Art. 3 – Les préparatifs avant le départ

Vue depuis le ponton avant - copie(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Nautigirl est à moi. Avant de m’y installer définitivement, je passe 3 jours à le nettoyer de fond en comble car l’avant-dernier propriétaire y a dispersé de la poudre anti-cafard dans tous les recoins possibles et Frédéric, le dernier acquéreur, ne s’en est jamais débarrassé. Du coup j’en trouve partout… A moins qu’il n’ait transféré de la cocaïne depuis Sainte-Lucie avec le bateau et qu’il ait fait une bataille de boules de coke à bord, ce dont je doute très sincèrement… En tout cas, le produit à l’air efficace car nul part, je ne trouve la trace d’un insecte. D’ailleurs, vu la quantité de poudre que je trouve dans les coffres, les équipets(*) et dans les coutures des coussins, je ne suis pas sûre que seuls les cafards y laissent leur peau. Après avoir aspiré le plus gros, je tente d’enlever délicatement le reste avec une éponge, les mains protégés par des gants, essayant de ne pas en respirer par inadvertance. Certains coins sont tout simplement inaccessibles et je finis par abandonner l’idée de faire disparaître toutes traces de ce produit. Il est là depuis trop longtemps et parfois il semble comme collé à la résine. Je fais de mon mieux et, ma foi, s’il en reste un peu, tant mieux, cela fera fuir les potentiels cafards qui voudraient tenter leur chance à bord.

Maintenant que j’ai fait le grand nettoyage de printemps sur le bateau… chose qui ne nécessite, a priori, pas de connaissances particulières… comment vais-je faire pour le déplacer ? La marina m’a autorisé à rester jusqu’à la fin du mois car même si Frédéric a vendu le bateau, elle ne compte pas lui rétrocéder une quote-part du loyer payé pour la place de port, et lui – bon prince – m’en fait bénéficier. Il faut donc que je bouge le bateau après-demain et pour le moment, je ne sais pas encore comment je vais m’y prendre.

J’ai beau avoir passé récemment mon permis hauturier(*) (1 mois avant ma traversée de l’atlantique) pour justement en savoir plus sur la voile, hé bien, je n’ai rien appris sur la navigation elle-même, j’ai juste appris à tracer une route ou à faire un relèvement(*), et j’ai eu 20 sur 20 ! Ça, c’est encore mon côté « bonne élève » qui s’imagine qu’il y a un diplôme pour tout… Et bien en bateau, visiblement, rien ne remplace l’expérience… Et c’est une chose d’avoir transater(*) en équipage sur un gros voilier avec un skipper à bord (un Sun Odyssey 479), mais c’est autre chose d’être, toute seule, à bord de sa propre embarcation. Je n’ai jamais fait de manœuvres de port, je n’ai vu démarrer le moteur qu’une seule fois et il ne suffit pas de savoir tourner une clé pour le faire, je ne sais pas me servir du pilote automatique (*) que j’ai à bord et je n’ai aucune idée sur la manière dont je peux diriger le bateau et gérer les voiles en même temps en ayant aucun équipier sous la main…

Il me faut une notice d’utilisation… ou plutôt, comme je l’ai fait pour la voiture, je pense qu’il me faut un peu de « conduite assistée » pour prendre confiance en moi et « faire connaissance » avec mon bateau. Et justement je pense à une personne qui pourrait m’y aider car elle possède le jumeau de Nautigirl. C’est Pierre, le fameux pote qui m’a brutalement abandonnée sur le trajet de la marina alors que nous étions censés aller ensemble au rendez-vous fixé par Frédéric… Quelques jours se sont écoulés, il sera peut-être de meilleure humeur…

J’ai donc appelé Pierre pour lui demander son aide. Il semble qu’il n’ait pas un si mauvais fond finalement puisqu’il répond à ma demande. Je dois préciser que j’ai su lui donner une certaine motivation puisque je lui ai proposé de le payer pour le temps et les conseils qu’il me prodigue. Et comme il n’a pas encore trouvé de boulot pour le moment, ça l’arrange tout de même je pense, même s’il ne me l’avoue pas…

Je vais donc le chercher en voiture aux Anses d’Arlets, à une heure de route de là, où il a mouillé(*) son bateau. Je le ramène à la marina Z’abricots. Il inspecte scrupuleusement ma nouvelle acquisition. Je me fais traiter de folle de l’avoir ainsi acheté sur un coup de tête sans rien y connaître et fais semblant de ne rien entendre quand je lui rappelle que j’avais pourtant prévu de venir bien accompagnée au fameux rendez-vous avec Frédéric. Je coupe court à la discussion : « Bref, c’est fait alors maintenant, il est comment mon bateau ? »

Il commente tout ce qui lui paraît suspect ou à surveiller. Il contrôle le gréement(*), s’assure que le mât est droit, que les haubans(*) sont en bon état. Il pose ensuite la main sur un winch(*) et tente de le faire tourner. Et là, rien… bloqué. Tout comme tous les autres winches d’ailleurs. Hé oui, c’est un point que je n’ai pas pensé à contrôler en faisant la visite. Frédéric m’avait dit qu’il naviguait régulièrement avec le bateau alors j’ai supposé que les winches fonctionnaient sinon comment faisait-il pour border(*) le génois(*) ou hisser la grand-voile(*) ? A la réflexion, on dirait qu’il n’a pas passé tant de temps à apprendre ou qu’il a cessé d’apprendre depuis un bon bout de temps… Pierre regarde ensuite l’état des drisses(*) et des écoutes (*). Il observe les pieds de chandeliers(*), le rail de fargue(*), l’état des filières(*).

