Il est furieux, les larmes ne tardent pas à couler. Je suis estomaquée… Je sais ce que cela signifiait pour lui… Je ne sais pas quoi dire pour le réconforter… Alex est obligée de me secouer pour me rappeler qu’Ian m’attend maintenant… Je me dirige vers la petit cahute où il se trouve. Là, il m’accueille avec un grand sourire et me gratifie de toutes ses félicitations. Il n’a que des mots positifs à mon égard. Je suis aux anges ! Mais, j’imaginais pouvoir fêter ça dignement avec le reste de l’équipage et compte tenu de l’échec d’Emilio, ça me semble difficile. Je salue Ian en le remerciant et je rejoins les autres.

Alex tente de rassurer Emilio mais sans succès. Il lui propose de s’inscrire à la prochaine session pour enfin valider l’examen. Mais Emilio refuse : il n’a pas l’argent nécessaire, il faut qu’il travaille mais sans Yachtmaster, c’est impossible… Il est toujours en pleurs. Il finit par récupérer ses affaires et quitte le bateau après un rapide au revoir. Sur le ponton, il croise Ian qu’il refuse de saluer.

L’ambiance est mitigée à bord. Victor et moi, nous sommes déçus pour notre ami, Alex reste neutre tandis que Ian paraît guilleret. Nous décidons tout de même d’aller boire une bière ensemble au Yacht-Club tout proche. Arrivé sur place, pas de chance : l’endroit est réservé pour un évènement privé. Dommage : pas de bière, du coup, nous nous quittons définitivement sur le parking. Alex et Ian partent ensemble en voiture nous laissant, Victor et moi, discuter sur place. Nous apercevons un peu plus loin Emilio près d’une voiture stationnée. Nous le rejoignons pour tenter de lui remonter le moral. C’est peine perdue. Il est persuadée qu’il n’a pas eu son Yachtmaster parce qu’il a un passeport vénézuélien et que c’est l’unique raison de son échec. Nous sommes un peu sous le choc de le voir réagir comme ça. Nous tentons, aussi diplomatiquement que possible, de lui rappeler que tout ne s’est pas passé parfaitement et que notamment, heurter le ponton avec le bateau pendant les manœuvres au moteur était un des rares évènements éliminatoires. Alex nous avait bien prévenus… Mais il ne veut rien entendre. Je tente de le persuader de garder contact avec Alex. Je suis certaine que ce dernier trouvera une solution pour lui faire repasser l’examen moyennant un minimum de frais… Rien n’y fait, Emilio est toujours en pleurs et surtout tellement en colère. L’un de ses amis vient le chercher en voiture. Nous échangeons un dernier adieu avant de le voir s’éloigner. Puis Victor et moi regagnons nos voiliers respectifs. Nous apprendrons ultérieurement qu’Alex a trouvé une solution qui convenait à Emilio pour lui faire repasser l’examen après quelques jours supplémentaires de pratique.

Je suis désormais officiellement Yachtmaster Offshore !!!

Nota bene :
Des pages utile pour réviser les feux, le balisage maritime et autres informations utiles :

Cliquer pour accéder à Doc_FR_SHOM_Signalisation_3.pdf

http://seb.france.free.fr/iut/projet_tutore/feux/


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Accoster : se mettre contre le quai ou un autre bateau.

Appontage : s’arrêter au ponton.

Carré : pièce intérieure du bateau où l’on peut se réunir.

Cap compas : le cap compas (Cc) : c’est le cap indiqué par le compas, c’est-à-dire l’angle entre le nord du compas (Nc) et la ligne de foi.

Cap magnétique (Cm) : angle entre le nord magnétique (Nm) et la ligne de foi, une fois corrigé de la déviation (d) (différence angulaire entre le nord du compas (Nc) et le nord magnétique (Nm).

Carte isobarique : carte météorologique sur laquelle la pression est représentée par les isobares. Les isobares sont des lignes qui relient les points de même pression atmosphérique à un instant donné. Ces lignes sont dessinées à partir des données d’observations météorologiques fournies par les stations de mesure.

Carré : pièce intérieure du bateau où l’on peut se réunir.

Coffre : objet pesant, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Descente : petit ensemble de marches qui mène à l’intérieur du voilier.

Empannage : action de faire tourner le bateau en passant par le vent arrière.

Empanner : faire tourner le bateau en passant par le vent arrière.

Faseyer : flotter, battre au vent.

Génois : voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (i.e, le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

Glover Island : minuscule îlot sous la péninsule sud de Grenade.

Grand-voile : voile principale du navire, hissée sur le mât.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Pare-battage : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »).

Règle de Cras : règle à double rapporteur utilisée pour tracer des routes et des relèvements sur une carte de navigation et y porter des points.

Vent arrière : allure d’un navire avançant avec le vent provenant de son arrière.

Virement de bord : manœuvre consistant à faire tourner le bateau face au vent de manière à changer le côté du bateau qui reçoit le vent.

Art. 12d – Yachtmaster Offshore (quatrième partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

JOUR 2

A mon réveil, je relis encore une fois mes notes. Une fois sur Chao Lay, nous prenons tout ensemble un thé pour commencer cette nouvelle journée d’entraînement. De nouveau, Alex sort les jeux de cartes sur les balises(*), signaux sonores et lumineux que nous devons connaître par cœur ! A force de répétition, ça commence à venir doucement. Mais il va falloir que je révise sérieusement tout de même… Ensuite, Alex affecte à chacun de nous les coordonnées (latitude, longitude) d’un point précis qu’il va falloir retrouver grâce à un compas de relèvement(*) en prenant plusieurs repères de notre choix. J’apprends en même temps à utiliser ce type d’instrument. J’avoue que j’en avais acheté un pour Nautigirl sans vraiment chercher à comprendre comment ça fonctionne. Emilio, Vincent et moi, nous passons ainsi une bonne heure à travailler sur les cartes marines locales pour trouver les amers(*) idéaux qui nous permettront de mener l’équipage complet au point précis qui nous a été affecté. Ensuite, nous partons.

Cette fois-ci, j’assure parfaitement la manœuvre pour quitter le ponton. J’ai bien veillé à ce qu’Emilio accompagne la pendille au vent(*) du bateau cette fois-ci ! J’enchaîne ensuite sur les manœuvres d’appontage(*) que les autres ont réalisé la veille. J’ai le cœur qui bat en les réalisant. On me sent hésitante bien sûr mais j’assure jusqu’au bout. Alex, rassurant, me promet que j’aurais d’autres occasions de m’entraîner avant de passer l’examen.

Vincent prend ma suite à la barre à roue(*). Il nous emmène au large. Et c’est lui qui, le premier, va devoir emmener le bateau au point géographique qui lui a été affecté. Alex nous indique qu’on peut soit demander à nos coéquipiers de repérer les trois amers et angles nécessaires pendant qu’on barre, soit décider d’affecter une autre personne à la barre et utiliser soi-même le compas de relèvement vu qu’il est difficile de faire les deux en même temps. Vincent décide de garder le contrôle du voilier pendant qu’il nous indique, à Emilio et à moi, les points de repère qu’il a choisi. Première étape : repérer les amers sur terre ou sur mer (un phare, le bout d’un cap ou une balise par exemple). Puis, placer le compas de relèvement devant son œil en fixant ce point et indiquer le cap observé pour préciser à Vincent dans quel direction il doit aller pour atteindre l’angle souhaité. Emilio et moi lui indiquons à haute voix les mesures obtenues au fur et à mesure que le voilier avance dans la bonne direction. Ça demande un peu de gymnastique intellectuelle pour orienter le bateau dans le bon sens, surtout qu’on y va à la voile et pas au moteur, du coup, on ne peut pas suivre forcément la route idéale. A force d’efforts et de patience, Vincent finit par nous emmener à l’endroit souhaité. « C’est ici ! » (en anglais bien sûr). Il met un instant le bateau à la cape(*) le temps qu’Alex confirme la position grâce au GPS. Pas mal ! Il est à 50 mètres du point fixé.

Mon tour maintenant. Personnellement, je préfère laisser Vincent à la barre (j’ai plus confiance en ces capacités de voileux qu’en celles d’Emilio, dois-je avouer). Et Emilio et moi reprenons nos postes et nos compas de relèvement. Je relis mes notes et réalise rapidement qu’un des amers que j’ai choisi ne se voit pas d’où nous sommes. Retour à l’intérieur du carré pour consulter de nouveau la carte et en choisir un meilleur. Je ressors et guide graduellement Chao Lay à l’endroit souhaité. « C’est ici ! ». Mise à la cape et confirmation du point avec le GPS… Je suis à 200 mètres… Pas génial mais acceptable. Au tour d’Emilio. Cette fois-ci, je passe à la barre. Il arrive à un meilleur score que moi.

