Art. 11b – Un AR express en Dominique (seconde partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Lorsque je me réveille deux heures plus tard et que je rejoins les autres dans le cockpit, c’est le « capitaine » qui est à la barre. John et Mac sont autour de lui. Edward lui est absent. Les garçons m’expliquent qu’il y a eu une fuite de diesel. Lors des manipulations du moteur d’il y a quelques heures pour le faire redémarrer, l’un des injecteurs a été abîmé… Un petit trou de la taille d’une tête d’épingle… Il est question de s’arrêter en Martinique pour tenter de faire faire une soudure si Mac n’arrive pas à trouver une solution alternative…

22196468_10154716956560810_628107477914432587_nEdward fait une apparition à 7 heures du matin. Il a dormi toute la nuit sans même s’inquiéter de nous donner un coup de main. Nous n’avons même pas le droit un simple sourire pour nous dire bonjour. Et le pire, c’est qu’il sort du bateau pour se rallonger immédiatement sur une banquette après avoir avaler un semblant de petit déjeuner ! Incroyable !!!

La journée s’écoule doucement. Nous passons les uns derrière les autres à la barre – sauf Edward, bien entendu, qui ne fait toujours rien à part dormir en prenant tout une banquette dans le cockpit… Il m’agace d’autant plus qu’avec le vent, son tee-shirt se soulève régulièrement exposant sa bonne bedaine aux regards de tous et que je me passerait bien de ce spectacle ! Dire qu’à moi, on m’a demandé de m’habiller « modestement » et qu’à lui, on le lui dit rien… Ben voyons…

Nouveau rebondissement ce dimanche à 14 heures ! Cette fois-ci, on a de l’eau plein la cale en plus du diesel. Mac est de nouveau sur le coup. Il est impressionnant, je trouve ! Et d’un, il est pasteur et je n’aurais jamais imaginé qu’un pasteur puisse ainsi mettre les mains dans la graisse, et de deux, il n’est pas navigateur à la base et depuis le départ, il a passé quelques heures le nez dans les effluves du moteur au ponton, comme en navigation, sans jamais se plaindre s’il avait quelques nausées ! On met la pompe de cale en route et pour aller plus vite, on rajoute la petite qui nous a servi à vider le réservoir de diesel précédemment… Je goûte l’eau à la sortie du tuyau qui se déverse dans la mer : c’est un mélange de gasoil et d’eau de mer… Je prends la barre et John et Mac partent à la recherche de l’origine de l’entrée de l’eau salée. Ils vérifient d’abord que ce n’est pas le presse-étoupe(*). S’il s’agit de cela, c’est une catastrophe, cela signifierait que de l’eau entre directement par là où l’arbre rentre dans la coque du bateau. Heureusement, ce n’est pas ça, c’est « juste » le tuyau d’arrivée d’eau de mer de l’évier de la cuisine qui a cassé, il a suffit de fermer la vanne pour régler le problème. Un petit coup de pompe (on commence à avoir l’habitude) et c’est reparti ! Pete n’a même pas eu le temps de réaliser ce qu’il était en train de se passer pendant qu’il se reposait dans le cockpit !

Edward est reparti se coucher dans la cabine arrière à la demande de John qui lui a fait comprendre que seules les personnes actives avaient le droit d’occuper le cockpit. Il libère donc enfin une banquette entière ! Tant mieux ! Qu’est-ce qu’il peut m’agacer celui-là ! Dire qu’il s’est fait passer pour un as et qu’il a menti ! Un pasteur ! Et en plus, dès qu’il peut étaler un peu de culture, il fait comme avec la confiture, il l’étale, il l’étale, il l’étale et tant pis s’il s’agit de conneries… A la limite, il reconnaitrait ne rien y savoir en navigation et il chercherait à nous aider en nous préparant à manger par exemple, ça le ferait, mais il est de tellement mauvaise fois que même lorsque je lui suggère très fortement qu’il serait extrêmement sympathique qu’il nous sorte du placard un bout de pain et quelques petits trucs à mettre dessus, il n’exécute que la moitié de la tâche sous prétexte « qu’il n’a pas trouvé le reste »… Hum, ce gars n’a pas l’air bien motivé dans la vie, heureusement pour lui qu’il a trouvé une « voie »…

La nuit tombe. Mac, à force de trifouiller dans le moteur, a trouvé une solution qui nous évitera un stop en Martinique donc on passe loin de sa côte. Les vagues sont hautes dans le canal entre la Martinique et la Dominique. Certaines déferlent et éclaboussent le pont. Je rentre un instant à l’intérieur, ma frontale sur le front. Je m’aperçois avec surprise que certains cartons sont mouillés et que mon téléphone que j’ai posé exprès dans un petit compartiment de la table nage dans un bon centimètre d’eau ! Mon nouveau téléphone qui a trois semaines à peine !!!! Celui-là même qui a remplacé mon défunt premier smartphone qui a fini sa vie au fond de la marina du Marin… Moi qui l’avait posé exprès là pour éviter qu’il tombe ou qu’il prenne l’eau, c’est raté !!! Et tout ça à cause de quelqu’un (personne n’a voulu se dénoncer) qui a mal fermé un des hublots du pont !!! Scrogneugneu !!!! Il va me coûter cher cet aller-retour en Dominique…

Le canal est traversé et nous approchons la côte sous le vent de la Dominique. Le moteur a accepté de redémarrer grâce à Mac surnommé « Mac Gyver » par John et heureusement car sinon le trajet nous demanderait quelques heures de plus vu le faible vent ressenti sous la côte…

Après m’être reposée un peu, je reprends la barre de minuit jusqu’à 3h45. Nous longeons doucement la côte et, autour de moi, tout le monde dort, épuisé. Nous sommes proches de la ville de Roseau, la capitale de la Dominique. Des rumeurs sur le net parlent de pirates qui détroussent les voiliers tentant d’apporter de l’aide. Je reste donc attentive à toute lumière ou bateau suspect autour de nous.

Pete prend ma relève à la barre et je m’endors dans le cockpit à côté de lui. A 5h30, il me réveille de nouveau pour le remplacer. Nous sommes devant Portsmouth, l’autre grande ville de la Dominique, et il faut qu’on attende le grand jour pour rentrer dans la baie. J’envoie Pete à moitié paître. Pourquoi moi encore ? Il n’a qu’à demander à Edward de surveiller un peu ce qu’il se passe ! Il y a peu de vent, le moteur tourne, il ne peut pas faire beaucoup de bêtises… Et je referme les yeux…

Je me réveille au son d’une bouteille en plastique qui tombe à côté de moi. John et Mac sont réveillés. C’est John qui m’a lancé la bouteille. Ils se moquent gentiment d’Edward qui fait faire des zigzag au voilier sur une eau plate pourtant comme un lac. Et celui-ci demande d’ailleurs rapidement à John de le remplacer car soit-disant « les vagues le poussent sur la côte » !?!? Quel navigateur vraiment, jusqu’au bout il aura joué le boulet…

Nous entamons enfin notre entrée dans la baie de Portsmouth. Le spectacle est impressionnant : les reliefs de l’île montrent des arbres nus comme s’il s’agissait de l’automne en France sauf qu’ici c’est le vent qui a arraché les feuilles et pas le froid qui les a fait tomber. De nombreuses habitations montrent des toits arrachés en partie ou totalement. Les tôles sont maintenant dans l’eau tout le long de la côte. Des bateaux sont échoués ici et là. D’autres, à flot, montrent des blessures flagrantes…

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Nous arrimons le bateau au quai et nous débarquons heureux de pouvoir se dégourdir les jambes et pressés de débarquer les marchandises. Edward, le boulet, arrive tout de même à trébucher en sortant du bateau ! J’ai même cru un instant qu’il allait finir entre le quai et la coque… Jusqu’au bout vraiment, il se sera montré en-dessous de tout…

22154716_10154716957905810_6365271551503893338_nLa première étape, c’est la douane afin de faire les formalités d’entrée. Leur entrepôt a été soufflé, il ne reste que les murs. Leur bureau n’a plus de toit. Les douaniers sont donc contraints de faire remplir les papiers dans leur 4×4. Ils nous autorisent à débarquer les vivres. Une camionnette conduite par des paroissiens appartenant aux églises en lien avec l’opération arrive. Et une chaîne humaine se forme pour y transférer les marchandises.

Des parents de la famille de John viennent nous retrouver sur le ponton, notamment Mike, un vrai rasta man ! Il a le physique d’un rugbyman avec des rasta. Il explique avoir tout perdu : sa maison et son bateau qu’il venait à peine de finir de retaper. Mais il garde le sourire car il est en vie et que sa famille va bien. Et d’ailleurs, il n’est pas le seul à réagir comme cela. En effet, les dominicains que je rencontre gardent le sourire malgré les circonstances. Ils ont tout perdu mais ils sont en vie et c’est cela qui compte à leurs yeux !!!