Il descend dans le carré(*) et soulève la descente(*) masquant le moteur. Il l’observe silencieusement, contrôle le niveau d’huile et son aspect, le démarre un instant, écoute et l’éteint. Il soulève les planchers, encore une chose que je n’ai pas faite, et s’exclame alors: « Les boulons de quille(*) ! On ne les voit pas ! ». Effectivement, là où on devrait les voir, on ne devine que de grosses bosses recouvertes par de la résine peinte en blanc… Je m’étonne à voix haute : « Ha ? Et, c’est important ? » J’ai alors le droit à un véritable sermon disant que oui, bien sûr, c’est extrêmement important car ce sont eux qui maintiennent la quille attachée au bateau, qu’ils ne doivent jamais être masqués. Il pense que c’est sans doute une ruse du propriétaire pour masquer des boulons de quille en mauvais état… Je commence déjà à imaginer mon voilier perdre sa quille en pleine route. Ainsi, ce sont de simples vis qui tiennent la quille ? J’imaginais… je ne sais pas moi… que c’était soudé, vissé, collé mais pas que c’était simplement boulonné… Il commencerait presque à me faire penser que je me suis faite avoir ! J’appelle rapidement Frédéric pour lui demander pourquoi ces fameux boulons de quille sont recouverts de résine. Il me répond que la table qui occupe le centre du carré n’est pas d’origine et que c’est lorsqu’elle a été installée sur ses deux nouveaux pieds tous proches des boulons de quille qu’il a été décidé de résiner le fond du bateau et de le peindre pour faire plus propre et plus joli et que les boulons de quille sont en parfait état (enfin, c’est ce que j’ai compris de son explication). « Ah ? Ok… ». Je ne peux que le croire sur parole sinon il faut que j’enlève l’épaisse couche de résine pour faire apparaître le dessus des boulons. Pas facile de vérifier ses dires, hummm… Je verrais plus tard…

Je me retourne vers Pierre : « Et sinon ? Forcément, il y a des points à revoir mais , tout de même, je n’ai pas non plus acheté une ruine ? Si ? Non ? Ha, tant mieux !!! ». A sa grimace, je comprends qu’il considère que j’aurais pu plus mal tomber et que j’ai simplement eu de la chance mais que je ferais mieux de ne pas me vanter… Lui, il aurait tout de suite vu ce qu’il n’allait pas et il aurait négocier à mort le prix et fait céder le propriétaire… Je lui rétorque que, d’après moi, si j’avais tenté de négocier le prix, le prochain visiteur aurait payé cash le montant demandé et que Nautigirl me serait passée sous le nez. Visiblement, nous avons du mal à accorder nos points de vue respectifs… Ca promet pour plus tard…

Il finit son inspection du bateau, puis il commence à dresser la liste des choses à acheter pour pouvoir bricoler dessus. Pour le moment, en effet, je n’ai aucun outil en ma possession. Je viens d’arriver de transatlantique avec mon sac à dos et mon aile de kite. Point barre. La seule chose que j’ai trouvé à bord, c’est une visseuse fonctionnant sur le 12 volts.

Les plus chanceux, lorsqu’ils achètent un bateau récupèrent la trousse à outils du bord, d’autres, comme moi, doivent se la constituer. Nous partons donc pour faire le tour des magasins. Il me faut acheter des tournevis de tailles et d’empreintes variés, une scie à métaux, un cutter et des lames, des seaux (ça sert toujours des seaux sur un bateau), des clés plates, des clés à oeil, des clés Allen, une clé à cliquet, un coffret de mèches et d’empreintes diverses pour la visseuse, des pinces, un marteau etc… Bref, je dépense une fortune pour avoir un minimum d’outils à bord et devenir une bricoleuse en herbe. Ca aussi, c’est un détail auquel je n’avais pas prêté attention : lorsqu’on achète un bateau et qu’on vous laisse de l’outillage à bord, ça représente une économie considérable et à l’inverse, quand il n’y a rien…

Même raisonnement pour la vaisselle. Pour vivre à bord, il faut bien des couverts, des assiettes, des verres, des bols, des casseroles etc., et là encore, mon bateau était vide de chez vide… Nouveau coup dur à mon porte-monnaie… Ah non, j’oubliais… J’a trouvé à bord 4 gobelets violets en plastique épais et un set de petites assiettes jaunes poussin jetables… Et un gros paquet de chips et une bouteille d’eau ! Youhou !!! Bref, ce n’était pas Byzance, loin de là et j’ai fini cette journée « explosion de ma carte bancaire » au rayon « Vaisselle » et « Alimentation » d’un supermarché histoire de pouvoir me faire à manger à bord.

Le lendemain, je retourne au bateau avec Pierre. J’ai déjà pris le temps d’y ranger tous les outils. Je suis impatiente de commencer ma formation « Maintenance du bateau ».

Première étape, démonter les winches qui sont tous bloqués, sans exception. Pierre me montre comment faire sur le premier. Il le désosse complètement devant moi en prenant soin de mettre toutes les pièces dans une petite bassine trouvée dans un des coffres du bateau. L’essentiel, m’explique-t-il, c’est de faire attention à ne perdre aucune pièce. Et il m’apprends qu’il faut toujours utiliser un récipient pour stocker les pièces lorsqu’on démonte quelque chose sur un voilier. Sinon, on a vite fait de perdre quelque chose et lorsque ça tombe dans l’eau, c’est perdu à jamais généralement… Je le regarde faire et répète ses mouvements sur un autre winch. Finalement, c’est presque comme le jeu de construction Meccano, il suffit de savoir quelle pièce va où. Quand tout est démonté, on nettoie les pièces avec un peu de gasoil, il paraît que ça décape pas mal. On brosse, on frotte pour faire disparaître le mélange de saletés et de graisse qui s’est accumulé un peu partout et qui empêche le winch de fonctionner. Un peu de WD 40(*), ce produit magique…, un peu de graisse et hop ! on remonte le tout et ô miracle, le winch tourne ! Quelques heures après, ils fonctionnent tous. Un premier point de réglé ! J’ai réussi à ne rien perdre en route même si j’ai eu une petite frayeur j’avoue, quand un petit ressort a jailli de son emplacement pour tomber à l’intérieur du bateau et non dans l’eau. La chance était avec moi ce jour là car la boîte qui fabriquait ce type de winches n’existe plus et pas moyen de trouver des pièces de rechange.

Deuxième étape, faire l’entretien courant du moteur. Je n’ai aucune idée de la date de la dernière vidange et des changements de filtre. Tout ce que je sais, c’est que Frédéric, en 6 mois, n’a rien fait et que ça doit commencer à dater. Pierre me montre donc comment faire la vidange d’huile et il me donne ses petits trucs et astuces pour travailler proprement sans s’en mettre partout. Par exemple, découper dans sa longueur une bouteille d’eau en plastique qui s’insérera sous la vis de purge afin de récupérer la vieille huile. Il me parle de l’utilité des couches pour bébé hyper absorbantes et parfaites pour nettoyer les éventuelles coulures d’huile. Original… Je n’aurais jamais pensé qu’une couche pour bébé puisse trouver son utilité à bord d’un bateau hormis si… on a un bébé… Je filme tout ce qu’il me montre au cas où, plus tard au moment où je devrais le refaire, j’oublierai un détail. Après avoir retiré le filtre à huile, il s’attaque au circuit de gasoil et démonte le filtre et le préfiltre. Le lendemain matin, je file acheter des éléments neufs chez un shipchandler(*) et je rejoins Pierre les bras chargés de mes achats. Il commence le remontage tout en continuant ses explications. Nous vérifions ensuite les niveaux : huile, gasoil et liquide de refroidissement. Il me rappelle tout en les suivant les étapes à respecter avant de démarrer le moteur : vanne d’eau de mer ouverte, manette des gaz au point mort, interrupteur n°1 sur « on », interrupteur n°2 sur « préchauffage » pendant quelques secondes et ensuite « start ». Le moteur tousse et démarre. Tout va bien, il ronronne comme un vieux pépère et à l’arrière, je cours le vérifier, il crache bien de l’eau, signe qu’il est bien refroidi par l’eau de mer.