Ensuite direction, une petite baie un peu plus loin sous le vent de Grenade(*) où nous nous entraînons à prendre un coffre(*) à la voile selon le même principe qu’ancrer à la voile sauf que là, il faut réussir à s’arrêter suffisamment près de la bouée pour qu’un des membres de l’équipage puisse la saisir avec la gaffe. A nouveau, nous faisons plusieurs essais à tour de rôle.

Nous nous y arrêtons pour déjeuner et Alex en profite pour nous parler du programme de l’après-midi : cette fois-ci, nous devrons rejoindre différentes zones affectées à chacun d’entre-nous le long de la côte en prenant des repères visuels et en nous servant des compas e relèvement au besoin. Le déjeuner est détendu et pendant le café, nous étudions les cartes pour prendre les notes nécessaires à atteindre le point qui nous a été attribué (nous avons interdiction de sortir les cartes dans le cockpit de peur qu’elles s’envolent ou soient mouillés).

Ensuite, c’est Vincent qui s’y colle. Il nous emmène sans problème sur le premier mouillage. Ensuite, c’est le tour d’Emilio. Nous sommes tous décontractés et discutons ensemble pendant qu’il barre. Résultat, il dépasse sans s’en rendre compte le point qu’il devait atteindre… C’est au bout d’une demi-heure qu’Alex lui en fait la remarque. Nous nous lançons un regard contrit Vincent et moi. Avec les discussions animées à bord, nous avons peut être perturbé sans le vouloir Emilio qui, distrait, a dépassé la zone qui lui était affectée sans faire attention à ses points de repère. Du coup, Alex me file la barre. Cette fois-ci, l’ambiance est un peu plus tendue à bord. Je regarde dix fois mes notes pour m’assurer de ne pas faire la même erreur qu’Emilio. Finalement j’atteins sans problème le mouillage qui m’a été affecté.

Nous finissons la journée d’entraînement de nuit afin de retravailler des exercices de repérages d’amer dans l’obscurité : en effet de nuit, il s’agit de pouvoir repérer les balises d’après leurs signaux lumineux cette fois-ci ! D’où l’utilité des cartes à jouer qu’on revoit un peu tous les jours. Et après cette très très longue journée, c’est retour au port.

JOUR 3

Le lendemain, nous avons le droit de venir un peu plus tard qu’en temps normal et rebelote : thé, cartes à jouer, planning du jour. Cette fois-ci, c’est : manœuvres d’homme à la mer. Une fois au large, nous passons chacun à notre tour : Alex balance une bouée à laquelle un bout est attaché à la mer, celui qui est à la barre doit crier « Homme à la mer ! » (« Man over board ! » en anglais) pour avertir tout le monde et doit affecter les tâches nécessaires aux autres membres de l’équipage :

  • appuyer sur le bouton « MOB » sur le GPS(*),
  • désigner un membre de l’équipage qui doit pointer avec le bras l’homme à la mer sans jamais le perdre de vue,
  • faire envoyer par un autre membre d’équipage une alerte via l’ASN(*) et un Mayday(*),
  • sans attendre de s’éloigner de trop, border la grand-voile et mettre le bateau à la cape de manière à faire faire demi-tour au bateau et qu’il repasse non loin de l’homme à la mer,
  • lancer la bouée fer à cheval accompagnée d’un fanion perché sur un manche à balai (afin de la voir de loin) près de la victime,
  • démarrer le moteur,
  • rouler le génois,
  • préparer la corde à lancer,
  • virer sous grand-voile seule et manœuvrer le bateau sous le vent de l’homme à la mer tout en le gardant en vue,
  • approcher l’homme à la mer, nez au vent de manière à faire faseyer(*) la grand-voile,
  • récupérer l’homme à la mer du côté sous le vent du bateau en arrière du mât,

Nous passons l’épreuve les uns derrière les autres avec plus ou moins de succès. A chaque échec, Alex nous fait recommencer jusqu’à la réussite complète.

Nous nous arrêtons ensuite déjeuner dans la baie de Saint-Georges. Au programme de l’après-midi, il s’agit ensuite de trouver un point précis grâce aux lignes de sonde(*). De nouveau, Alex affecte à chacun d’entre nous un point précis et nous avons le temps nécessaire pour observer les cartes et repérer les amers et les profondeurs utiles pour mener le bateau à l’endroit visé. Une fois prêts, nous passons chacun à notre tour à la barre et nous suivons les repères que nous avons noté pour espérer réussir du premier coup. Cet exercice est chaud ! Le nez collé sur le sondeur, on tente de suivre les lignes de sonde qu’on a repéré sur la carte en espérant ne pas s’écarter de notre route idéale. On s’aide des balises éventuelles qui se trouvent non loin pour éviter de s’en éloigner… Finalement, on s’en tire tous mais difficilement quand même. A chaque fois qu’on pense être arrivé à notre cible, Alex vérifie sur le GPS à quelle distance nous en sommes réellement : 50, 100 ou 300 mètres… J’ai eu le pire des scores…

Nous repartons ensuite au ponton. Le reste de l’après-midi est consacré à la préparation de « passages ». Sur des cartes marines représentant le sud de l’Angleterre, la Manche et le Nord-Ouest de la France (Normandie), Alex affecte à chacun de nous une route à préparer entre un port français et un port anglais et les données utiles du bateau « fictif » que nous utilisons (vitesse moyenne, tirant d’eau(*)). Nous avons les instructions nautiques(*) à notre disposition pour connaître les marées, très fortes dans la zone et qui peuvent mettre à sec certaines zones parfois, les courants, dangers et balisages des différents ports. Nous avons quelques heures pour commencer à nous imprégner des informations. Je me vois affecter un passage entre Portsmouth et Cherbourg. A moi de choisir la date de départ dans l’année, ce qui conditionnera les coefficients de marée(*) à retenir. Je commence à faire de savants calculs pour pouvoir partir de mon port de départ lorsque la marée le permet et arriver de la même manière à mon port d’arrivée. En fonction de ces heures, il faut compulser les guides nautiques afin de savoir quels courants vont affecter la navigation heure par heure et ainsi définir un cap compas(*) à retenir. J’utilise les connaissances acquises durant la préparation de la théorie avec Navathome. C’est long à préparer cette route ! On est tellement mieux dans les Caraïbes où la notion de marée est quasiment inexistante et les courants, existants certes, mais tellement moins conséquents !!! En plus, Alex nous met la pression en nous disant que l’examinateur pourra, au choix, nous demander de lui présenter cette route ou décider d’une autre qu’il faudra préparer devant lui… A la fin de la journée, Alex nous laisse à bord afin qu’on puisse continuer nos devoirs et il nous précise où se trouve la clef du bateau si on désire venir un peu plus tôt le lendemain pour continuer. J’arrive sur Nautigirl la tête pleine de toutes les informations emmagasinées pour la préparation de la route. Je compte bien me lever tôt le lendemain pour continuer à préparer mon passage. En attendant, je finis la soirée avec des révisions des cartes à jouer dont j’ai recopié les plus difficiles sur des feuilles de papier.

JOUR 4

Le lendemain, conformément à ma résolution de la veille, je me lève à l’aube pour aller à bord de Chao Lay en avance et continuer à dresser ma route entre Portsmouth et Cherbourg. Je ne suis pas la seule à avoir eu la même idée, les autres, Emilio et Vincent, sont aussi là ! Et c’est avec plusieurs questions et de grands sourires que nous accueillons Alex une heure après. Pendant notre rituel « thé » quotidien, il passe en revue nos passages, les uns derrière les autres et nous fournit conseils et réponses à nos questions. Puis, nous partons en manœuvre.