Je retrouve sur le ponton un autre rasta man d’un physique plus « classique » va-t-on dire. C’est Yellow. Il est sûre de m’avoir déjà croisée quelque part… En Martinique d’après lui… Et je me rappelle, oui !!! A la station à essence : il était venu discuter quelques minutes avec moi après m’avoir vu remplir des bidons de gasoil et d’essence et les transférer toute seule du ponton à mon petit dinghy. Il avait semblé surpris de savoir que j’étais seule à gérer mon voilier et m’avait fait un petit numéro de charme à l’effet, euh…, tout relatif dirons-nous !

John et moi, nous laissons les pasteurs et les paroissiens traiter leurs affaires et nous suivons Yellow qui nous promet de nous aider à trouver une bière quelque part. Je pars avec une bouteille d’eau encore fraîche grâce à l’énorme glacière remplie de glace que nous traînons sur le pont du bateau (le frigo du bord ne fonctionnant pas). On me fait rapidement comprendre que me balader avec cette belle eau glacée n’est pas une bonne idée ici… Il n’y a pas d’eau courante. L’électricité est coupée depuis presque deux semaines, la simple idée d’une gorgée d’eau glacée pourrait donner de mauvaises idées à certains paraît-ils… Je la laisse à des membres de la famille de John que nous croisons sur la route.

Les rues sont quasiment désertes. Elles sont jonchées de détritus divers dont les plus gros ont repoussés sur le côté. Nous enjambons des câbles électriques tombés à terre. Nous passons à côté de poteaux pouvant concourir avec la tour de Pise. Les magasins sont fermés forcément. La vie est loin d’avoir repris son cours normal en deux semaines.

Yellow nous emmène dans une petite gargote qui a encore des réserves de bières, dont le réfrigérateur fonctionne grâce à un générateur et qui pratique des prix normaux ! Nous dégustons avec délice quelques bières bien méritées debout à l’extérieur du bar bondé avec vue directe sur les dégâts aux alentours…

P1040466Yellow nous emmène ensuite dans un autre endroit qui est l’un des seuls en mesure de proposer un plat chaud. Attention, ce n’est pas un restaurant, ni un bar… non, non, une sorte de minuscule magasin, l’un des très rares déjà ouverts, avec un comptoir et qui vend également quelques produits de première nécessité. Pas le choix bien évidemment, aujourd’hui c’est coquillettes et ribs. John et moi partageons l’assiette en plastique. C’est bizarre, il me laisse la plus grosse partie des ribs… Et je me demande pourquoi il demande avec tant d’insistance à la vendeuse ce que c’est comme viande ? C’est vrai que ce sont de toutes petites ribs mais je m’en fous, j’ai faim et on a mangé essentiellement du pain avec de la confiture et du beurre de cacahuète depuis qu’on est parti (note pour plus tard : ne pas laisser les pasteurs s’occuper de la bouffe à bord !!!). Les os sont bien moins gros que d’habitude mais c’est bon, super bon même… La femme refuse de lui répondre, bizarre. Elle dit qu’elle ne sait pas… Nous sortons du magasin et c’est seulement à ce moment là que John m’avoue qu’il pense que c’est du chien… « Du chien ? Comment ça du chien ? » Il me regarde l’air étonné : « T’as pas remarqué la taille des os ? T’as déjà vu des ribs si petites ? Et comment tu crois qu’ils ont eu de la viande dans les conditions actuelles ? »… Décidément, je suis bien naïve… Alors si c’est du chien, euh…, ben j’ai quand même trouvé ça bon…

Yellow nous raccompagne près du ponton où est arrimé le bateau. Nous y rencontrons d’autres membres de la famille de John. Charles, l’un de ses cousins, et Deb sa fille. Cette dernière nous emmène faire un tour en voiture dans les environs après que nous ayons négocié un peu d’essence. A l’heure actuelle, ils limitent tous les déplacements car le carburant est vendu au compte-goutte à certains endroits seulement.

Avec Deb comme chauffeur, nous traversons la ville de Portsmouth et nous longeons ensuite la route en bord de mer en direction de l’autre principale ville, Roseau. C’est une succession de paysages de désolation. Dans les villes, ce sont des toitures manquantes, des poteaux électriques tombés à terre ou faisant concurrence à la tour de Pise, de nombreux câbles électriques ou téléphonique jonchant le sol. Tous les magasins sont fermés bien évidemment à part quelques très rares endroits où l’on croise un peu de vie…

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Roseau, au sud de l’île, a priori, a été plus durement touchée que Portsmouth, au nord. Les rues du centre-ville ont été désencombrées, on va dire, et de part et d’autre de chacune d’entre elles, il y a un monticule de terre et de débris divers montrant l’énorme quantité de boue qui s’est déversée dans la ville, la dévastant. Les murs sont encore marqués et on peut aisément voir jusqu’où l’eau est montée au cours du passage de l’ouragan. Les rares passants que l’on croise portent tous des masques pour protéger leurs voies respiratoires. J’apprendrais d’ailleurs, dans les jours suivants, que de nombreux Dominicains, souffrent de problèmes respiratoires sévères suite à tout ce qui a volé dans l’air durant et après le cyclone.

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Nous n’avions pas emmené d’eau potable pensant qu’avec les nombreuses sources de la Dominique, les gens ne manqueraient pas d’eau là bas. Hé bien, non… Impossible de boire l’eau juste après un cyclone en raison des animaux morts qui traînent dans les cours d’eau, des arbres qui sont tombés dedans, l’amoncellement de débris divers la rend impropre à la consommation, quand les canalisations n’ont pas été détruites bien évidemment ! Ce problème d’eau cause des problèmes de diarrhées en plus des problèmes respiratoires… L’eau des inondations favorisent la pullulation des moustiques et tout le lot de maladies qu’ils peuvent transmettre du genre dengue, zika ou chikungunya… L’eau stagnante et les débris qui ne peuvent pas être retirés de suite attire également les rats dont la pisse peut donner la leptospirose… Et la proximité des personnes qui ont trouvé refuge chez les uns ou les autres après que leur maison ait été détruite favorisent la transmission de ces maladies…

Dans ce contexte particulier, se rajoutent les faits que l’hôpital a été détruit, la fac de médecine a été vidée, les professeurs ayant fui l’île et les apprentis médecins étant partis finir leurs études dans une autre île… Pas le choix, ici, il n’y a plus rien. Je prends meilleure conscience de ce que signifie le passage d’un cyclone sur une île. C’est une chose de voir des photos ou des reportages, c’est autre chose de voir les faits par soi-même ! Les blessés et malades sont laissés à eux-mêmes… Je prends conscience de l’ampleur des dégâts et du temps qu’il faudra à la Dominique pour se relever. Ce n’est pas une question de semaines ou de mois, mais d’années véritablement… Si peu de temps après le passage du cyclone, ils manquent de tout : nourriture, produits d’hygiène de base, générateurs, dessalinisateurs mais aussi matériaux de reconstruction…

Nous rentrons doucement en direction de la baie de Portsmouth. Nous rejoignons les pasteurs sur le quai auquel le bateau est apponté. Il est question de ramener une famille à Saint Vincent. John s’en mêle. Il ne veut pas trop de monde à bord et il compte également ramener sa nièce à bord pour l’héberger à Bequia et l’aider à trouver du travail pour qu’elle puisse aider sa famille ici. La discussion s’enflamme un peu. John rumine… Il s’éloigne un instant. J’en profite pour lui soumettre l’idée que, s’il s’agit d’une question de nombre de personnes et de poids, euh… comment dire… pourquoi ne pas laisser sur place Edward qui s’était révélé un bon poids mort durant tout l’aller ? Je vois le visage de John s’éclairer. Visiblement, mon idée le réjouit ! Il retourne négocier. Quelques minutes plus tard, il revient tout sourire. Demain matin, nous embarquons deux femmes et deux enfants que nous déposerons à Saint-Vincent où ils ont de la famille ainsi que Donna, sa cousine. Edward reste à terre, il se débrouille de son côté… Nous ne posons aucune question. Ce soir là donc, nous ne sommes plus que quatre à dormir sur le bateau. Edward a préparé ses affaires et est parti rapidement.