Tout est ok pour le départ prévu demain matin !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Carré : pièce intérieure du bateau où l’on peut se réunir.

Chandeliers : barres métalliques verticales fixées tout autour du pont et dans lesquelles passent les filières, rien à voir avec une bougie même si ça peut vaguement y ressembler.

Corde : terme proscrit du vocabulaire maritime, chaque “corde” ayant un nom particulier comme un bout, une drisse, une écoute ou une amarre par exemple.

Descente : c’est le petit ensemble de marches qui mène à l’intérieur du voilier.

Drisse : “corde” que l’on voit courir le long du mat et qui sert à hisser ou
affaler une voile.

Ecoute : “corde” fixée au coin de la voile et qui sert à régler l’angle de la voile par rapport au vent (en la tendant plus ou moins fort).

Equipet : c’est un terme marin qui désigne un petit rangement qu’on trouve dans les cloisons des voiliers.

Filières : câbles, généralement métalliques, courant tout autour du pont à travers les chandeliers afin de servir de garde-corps ou de bastingage.

Génois : c’est une voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

Grand-voile : c’est la voile principale du navire, hissée sur le mât.

Gréement : ensemble de la voilure et de tout ce qui sert à l’établir : mât, bôme, haubans etc.

Haubans : câbles qui soutiennent latéralement le mât, reliant les hauts du mât au pont du bateau.

Mouiller un bateau : c’est un terme de marin qui signifie poser l’ancre quelque part afin de « stationner » son bateau.

Permis hauturier : ce permis permet de conduire des bateaux – à moteur – sans limitation de puissance, de taille ou d’éloignement par rapport à un abri à la différence du permis côtier (navigation jusqu’à maximum 6 milles d’un abri). Pour information, aucun permis n’est nécessaire pour un voilier.

Pilote automatique : comme son nom l’indique, c’est un dispositif qui permet de piloter le bateau sans intervention humaine. Très pratique lorsqu’on a pas envie de barrer soi-même !

Quille : sorte de “nageoire ventrale” qu’on distingue sous la coque du voilier servant de plan anti-dérive. Étant également lestée, elle permet d’abaisser le centre de gravité du bateau et d’en assurer ainsi la stabilité latérale.

Rail de fargue : pourtour, généralement métallique, qui dépasse de quelques centimètres tout autour du pont, telle une couronne et ayant pour rôle, par exemple, d’empêcher un pied par exemple de glisser à l’extérieur du bateau.

Relèvement : faire un relèvement, c’est mesurer l’angle sous lequel on voit quelque chose (un phare, un autre bateau etc.) par rapport à une direction de référence qui est le Nord.

Shipchandler : c’est un magasin spécialisé dans les fournitures de pièces de bateau.

Transater : traverser l’Océan Atlantique en voilier.Gréement : ensemble de la voilure et de tout ce qui sert à l’établir : mât, bôme, haubans etc.

WD40 : produit magique que tout le monde ou presque a à bord d’un bateau. Il protège le métal de la rouille et de la corrosion, il décoince des pièces coincées, il repousse l’humidité et il lubrifie quasiment tout. Il élimine même la graisse, la saleté de la plupart des surfaces. Magique, je vous dis !!!

Winch : avec sa manivelle, sorte de gros moulin à café sur lequel vient s’enrouler la “corde” qu’on cherche à tendre. Il permet de démultiplier les efforts.

Art. 2 – Qui est DreamChaser ?

Vue depuis le ponton avant - copie

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

DreamChaser, c’est le nom que j’ai choisi pour me représenter sur les réseaux sociaux. J’aurais pu garder mon vrai nom me direz-vous ? Oui, mais je cherchais à la fois un petit peu de discrétion ainsi qu’à associer au nom de mon bateau un mot qui puisse refléter ce que je recherche à l’heure actuelle, c’est-à-dire poursuivre mes rêves. En anglais, un chasseur de rêves se dit « dream chaser ». Mon voilier portant un nom à consonance anglais, j’ai donc opté pour la même langue pour mon surnom, c’est comme ça que j’ai retenu DreamChaser.

Poursuivre mes rêves ? », c’est -à-dire ?

Hé bien, depuis que j’ai commencé à travailler, le rythme infernal de ma vie professionnelle, et sans doute ma personnalité qui tend à ne jamais remettre au lendemain ce que je peux faire aujourd’hui, m’ont empêchée de prendre du temps pour moi et pour les activités que j’affectionne, le kite-surf, le surf ou la plongée, bref les activités nautiques en général. Et pourtant, je vis à Tahiti depuis plus d’une décennie. Mais j’y travaille, certes différemment, mais aussi dur ou presque qu’à Paris (hé oui ! La vie sous les cocotiers ne signifie pas pour autant qu’on s’y roule les pouces). C’était une lutte constante pour dégager du temps de pratique avec comme constat final un sentiment d’inachevé car les mois et les années filaient sans pour autant voir mon niveau s’élever… En même temps, je dois dire que je ne fais sûrement pas partie des gens « naturellement doués ». Mais il est vrai que plus on pratique, plus on s’améliore ou en tout cas, moins on perd !

L’approche de la quarantaine a commencé à tout remettre en question dans ma tête. Si je devais résumer ma vie, j’aurais dit que, côté professionnel, je l’avais réussie, et côté personnel, c’était une catastrophe. Pas de relation amoureuse sérieuse, un petit ami de passage dans ma vie car voileux et en plein tour de monde, pas d’enfant, et des amis que je voyais rarement car je privilégiais mon boulot aux soirées (et travaillant à mon compte, j’y passais souvent mes nuits et mes week-ends).