Cette fois-ci, nous revoyons celle de l’homme à la mer avec l’aide du moteur puis sans, juste à la voile ! La procédure, sous voiles, varie un peu. Après avoir suivi les premières étapes et balancé la bouée accompagnée du drapeau à l’homme à la mer, s’en éloigner travers(*) au vent ou grand largue(*) sur cinq ou six longueurs de coque sans jamais perdre le contact visuel, puis virer de bord en visant la victime tout en la laissant du côté sous le vent, s’en approcher au près serré(*) de manière à pouvoir avancer à la voile mais aussi pouvoir choquer les voiles pour ralentir l’allure, enrouler la voile d’avant pour ne finir qu’à la grand-voile et contrôler l’allure pour avancer doucement sur l’homme à la mer jusqu’à l’atteindre et stopper le bateau en faisant faseyer la grand-voile, voire en repoussant la bôme au vent pour s’en servir comme d’un frein. Ne reste ensuite qu’à récupérer l’homme à la mer. De nouveau, nous passons chacun à notre tour plusieurs fois jusqu’à réussir la manœuvre à la perfection. Étonnamment, c’est Vincent qui s’en tire le plus mal. Il se met tellement de pression qu’il en fait des erreurs qu’il n’aurait jamais fait en temps normal, j’en suis sûre. Cette épreuve est sa bête noire semble-t-il.

Nous enchaînons l’après midi avec des prises de bouées à la voile et quelques manœuvres de ponton au moteur et sous voile puis nous rentrons au port. Demain, c’est le grand jour ! Nous avons comme instructions de venir avec tout le nécessaire pour dormir à bord le lendemain soir…

Demain, l’examen final commence !


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ.

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Amer : point de repère fixe et identifiable sans ambiguïté utilisé pour la navigation maritime.

Appontage : s’arrêter au ponton.

ASN (Appel Sélectif Numérique) ou DSC en anglais (Digital Selective Calling) : mode de communication utilisant une technique de transmission automatique des appels codés en format numérique. L’ASN permet d’appeler sélectivement une station de navire ou une station terrestre et, de lancer un appel de détresse automatique.

Au vent (de) : expression s’utilisant pour situer un objet dans l’espace en indiquant qu’il se trouve du côté d’où souffle le vent.

Balise : marque latérale fixe ou flottante indiquant un chenal ou un danger par exemple. Elles ont toutes une couleur bien déterminée fonction des rôles qu’elles jouent.

Barre à roue : grand volant vertical actionnant le gouvernail du bateau.

Cap compas : le cap compas (Cc) : c’est le cap indiqué par le compas, c’est-à-dire l’angle entre le nord du compas (Nc) et la ligne de foi.

Cape (à la) : sur un voilier, la cape peut se prendre avec les voiles hissées en laissant la voile d’avant bordée à contre et en choquant la grand-voile. C’est la cape courante. Lorsque le navire est à la cape, le vent et la mer arrivent généralement par le travers avant, la vitesse est réduite ou limitée à la dérive due au vent ; le navire ne lutte plus contre les mouvements de la mer mais se laisse porter par elle. Cette allure est utilisée essentiellement dans le mauvais temps, pour permettre à l’équipage de se reposer.

Coefficient de marée : grandeur indiquant l’importance des marées en fonction de l’époque.

Coffre : objet pesant, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Compas de relèvement : compas de navigation sur lequel se superpose une réglette mobile (appelée « alidade »), qui permet de mesurer la direction d’un objet ou d’un astre, sur le plan horizontal, par rapport au nord. La mesure obtenue s’appelle un azimut.

Faseyer : flotter, battre au vent.

GPS (Global Positioning System en anglais) : système de géolocalisation mondial qui permet, grâce aux satellites, de savoir où on se trouve de façon très précise et qui permet également trouver son chemin pour aller à un endroit.

Grand largue : le vent arrive pratiquement par l’arrière du bateau. Le largue est une allure très simple à maîtriser : il suffit de se laisser pousser par le vent.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Instructions nautiques : documents officiels, publiés par les services hydrographiques (appelés SHOM pour la France), à destination des navigateurs qui fréquentent les zones maritimes et les ports sous la responsabilité de ces services. Ils contiennent en principe toutes les informations nécessaires au navigateur et doivent être utilisées en complément des cartes marines.

Ligne de sonde : une sonde indique la profondeur minimale en un lieu donné et une ligne de sonde rejoint toutes les profondeurs identiques dans la zone.

Mayday : expression utilisée internationalement dans les communications radio-téléphoniques pour signaler qu’un bateau est en détresse et que la vie humaine est immédiatement menacée, par exemple en cas d’incendie à bord, ou de naufrage.

Près serré : allure à laquelle on avance vers le vent avec un angle de remontée maximum qui peut varier entre 30 et 45° selon les performances du bateau.

Tirant d’eau : distance verticale entre la ligne de flottaison et le bas de la quille.

Travers (au vent) : à cette allure, le vent arrive sur le côté du bateau. C’est généralement l’allure la plus rapide.

 

 

Art. 12c – Yachtmaster Offshore (troisième partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

C’est enfin le premier jour de la formation pratique !

JOUR 1

Nous consacrons le début de la matinée à la découverte du bateau : un Oceanis 461 de chez Beneteau répondant au doux nom de Chao Lay. Alex, l’instructeur, commence par nous faire faire l’inventaire des principaux équipets(*) et coffres afin de repérer notamment où sont tous les éléments de sécurité (trousse à pharmacie, gilets de sauvetage, radeau de survie etc…). Il nous détaille ensuite le rôle de chacune des vannes et manettes importantes ainsi que chaque bouton du tableau électrique. Et bien sûr, il nous montre succinctement le moteur, comment le démarrer et les principales raisons de son dysfonctionnement (fumées blanches, bleues ou noires).

Nous profitons d’une pause thé (Alex est anglais, je vous le rappelle) pour lui poser toutes les questions qui nous viennent à l’esprit à la fois sur ce qu’il vient de nous montrer et sur le programme qui nous attend. Les choses sérieuses vont commencer dès la fin de la pause : nous allons partir naviguer !!! En attendant, petite révision des balises(*) / signaux sonores / feux à travers des jeux de cartes spéciaux. Alex montre une carte et désigne l’un d’entre nous qui doit donner la bonne réponse. Interdiction de souffler ! Cela fait partie des choses à connaître pour l’examen. Arghhhhh ! J’ai tout oublié ou presque !!! Vous savez vous à quoi on reconnaît de nuit un navire en train de pêcher avec un filet déployé sur une surface inférieure ou égale à 150 mètres ? Un navire de plus de 50 mètres ? La différence entre un navire non maître de sa manoeuvre et un navire à capacité de manoeuvre restreinte ? Hé bien, il faut savoir les reconnaître grâce à leurs marques de jour et de nuit. Dans la zone IALA(*) A, les balises bâbord sont rouge ou verte ? Dans le brouillard, 2 sons brefs signifient quoi ? Emilio et Vincent répondent du tac au tac. Pendant leur apprentissage de la théorie, ils ont déjà vu ces cartes à de nombreuses reprises et ce sera au programme de l’examen final ! Haaa la la !!! Je suis mal barrée… Je dois avoir le cerveau en deux parties : une partie avec une mémoire longue durée et l’autre avec une mémoire tampon… Il a dû avoir besoin de place parce que visiblement, ce que j’ai appris en ligne sur le sujet, j’en ai zappé une grosse partie… Il va falloir bachoter pour rattraper le niveau des autres !!!

Un peu dépitée, à la fin de la pause, je rejoins les autres sur le pont. Nous allons enfin quitter le ponton(*) pour commencer à nous amuser avec le bateau. A l’heure actuelle, celui-ci est amarré(*) « cul au ponton » et retenu à l’avant par un bout(*) accroché à une pendille(*). Alex nous explique point par point ce qu’il attend de nous : l’un d’entre-nous sera à la barre et gérera le moteur et la manœuvre en général, un autre à côté de lui sera en charge des amarres artères et le dernier sera à l’avant pour gérer la pendille. Le procédé est le suivant : d’abord vérifier que les amarres arrières sont bien doublées(*), démarrer le moteur, libérer l’une des amarres arrières et enclencher une marche avant légère tout en laissant filer la dernière amarre arrière (en la contrôlant bien sûr), de manière à s’assurer que le bateau ne parte pas en biais à cause du vent, puis synchroniser le mouvement avec la personne à l’avant qui doit libérer le bout de la pendille en veillant à l’accompagner le bout au vent(*) du bateau jusqu’à ce que l’on dépasse le moteur et que l’on soit sûr qu’il ne puisse pas se prendre dans l’hélice.