Mac en profite pour se lâcher un peu sur son compte. Il nous raconte que la nuit précédente, alors qu’il dormait dans la cabine avant, après avoir assuré son quart, il a entendu Edward allait aux toilettes toute proches. Il n’a pas pu s’empêcher de se demander comment Edward pouvait se faufiler dedans et réussir à fermer la porte derrière lui (c’était déjà limite pour moi, alors lui….). Et après que celui-ci ait fini sa petite affaire, il n’a rien trouvé de mieux que d’aller s’allonger à côté de Mac dans la cabine avant au lieu de repartir à l’arrière et le laisser tranquille… Du coup Mac a été incapable de se rendormir et est parti nous rejoindre dans le cockpit plus rapidement qu’il ne l’escomptait…

Le lendemain matin, je fais une petite toilette de chat après avoir sauté dans l’eau pour me réveiller. Peu après, habillée, dans l’attente de voir arriver nos « invités », je me penche un instant au-dessus des filières pour observer une grosse branche qui est passée sous le ponton et qui me semble un peu trop proche de la coque et là, j’ai dû faire un faux mouvement… En un instant, je sens une forte douleur dans mon cou, et j’ai l’impression de ne plus pouvoir le maintenir en place, je m’accroupis comme je peux en me tenant la tête entre les mains… Il faut que les autres m’aident à m’allonger dans le cockpit tout en m’aidant à soutenir ma tête… Je me suis coincée un nerf ou je ne sais pas… Je réfléchis à toute allure : je suis sur une île qui vient d’être dévastée par un cyclone, il n’y a aucune structure médicale debout, aucun médecin, encore moins de chiropracteurs ou d’ostéopathes et je ne peux pas bouger. Ce n’est pas un torticolis, je n’ai pas juste mal quand je bouge, je ne peux pas soutenir ma tête !!! Dans trente minutes, les personnes que nous attendons vont arriver et je devrais soit débarquer du bateau, soit y rester si tout se remet en place. Je désespère… Charles, le père de Deb, passe nous voir au bateau. Il découvre mon état et fait un aller et retour chez lui pour me ramener un spray chauffant magique ! De toute manière, je n’ai pas le choix… A son retour, Pete m’aide à me relever et m’en enduit le cou et la base des épaules. J’ai même le droit à un rapide massage de sa part, un massage d’un pasteur ! Hahahah ! Je me rallonge. Le produit chauffe, je ne sens pas d’évolution particulière. J’attends… Les minutes passent… Mais doucement, les choses évoluent. Je finis, toujours avec de l’aide, par me redresser et j’arrive à maintenir ma tête sans utiliser mes mains. Cette fois-ci, ça n’a plus l’air que d’un vilain torticolis… Ça va être dur pour les manœuvres mais au moins, je peux bouger sur le bateau… Non mais, quelle histoire !!!

Peu de temps après, nos « invités » arrivent. Une maman et ses trois enfants, ainsi que leur grand-mère. Donna les suit de près. Tout le monde embarque, trouve sa place et nous mettons les voiles. Enfin, on essaye… Je vois avec surprise Mac et Pete tenter de lever la grand-voile alors que nous sommes vent arrière et pas face au vent… Que dire… Il semble que Pete ait oublié certains trucs élémentaires de son lourd passé de voileux… Bref, après ce petit couac, nous mettons les voiles en direction de Saint-Vincent où nous allons déposer la petite famille ainsi que Pete qui vit là bas.

En longeant la côte sous le vent de la Dominique, de plein jour cette fois-ci, nous réalisons que nous avons eu de la chance lors de notre arrivée de nuit. Nous croisons plusieurs fois de gros troncs d’arbres qui, en cas de collision, seraient susceptibles de faire pas mal de dégâts sur la coque…

Le retour se fait rapidement. Toute la petite famille est très cool et se fait discrète l’essentiel du voyage. Cette fois-ci, pas de couac. En tout cas, pas avant de rejoindre la petite marina au sud de l’île de Saint-Vincent. Nous y entrons au petit matin. Et là, à peine l’entrée dépassée, le bateau est stoppé par un banc de sable… Il s’avère que le chenal qui mène aux pontons un peu plus loin est relativement étroit et qu’il faut presque frôler les voiliers amarrés aux premières bouées près des balises signalant l’entrée du chenal… Bref, branle-bas le combat à bord ! John tente la marche arrière toute, sans succès… Le bateau ne bronche pas. Après 10 minutes de manœuvres variées au moteur, il invite toutes les personnes à bord à sortir et à se poster le plus à l’avant possible pour soulager l’arrière du bateau. Et nous voilà tous servant de contrepoids à l’avant sous le regard narquois de quelques spectateurs au mouillage. Enfin, le bateau accepte de bouger et nous atteignons enfin les pontons.

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Nous débarquons femmes et enfants ainsi que Pete qui vit également sur l’île. Après des au revoir chaleureux, le reste de la trouve, à savoir John, Mac, Donna et moi, rejoignons Bequia, cette fois-ci, sans aucune encombre…

Donna s’est par la suite installée dans la chambre d’ami de John quelques jours. Au cours de cette période, nous avons vécu un fort orage. Pour ma part, c’était les coups de tonnerre les plus violents que j’ai entendu de ma vie, c’est vous dire ! Et bien, Donna m’a raconté avoir passé sa nuit à courir entre sa chambre et la salle de bain car elle avait eu l’impression qu’un nouvel ouragan s’abattait sur elle. Les éclairs, les coups de tonnerre, tout était similaire à ce qu’elle avait vécu pour Maria. Elle avait donc passé la majorité de sa nuit, accroupie dans la salle de bain, la seule pièce assez rassurante pour elle avec ses murs tout autour sans fenêtre, son sac dans ses bras… Je vous laisse imaginer le traumatisme que ces personnes ont vécu… Elle est repartie pour la Dominique quelques jours après seulement pour rejoindre son père tombé malade d’une maladie respiratoire infectieuse. Elle n’avait pas le cœur à le laisser se débrouiller tout seul… Et depuis pas de nouvelles, la Dominique n’ayant toujours pas pu remettre son réseau de communication en était de marche…


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

Presse-étoupe : pièce garnie d’un joint assurant l’étanchéité de l’arbre de transmission. En gros (en très gros), l’hélice est fixé sur un tube (l’arbre) qui rentre dans la coque du bateau et c’est ce fameux presse-étoupe qui permet de ne pas couler par cet endroit.

Art. 10b – Maria (seconde partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

En attendant que Pierre arrive, je tente de commencer à remonter l’ancre. C’est peine perdue ! Entre les vagues qui semblent sur le point de déferler, le vent et la coque qui ne prend pas la houle de face, même avec le pilote automatique en place et l’appui du moteur, je n’y arrive pas. Trop de tension dans la chaîne ! Je manque même m’y coincer les doigts à un moment et un pied ensuite… Ne manquerait plus que ça que je me blesse…

Heureusement, Pierre arrive rapidement. Il monte à bord tant bien que mal et pilote le bateau en suivant les instructions que je lui donne. Il faut qu’il fasse avancer le bateau à vitesse réduite en suivant la direction de la chaîne afin d’en diminuer la tension. Petit à petit, j’arrive à la remonter malgré les creux et les rafales de vent… Je sens enfin l’ancre qui se libère. Il ne reste plus qu’à tirer un bon coup sec pour faire monter l’ancre dans le davier(*)

Merde !! J’ai dû y aller avec un peu trop d’entrain et la houle aidant, la chaîne a sauté hors du davier et s’est coincée entre le bas de l’enrouleur(*) du génois et le davier lui-même… J’ai beau tirer dessus de toutes mes forces, rien n’y fait ! Il faut pourtant que j’y arrive si je veux ancrer ailleurs ! De plus, avec les creux que nous subissons dans le mouillage, la tête de l’ancre n’arrête pas de cogner sur la coque, d’y rebondir, pour mieux cogner une nouvelle fois dessus… Maudite chaîne ! Putain !!! C’est pas le moment de faire chier !!!

Je remplace Pierre à la barre qui tente sa chance pour débloquer la chaîne. Sans succès… Il me suggère d’utiliser un gros tournevis pour m’en servir de levier et il récupère la barre. Je fonce à l’intérieur, me saisit d’un outil de bonne taille et retourne à l’avant tout en me cramponnant où je peux. Après quelques essais infructueux, j’arrive à dégager la chaine du tunnel étroit dans lequel elle s’est fichée. Je termine de remonter l’ancre et la fixe solidement de manière à l’empêcher de taper la coque.