Patrick, c’est le nom de ce petit ami, lui, était dans un contexte totalement opposé au mien. Lui, il privilégiait le côté personnel au côté professionnel. Il était constamment entouré d’amis, notamment car, comme il me l’expliquait, il avait, et il prenait, toujours le temps. Il passait des heures et des heures à kiter ou à surfer selon les conditions du moment. Sa vie entière se résumait à vivre ses envies et être heureux. Alors, bien entendu, il ne faut pas croire que tout est idyllique dans son cas. Vivre ainsi, c’est vivre hors de la société, sans assurance maladie, sans revenu régulier et accepter de se contenter de peu. Et lui, il y arrivait parfaitement. S’il fallait qu’il mange du riz blanc pendant un mois parce qu’il ne lui restait plus un sou, ça ne lui posait aucun problème. Il travaillait un peu quand ça lui chantait ou quand nécessité faisait loi et le reste du temps, c’était pour lui.

Côtoyer un personnage si différent de moi m’a permis de me donner le coup de pied au derrière qu’il me manquait pour décider de changer de vie. Le fait d’en être amoureuse aussi. Je l’ai été rarement été dans ma vie mais quand ça m’arrive, je suis prête à soulever des montagnes. Et dans le cas présent, il a été là au bon moment pour me faire passer un cap : je décide de tout plaquer et de le suivre sur son voilier…

Mais ne croyez pas que c’est lui qui m’y a poussée, non, non ! C’est un homme indépendant, très gentil mais qui ne sait pas ce que c’est que d’être amoureux, en tout cas pas encore à ce stade de sa vie. Non, il s’est plutôt contenté de ne pas stopper mon enthousiasme à chaque fois que je lui parlais de mes projets, sans jamais en être le moteur. Et moi, aveuglée par mes sentiments, je voyais dans ses réactions une approbation de sa part (ah ! l’amour !!!) et nul besoin de me pousser, j’avançais toute seule, je courais même !

J’ai trouvé un repreneur pour ma clientèle que j’avais pris plus de 5 années à développer. J’ai pris 6 mois environ pour, petit à petit, prévenir mes clients, les présenter à mon successeur, bref organiser la fin de ma vie professionnelle. Pour moi, c’était quelque chose de très significatif ! On ne quitte pas du jour au lendemain un revenu confortable obtenu au prix de sa sueur sans se poser la moindre question. On s’interroge, on oscille même de multiples fois entre “Je le fais ?”, “Je ne le fais pas !”, “ Allez, courage, ça va être super !”, “Non, je vais regretter…”. Et puis finalement, on fonce en essayant de ne pas trop réfléchir.

Arrive la fin de ma dernière saison fiscale, le 31 mars 2016… J’ai rendu tous mes bilans. Les dossiers ont été transférés à mon successeur. J’ai dit au revoir à tous mes clients. Certains sont dubitatifs. Me connaissant depuis plusieurs années, ils m’imaginent assez mal capable de vivre sur un petit bateau loin du rythme effréné que je connais habituellement. Et sans confort particulier. Pas de frigo, pas de douche. 8,50 mètres à sa partager à deux avec, en plus, plein de bordel à bord : des kites, des surfs, des paddles et même un kayak ! Ils parient même sur mon retour prématuré dans mon activité professionnelle. « Tu verras, dans 3 mois, tu t’ennuieras et tu reviendras ! ». Et moi, je les écoute en souriant. Je ne réfléchis pas. Je ne sais même pas moi-même si je vais aimer ou non la vie de bateau que je m’apprête à vivre à bord d’Eureka, le bateau de Patrick.

Et finalement, je passe 5 mois à bord avec lui. 5 mois de sentiments contrastés. Des rires, des découvertes fantastiques, des rencontres formidables, des larmes aussi, des peurs, de l’ennui parfois également. Tout un panel de sentiments y passe…

De l’ennui au début car effectivement passer d’une vie à 100 kilomètres par heure à une vitesse de déplacement de 4 noeuds(*), soit moins de 8 kilomètres/heure environ, c’est dur… Tout me semble lent. Je vois Patrick régler constamment ses voiles, bricoler par ci et par là et moi, je découvre cet environnement, je ne suis pas à l’aise, je n’arrive pas à l’aider ni même parfois à m’intéresser tout simplement. Petit à petit, je lui demande de me montrer comment gérer le bateau dans l’espoir qu’un jour, j’arrive à me débrouiller sans son aide. Doux et patient, il m’apprend tout ce qu’il sait. Mais moi, je ne retiens qu’une petite partie de ce qu’il me transmet, tout est trop nouveau. Manipuler un voilier, c’est autre chose que de faire de l’Optimist comme quand j’étais petite. Niveau bricolage, j’ai quelques notions mais entre ce qu’on fait dans une maison et ce qu’on fait sur un bateau, rien à voir. Côté mécanique et côté électricité, je suis une bille, tout simplement… Et je manque très fortement de confiance en moi. Je sais que je ne suis pas une autodidacte. C’est comme ça. Moi, j’apprends et j’ai toujours appris dans les livres. J’étais bonne à l’école, la parfaite petite élève. Mais l’école de la vraie vie, c’est autre chose. Et visiblement, de ce côté-ci, je fais partie des cancres. Prendre en charge seule un bateau me semble être un challenge inabordable pour moi même si Patrick,lui, semble confiant en mes capacités…

Au cours de notre voyage, je rencontre grâce à lui, des dizaines de navigateurs au profil variés. La plupart se sont déjà croisés en cours de route… quelque part dans le monde… Lui, c’était à Panama, lui au Vénézuela, cette autre personne, c’était en Martinique etc… Le monde des marins semble petit, c’est étonnant pour moi. Ils partagent leurs anecdotes : leur passage du canal de Panama, leur rencontre avec les indiens San Blas, le passage de l’Equateur au cours de leur traversée du Pacifique, leur expérience plus ou moins réussie avec des coéquipiers. Celui-là est franco-américain et il arrive tout droit de San Francisco avec son tout petit bateau de 8 mètres de long sans moteur à bord. Il est obligé de tirer des bords dans les passes des atolls(*) pour y rentrer et c’est pas rien !

Ces passes, justement, elles m’impressionnent tellement… Imaginez un courant qui va plus vite que la vitesse de déplacement maximale du bateau ! Si on arrive au mauvais moment et que le sens du courant n’est pas favorable, il est parfois tout à fait impossible d’y rentrer. Je découvre cet environnement. Il me paraît vraiment menaçant parfois d’ailleurs. Je pense qu’il me manque un petit côté “risque-tout”… Je me rappelle au moins trois bonnes frayeurs vécues à bord d’Eureka à cause des passes(*).