Et c’est parti ! Il désigne le premier « skipper »… Moi… Merde… J’ai dû approcher deux fois un ponton de ma vie avec Nautigirl et encore, c’était des pontons à prendre de côté, avec plein d’espace. Autant dire que je n’en mène pas large. A moi de décider de l’organisation. J’affecte Vincent aux amarres arrières et Emilio à la pendille à l’avant. Nous passons un bref moment à nous concerter pour répéter les étapes, surtout plus pour moi que pour eux car, eux, ils ont l’habitude avec leur bateau. Je répète ce que j’ai compris mais Emilio m’interrompt sur la manière de gérer la pendille. Lui, il m’assure qu’on doit la faire passer sous le vent(*) du bateau, alors que moi, il me semble avoir entendu le contraire, Vincent, lui, ne sait plus. Étant la petite débutante en manœuvres de port, je décide de suivre les conseils d’Emilio qui a plus de 25 ans d’expérience dans le nautisme. Tout le monde se met en place. Je démarre le moteur, Vincent libère la première amarre arrière. Puis, j’entame la marche avant. Tout va bien : Chao Lay avance en ligne droite malgré le vent qui le pousse légèrement vers la droite. Vincent libère progressivement la seconde amarre pendant qu’Emilio libère des taquets la pendille et commence à revenir vers nous le bout dans les mains, du côté tribord(*) comme il le voulait, en veillant à ce qu’il ne se prenne pas dans les chandeliers. Le vent commence à pousser le bateau sur le côté, le bout commence à passer sous le bateau et Emilio n’arrive pas à le retenir et il lui glisse des doigts. Et c’est la catastrophe ! Le bout s’emmêle dans les pare-battages(*) sans qu’Emilio ne puisse faire quoi que ce soit. Pendant ce temps là, je gère le bateau comme je peux avec cette foutue barre à roue(*) qui fonctionne à l’inverse de la barre franche(*) que j’ai sur Nautigirl mais je ne peux pas éviter ce qui va suivre : je vois l’attache d’un des pare-battages se tendre, puis la filière(*) à laquelle il est lié se tordre sous la pression. Et soudain, CLAAAAC !!!, le bout emmène le pare-battage à l’eau en même temps que le bateau lui passe par dessus. J’entends au même instant Alex m’engueuler : « Ce n’est pas digne d’un skipper ! Qu’est-ce que tu fais ? C’est du n’importe quoi ! » (tout ça en anglais forcément). Il me rappelle qu’il fallait faire passer le bout de la pendille au vent du bateau et pas sous le vent, justement pour éviter de lui passer dessus avec l’effet du vent… Je me mords la langue. Je le savais !!! Comme d’habitude, comme je manque de confiance en moi, j’ai préféré écouter quelqu’un d’autre qui, lui, montrait de la confiance. Mais bon, ça ne sert à rien, c’est fait, c’est fait… Emilio échange un regard contrit avec moi. Alex me demande alors de me débrouiller pour récupérer le pare-battage. Ah ? Euh… avec ce gros bateau ? Au milieu de toutes les pendilles auxquelles sont amarrées les autres bateaux du ponton ? Heureusement, le pare-battage, avec le mouvement du bateau et le vent, a été emmené légèrement devant les pendilles des autres bateaux, j’arrive donc à les longer, sans y emmêler l’hélice, jusqu’à toucher le pare-battage avec la coque. Vincent n’a plus qu’à le récupérer à la main par l’arrière de Chao Lay. Je suis assez fière de moi sur ce coup-là mais Alex, lui, reste de marbre. Il décide de donner les commandes à Vincent. Je quitte la barre et m’occupe de remettre le pare-battage en place sur son filin. Je me sens un peu penaude sur le coup…

Vincent, lui, apparaît relativement confiant : il a l’habitude de faire des manœuvres avec son voilier. En face de nous, il y a les pontons des méga-yachts de luxe et deux d’entre-eux, qui se font face, sont libres. Alex, connaissant l’expérience de Vincent, lui demande d’accoster(*) le ponton sous le vent tout en commentant la manière de faire (ça, j’en suis sûre, c’est plus pour moi que pour les autres) : s’approcher du ponton à un angle de 45 degrés tout en réduisant l’allure puis le longer parallèlement, laisser ensuite le vent pousser la coque vers lui et stopper le mouvement avec un petit coup de marche arrière. Vincent gère la manœuvre comme un pro. Les pares-battages touchent gentiment le ponton et Emilio et moi, nous nous apprêtons à sauter dessus pour amarrer le bateau quant Alex nous interrompt pour nous dire que ce n’est pas nécessaire car on repart de suite !

Il demande ensuite à Vincent de faire faire au bateau un 360° entre les deux pontons. Un 360° ? Sur une largeur de moins 80 mètres ? Vraiment ? Vincent le regarde un peu interloqué. Alex reprend donc les commandes le temps de nous montrer ce qu’il attend de nous : barre à bâbord toute avec un bon coup de marche avant, puis un bon coup de marche arrière sans toucher à la barre et à nouveau un coup de marche avant. On répète la manœuvre jusqu’à ce que le bateau ait fait une rotation complète. Vincent reprend son poste et exécute la manœuvre sans problème. De mon côté, j’ai vraiment du mal à comprendre pourquoi en marche arrière on ne touche pas à la barre. Dans mon esprit, si en marche avant, on met la barre d’un côté, en marche arrière, pour aller dans la même direction, on devrait faire l’inverse… Alors comme j’en avais l’habitude à l’école, je pose des questions et j’insiste parce que je « bugge »… Vous savez, le genre d’élève un peu énervante qui lève toujours la main et qui pose des dizaines de questions jusqu’à ce qu’elle comprenne alors que les autres, même s’ils n’ont pas compris, vont juste attendre la fin du cours tranquillement ? Bref, je sens les deux autres un peu agacés par mon comportement mais je n’ai pas le choix ! Il va falloir que je réussisse à faire la même chose qu’eux avec quasiment aucune expérience… Alex, lui, répond patiemment à mes questions et finit, à bout d’arguments, par me recommander de lire un bouquin du RYA sur la gestion des manœuvres à bord d’un voilier ou d’un bateau à moteur.

Alex demande ensuite à Vincent d’accoster sur le ponton en face du premier, celui au vent, ce qui signifie cette fois-ci, qu’il faut s’approcher au maximum de celui-ci pour éviter que le vent ne repousse trop rapidement la coque et qu’Emilio et moi, nous ayons le temps de sauter dessus pour pouvoir amarrer le bateau. En même temps que Vincent s’exécute, Alex le guide à haute voix pour expliquer à tous ce qu’il attend de nous : marche avant toute puis réduction des gaz, s’approcher du ponton à un angle de 45° et attendre le dernier moment pour tourner la barre à roue et amener la coque parallèle au ponton. Au premier essai, Vincent se rate un peu : le bateau est bien parallèle au ponton mais trop loin pour autoriser quiconque à l’atteindre à part un champion de saut en longueur. Au deuxième essai, il attend un peu plus avant de modifier l’angle de barre et sa manœuvre est parfaite.

Au tour d’Emilio maintenant ! J’appréhende déjà de reprendre le poste de pilotage. Je le regarde suivre les instructions d’Alex. Il réussit les trois manœuvres mais, je dois l’avouer, pas aussi bien que ce que j’aurais attendu étant donné son expérience…

Je passe ensuite à la barre mais Alex me demande alors de mettre le cap au large : aujourd’hui, pas de manœuvres au ponton pour moi. Je demande quand même si je peux m’entraîner un peu au pilotage du bateau en tentant le 360 mais loin des pontons hein ! Il me laisse faire de manière à ce que je me familiarise un peu avec le moteur de ce gros bateau. Ça change du Nanni 15 CV que j’ai à bord de Nautigirl : lui, il pousse bien !

Direction le chenal pour sortir de la marina après avoir hissé les voiles. Alex me donne des instructions sur la route à suivre. Pas de carte électronique, juste le compas magnétique et une carte papier à consulter à l’intérieur. Nous contournons la pointe Sud de Grenade(*) et passons entre la côte et Glover Island(*). Le but est de se familiariser avec les différentes zones où l’examinateur – qui nous délivrera ou non notre certificat – risque de nous emmener. Les fonds par là-bas sont peu profonds, le courant peut être fort. Il faut savoir observer les signes : des petites vaguelettes signalant un récif, la trace du bateau pour le courant, les petits moutons indiquant les risées de vent… Alex me demande ensuite de rentrer dans Prickly Bay à la voile. Moi qui est l’habitude, à l’entrée d’un mouillage, d’y rentrer au moteur, toutes voiles affalées, ça me change ! Alex veut que je fasse des bords entre les bateaux. Heureusement, j’ai un équipage pour faciliter la manoeuvre ! Emilio et Vincent sont à mes ordres pour gérer le génois(*) : l’un choque(*) l’écoute et l’autre borde(*). C’est super agréable de naviguer ainsi en équipe. Le jeu est de réussir les plus beaux virements de bord(*) possibles quitte à passer au raz de la chaîne de certains bateaux au mouillage poussé par Alex. J’avoue qu’à une occasion notamment Vincent et moi avons eu un peu chaud… Nous n’aurions jamais osé faire ça avec nos bateaux… Le petit jeu prend fin lorsqu’Alex me demande de mouiller(*) sous voile uniquement.