Nous faisons un grand tour dans le mouillage pour que j’arrive à décider où je peux m’installer. Ici, trop près des cailloux. Là, trop près d’autres bateaux, si je dérape… Là ! J’aperçois une grosse bouée rose et bleue dont l’enveloppe extérieure semble en mauvais état mais vu sa taille, dans mon esprit, ça signifie « gros corps mort ». Pierre fait la manoeuvre d’approche, je me saisis de la bouée et attache à son anneau deux amarres. Dans la foulée, je plonge avec un masque pour voir si je peux fixer une autre amarre directement sur la chaine qui doit la lier au corps mort. Il y a 10 mètres de fond, en apnée, je n’y arriverais pas mais je peux atteindre 5 à 7 mètres sans trop de souci. Je longe la corde à laquelle la bouée est attachée. Je sonde mais je ne vois aucune chaine, juste de la corde. L’eau est sombre, je ne peux pas voir le corps mort en lui même. Le bout en tout cas est très épais et à l’air en bon état. Je décide de lui faire confiance. Je remonte sur Nautigirl, finis d’ajuster la longueur de mes amarres et laisse Pierre s’éloigner dans son annexe.

Je suis heureuse d’avoir trouvé ce nouveau spot. J’ai bien un bateau pas très loin du mien qu’il va falloir que je surveille. Si le vent tourne dans une certaine direction, j’ai peur que le cul de Nautigirl frôle son avant mais bon, normalement, ça devrait bien se passer.

Je profite du reste de la journée pour rattraper un peu de sommeil perdu. Je vois les autres voiliers jouer aux montagnes russes un peu plus loin. Décidément, comparé à eux, c’est bien plus raisonnable ici la taille de la houle… Dans l’après-midi, je tente une escapade à terre pour faire mes formalités d’entrée. Mais je réalise que les accès à terre sont impraticables tellement la houle est forte ! Je fais donc demi-tour et remonte sur le bateau. Le calme relatif de mon mouillage me permet de m’octroyer le plaisir de me mettre un petit film sans craindre de faire tomber l’ordinateur de la table à la prochaine vague…

La nuit est tombée. Tout en regardant mon film, je jette parfois un coup d’œil dehors et je vois le nez de mon annexe être régulièrement propulsé en l’air par la houle. Si je laisse les choses ainsi, j’ai peur de retrouver l’annexe cul par dessus tête, moteur noyé. Je décide alors de l’attacher à couple(*) avec Nautigirl. J’attache un premier pare-battage(*) à la filière de manière à ce qu’il soit à la hauteur du boudin de l’annexe. Je fais mon noeud de cabestan habituel… enfin, je le crois. J’ai le second en main et je suis sur le point de l’attacher lorsque je réalise que le premier s’est fait la malle ?!? Je le vois passer au cul de Nautigirl, puis commencer à prendre la poudre d’escampette. « Ha, non !!! ». Je saisis le bout par lequel l’annexe est attaché à l’arrière du voilier, la rapproche, saute dedans, me casse la figure, me relève et m’étend tout de mon long sur le boudin pour atteindre le fuyard !!! Juste à temps !!! Et sans tomber dans l’eau !!! Je remonte dans le cockpit du bateau et je rattache le pare-battage en veillant à ce que le noeud tienne… Je n’ai aucune idée de ce que j’ai mal fait dans le précédent noeud… J’attache deux autres pare-battages puis rapproche l’annexe de manière à la mettre parallèle au bateau, les pare-battages comme remparts. Un bout à l’avant attaché à un chandelier(*) et un bout à l’arrière attaché au taquet(*). Mais ça ne suffit pas à stabiliser l’embarcation. J’ai alors l’idée d’attacher le moteur à mon portique(*) pour soulager un peu de poids sur l’arrière et éviter ces bonds intempestifs… Je teste… Mauvaise idée, je vais finir par arracher le moteur du tableau arrière et le noyer… Ou arracher tout simplement le tableau arrière… Pas le choix, il va falloir que je remonte le hors bord sur Nautigirl si je veux dormir sereinement…

Je donne un peu de mou au dinghy pour que l’arrière se rapproche de l’échelle de bain de Nautigirl au-dessus de laquelle pend le palan fait maison. J’accroche celui-ci à la tête du hors-bord et je saute dans l’annexe pour dévisser les attaches du moteur. Je remonte sur le voilier et commence à hisser le moteur. Bien évidemment, les mouvements du bateau ne rendent pas la tâche facile. Du coup, je hisse en une seule fois et à bout de bras le hors-bord pour l’accrocher d’un unique geste à sa chaise(*) qui l’attend sagement sur le balcon(*). Mais en le saisissant, je fais une fausse manœuvre et fait pivoter les mâchoires censées se fixer sur la chaise. Purée !!! c’est pas le moment ! Avec un équilibre précaire, j’ai peur de glisser dans l’eau et d’entrainer le moteur ou de me blesser dans la manoeuvre. J’arrive néanmoins à changer de position et à réaligner les mâchoires pour qu’elles s’encastrent sur la chaise. Vite, je visse les attaches pour le sécuriser… Un problème de réglé !!! Tant pis si l’annexe se retourne maintenant qu’elle traîne de nouveau derrière le bateau. Au moins, le moteur sera sain et sauf !

Je finis mon film. Les VHF fixe et portable sont toujours allumées. J’entends parfois quelques commentaires sur la météo sur le canal VHF 69 que je partage avec Pierre et d’autres navigateurs que je ne connais pas. Il paraît que MARIA est passée catégorie 4 à 18h et que son centre toucherait plutôt la zone Guadeloupe/Saintes… Moi qui en était restée à catégorie 1 ou 2 sur la Martinique, ça a bien évolué… J’entends d’ailleurs des plaintes sur les ancres qui ne tiennent pas, sur la houle énorme que nous subissons tous. Certains comptent d’ores et déjà ne pas fermer l’œil de la nuit… Je n’arrive pas à capter le Wifi de la Marina et je ne suis pas la seule dans le cas. Et hors de question d’utiliser ma 3G, à 18 EUR le méga-octet à l’étranger, je vais faire exploser le compteur… Du coup, je tends l’oreille à chaque information utilise. D’ailleurs, quelqu’un qui a réussi à chopper du Wifi nous fait généreusement part sur la VHF du dernier point météo dont il a pris connaissance.

Je me couche ultra tôt… J’entrouvre un œil vers minuit et plus par hasard que par acquis de conscience, je jette un coup d’œil dehors. Et là, à ma grande surprise, je vois que Nautigirl et le petit bateau que j’avais repéré bien plus tôt sont presque à couple… Encore un mètre et je pourrais quasiment grimper dessus !!! J’essaie de réfléchir rapidement tout en mettant des pare-battages par sécurité sur le bord côté collision… Le vent a tourné ? Oui mais c’est pas ça… Son ancre s’est décroché et le bateau a glissé ? Impossible vu la position initiale des deux bateaux. Seule conclusion possible : Nautigirl est trop lourde pour le corps mort actuel et vues les conditions actuelles de houle et de vent, ça a tiré tellement fort sur la bouée que c’est moi qui est glissé sur mon voisin !!!
Je bondis à l’intérieur pour démarrer le moteur. Je choppe au passage un gros projecteur et je fonce à l’avant pour me libérer de la bouée. Les amarres me résistent. Je tire comme une folle sur elles pour qu’elles coulissent dans l’anneau de la bouée et que je puisse les récupérer. Sitôt que c’est fait, je fonce à l’arrière prendre la barre et je jette les amarres en vrac dans le cockpit. Merde !!! J’ai oublié que j’avais attaché la barre avec une corde pour éviter qu’elle bouge avec la houle. Dans le stress du moment, je perds encore quelques précieuses secondes à défaire le noeud. Enfin, je peux lancer la marche avant et m’éloigner du voisin avant même de l’effleurer ! Oufff ! Je vérifie que mon annexe me suit bien attachée à l’arrière de Nautigirl.

Résumé de la situation… Il est minuit, c’est la nuit du lundi 18 au mardi 19 septembre, au moment où le cyclone est censé passer sur les îles un peu plus au nord, donc houle maximale et bonnes rafales de vent entre 30 et 35 nœuds… Il fait nuit noire. Je n’y vois pas grand chose. Et il faut que je trouve d’urgence un autre endroit où mouiller ou une autre bouée… J’ai le projecteur au bout d’une main, la barre dans l’autre, je gère la puissance du moteur avec le pied sur la manette et j’essaie de garder mon équilibre avec des creux importants… J’ai des bateaux tout autour de moi, certains avec leur feux de mouillage et d’autre non…Bref, je suis dans la merde !!!