Première frayeur : une traversée de nuit de la passe nord de Fakarava(*). Nous avions quitté le mouillage à la nuit tombée et, déjà ça, ça ne m’avait pas trop plus. Moi à la barre pendant que Patrick remontait l’ancre bloquée à 10 mètres de profondeur sur un rocher (ha bah oui, on n’avait pas de guindeau(*) donc c’était tout à la main). Une fois libres, j’avais paniqué lorsqu’il avait fallu s’orienter au milieu des bateaux amarrés autour de nous en l’absence de repères alors que lui avait même envie de passer au cul du bateau des potes pour leur dire au revoir. Il avait dû venir me remplacer rapidement à la barre car je ne voulais pas risquer de heurter un voisin que je n’aurai pas vu. La peur avait déjà commencé à s’instiller en moi. Ensuite, nous avons franchi la passe à quelques milles nautiques de là toujours dans l’obscurité la plus complète, Patrick toujours à la barre. Le logiciel de navigation nous informait que nous étions au centre de la passe et moi, le regard fixé sur les indications du sondeur(*), je voyais les chiffres diminuer à toute vitesse : 5 mètres, 4 mètres, 3 mètres… J’étais accrochée, pétrifiée, au bastingage(*) et j’ai sérieusement pensé que le GPS(*) racontait n’importe quoi et que nous allions nous échouer sur les bords de la passe sans même nous rendre compte et peut être couler… En fait, c’était sûrement un banc de poissons qui, passant en dessous du bateau, perturbait le sondeur. Mais à l’époque, je n’avais pas conscience de ce genre de choses. Je me sentais toute à fait démunie dans cet environnement où je ne me maitrisais pas grand chose et je me reposais entièrement sur Patrick. C’était tout le contraire de ma vie professionnelle dans laquelle j’étais totalement en charge et où j’évoluais comme un poisson dans l’eau sans avoir besoin de personne…

Deuxième frayeur : le passage, de jour cette fois-ci, de la passe sud de Fakarava. Patrick avait, à mon goût, frôlé de bien trop près le spot de surf et ses vagues en sortant de la passe et j’avais cru, un moment, que le bateau risquait d’être entraînée par l’une d’entre-elles et que nous finirions à l’eau, la coque en l’air, entraînés sur le récif. Cela nous avait valu une bonne engueulade, lui, ne comprenant pas mon stress de ne rien maîtriser et de tout subir, et moi ayant besoin de décharger sous forme d’une certaine agressivité à la fois ma montée d’adrénaline et mon impuissance à lui faire comprendre ma peur.

Troisième frayeur : un mouillage(*) en plein dans la passe de Faaite(*), une passe connue pour son courant bien plus puissant que dans d’autres atolls. Vue la petite taille du voilier de Patrick, il était difficile de s’amarrer(*) au quai prévu pour des embarcations bien plus volumineuses, donc nous étions amarrés à l’unique et solide corps mort(*) au sein même de la passe. Au moment de partir, Patrick avait cru bon de libérer l’une des deux amarres(*) sans m’avertir et malheureusement, au moment où je m’approchais de l’étrave(*), pour nous désolidariser du corps mort, le nez du bateau a commencé à prendre le courant du mauvais côté entraînant l’amarre restante, toujours attachée sur le pont(*) du bateau, sous la coque, l’obligeant ainsi à basculer sur le côté, me faisant craindre un moment qu’on allait se retourner. J’ai heureusement réussi, je ne sais plus comment, à nous libérer permettant ainsi au bateau de retrouver son assiette et pivoter dans le bon sens pour se laisser guider par le flux de l’eau à l’extérieur de la passe.

Bref, en dehors de ces moments d’adrénaline, je découvre des paysages fantastiques, je plonge dans des endroits merveilleux, je kite dans des sites paradisiaques et j’apprends même à chasser mon propre poisson qu’on déguste souvent autour de barbecues improvisés sur la plage entourés de tous les amis du mouillage.

Arrive le moment où Patrick doit recevoir deux amies argentines à bord à qui il s’est engagé à donner des cours de kite (il est moniteur). Il les connaît de longue date et régulièrement elles le retrouvent là où est le bateau pour découvrir de nouveaux spots de kite et profiter de ses conseils. Craignant de ne pas supporter de vivre dans une telle promiscuité avec 3 autres personnes à bord dont deux ne parlant essentiellement qu’espagnol, langue que je ne maitrise aucunement, avec en plus leurs bagages qui va encore réduire l’espace de vie à bord, je préfère prendre quelques semaines de vacances en France.

Je pars à bord d’un voilier nommé « Naoma », un 38 pieds qui appartient à un couple d’américains très sympas, Ryan et Nicole que j’ai rencontré très brièvement quelques jours auparavant. Et je passe 48 heures avec eux pour rejoindre Tahiti à la voile. Je suis un peu intimidée car c’est la première fois que je fais du bateau-stop et je ne les connais pas beaucoup… Rapidement, je me détends. Ils sont super cools ! J’ai passé notamment pas mal de temps à discuter avec Ryan. Un mec génial ! Il m’encourage et me motive à suivre mes envies et mes rêves. On parle de nous, de nos familles respectives. Il me parle de sa maladie aussi. Il souffre d’une maladie incurable, une dystrophie musculaire, qui réduit progressivement sa masse musculaire et pour me montrer ce que cela signifie, il me montre une vidéo dans laquelle il en parle : https://www.youtube.com/watch?v=4ktBIBoowq8. Et ce grand sportif, au lieu d’être aigri ou d’en vouloir à la terre entière, déborde de joie de vivre, de bons sentiments, s’intéresse à qui je suis et prend le temps d’écouter mes craintes sur ma vie et mon couple. Et il me pousse à suivre mes envies sans m’effacer derrière quelqu’un d’autre. Arrivée à Tahiti, je prends l’avion pour Paris totalement boostée par nos discussions !

(Petite aparté : Ryan et Nicole ont une chaîne Youtube qui s’appelle « Two Afloat », n’hésitez pas à vous abonner, leurs vidéos sont très géniales. Ils ont beaucoup d’humour ! https://www.youtube.com/channel/UCs3WnQG-QeLq1ebfr0gBUhg. Et si vous voulez les encouragez dans leur aventure, leur page Patreon est celle-ci : https://www.patreon.com/twoafloat ! N’hésitez pas, vous ne serez pas déçus !)