Gros stress sur le moment. C’est ma première fois à la voile ! Je serre(*) le vent et ordonne à Emilio d’enrouler le génois. Puis, je demande à Vincent d’aller à l’avant pour gérer l’ancre. Je me rapproche de plus en plus du vent jusqu’à avoir la grand-voile fasseyante(*) et pour stopper le bateau, je demande à Emilio de repousser la bôme(*) contre le vent que la grand-voile serve de frein jusqu’à arrêter notre course. La technique fonctionne et Vincent n’a plus qu’à libérer l’ancre et laisser filer la chaîne pendant qu’Emilio affale(*) la grand-voile.

Nous déjeunons à bord. Alex a tout prévu : sa femme nous a préparé un repas local que nous n’avons plus qu’à réchauffer. Emilio, qui a l’habitude de gérer la cuisine sur les bateaux sur lesquels il travaillait, prend les commandes. En échange, Vincent et moi, nous feront la plonge. Au cours du repas, nous prenons le temps de faire plus connaissance. Chacun parle de son expérience personnelle et de son vécu. L’histoire d’Emilio est particulièrement émouvante. Il a sincèrement l’air d’être un bon gars. Il fait tout ce qu’il peut pour repartir à zéro et continuer à assumer financièrement pour sa famille. Décrocher le Yachtmaster est primordial pour lui…

Au début de l’après-midi, après avoir passé un peu de temps à étudier les cartes et à prendre des notes, nous repartons en mer. Cette fois-ci, c’est Vincent qui passe à la barre et qui nous donne des ordres à Emilio et à moi. Le départ se fait à la voile, sous génois seul tout d’abord. La grand-voile est hissée dans la foulée au près serré pendant que nous slalomons entre les bateaux du mouillage. Alex nous emmène dans la baie d’à côté, « Mont Hartman Bay », et son « Secret Harbour ». L’approche est bien plus technique car des bouées délimitent une sorte de chenal entre les récifs mais les vents des dernières semaines ont pu en déplacer certaines. C’est une navigation à vue avec des bords courts au près serré. A nouveau c’est du slalom dans le mouillage et un ancrage à la voile.

Au tour d’Emilio désormais. Nous ressortons, toujours à la voile et redescendons en direction de Glover Island. Je suis assez surprise de voir la manière dont Emilio gère la navigation. En dehors du fait qu’il mélange les mots « virement de bord » et « empannage(*) » en anglais, ce qui peut être un peu gênant, il semble ne pas réaliser qu’il est parfois tellement proche du vent arrière(*) qu’il risque de faire empanner le bateau à tout moment. Et ça, c’est la sanction immédiate dans l’examen. Un empannage non maîtrisé peut entraîner de la casse au niveau du gréement(*). Ça donne vraiment l’impression qu’il n’a pas été sur un voilier depuis des années, étonnant. Je ne suis pas la seule à le remarquer. Vincent aussi… Et Alex…

De retour à la marina de départ, Emilio laisse la barre à Alex pour qu’il nous montre la manœuvre finale : accoster « cul au quai ». Préparer les deux amarres arrières. Sortir la gaffe(*) pour attraper le bout attaché à la pendille. Affecter les rôles à chacun de l’équipage : Vincent et moi en charge des amarres, Emilio en charge de la pendille. Longer les pendilles des autres bateaux en marche avant lente, s’écarter d’environ deux longueurs de coque, stopper l’erre, engager une marche arrière puis tourner la barre de manière à entrer entre notre pendille et celle du voisin. Au moment où l’arrière du bateau passe à côté de la pendille et de la bouée soutenant le bout, la personne en charge de la pendille doit choper la bouée puis le bout avec la gaffe puis saisir le bout à la main et l’accompagner jusqu’à la proue(*) pendant que le bateau manœuvre. Continuer à virer jusqu’à ce que le bateau se retrouve parallèle à son voisin. Contrôler la vitesse afin de maîtriser la trajectoire. Ralentir. Stopper le bateau avec un coup de marche avant à l’approche du ponton après s’être assuré que la personne à l’avant a eu le temps d’attacher le bout de la pendille aux taquets. La personne en charge des amarres arrières doit être prête à sauter sur le ponton afin de sécuriser le bateau avec l’une des amarres. Une fois que le voilier est attaché au ponton avec l’une des amarres, finir le travail avec la deuxième amarre.

Nous réalisons la manœuvre entière sous le contrôle d’Alex. Je suis déjà sur le ponton prête à attacher la deuxième amarre au ponton quand Alex m’interrompt : « Pas la peine, on repart ! ». Hein ???? Je ressaute sur la plage arrière. Cette fois, c’est Vincent qui prend les commandes. Je gère la pendille et Emilio les amarres à l’arrière, afin que chacun tourne sur les différents postes. Le bateau avance, je libère la pendille et accompagne le bout sous le vent et gentiment jusqu’à l’arrière du bateau. Aucun pare-battages arraché durant l’opération ! Vincent assure. Je le sens concentré mais pas vraiment tendu. De mon côté, je le regarde faire anxieuse de voir mon tour arriver. Il entame la marche arrière. J’attrape la gaffe et vise la bouée de la pendille. Ça me fait penser au jeu de la pêche au canard auquel on a tous joué petit. Notre trio fonctionne bien, Chao Lay apponte tranquillement. Et c’est reparti pour un tour ! Cette fois-ci, c’est Emilio à la barre et Vincent le remplace côté amarre. Hop ! Vite fait, bien fait, le bateau sort et retourne dans sa place sans souci. Mon cœur s’emballe un instant, ça va être à mon tour ! Et bien non, Alex sonne la fin de la journée. Finalement, c’est aussi bien, ça va me permettre de me laisser la soirée pour réviser ma « technique moteur ». Nous partageons tous une bière pour fêter la fin de cette première journée au Yacht-Club d’à côté avant de repartir chacun chez soi.

Nous en profitons pour admirer le spectacle que nous offre un voilier sous pavillon allemand qui tente d’accoster le ponton à essence tout proche du Yacht Club. Toute fraiche des connaissances acquises le matin même, je me permets de commenter à haute voix les multiples tentatives du skipper qui, objectivement, devrait revoir quelques principes de base ! Il arrive à pleine balle en direction du ponton qui se trouve au vent du bateau mais il n’attend pas assez longtemps avant de modifier l’angle d’approche, du coup il se retrouve trop loin du ponton. Et sa femme debout, amarre en main, prête à sauter sur le ponton, se fait engueuler… Attitude déjà observée à plusieurs reprises sur différents mouillages : le gars foire son approche et se venge sur sa femme, comme si elle y pouvait quelque chose, la pauvre… Énervé, il fait une marche avant toute et enlise sa quille dans la caye(*) toute proche et pourtant bien visible. Résultat, il tente de forcer encore plus sur la marche avant, moteur à fond, pour s’en dégager en tentant de passer par-dessus !!! C’est du grand n’importe quoi : ça remue du sable et du sable… Finalement, il finit par comprendre que sa technique n’est pas la bonne et il finit par enclencher la marche arrière. A force d’insistance, il arrive à se dégager. Il effectue un demi-tour et re-tente sa chance, toujours sans changer de mode opératoire… Forcément, il obtient le même résultat ou presque… sauf que cette fois, la pointe avant s’approche suffisamment près du ponton pour autoriser sa femme à sauter à terre mais le voilier – enfin son arrière, je veux dire – s’éloigne aussitôt du ponton sans qu’elle puisse faire quoi que ce soit. Son mari commence à gesticuler. Heureusement, un gars vient à leur rescousse et réussit à récupérer l’amarre arrière que lui lance le skipper dans un geste furieux. Et que tu tires et que tu tires sur le bout enroulé autour des taquets du ponton… A force d’efforts mutuels, ils finissent par accoupler le bateau au ponton à essence… Nous retournons à notre bière, morts de rire.