Je tente un appel à l’aide en français sur la VHF canal 16. Si quelqu’un est dans le coin et peut venir m’aider, j’apprécierai car j’ai du mal à tout gérer toute seule !!! Pas une seule réponse… Soit ils dorment, soit ils ont eux même leur propre bateau à gérer et mettre une annexe à l’eau dans ces conditions là, ça paraît relever d’un numéro de cirque, soit ils ont éteint leur VHF… M’enfin… le résultat est le même : il va falloir que je me débrouille toute seule…

Je commence mon petit tour d’inspection du mouillage. Je balaye la zone avec le projecteur à la recherche d’un endroit protégé. Je cherche un espace assez grand pour tenter de m’ancrer sans craindre que le vent ou la houle me pousse vers un autre bateau. J’en repère un avec une profondeur réduite… Je me place face au vent, réduit la puissance du moteur au maximum et file à l’avant en abandonnant la barre. Je jette presque le projecteur sur le pont en faisant attention à ce qu’il ne passe pas par dessus bord pour m’occuper de l’ancre. Vite je la balance à l’eau et laisse glisser 20 mètres de chaîne. Je fais le tour du taquet pour la sécuriser un moment le temps de la voir se tendre. Et puis je rebalance 10 mètres de plus. Je reprends le projecteur et file à l’arrière. Je mets le moteur en marche arrière pour tenter de planter l’ancre définitivement. Malheur ! Le bateau ne cesse de reculer. Elle n’a rien accroché du tout l’ancre !! Je vois le catamaran derrière moi se rapprocher. J’ai peur de le heurter si je me rapproche encore… Je ne réfléchis pas et décide de remonter l’ancre avant qu’il ne soit trop tard. Le pilote automatique maintient la barre à peu près droite. Moteur en puissance réduire en marche avant. Et retour à l’avant. Je remonte péniblement l’ancre. J’ai les bras en feu mais le stress m’aide à lutter contre les éléments. Coûte que coûte, il faut que je la remonte cette satanée ancre ! 20m… encore 10m… là il faut aller vite car le bateau est poussé par le vent et la houle vers mon voisin de derrière. Enfin je vois la tête de l’ancre sortir de l’eau que je laisse pendre au ras de l’eau pour gagner un peu de temps au prochain essai. Je bondis à l’arrière. Marche avant toute ! Un regard en arrière pour vérifier que mon annexe ne s’est pas faite la malle… Et je m’éloigne…

J’entends l’ancre taper sur la coque à l’avant. Merde ! J’espère que ça ne va pas percer la coque ! Mauvaise idée… Mais c’est trop tard… Je suis au milieu des bateaux, c’est pas le moment de lâcher la barre… J’y vois pas grand chose en plus…

Finalement, une bouée, c’est peut être plus sécurisant. J’en repère une avec des autocollants fluo. Un peu étrange cette bouée… Je tente de m’approcher une première fois. Ma lampe l’éclaire. Je vois une sorte d’énorme masse de cordes formant une sorte de boule informe juste à côté de la bouée mais pas de boucle à saisir pour pouvoir passer une amarre. Je refais un tour à côté… Je tente à l’aveugle de la saisir par en dessous avec ma gaffe…. Gaffe de merde !!! C’est une gaffe télescopique dont je pensais avoir bloqué le manche à une longueur déterminée… mais sous la pression du bateau et de la bouée tirant dans deux directions opposées, elle s’allonge sans m’autoriser à saisir quoi que ce soit… Je la balance sur le pont et file de nouveau à la barre… Nouveau tour et nouvel essai… J’essaie de me rapprocher le plus près possible de la bouée mais je reste sous son vent… En théorie, ce n’est pas la chose à faire mais j’ai peur en passer au vent de la bouée d’être poussée dessus et que quelque chose passe dans mon hélice et s’y coince ou que la bouée passe entre Nautigirl et mon annexe et ne brise le lien qui les réunit…

Et là… Catastrophe ! Je crois que si j’avais voulu le faire, je n’aurais pas réussi volontairement… La pointe de mon ancre est passée sous la bouée et l’a accrochée ! Je vois la bouée faire des tours sur elle-même entraînant mon ancre dans le même mouvement… Un instant, je me dis que cela va peut être m’aider à saisir la bouée mais je ne vois rien dont je pourrais me saisir… Aucune boucle, aucune accroche possible sur et autour de la bouée… Ou il faudrait que je me jette à l’eau avec masque et lampe étanche pour chopper ce à quoi je pourrais accrocher une amarre. Or, je suis seule à bord… Et si jamais je saute à l’eau et que l’ancre se décroche, ça va être une partie de bowling dans le mouillage et je risque un bon score… Je panique un instant. Je suis fatiguée… Stressée… J’ai juste envie de pouvoir me reposer. Dire « pouce » pour avoir un moment de calme… Un instant je me dis que si ça se trouve ça va tenir comme ça toute la nuit. J’aimerai… Mais à voir la bouée danser sur elle-même comme une toupie, j’y crois peu… Je décide de relâcher un peu de chaîne espérant ainsi qu’en atténuant la tension, ça permettra à l’ancre de glisser sous la bouée. Miracle ! On vient de se détacher !!! J’en profite pour bloquer l’ancre correctement dans le davier pour éviter une nouvelle mésaventure de cet ordre.

Et je recommence à tourner dans la baie… Un grand tour pour tenter de repérer un bon spot… Je commence à désespérer… Si je pouvais au moins voir clairement ce qu’il se passe ! Un instant la scène s’éclaire. Un éclair… Mais je tournais la tête du mauvais côté à ce moment là. J’espère qu’un autre suivra. Et c’est le cas. Et encore un autre… Mais je n’ai pas le temps d’observer la position des bateaux les uns par rapport aux autres dans la fraction de seconde durant laquelle la lumière apparaît. La pluie s’installe maintenant. Cool… Ne manquait plus que ça… Heureusement, elle est intense mais courte…

Je continue à inspecter le mouillage… Je trace des ronds dans l’eau, le regard fixé sur le sondeur. Normalement, je ne mouille jamais dans plus de 5 ou 6 mètres d’eau, c’est trop de force à déployer lorsqu’on veut remonter le mouillage sinon… Hé bien, pas le choix aujourd’hui, je ne vais pas jouer la difficile…

Je repère un endroit pas loin de bateaux de plongée attachés à des bouées. Les chanceux !!! Dans les parages, il y a 10 mètres d’eau. Acceptable va t-on dire… Et pas trop de voisins. Je fais filer mon ancre… 10m, 20m, 30m… Marche arrière… Merde… je suis en plein dans le chenal emprunté par les ferrys qui font les trajets inter-îles. Je ne peux pas rester là. J’ai pas envie de le faire mais je remonte mon ancre. J’ai mal aux bras… Je n’en peux plus… Mais je veux pouvoir dormir un peu sereine… Je relance le moteur pour faire un nouveau tour… Je vise à nouveau le même spot mais en faisant attention à balancer mon ancre un petit peu plus tôt. Je lâche 40 mètres pour être sûre… Merde ! De nouveau je suis trop dans le passage des ferries. Je regarde ma montre. Il est 2 heures du matin. Je n’en peux plus…. Tant pis… Je décide de laisser Nautigirl où elle est. La VHF est sur le canal 16. Mon AIS(*) est allumée. Si je gêne le passage, ils pourront m’appeler. Et de toute manière, cela m’étonnerait qu’ils commencent à bouger avant que le jour se lève.

Par précaution, je décide de dormir à la belle étoile dans le cockpit(*). C’est une sorte de semi-sommeil car à chaque bruit suspect, j’ouvre l’œil et je vérifie sur l’Ipad que je n’ai pas bougé. Pour se faire, j’ai laissé mon logiciel de navigation ouvert avec la trace de ma route dans le mouillage. Depuis que j’ai ancré, je vois une sorte de gribouillis digne d’un enfant de 5 ans se dessiner autour de mon point d’ancrage… Tant que je ne vois pas une ligne droite partir de cet amas jaune, c’est que je tourne autour de l’ancre, sinon c’est qu’elle chasse…

A 5h30, je me lève et décide, à regret, de quitter ce mouillage. Il a tenu, c’est signe que l’ancre avait accroché cette fois ci ! Mais je ne peux pas gêner le passage des ferrys dont les rotations ne devraient pas tarder à reprendre. Moteur allumé, en marche avant, pilote automatique branché, je reprends ma place à l’avant pour mon premier exercice physique de la journée. Je remonte mon mouillage avec toute l’énergie disponible. Je fais attention à ne pas me coincer un doigt dans le taquet à chaque fois que j’y maintiens un instant la chaîne pour me reposer. C’est dur après la sale nuit que j’ai passé. Mais j’y arrive enfin…

Nouveau tour dans la baie. Un grand tour encore… C’est impressionnant cette houle qui présente de grandes barres parfois. On dirait presque un spot de longboard ! Je veille à ne pas prendre les vagues de côté pour ne pas giter trop fort. Décidément, pas beaucoup de protection, nulle part. Je vois les mâts des bateaux, petits ou grands, jouer les métronomes mal accordés… Je décide de retourner non loin du corps mort de la veille, celui qui s’est déplacé à cause du poids de mon bateau… C’était là où la houle se faisait moins ressentir finalement.