Dans la foulée, je décide de m’inscrire pour suivre une formation pour devenir instructeur IKO(*) dans l’objectif d’aider, dans le futur, Patrick, à donner des cours de kite. J’avais déjà commencé à le faire mais je voulais être formée et diplômée par un organisme indépendant. Ainsi, en octobre 2016, je deviens officiellement instructeur IKO. Je suis fière de moi et heureuse de pouvoir compléter mon panel de compétences extra-professionnelles (l’année précédente, j’étais devenue instructeur de plongée PADI(*) en novembre après 3 mois à batailler sec pour libérer les heures de pratique nécessaires tous les week-ends). Je me dis qu’à presque 40 ans et pour une nana qui a passé sa vie derrière l’écran d’un ordinateur, ce n’est pas si mal. J’aime penser que je casse l’idée qu’on se fait d’une comptable…

Mes 40 ans justement approchant à grands pas, je ressens la nécessité de mettre à plat ma relation de couple. J’avais envie de me projeter avec mon homme mais j’avais le sentiment d’être la seule à m’investir réellement. Lui-même reconnaissait que j’étais toujours celle qui faisait le premier pas vers lui quand, lui, il continuait à frayer son chemin seul. Bref, j’avais besoin de savoir s’il m’aimait vraiment ou non… Quoique, lorsqu’on se pose ce genre de questions, logiquement, on a déjà la réponse… J’ai donc rédigé une longue missive récapitulant mon ressenti sur les deux années passées ensemble et le suppliant d’être honnête avec moi. En retour, il a pris son courage à deux mains afin de poser les vrais mots sur ce qu’il ressentait pour moi. Résultat de son introspection : il m’aime bien, je suis une fille formidable mais il est trop égoïste pour … blablablablabla… bref, tout ce qu’on dit à quelqu’un qu’on ne veut pas blesser mais qui ne fait quand même jamais plaisir à entendre. Forcément, je ne l’ai pas très bien pris… D’autant plus qu’il a réussi à me le dire pile poil le jour de mes 40 ans. En même temps, ce jour-là ou un autre, le résultat aurait été le même. Au moins, j’étais fixée…

C’est à partir de ce moment là que j’ai décidé de me prendre totalement en main. Hors de question de rentrer en Polynésie. Je n’avais pas envie de croiser mon ex trop rapidement, j’avais besoin de temps. Hors de question aussi de rester en France. J’avais quitté la métropole en 2004 et je me voyais mal m’y réinstaller. J’avais réussi à faire le plus dur, c’est-à-dire plaquer ma vie professionnelle et il était hors de question que je retourne dans cette vie conformiste trop rapidement. C’est tellement dur de quitter tout cela que je n’aurais peut être pas le courage et la volonté de tout quitter une deuxième fois… Et à quel âge dans ce cas ? Non ! Là, j’ai 40 ans, toutes mes dents (enfin presque en réalité)… C’est maintenant où jamais !

Je repense à ces discussions avec ces différents « voileux » que j’ai rencontré autour d’un feu de camp ou sur leur bateau. Ils m’ont donné envie de voir les paysages dont ils m’ont parlé. Et pourquoi pas, hein ? C’est ainsi que j’ai créé un profil sur plusieurs sites internet qui mettent en contact un propriétaire de bateau avec des personnes désireuses de naviguer. Mon premier projet, c’est de traverser l’Atlantique, rien que ça. Mon oncle, décédé à 48 balais, a été skipper dans l’une de ses diverses vies professionnelles et l’a traversé plusieurs fois. Je suis curieuse de faire le même passage que lui. Et j’espère presque pouvoir rencontrer de l’autre côté, des gens qui l’auraient croisé.

Une ou deux semaines passent sans proposition. Et soudain, Philippe, le propriétaire d’un Sun Odyssey 479, me contacte. Il a 70 ans, il est peu loquace mais il a l’air sympa au téléphone. Il a acheté un bateau neuf et souhaite le ramener en Martinique où il réside. Je saute sur l’occasion et prends un billet d’avion pour les Canaries où je le rejoins lui et l’autre équipier Antoine, 28 ans, infirmier urgentiste. Eux-mêmes ne se connaissent que depuis quelques semaines. Ils sont venus de France avec le bateau. Je complète ainsi une belle équipe pour traverser l’océan Atlantique.

Cela se révèle être une fabuleuse expérience ! Et comme, pour moi, il n’y a rien de mieux pour garder un bon souvenir que de le transcrire en vidéo, pour voir le résumé de cette transatlantique, c’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=AnSJBzcJE0M&t=52s.

Une fois arrivée en Martinique, j’hésite à continuer en bateau stop jusqu’en Polynésie. Mais j’ai envie d’y aller à mon rythme en m’arrêtant dans des endroits un peu perdus pour y faire un peu de kite, de surf ou de pêche, comme ce que j’ai connu avec mon ex en Polynésie et comme ce qu’il m’a raconté avoir vécu ici. C’est pour ça que l’idée saugrenue d’acheter un bateau me vient. Et puis, je veux réellement apprendre à naviguer. Être équipière, c’est bien, mais, au fond, on a toujours tendance à se reposer sur le capitaine lorsqu’il y a une petite difficulté ou une décision à prendre. Je veux voir si je suis capable de prendre mon courage à deux mains et de skipper mon propre bateau. Et on m’a déjà dit plusieurs fois que tant que je n’achèterai pas mon propre voilier, je n’arriverai pas à me lancer. Hé bien, devinez-quoi, j’ai relevé le défi ! Le premier d’une longue série !

C’EST AINSI QUE DREAMCHASER EST NEE !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Amarre : c’est une grosse “corde” utilisée par les bateaux pour se “garer” le long d’un quai ou d’un autre bateau ou pour s’attacher à un corps-mort.

Amarrer : comme dirait le dictionnaire Larousse, c’est attacher un navire au moyen d’amarres.

Atoll : c’est une île corallienne basse qui ressemble à un anneau. La mer qu’elle enferme en son centre s’appelle un lagon.

Corps-mort : c’est un objet pesant en général, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Etrave : c’est l’avant de la coque du navire.

Fakarava : c’est un atoll situé dans l’archipel des Tuamotu (Polynésie Française).

Faaite : c’est un atoll situé dans l’archipel des Tuamotu, proche de Fakarava (Polynésie Française).

GPS : cela signifie, en anglais, Global Positioning System. C’est un système de géolocalisation mondial qui permet, grâce aux satellites, de savoir où on se trouve de façon très précise et qui permet également trouver son chemin pour aller à un endroit.