De retour sur Nautigirl, je profite du Wifi local pour télécharger sur l’application RYA le fameux bouquin que m’a conseillé Alex sur les manœuvres au moteur « Boat handling for sail & power ». Je le dévore tout en me faisant des petites notes et schémas pour réussir à comprendre l’effet de cette foutue marche arrière sur le safran(*)… Mais c’est difficile pour moi… J’ai trop tendance à comparer le pilotage d’un bateau à celui d’une voiture : si on tourne le volant à fond à droite et qu’on va un coup en marche avant puis un coup en marche arrière, hé bien on revient à notre point de départ non ? Je lis et relis les passages importants. Je finis par saisir quelques points importants.

Tout d’abord, il faut connaître le pas(*) de son hélice. Chao Lay a un pas d’hélice à droite. Cela signifie que l’hélice, en marche avant, tourne dans le sens des aiguilles d’une montre. Du coup, en marche avant, même si on ne touche pas à la barre, il a une tendance naturelle à pointer son nez vers bâbord(*) et forcément son cul s’oriente naturellement vers tribord(*) : il va donc tourner dans le sens anti-horaire et on l’aide avec un franc coup de barre et de marche avant. Ce qui contrôle la direction du bateau, c’est son safran et pour qu’il est une réelle action, il faut un flux d’eau dessus, donc de la vitesse. Plus le flux d’eau est important, plus l’action du safran sera ressenti et en utilisant le moteur, on accélère l’hélice et donc le flux d’eau. Le bateau va pivoter sur sa quille. Pour pivoter sur place, il faut donc alterner des coups de marche avant, marche arrière sans attendre que le bateau ne prenne de la vitesse et en veillant bien par passer par le point mort quelques secondes entre chaque pour ne pas faire souffrir la boîte de vitesse. En marche avant, c’est le flux de l’hélice sur le safran qui oriente le nez du bateau. En marche arrière, c’est le couple d’hélice qui oriente le bateau.

Bref, je me sens un peu plus prête à aborder la journée du lendemain.


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Accoster : se mettre contre le quai ou un autre bateau.

Affaler : faire descendre un cordage ou une voile.

Amarre : grosse « corde » utilisée par les bateaux pour se « garer » le long d’un quai ou d’un autre bateau ou pour s’attacher à un corps-mort.

Amarrer : comme dirait le dictionnaire Larousse, c’est attacher un navire au moyen d’amarres.

Au vent (de) : expression s’utilisant pour situer un objet dans l’espace en indiquant qu’il se trouve du côté d’où souffle le vent.

Bâbord : en bateau, on ne dit pas gauche, on dit « bâbord », c’est la gauche du bateau lorsqu’on se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

Balise : marque latérale fixe ou flottante indiquant un chenal ou un danger par exemple. Elles ont toutes une couleur bien déterminée fonction des rôles qu’elles jouent.

Barre à roue : grand volant vertical actionnant le gouvernail du bateau.

Barre franche : tige de bois ou de métal directement reliée à la mèche du safran et actionnant le gouvernail du bateau.

Bôme : barre rigide à la perpendiculaire du mât d’un voilier sur laquelle est fixée la partie inférieure de la grand-voile et qui permet de l’orienter.

Border : sur un voilier, border signifie ramener une voile plus près du bordé, c’est-à-dire la coque du bateau. On se sert pour cela de l’écoute de la voile concerné (le cordage attaché au bout de la voile) sur laquelle on tire pour rapprocher la voile.

Bout : (se prononce « boute ») cela désigne, de façon générale, un cordage sur le navire car le mot « cordage » n’est jamais utilisé par les navigateurs.

Caye : zone proche d’une côte, caractérisée par une faible profondeur, souvent en sable ou composée de corail faisant penser à une petite île basse.

Choquer (une voile) : opération consistant à détendre, donner du mou, à un cordage permettant ainsi de relâcher la pression dans la voile.

Doubler une amarre : faire faire un aller-retour à l’amarre autour de la bitte d’amarrage au ponton (sans faire de noeud) de manière à pouvoir libérer le navire depuis son pont sans avoir à descendre à terre.

Empannage : action de faire tourner le bateau en passant par le vent arrière.

Equipet : terme marin désignant un petit rangement qu’on trouve dans les cloisons des voiliers.

Faseyer : flotter, battre au vent.

Filières : câbles, généralement métalliques, courant tout autour du pont à travers les chandeliers afin de servir de garde-corps ou de bastingage.

Gaffe : perche munie d’un croc en plastique ou en fer au bout.

Génois : voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (i.e, le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).
Gréement : ensemble de la voilure et de tout ce qui sert à l’établir : mât, bôme, haubans etc.

Glover Island : minuscule îlot sous la péninsule sud de Grenade.

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

IALA (International Association of Marine Aids) : il s’agit de l’association internationale de signalisation maritime qui a définit deux régions différentes dans le monde : IALA A et IALA B. La région A comprend l’Europe, l’Afrique et la majeure partie de l’Asie et de l’Océanie, ainsi que le Groenland. La région B comprend les Amériques (sauf le Groenland), le Japan, la Corée, les Philippines, Taiwan, Hawaii et l’île de Pâques. Le balisage est différent dans ces deux zones.

Mouiller : immobiliser un bateau en mer au moyen d’une ancre.

Pare-battage : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »).

Pas d’hélice : une hélice est dite « pas à droite » ou « à gauche » selon que les pâles vues depuis l’arrière du bateau (en regardant vers l’avant) sont inclinées à droite ou à gauche.

Pendille : Une pendille, c’est une bouée attachée à un corps-mort(*) coulé au fond du port à laquelle on attache généralement un bout qu’on laisse par facilité sur cette bouée quand on quitte la place de port.

Ponton : construction flottante formant une plate-forme.

Proue : avant d’un navire (opposé à la « poupe »).

Safran : partie du gouvernail d’un navire constitué d’un pan vertical immergé pouvant pivoter pour dévier le flux d’eau sous la coque pour changer la direction du navire.

Serrer (le vent) : rapprocher le nez du navire du vent.

Sous le vent : expression s’utilisant pour situer un objet dans l’espace en indiquant qu’il se trouve du côté d’où souffle le vent.

Tribord : en bateau, on ne dit pas droite, on dit « tribord », c’est la droite du bateau lorsque se situe à l’arrière et qu’on regarde vers l’avant.

Vent arrière : allure d’un navire avançant avec le vent provenant de son arrière.

Virement de bord : manœuvre consistant à faire tourner le bateau face au vent de manière à changer le côté du bateau qui reçoit le vent.

Art. 12b – Yachtmaster Offshore (deuxième partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

J’arrive ainsi au mouillage de la baie St Georges, à Grenade(*), où je fais la connaissance de Vincent, un autre français qui s’est inscrit à la même formation que moi. Il a un Melody 34 et il navigue depuis déjà 3 ans essentiellement en solo. Au cours de cette période, il a régulièrement alimenté sa caisse de bord en travaillant comme technicien pour différentes boites de charter. Il a donc bien plus d’expérience que moi, à la fois en navigation et en entretien du bateau. Il est ici depuis plusieurs semaines. Il va passer la théorie et la pratique via le centre de formation et, voulant être le plus prêt possible avant même le début des cours, il s’est déjà rapproché du centre de formation qui lui a fourni bouquins et CD de formation pour l’aider à se préparer.

L’école m’envoie par mail les documents et renseignements à donner pour l’inscription. Il faut justifier, entre autres, d’au moins 50 jours de navigation et 2.500 miles dont au moins 5 traversées de plus de 60 miles dont au moins 2 ont été faites en tant que skipper. Le tout bien sûr doit inclure des heures de navigation de nuit.

Je me lance donc dans un petit tableau excel (déformation professionnelle de mon passé d’expert-comptable sûrement !) pour calculer si j’ai bien ce qu’il faut. Grâce à la transatlantique que j’ai faite il y a presqu’un an en tant qu’équipière, j’ai déjà le nombre de miles nécessaire ainsi que la moitié du nombre de jours requis. A cela, je rajoute les principales traversées que j’ai faite sur le bateau de mon ex en Polynésie française ainsi que les navigations faites en solo sur Nautigirl et je valide ainsi haut la main le minimum requis. Ne me reste plus qu’à obtenir des attestations signées des différents skippers pour les transférer à l’école. Vive internet ! Quelques mails et jours plus tard, je les reçois toutes. Y compris celle de mon ex qui est pourtant au fond d’une île perdue dans les Tuamotu : heureusement que là-bas, il y a toujours au moins une poste qui permet d’utiliser le Wifi !

crr3A ma grande surprise, je réalise que je vais devoir repasser un examen pour la VHF, le « Short Range Certificate » (SCR), l’équivalent anglais du « Certificat Restreint de Radiotélécommunication » (CRR) français que j’ai passé à Tahiti. Malgré mes recherches sur internet et mon insistance, l’organisme RYA refuse de considérer une quelconque équivalence alors qu’a priori, c’est la même chose… Il est même marqué « Short Range Certificate » sous le nom français en lettres capitales sur les nouveaux certificats format carte bancaire…Grrr, ces anglais… Allez 200 USD à investir dans la formation…

Je vais devoir aussi passer un cours de premier secours. Encore une fois, en 2016 (donc c’est récent), j’ai passé une certification PADI, le « Emergency First Response Instructor » à Tahiti lorsque je suis devenue « Open Water Scuba Instructor » ( instructeur de plongée en français) et le RYA ne reconnaît pas cette formation ! Allez, baaaam : encore 150 USD !