Je repère un endroit, non loin du chenal encore une fois. Juste à côté d’une énorme bouée rouge, plutôt style « barrique » que bouée classique. Elle est faite pour de très gros bateaux. Je regarde le sondeur(*) : 4,5 mètres de profondeur, c’est parfait. De nouveau, j’ancre… 30 mètres, cette fois-ci. Petite marche arrière. Parfait, ça n’a pas l’air de bouger… Je file à l’intérieur me reposer.

10 minutes après, j’entrouvre un œil car j’entends un bruit de chaîne qui me semble anormal. C’est presque devenu un réflexe. Je regarde l’Ipad. Bordel ! C’est quoi ce truc !!! Je vois un long trait jaune dessiné sur l’écran. Je fonce dehors. Effectivement, j’ai dérapé… Alors que la bouée rouge qui me servait de repère était derrière moi tout à l’heure, je la vois plusieurs mètres devant le bateau maintenant… Et ce n’est pas le vent qui a tourné…

Désespérée, j’appelle Pierre à l’aide à la VHF. A cette heure là, il devrait l’avoir rallumé. C’est le cas. Il me répond. Je lui adresse quelques mots rapides : « Aide-moi STP, j’ai changé 3 fois de mouillage, ça tient pas… J’en peux plus… ».

Re-belotte… Moteur en route, marche avant légère, remonter l’ancre puis marche avant toute… Je m’éloigne de l’autre côté du chenal vers le bateau de Pierre que je vois arriver peu de temps après en dinghy. Il a eu du mal à le mettre à l’eau avec la houle… Mais il est là pour m’aider. Il monte à bord et nous laissons son annexe traîner derrière Nautigirl, côte à côte avec la mienne. Lui est en meilleure forme que moi : il repère une bouée non loin de l’endroit où j’ai mouillé durant la nuit. Elle a l’air solide. Nous nous approchons et je m’y amarre après avoir pris soin de ranger mon ancre dans la baille(*) à mouillage. Je suis rassurée : je vais pouvoir dormir sereinement j’espère malgré la houle…

Pierre veut rapidement rejoindre son bord car il y a laissé son fils et sa copine qui ne sont pas navigateurs. Si jamais son mouillage pète, il est seul à pouvoir réagir. Je suis encore en train d’ajuster la longueur de mes amarres quand j’entends un gros PLOUF !!! Mal réveillé et les vagues aidant, il a glissé entre mon échelle et son annexe et vient de prendre un bain matinal. Heureusement, ni téléphone, ni clé perdus dans la bataille. Il le prend avec philosophie. Il remonte dans son annexe et s’éloigne tranquillement.

Moi, je pars me coucher. Enfin… il est 8 heures…. Nous sommes mardi 19 septembre 2017. MARIA est passée dans la nuit non loin de la Martinique mais je n’en sais pas plus en l’absence de réseau internet.

J’apprendrais plus tard qu’effectivement l’ouragan MARIA était passé en catégorie 4 durant la soirée du 18 septembre selon le bulletin de 21 heures UTC(*) du NHC(*), soit 17 heures locales. Ses vents atteignaient alors 215 km/h et son œil était à 75 km à l’est de la Dominique (l’île au nord de la Martinique et au Sud de la Guadeloupe). Sa course a été ralentie lors de son passage sur cette île. L’ouragan s’est ensuite intensifié et il a été réévalué en catégorie 5 avant de frapper le sud-ouest de la Basse-Terre en Guadeloupe vers 2h du matin le 19 septembre. Il a ensuite continué sa route vers le Nord-Ouest touchant de plein fouet Porto-Rico… La Martinique l’a échappé belle… Quelques dommages bien évidemment mais rien de bien méchant en comparaison de la dévastation qu’ont connu certaines îles comme la Dominique ou Porto-Rico… On a eu de la chance, beaucoup de chance… Et moi, j’ai fait le bon choix en décidant de prendre un peu de distance par rapport à MARIA par contre, je ne suis pas sûre d’avoir sélectionné la meilleure option quant au mouillage vu l’orientation de la houle attendue. C’est le métier qui rentre…


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

AIS (Automatic Identification System) : système d’identification automatique et d’anti-collision qui va envoyer des informations sur la position, le cap et la vitesse d’un bateau équipé de l’appareil.

Annexe : petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.

Arpège : modèle mathématique de prévision de Météo France.

Baille à mouillage : soute à l’avant du bateau dans laquelle on range la chaîne et parfois l’ancre elle-même.

Barbuda (se dit aussi « Barbude » en français, à ne pas confondre avec « La Barbade ») : île du Nord des Petites Antilles faisant partie du pays Antigua-et-Barbuda. Barbuda se situe au nord de l’île d’Antigua. La population est d’environ 1.600 habitants.

Balcon : structure métallique à l’avant (et parfois à l’arrière) du bateau.

Bequia : île du Sud des Antilles faisant partie de l’état de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Bequia se situe au sud de l’île de Saint-Vincent. C’est la plus grande île des Grenadines. La population est d’environ 6.000 habitants.

Canal : portion de mer entre deux îles.

Chaise (de moteur) : support sur lequel se fixe l’étrier (l’espèce de mâchoire) d’un moteur hors-bord. Il peut être en bois ou en plastique et permet d’entreposer le moteur verticalement, souvent au niveau du balcon arrière d’un voilier.

Chandelier : rien à voir avec une bougie même si ça peut vaguement y ressembler. Ce sont les barres métalliques verticales fixées tout autour du pont et dans lesquelles passent les filières.

Cockpit : emplacement situé à l’arrière d’un bateau de plaisance, où se tient le barreur.

Couple (à) : mettre à couple deux bateaux, cela veut dire les mettre côte à côte.

Corps-mort : objet pesant, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Davier : pièce métallique fixée à l’étrave (l’avant du bateau) et équipée d’un réa (partie mobile qui tourne sur elle-même comme l’intérieur d’une poulie) afin de guider la chaîne du mouillage. L’ancre elle-même vient s’y encastrer une fois remontée.

Dinghy : annexe en anglais. Les deux mots sont couramment employés pour définir la même chose. Voir la définition d’annexe plus haut.

ECMWF (European Centre for Medium-Range Weather Forecasts) : modèle mathématique de prévision météorologique européen.

Enrouleur : dispositif permettant d’enrouler une voile, soit pour en réduire la surface afin de l’adapter à la force du vent, soit pour la ranger complètement enroulée. L’enrouleur de génois ressemble à un long tube allant du pont quasiment au sommet de mat avec une sorte de bobine de corde à sa base (c’est cette corde qui permet d’enrouler ou de dérouler la voile).

Génois : voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (i.e, le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

GFS (Global Forecast System) : Modèle mathématique de prévision météorologique américain.

Giter : action de s’incliner sur un bord lorsqu’on parle d’un bateau.

Irma : L’ouragan Irma s’est développé du 29 août au 12 septembre 2017. Il est le dixième système tropical de la saison cyclonique 2017 dans l’océan Atlantique nord et le deuxième ouragan majeur, catégorie 5, sur l’échelle de Saffir-Simpson, après l’ouragan Harvey, catégorie 4, survenu une semaine auparavant. Il est un des ouragans les plus puissants enregistré dans l’Atlantique nord depuis Hugo en 1989 et par la vitesse de ses vents soutenus (295 km/h) depuis Allen en 1980. Il est aussi le premier ouragan à rester classé en catégorie 5 pendant une aussi longue période continue. Il a causé des dégâts catastrophiques dans les îles de Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Anguilla et les Iles Vierges, a éprouvé sévèrement la côte nord de Cuba et a obligé la Floride à mettre en place une évacuation de plus de six millions d’habitants.

José : L’ouragan Jose est le onzième système tropical et le troisième ouragan majeur de la saison cyclonique 2017 dans l’océan Atlantique nord. Formé dans la traîné de l’ouragan Irma, à partir d’une onde tropicale sortie de la côte africaine, il s’est intensifié rapidement en arrivant près des Petites Antilles. Menaçant de se propager le long de la même trajectoire que son prédécesseur, Jose a soudainement viré vers le nord et a erré plusieurs jours entre les Bahamas et les Bermudes avant de remonter lentement vers le nord en faisant une courbe entre la côte est des États-Unis et les Bermudes.

Mangrove : écosystème de marais maritime.

NHC (National Hurricane Center) : service américain de suivi de la formation et de l’évolution des ouragans.

Pare-battage : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »).

Portique : structure en inox à l’arrière du voilier permettant de supporter des panneaux solaires par exemple.

Sainte-Lucie (Saint Lucia en anglais) : état insulaire des Antilles situé entre, au sud, les îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au sud-est, la Barbade et au nord, la Martinique.

Sondeur : appareil servant à mesure la profondeur. de l’eau sous le bateau.