Guindeau : c’est un treuil placé à l’avant du bateau dans lequel passe la chaîne et qui permet de relever l’ancre. Il est soit manuel (on actionne un levier qui ressemble vaguement à celui d’un bandit manchot pour faire fonctionner le treuil), soit électrique.

IKO : cela signifie, en anglais, International KiteBoarding Organization, ce qui signifie Organisation Internationale de Kitesurf.

Mouillage : c’est un terme qui désigne plusieurs choses selon le contexte. Le bateau est au mouillage, lorsqu’il est accroché à son ancre, ou à son corps mort, il ne navigue pas. Le mouillage c’est aussi la chaîne et l’ancre. Un bon mouillage est un lieu où l’on peut s’arrêter en sécurité.

Noeud : c’est l’unité de mesure de la vitesse utilisée en navigation maritime. Il correspond à un mille marin par heure, soit 1 852 mètres par heure ou 0,5 mètre par seconde.

Optimist : c’est un tout petit voilier avec une seule voile, souvent traité de caisse à savon, parfait pour apprendre la voile lorsqu’on est enfant (jusqu’à 10-12 ans).

PADI : cela signifie, en anglais, Professional Association of Diving Instructors, ce qui signifie Association Professionnelle d’Instructeurs de Plongée.

Passe : rien à voir avec un ballon ou une femme qui vend ses charmes… Une passe, c’est un passage entre deux terres et qui relie le lagon intérieur d’un atoll à l’océan.

Pont : c’est la surface du bateau sur laquelle on marche lorsqu’on est à l’extérieur.

Sondeur : c’est un appareil servant à mesurer la profondeur.

Art. 1 – Qui est Nautigirl ?

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Nautigirl, c’est le nom de mon bateau.

Pourquoi avoir choisi ce nom ? Hé bien, c’est très simple. Tout simplement parce que je suis tombé amoureuse de ce nom, le jour où je l’ai vu imprimé sur un vieux tee-shirt, suspendu parmi d’autres du même genre, sur l’un des murs d’un bar, ou plutôt d’une gargote perdue au fin fond du sud de l’île de Fakarava, dans l’archipel des Tuamotu en Polynésie Française. J’y avais fait un stop tout à faire par hasard avec les amis avec lesquels je naviguais à l’époque. Nous rêvions d’une bière fraîche et c’est ce désir qui nous avait emmené à cet endroit, le seul à proposer ce type de prestation à plusieurs miles nautiques à la ronde. Tout en dégustant ma Hinano, j’avais observé les lieux plus par désœuvrement que par réel intérêt. Et mes yeux avaient été attirés par ce nom imprimé sur un tee-shirt gris.

Je me rappelle avoir été interpellée tant je le trouvais original. J’imaginais qu’un équipage exclusivement féminin avait fait don de ce vêtement au bar de la plage pour que celui-ci agrandisse le nombre de ses trophées déjà nombreux, polos, tee-shirts, casquettes au nom de différents bateaux et drapeaux du monde entier. J’aimais le double sens du nom « Nauti-girl » : d’abord, une fille qui navigue (en latin, on a « nauta » qui signifie « marin, matelot » et en anglais, « girl », c’est une fille), ensuite, en anglais, cela se dit de la même manière que « naughty girl » qui veut dire polissonne, dans le sens de « garnement » ou « chenapan » au départ… Malheureusement, depuis quelques années, l’évolution des mœurs a fait évoluer cette expression vers un côté un peu plus « cochon » quand on parle d’une fille… Alors que lorsqu’on désigne un garçon en utilisant le même adjectif, « a naughty boy », on reste bien dans l’esprit que j’avais au départ, c’est-à-dire un garnement et pas un gros chaud qui montrerait son cul et ses pectoraux à toutes une bande de nanas assoiffées…

Bref, je suis tombée amoureuse de ce nom. Je ne l’avais encore jamais vu porté par un bateau. Je me suis donc juré, à ce moment-là, que le jour où j’aurais un voilier, je l’appellerai ainsi… Sans savoir que j’allais en acheter un six mois plus tard…

Et me voilà fin décembre 2016, à quelques jours de Noël, me dirigeant en voiture vers la marina Z’abricots du côté de Fort-de-France, en Martinique, où je dois voir le seul bateau correspondant à mon budget dans les environs. Je suis accompagnée d’un pote que j’ai rencontré aux Canaries juste avant mon départ en Transatlantique qui, justement, possède le même type de voilier et qui vient de transater avec. Il est censé m’accompagner pour m’aider à contrôler le bon état de ma potentielle future acquisition. Malheureusement, nous nous disputons en chemin et il décide de m’abandonner au milieu du chemin. Je pile, je gare la voiture un instant sur le côté et il descend énervé. Je redémarre, agacée également. J’accélère et je vois sa silhouette disparaître dans mon rétroviseur.

Le sujet de la dispute ? J’avais un rendez-vous fixé à 15h par le vendeur et je comptais, naturellement, m’y rendre à l’heure dite, en compagnie de mon conseilleur… Mais, celui-ci avait plus envie de faire la fête que de se montrer ponctuel à un rendez-vous. Il voulait donc passer d’abord chez un ami, boire une ou deux bières, se faire inviter pour le barbecue parce que « Tu comprends, ici c’est la Martinique, on est toujours en retard ici… C’est le retard martiniquais »… Moi, pas d’accord, je lui avais expliqué que je trouvais très sympa qu’il me propose son aide mais qu’à vouloir se pointer avec les 2 bonnes heures de retard qu’il envisageait déjà, je risquais de mettre en colère mon vendeur ou de voir disparaître le bien avant même de l’avoir vu, et que donc, s’il voulait m’aider, qu’il le fasse jusqu’au bout, c’est-à-dire en respectant l’heure fixé par le vendeur. S’il préférait voir ses potes, pas de souci, je le déposerai et j’irai seule à l’heure fixée. Ma proposition me semblait correcte, le ton et l’attitude utilisés également mais, néanmoins, je l’ai vu s’agacer sans même comprendre pourquoi jusqu’à ce que, abruptement, il me demande de descendre « là, tout de suite, maintenant ». J’ai obtempéré non sans lui avoir proposé de le rapprocher de sa destination. Il a refusé.