Le planning de l’école prévoit 5 jours consacrés à la théorie et son examen, suivis d’une journée pour la VHF, d’une autre pour les premiers secours, et les 6 derniers sont consacrés à la pratique et à l’examen final. Et cette dernière étape coûte encore 1.495 USD (dont 295 USD de frais d’examen et 100 USD de frais d’examinateur). Autant dire que vu l’investiment global, ça motive à réussir l’examen !

Arrive le premier jour de cours sur la théorie pour Vincent. Moi, l’ayant déjà validé via Navathome, j’en suis dispensée. J’en profite donc pour préparer mon SRC grâce à un petit livret et un cours en ligne fournis par l’école. A vrai dire j’apprends pas mal de choses. Une préparation totalement différente de celle que j’avais faite à Tahiti pour mon « Certificat Restreint de Radiotéléphonie » (CRR).

Le CRR : une journée de classe avec un formateur qui, grosso modo, s’est contenté de nous préparer à passer un questionnaire à choix multiples et qui nous a fait apprendre par cœur les réponses aux questions les plus fréquemment posées. Résultat, nous avons totalement occulté certains points. Je me rappelle, par exemple, que dans le questionnaire de l’examen, il y avait une question sur les BLU… Et bien, je ne savais absolument pas ce que signifie ce terme « Bande Latérale Unique ». Et surtout, aucune manipulation physique d’une vraie VHF, juste une photo représentant la facade avant d’une VHF…

Le SRC : une préparation beaucoup plus complète avec notamment des démonstrations en ligne de l’utilisation d’une VHF pour passer un Appel Sélectif Numérique(*) (ASN) et plein d’exemples de Mayday, de Pan-Pan et d’appels de routine et des simulations, toujours en ligne, dans lesquelles on doit manipuler une radio comme si on était en face d’elle.

Tous les soirs, Vincent s’arrête au bateau pour me raconter comment se passe la formation. Je peux donc comparer avec la mienne. Ils sont 3 en formation : lui et deux espagnols dont un qui parle très peu d’anglais. Celui-ci abandonnera d’ailleurs dès le 2ème jour de la formation.

Il apparaît que la formation dans ce centre RYA insiste particulièrement sur les feux des bateaux, les sons notamment à travers des jeux de cartes spécifiques, genre cartes à jouer. Dire que moi, j’ai tout appris il y a quelques semaines et que j’ai déjà tout oublié… De toute manière, j’ai acheté le livre des feux du SHOM et j’ai déjà passé la théorie, alors je ne m’en inquiète pas.

Le jour de son examen arrive. Le soir venu, je lui saute dessus lorsqu’il arrive pour savoir comment ça s’est passé. De manière étonnante, l’examen théorique qu’il a passé est complètement différent du mien. Le sien a duré 2 ou 3 heures maximum, contre 8 pour moi. Pas de préparation de passage car « ce sera travaillé » lors de la pratique ?!? Quoi ?? Ah non, je me suis tapé les 8 heures d’examen de Navathome, c’est pas pour recommencer partiellement dans quelques jours ! Notamment ce foutu « passage planning » qui m’a tant fait transpirer précédemment !!! Bon, on verra bien…

Arrive donc mon premier jour d’école, celui au cours duquel je dois passer le « Short Range Certificate » (CRR) avec Vincent qui ne l’a pas non plus. Je rencontre ainsi Emilio, l’espagnol qui a passé la théorie du Yachtmaster avec lui et Alex, l’instructeur du centre. Alex est anglais, il navigue depuis plus de 35 ans et plus de 100.000 miles nautiques au compteur ! Emilio, lui, a 50 balais. Il est espagnol d’origine mais il détient un passeport vénézuélien. En raison des problèmes politiques au Vénézuela, il a été gentiment poussé à la porte du pays en devant abandonner tous ses biens. Lui qui s’était construit une jolie vie, ayant investi tout son argent là-bas, il s’est donc retrouvé du jour au lendemain sans rien. Et le pire, c’est que les diplômes qui lui permettaient de vendre ses services de skipper ont tout simplement été annulés… Lui qui a passé une bonne partie de sa vie sur des bateaux se retrouve ainsi dans le même bain que Vincent et moi, pourtant bien moins expérimentés que lui.

La première partie de l’examen consiste en un questionnaire avec à la fois avec des choix multiples et des réponses ouvertes. La seconde partie nous demande de manipuler une vraie radio VHF pour passer différents messages de détresse ou de routine, ASN ou classique, relayer un appel de détresse ou encore y répondre. L’instructeur nous pose  ensuite quelques questions subsidiaires.

Nous passons tous les trois le certificat haut la main. Finalement, aucun regret d’avoir passé une formation qui, dans mon esprit, initialement, était un doublon. Au contraire, j’ai réellement, cette fois-ci, appris à manipuler ma VHF. Je la maîtrise parfaitement désormais !

Le lendemain, nous passons tous les trois le cours de premier secours. Que dire ? Une formation classique où l’on parle des principaux types de blessures ou de traumatismes auxquels on peut être confrontés et les bonnes pratiques à suivre. Nous revoyons le massage cardiaque sur un mannequin. Pas d’examen à passer en fin de journée. Il s’agit juste d’une attestation validant les connaissances acquises ou revues durant cette formation.

Demain, les choses sérieuses commencent avec la vraie pratique à bord du voilier de l’école !


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Grenade : principale île de l’État de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants.La Grenade est surnommée « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Art. 12a – Yachtmaster Offshore (première partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Cela fait presque une année que je vis sur mon bateau. Les premiers mois ont été difficiles avec la prise de confiance nécessaire pour oser naviguer seule dessus.

Je me rappelle encore du stress que j’ai ressenti lorsque j’ai dû relever l’ancre pour la première fois toute seule : c’était juste pour me déplacer d’un point A à un point B dans la Marina du Marin. Nautigirl n’ayant pas de guindeau(*), tout se fait à la main. J’avais peur de ne pas être assez rapide et de voir le bateau, poussé par le vent, finir dans la coque de l’un de ses voisins. J’imaginais déjà devoir gérer les questions d’assurance qu’une belle balafre sur la peinture d’un bateau – ou pire – aurait pu occasionner… A force de m’entraîner, j’ai pu prendre conscience de l’erre(*) qu’a le bateau en fonction du vent sur le mouillage. Maintenant, je ne cours plus comme une dératée de l’avant à l’arrière, le coeur battant, pour mettre la marche avant à fond et m’éloigner le plus vite possible des potentiels obstacles comme je le faisais avant. Désormais, je sais comment Nautigirl se comporte. Je sais de combien de temps je dispose avant d’approcher dangereusement d’un autre bateau. Je sais dans quelle direction je vais être entraînée et je sais que j’ai largement le temps de tout gérer et de sécuriser l’ancre avant de bondir sur la manette des gaz.

J’ai, depuis peu, commencé à naviguer seule, de jour comme de nuit, même si au fond de moi, j’ai toujours un peu peur quand la nuit s’installe. Certains aiment l’obscurité en navigation, moi non. J’appréhende toujours le coucher du soleil. Après quelques heures dans le noir, je finis par me détendre mais je pense toujours à un incident possible, toujours plus gérable de jour que de nuit dans mon esprit.

J’ai toujours ce projet de ramener Nautigirl en Polynésie mais je ne me sens pas encore prête. Je manque encore d’expérience et pour la développer, la meilleure manière de faire, dans mon esprit, est de me trouver une formation avec une école de croisière.

Je commence ainsi à me renseigner sur les différents stages et formations proposés dans les Caraïbes. Après pas mal de recherches, je finis par m’intéresser au programme du Yachtmaster proposée par la RYA (Royal Yachting Association), la fédération nationale des sports nautiques du Royaume-Uni représentée un peu partout dans le monde.