Taquet : pièce fixée au navire pour y amarrer les aussières (dites également amarres).

Trou à cyclone : baie particulièrement bien protégée dans laquelle se réfugient les bateaux en cas de menace de vents forts.

UTC (Universal Time Coordinated) : « Temps Universel Coordonné » en français. C’est l’heure de référence internationale.

 

Portrait 5 – Patrick LOCHNER : une belle démonstration de sang-froid

Avant de rencontrer Patrick « pour de vrai » dans une des îles des Caraïbes, j’avais déjà entendu parler de lui grâce à un forum bien connu du milieu des voileux : le site hisse-et-oh.

Un fil de discussion s’était ouvert sur l’arrivée imminente de l’ouragan Irma sur les îles françaises de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy. Et c’est en lisant les commentaires afférents que j’étais tombée sur un message que Patrick avait posté le samedi 02 septembre 2017 en fin de soirée : « Hello, j’ai finalement pu trouver un billet pour St Martin. Arrivée demain en fin d’après-midi préparation du bateau, avitaillement, et je descends plus au sud lundi au plus vite, à priori sur la Guadeloupe, à Baie Mahault. En cas de houle de Sud, Sud Est, ou Sud Ouest, ce sera parfait comme abri….enfin, j’espère ! Des copains sont en train de quitter la Martinique, pour filer sur Grenade… Ça ne sent pas très bon, tout ça… ». Bref, ce gars était en France alors que son voilier était à Saint-Martin et il venait de décider de faire tout son possible pour le sauver ! En réponse à son message, chacun émettait son avis. Certains le trouvaient imprudent, estimant que son planning était trop serré, qu’il risquait d’avoir de trop mauvaises conditions en mer et qu’il n’aurait pas le temps d’atteindre son but sans se mettre en danger. D’autres, au contraire, saluaient sa détermination.

Avant de prendre son avion à Paris, Patrick a pris le temps de rassurer un peu les dubitatifs du forum : « Hello, ça devrait être du portant, je compte être parti vers 11h, arrivé 28h après à Baie Mahault… Ça me laisse le temps de m’installer. Peu de vent(!), faudra sûrement aider aux moteurs pour être un peu au dessus des 5 nœuds de moyenne. Je risque d’avoir un début de houle, jusqu’à 2m, dans le sens du vent, à priori, et sur les derniers miles. Pas moyen de partir aujourd’hui, de toute façon… Rafales à + de 100 nœuds annoncées sur Marigot…y a pas à tortiller!!! ». S’en est ensuivi toute une série de commentaires sur IRMA, la route qu’elle prenait, sur les risques à laisser son bateau à la bouée ou au ponton même dans des lieux éloignés du centre de l’ouragan en raison de la forte houle attendue etc…

Et puis… plus rien… plus de nouvelles de Patrick… Nous ne savions pas s’il avait bien pris son avion, s’il était parti en bateau comme prévu… Si les conditions en mer étaient « affrontables ». Tout ce qu’on lisait sur le forum, c’était à quel point IRMA se renforçait rapidement, devenant peu à peu le monstre que l’on sait.

Dimanche 03 septembre, il était censé prendre l’avion. Lundi 04 septembre, il était censé finir de préparer son bateau en toute hâte et partir. Pour qui connaît le monde des bateaux, après une période d’inactivité, il est nécessaire de passer quelques heures à préparer le voilier avant de partir : mise en place des voiles, écoutes, drisses etc s’il a été désarmé, contrôle des niveaux et du moteur, nettoyage de la coque (les algues ralentissent considérablement la vitesse de croisière habituelle), brossage de l’arbre et de l’hélice, et bien sûr avitaillement en eau et nourriture pour le skipper et l’équipage. Bref, le timing était serré ! De plus, il comptait 28 heures de navigation et en partant à 11 heures du matin, cela le faisait arriver, selon ses prévisions, vers 15 heures en Guadeloupe le mardi 05 septembre, le passage du cyclone sur St Martin étant attendu le mercredi matin…

Ainsi, mardi soir, alors qu’IRMA était devenu l’un des pires ouragans que le bassin Atlantique ait connu, avec une pression à 927 hPa et des vents de l’ordre de 300 km/h relevés dans le nord immédiat du système, que la Martinique et la Guadeloupe étaient passées en vigilance rouge, un intervenant du forum écrivait : « Il ne nous resterait qu’à trouver la position de Patrick… A lui seul, il cristallise toute l’énergie des voileux à préserver leur bien le plus cher et parfois leur habitat. Toute mon énergie positive pour vous messieurs et mesdames et vos bateaux ». Message suivi par celui d’une autre personne : « Suis inquiet de son timing si vitesse prévue 5 nœuds ».

Bref, en plus, de l’effarement dont nous faisions preuve en voyant IRMA se renforcer tout en se rapprochant des îles qu’elle s’apprêtait à impacter, nous étions tous dans l’attente des nouvelles de Patrick que nous ne connaissions pas mais dont nous nous sentions curieusement si proches…. Car tous, si IRMA avait touché la zone où nous étions avec nos bateaux, nous aurions eu à prendre la lourde décision qu’il avait prise : tenter de partir le plus loin possible avec notre voilier pour se mettre à l’abri malgré les risques que cela encourt, ou accepter notre sort et juste sécuriser au mieux le bateau en le laissant là où il était…

Et ce n’est que le lendemain, le mercredi 06 septembre, le jour même où l’île de Saint Martin a été détruite à 95% qu’un membre du forum et ami de Patrick nous signale sur le forum que tout va bien, qu’il a réussit à rejoindre la Guadeloupe et qu’il est à l’abri !

https://www.youtube.com/watch?v=kB72p9Me66A

Maintenant que vous connaissez ma version de l’histoire (derrière mon écran d’ordinateur), voici celle de Patrick que j’ai rencontré « pour de vrai » (le monde des voileux est petit) et qui a bien voulu nous faire partager son expérience…

« J’ai dû m’absenter un mois et demi des Caraïbes. J’avais prévu initialement de laisser mon catamaran, « Capsun », au ponton dans une marina bien abritée en Martinique mais impossible de trouver une place disponible pour cette période en pleine saison cyclonique. Je m’étais donc résolu à laisser mon voilier à Saint Martin, sur un corps mort dans le lagon côté marina Port Royal.

Une fois rentré en métropole, je suivais bien sûr très attentivement l’évolution des conditions météorologiques dans le coin grâce notamment à la page Facebook d’Olivier Tisserant qui y analyse comme personne les phénomènes inquiétants et qui y transmet les informations de manière claire et concise sans jamais se montrer alarmiste. C’est d’ailleurs grâce à un échange avec lui que j’ai pris la décision le samedi 02 septembre de récupérer mon bateau à tout prix et de le mettre à l’abri plus au sud.

Il est 16 heures quand je prends la décision. Branle-bas le combat ! Je réserve mon vol Paris-Grand Case (Saint Martin) en passant par Fort de France (Martinique) et Pointe à Pitre (Guadeloupe) tout en vérifiant que mon timing tient la route.

Je préviens rapidement famille et amis de mon départ et me présente à Orly le lendemain matin, dimanche 03 septembre, à 6h30. Impossible de dormir durant le trajet, je ressasse mon plan dans ma tête : trouver un taxi en arrivant, faire quelques courses, trouver un moyen de rejoindre mon bord, remettre le bateau en ordre (re-brancher les batteries, remettre en route les moteurs, préparer les voiles, ré-installer l’annexe sur les bossoirs etc…).

Sur place, tout se passe rapidement et conformément à mon plan. Aucune mauvaise surprise : les batteries n’étaient pas à plat, les deux moteurs ont démarré du premier coup…

Il est 23 heures, heure locale, quand je vais me coucher (5 heures du matin pour moi avec le décalage horaire !). Je m’autorise 6 petites heures de sommeil seulement car il me reste pas mal de choses à faire pour être fin prêt à 9 heures, heure d’ouverture du pont, notamment le nettoyage des coques, Capsun étant dans le lagon depuis 10 semaines déjà ! Au petit matin, je passe une heure dans l’eau à nettoyer mes coques et mes embases, les ailerons passent leur tour, je n’ai pas assez de temps.