Tant pis pour lui, moi, ça me donne plus de temps pour me rendre sur le lieu de mon rendez-vous. Je connais encore mal Fort-de- France et ses environs et un surcroît de temps me sera utile. Je trace ma route tout en me demandant comment je vais faire une fois sur place. Je n’ai aucune connaissance particulière sur les questions à poser lorsqu’on achète un bateau, ni sur les points à contrôler. J’avoue que l’idée d’acheter un bateau m’est venue un peu comme une lubie et que je ne suis pas encore préparée véritablement à la chose. La Transatlantique que je viens d’achever s’est tellement bien passée que j’ai envie de continuer sur cette lancée et, si possible, sur mon propre bateau dans lequel je pourrais mettre toutes mes petites affaires et mes « jouets » tels que mon matériel de kite ou de plongée et ainsi m’arrêter à ma guise dans tous les lieux où je pourrais pratiquer ce genre d’activité. Un peu ce que j’ai connu en Polynésie pendant une bonne partie de l’année 2016, à bord d’Eureka, le bateau de mon ex, Patrick.

Je ne suis plus qu’à quelques kilomètres de la marina quand le propriétaire m’appelle. Il m’avertit que le couple qui vient de visiter le bateau a été emballé et qu’ils viennent de l’acheter. Je raccroche dépitée et je cherche une bretelle pour pouvoir faire demi-tour sur la voie rapide. Je suis maintenant sur le chemin du retour, en plein embouteillage quand il me rappelle de nouveau. La dame a, paraît-il, persuadé son mari, pourtant très motivé, que le bateau était trop petit pour eux et qu’ils feraient mieux d’en acheter un plus grand. Ils sont donc revenus sur leur engagement. Le bateau est libre et c’est moi la prochaine visite ! Je refais un demi-tour tant bien que mal… Il manque des panneaux pour rendre l’orientation plus facile dans les environs de Fort-de-France, croyez-moi ! J’arrive enfin à la marina. Je gare la voiture en hâte tout au bout du parking pour me rapprocher du ponton où je dois rencontrer Frédéric, l’actuel propriétaire.

Il m’ouvre justement le portillon qui permet d’accéder au ponton n°6 où se trouve le voilier. Il m’accompagne alors jusqu’à un joli monocoque à la robe blanche, au nez pointu et à la coque ronde. C’est un Sail 902 de 28 pieds, ce qui représente 8,50 mètres. Il a été construit en 1979. Il est donc plus jeune que moi, mais pas de beaucoup, et il a l’année de naissance de mon petit frère, sûrement un bon présage, me dis-je (quand on n’a pas de connaissances techniques, on a tendance à se raccrocher à ce genre de pensées rassurantes pour un esprit non rationnel) !

Il a l’air tout beau, tout propre. J’aime le taud de grand-voile et sa capote bleus. La peinture de la coque, celle du pont et son anti-dérapant semblent récentes. Je vois la structure d’un régulateur d’allure à l’arrière ce qui me plaît déjà ayant pris l’habitude avec mon ex de naviguer quasi-exclusivement grâce à cela. Je rentre à l’intérieur. L’espace me paraît relativement grand pour un bateau de cette taille, 2,90 mètres. En même temps, ma seule référence est le 28 pieds d’Adri qui est beaucoup moins large que celui-ci même si aussi long, 2,50 mètres de mémoire… Les équipets sont vides tout comme les coffres du bateau, ce qui participe sans doute à l’impression de place que j’ai à cet instant, je m’en rendrais compte plus tard. Timidement, je pose quelques questions à Frédéric. « Je peux voir le moteur ? » Il retire l’ensemble des trois marches qui permettent de descendre dans le bateau et qui cachent également le principal accès au moteur. Je lui demande de le mettre en marche. J’écoute, attentive au moindre bruit suspect qu’une néophyte telle que moi pourrait entendre. Il a l’air de tourner rond. Frédéric l’éteint. Il me dit que c’est un bon bateau, qu’il l’a acheté il y a 6 mois seulement pour apprendre à naviguer mais qu’il vient d’apprendre qu’il est muté en métropole et donc qu’il doit le revendre. Il me fait son éloge avec son gréement d’il y a 5 ans, son jeu de voiles complet (une grand-voile neuve et l’ancienne, deux génois, un lourd et un léger, une trinquette et deux tourmentins). Je ne sais pas me servir de la moitié d’entre-elles mais qu’importe, je vais apprendre ! Je tente de faire le poids face à lui en posant quelques questions par-ci, par-là. Véritablement, le bateau me plaît. Il est dans mon budget et il n’y en a pas beaucoup dans cet état à ce prix-là d’après mes recherches, rapides je l’avoue. Et puis, j’ai ce projet de poursuivre rapidement ma route vers la Polynésie. Il me faut un bateau et vite ! Vite m’entraîner, vite le préparer, vite rejoindre Panama et vite traverser la Pacifique pour enfin rejoindre la Polynésie… J’ai peur d’hésiter et que le prochain acheteur ne dise oui à ma place. Déjà, celui-ci s’approche sur le ponton. J’hésite. Oui, non… oui… non… OUUUUIIII ! « Ok, je le prends ! ».

Nautigirl est à moi désormais. Enfin, ce n’est pas encore Nautigirl. A l’heure actuelle, mon voilier s’appelle encore Arwez, un nom breton que Frédéric lui a donné il y a 6 mois. Lui-même l’a renommé. Enfin, renommé… pas vraiment… il a changé une seule lettre, l’ancien propriétaire, avant lui, l’ayant nommé Arvez… Ah, ces bretons !!! Le « v » s’est donc simplement transformé en « w ». Personnellement, quand j’ai appris cela, j’ai trouvé cela très étrange de ne changer ainsi qu’une seule lettre ne modifiant même pas la prononciation du nom. D’ailleurs, la femme qui s’occupait des formalités douanières se rappelait encore du passage de Frédéric. Elle aussi avait été interloquée par son choix.

Je file faire les papiers dans la foulée. Il me faut encore quelques jours pour obtenir un bel autocollant avec la typographie que je souhaite indiquant le nom que j’ai choisi. J’en profite pour sélectionner un modèle d’oeil bleu que je souhaite coller de part et d’autre de son étrave. Cette paire d’yeux sera chargée de veiller avec moi pour conserver l’intégrité de la coque et éviter tous les obstacles flottants que nous pourrions rencontrer en navigation. Je passe quelques heures à décoller les 5 lettres composant l’ancien nom, des bouts de plastique collés par une sorte d’adhésif ultra résistant, je vous promets ! Et enfin, je re-baptise mon vaisseau et je lui attribue ses deux nouveaux organes de vue.

NAUTIGIRL EST NEE !


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.