J’hésite entre « Yachtmaster Coastal » et le « Yachtmaster Offshore ». Le premier est destiné aux navigateurs qui comptent rester près des côtes, le second, à ceux qui souhaitent naviguer jusqu’à 150 miles d’un abri. Au-delà, on parle de « Ocean Yachtmaster » et une très grosse partie de la formation porte sur l’utilisation du sextant. J’opte donc pour le « Yachtmaster Offshore » qui me paraît un bon compromis vu que, pour le moment, apprendre à manipuler le sextant, c’est un peu prématuré dans mon esprit…

En continuant ma recherche sur le net, j’apprends que, dans les Caraïbes, la formation peut se faire sur l’île d’Antigua(*) ou sur celle de Grenade(*). Elle est destinée à un public anglophone. Ça tombe bien, je parle couramment l’anglais. Par contre, j’avoue que sur le vocabulaire technique, je suis faiblarde. J’ai peur d’être un peu larguée pendant les cours…

Une copine américaine m’envoie un petit message sur Facebook pour m’encourager dans mes démarches et me parle d’un site qui permet de valider la partie théorique de la formation en ligne sur le site www.navathome.com. Elle-même a validé la théorie de son Yachtmaster via ce site et elle a passé la pratique dans un des centres RYA des Etats-Unis. Je décide de suivre son exemple. Le « Fastrack to Coastal / Yachtmaster Theory » coûte 475 GBP. J’hésite un peu avant de m’engager dans ce type de dépense mais vu toute formation a un coût, n’est-ce pas ? Je clique sur le lien Paypal et valide l’achat…

Préparer ce cours en ligne me permettra de prendre le temps nécessaire pour apprendre et retenir tous les mots de vocabulaire qu’il me manque. Je me dis que ce sera sûrement plus facile que de passer la théorie et la pratique dans la même semaine dans l’un des centres RYA des Caraïbes.

Quelques jours après, je reçois par Fedex les supports du cours : un compas, une règle de cras, des cartes spécifiques et divers livrets utiles à l’examen final.

Finalement, je vais passer près de deux mois à préparer cette théorie en ligne à raison de quelques heures par jour (mais pas tous les jours, je le reconnais !) : 1 mois en Martinique en profitant du Wifi haut débit d’un ami habitant au Marin (impossible de travailler correctement dans l’un des bars de la Marina…) et puis, chassée du mouillage par l’approche du cyclone Maria(*), 1 mois à Bequia, île anglophone, dans le fameux Maria’s café. C’est là, à cette occasion d’ailleurs, que j’ai rencontré John et qu’avec lui et trois pasteurs, je suis montée en Dominique pour y apporter des vivres quelques jours après le passage dévastateur du cyclone.

Le fait de continuer à préparer ma théorie dans une île anglophone m’aura beaucoup aidé puisque, du coup, j’avais sous la main des gens pour m’expliquer quelques mots techniques dont je ne trouvais pas la définition française sur internet. Tous les mots sauf un : « Bolt hole »… Cette expression était un mystère pour les marins à qui j’ai demandé des explications, John tout d’abord et quelques américains de passage au café. John traduisait ce mot par grosso modo « trou de vis », ce qui dans le contexte – préparer une navigation entre un point de départ et un point d’arrivée – ne voulait rien dire. Les autres n’avaient aucune autre idée. J’ai donc envoyé un mail à mon contact de Navathome, Victor, pour lui demander de m’éclaircir. J’avoue que la réponse m’a un peu surprise. Visiblement les anglais peuvent être un peu susceptibles… Lui, en tout cas… Il semblerait qu’il ait compris de mon mail que je lui disais que ce mot n’était pas anglais et donc que moi – une française – l’accusait de ne pas parler correctement anglais ?!? J’avais juste indiqué dans mon mail, qu’étant française, je n’arrivais pas à comprendre cette expression. Comment pourrais-je me targuer d’expliquer à un anglais qu’il ne parle pas sa propre langue correctement ?!? Bref, après avoir calmé le jeu avec ce personnage hautement susceptible, j’ai fini par avoir l’explication : « bolt hole » = « trou à cyclone » et c’est une expression purement « british », c’est pour ça que de ce côté du monde, les marins anglophones ne la connaissaient pas. Pour la petite histoire, il m’a quand même narguée en disant que c’était une expression parfaitement anglophone et il a fallu que je fasse une impression écran d’un dictionnaire technique en ligne (trouvé après coup) indiquant que c’était une expression purement britannique pour qu’il s’excuse du ton sec qu’il avait utilisé précédement… Haaaa, ces anglais !!! En dehors de ce petit malentendu, je dois tout de même reconnaître que Victor s’est toujours montré efficace et j’ai pu échanger à plusieurs reprises par mail avec lui lorsque j’avais des questions sur la formation.

A la fin de ces deux mois de préparations, je m’inscris enfin à l’examen final, toujours en ligne. Le principe est simple : on envoie un mail pour signaler qu’on est prêt à passer l’examen, on reçoit un lien par mail avec un mot de passe valable 24 heures et on a 8 heures maximum pour compléter les questions. Hé bien, croyez-moi, 8 heures, c’est sport !!! Une série de questions diverses et variées sur l’ensemble du programme et surtout un long cas pratique dans lequel il faut préparer une navigation dans une zone concernée par des marées importantes, un fort courant et des obstacles divers (forcément, sinon ce ne serait pas drôle !). Bref, une journée bien remplie pour finir par valider l’examen avec un score satisfaisant. Heureusement que John m’avait gentiment proposé de passer l’examen chez lui au calme avec un bon Wifi et surtout loin du brouhaha constant du Maria’s Café.

Entre-temps, je me suis rapprochée de l’un des centres RYA de l’arc antillais et j’ai choisi Grenada Bluewater Sailing (www.grenadabluesailingwatersailing.com), le centre RYA de Grenade, l’ile la plus proche de Bequia. Nous sommes mi-novembre et la prochaine formation pratique se déroule en décembre. Je descends donc tranquillement sur Grenade sur Nautigirl.

Bientôt la pratique du Yachtmaster Offshore !


Si mes aventures vous intéressent, n’hésitez pas à vous abonner à ma chaîne Youtube : https://www.youtube.com/channel/UCwU7L7ZnpuNSCDIAPr6wFIQ

Vous voulez m’aider ? Contribuez à mon aventure à travers ma page Patreon : https://www.patreon.com/dreamchaserandnautigirl et si vous ne savez pas de quoi il s’agit, pour les explications, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=SmLBV3KiJe0.

Envie de vous abonner à mon Instagram ? Facile, c’est dreamchaser_and_nautigirl.
A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Antigua : la plus grande des deux îles principales de l’Etat d’Antigua-et-Barbuda dans les Caraïbes. Elle est située à une cinquantaine de kilomètres au nord de la Guadeloupe et au nord-est de l’île des Antilles britanniques de Montserrat. La population est d’environ 80.000 habitants.

Erre : élan, vitesse du navire lorsqu’il n’est pas propulsé.

Grenade : principale île de l’Etat de Grenade dans le sud des Antilles. La population est d’environ 100.000 habitants. La Grenade est surnommé « l’île aux épices » (Island of Spice) pour sa cannelle, ses clous de girofle, son curcuma et surtout le macis et la noix de muscade.

Guindeau : treuil placé à l’avant du bateau dans lequel passe la chaîne et qui permet de relever l’ancre. Il est soit manuel (on actionne un levier qui ressemble vaguement à celui d’un bandit manchot pour faire fonctionner le treuil), soit électrique.

Maria : L’ouragan Maria est le quatorzième cyclone tropical, le septième ouragan dont le quatrième ouragan majeur de la saison cyclonique 2017 et le deuxième ouragan de catégorie 5 après l’ouragan Irma survenu une semaine auparavant. Formé à partir d’une onde tropicale ayant traversé l’Atlantique tropical depuis l’Afrique de l’ouest, il a pris beaucoup de temps à devenir une dépression tropicale mais s’est intensifié ensuite rapidement près des Petites Antilles qu’il a traversé à la catégorie 5. Ses vents soutenus ont atteint à son apogée 280 km/h et sa pression centrale était inférieure à 908 hPa, faisant de Maria le dixième plus intense des cyclones de l’Atlantique depuis la création d’archives fiables. Il est responsable d’une dévastation totale de la Dominique, des îles Vierges des États-Unis et surtout de Porto-Rico.