A 8h50, Capsun piaffe d’impatience devant le pont… Moment irréel lors de ma sortie : je vois avec stupeur 6 bateaux entrer, tous avec des voiles à poste et avec au moins 2 personnes à bord, donc navigants ! Nos regards s’échangent. J’esquisse un timide signe de la main et les regarde effaré entrer dans l’enclave que je viens de quitter ! L’expérience irréelle se poursuit au mouillage où je vois encore 3 bateaux sur leur ancre. Il fait un temps magnifique et sur l’un d’entre eux, un suédois lit tranquillement son journal et me jette à peine un coup d’œil…

De mon côté, je suis à fond dans mon « truc ». Je ne veux parler à personne. Je n’ai pas le temps et pas l’énergie nécessaire à consacrer à d’éventuelles explications sur ma décision. Des vagues de plus de 3 mètres sont annoncées dès 11 heures. Mon timing est serré. J’ai 140 miles nautiques à parcourir, avec une vitesse moyenne de 6 noeuds, il faut que je parte au plus tard à 12 heures. Ma hantise, c’est une panne moteur imprévue qui m’immobiliserait ici…

J’ancre un instant Capsun non loin du ponton et j’y accoste avec mon annexe. Direction le supermarché du coin pour y faire un approvisionnement rapide mais conséquent vu que je ne sais pas à quoi m’attendre une fois rendu en Guadeloupe. L’ambiance dans le magasin est très particulière, elle aussi… Beaucoup de monde mais, au contraire de moi, ils semblent tous souriants et décontractés. J’ai vraiment l’impression d’être le seul à stresser. A la caisse, une jeune femme se fait réprimander par son compagnon pour avoir choisi trois bougies, du coup elle en repose deux ?!? Après avoir payé, je file au pas de course vers mon annexe avec mon caddie plein de courses.

De retour à bord, je mets les moteurs en route, relève l’ancre, hisse la grand-voile et me lance en direction de la Guadeloupe, Baie Mahault pour être précis. Il est 10h30. J’ai même un peu d’avance sur mon plan initial, tout s’annonce bien. Je suis le seul bateau à longer la côte Est de St Martin. Après avoir passé St Barth, je ne capte plus de signaux AIS. Me voilà seul au monde !

Pour le moment, la mer est calme, le vent apparent est de 10 à 15 nœuds et pour maintenir ma vitesse cible de 6 nœuds, je m’aide des moteurs qui aide le vent à déplacer les 8 tonnes de Capsun au bon plein.

Le soir venu, le vent monte et le catamaran file maintenant à plus de 7 nœuds sous voiles seules. Étant tout seul en mer, a priori, j’en profite pour dormir quelques heures et tenter de récupérer du décalage horaire dont je souffre encore.

Au petit matin, la mer se creuse et prend un aspect métallique. Une grosse houle d’Est s’installe. Très longue heureusement. Il me reste encore 25 miles à avaler. Avec la fatigue et le stress, je sens le mal de mer qui s’installe. J’avale un Stugeron en espérant que cela le fasse disparaitre.

Au large de la Guadeloupe, je réussis à capter un bulletin météo par VHF. Elle est en alerte violette ! Ils annoncent jusqu’à 60 nœuds d’Ouest sur le nord de l’île…

J’atteins finalement l’entrée de la passe Colas à 9h30 précises. Ouf, je l’ai fait !!! Je roule le génois et affale la grand-voile avant de m’engager dans la passe. Un vilain clapot de Nord est en train de se former. Je prends un corps-mort au mouillage pour souffler un peu car ma journée n’est pas finie, loin de là !

Je prends un solide petit déjeuner tout en observant le manège de deux grues à terre qui s’affairent à sortir les dernières embarcations de la marina locale. Je n’ai aucun moyen de communication hormis la VHF car j’ai eu la bonne idée de changer d’opérateur juste avant de partir et je n’ai pas encore eu le temps d’activer ma carte SIM. Du coup, je n’ai aucun moyen de savoir heure par heure ce que donne IRMA.

Maintenant, il faut que je sécurise Capsun dans la mangrove. Me voilà ainsi parti en reconnaissance à bord de mon dinghy avec un vieux tee-shirt rouge à bord qui va me servir à marquer l’endroit que je vais choisir. La baie est immense et je n’ai pas le temps de tâtonner. Après une bonne heure de repérage, je trouve un renfoncement parfait pour abriter Capsun avec un gros arbre pour m’amarrer. Je noue le tee-shirt à une branche et m’empresse de revenir au bateau. Tout en naviguant avec Capsun vers l’endroit, je me répète la manœuvre dans la tête. C’est la toute première fois que je vais faire ça, du coup je suis un peu inquiet. Heureusement, cet endroit est à l’abri du vilain clapot de Nord qui s’est formé dans la baie. Ici, l’eau est à peine ridée.

J’ai préparé mon ancre de secours reliée à 30 mètres de câblot plombé qui vont servir pour la première fois. Mes amarres et aussières sont sur le pont prêtes à l’emploi. Les instruments, pilote et sondeur, sont allumés ainsi que mon ordinateur et la carte Open CPN détaillant l’endroit est ouverte. Moteurs en route, je compte m’engager doucement jusqu’à m’échouer dans la vase en jetant l’ancre en avance à l’arrière puis aller amarrer Capsun au gros arbre en annexe.

Sur le papier, ça parait simple. En réalité, c’est plus compliqué que cela. Je me loupe sur l’ancre à l’arrière que je lance bien trop tard. Du coup, je suis obligée de la remonter et d’aller la jeter plus loin à l’aide de mon annexe. Quant aux aussières que je dois utiliser pour rallonger ma remorque de 30 mètres – qui se révèle bien trop courte – je les balance à l’eau sans penser à y attacher avant deux pare-battages. Du coup, je perds pas mal de temps à les récupérer au fond de l’eau. Mais bon, malgré tout, Capsun finit par être solidement amarré. Il ne bouge plus !

Je remonte sur le bateau et finis de le préparer : rentrer la passerelle, sécuriser l’annexe sur les bossoirs, saucissonner la grand-voile ainsi que le génois, brider l’éolienne etc.

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Le soir même, je me prépare une bonne assiette de pâtes et prend une bonne douche en attendant de subir l’attaque d’Irma. La fatigue aidant, je m’endors pour me réveiller à 6 heures le lendemain matin : Irma a évité la Guadeloupe ! Il n’y aura finalement qu’une grosse houle d’Ouest qui viendra frapper la côte sous le vent, notamment à Deshayes.

Je n’ai plus qu’à attendre la marée montante pour me déséchouer et retourner au mouillage en face des pontons de la petite marina. De là, je rejoins la terre ferme pour me connecter et rassurer mes proches. C’est à ce moment-là que j’apprends qu’Irma est passée sur St Martin et St Barth de manière très violente en causant d’énormes dégâts…

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Je me sens soulagé, et fier aussi, d’avoir sauvé mon bateau. Je lui devais bien ça, vu le nombre de fois où il a récupéré mes erreurs de débutant ! ».

Et vous, à la place de Patrick, vous auriez fait quoi ? Vous auriez osé ?

 

 

 

Art. 10a – Maria (première partie)

(Tous les mots suivis d’un * sont expliqués dans le glossaire figurant au bas de l’article)

Au départ, elle n’avait pas de nom… IRMA(*) et JOSE(*) à sa suite venaient de passer au nord de l’arc antillais. J’avais encore cette boule au ventre que j’ai conservé pendant une semaine à voir les dégâts provoqués par la première, un cyclone majeur classé catégorie 5 sur l’échelle de Saffir-Simpson qui ne compte que 5 graduations quand celui-ci aurait mérité de se voir affecter une catégorie supérieure d’après les dires de certains. Encore que… passé le stade 5, de toute manière, le résultat est le même : une dévastation totale des zones traversées par ce phénomène… Alors que les vents fassent 250 km/heure (seuil bas du classement en catégorie 5) ou 360 km/heure (rafales mesurées à St-Martin(*)), ça ne fait plus réellement de différence…

En Martinique, nous venions d’être avertis de l’apparition de deux nouvelles perturbations sorties d’Afrique. « Perturbations », c’est le nom qu’on donne à ces phénomènes météorologiques qui entraînent une dégradation du temps pouvant engendrer du très mauvais temps. Rapidement, l’une d’elle s’est transformée en tempête tropicale et s’est vue affecter un nom et des trajectoires possibles ont été calculées par les différents modèles existants (GFS(*), ECMWF(*) et Arpège(*)). Aucun danger pour l’arc antillais. L’autre, par contre, continuait à avancer vers nous sans se « transformer » et semblait viser la Martinique. Tous, anxieux, nous avons suivi tous les jours la mise à jour des informations la concernant. Trois jours avant de toucher l’arc antillais, aucun modèle n’était encore en accord avec l’autre. La « perturbation » semblait ne pas vouloir afficher clairement ses intentions…

Je m’étais déjà faite une petite frayeur avec le passage de l’ouragan IRMA pour lequel tous les modèles prévoyaient une trajectoire d’abord en ligne droite sur la Martinique avec un infléchissement marqué plus au nord quelques jours seulement avant qu’elle ne touche les îles des Caraïbes. Jusqu’à ce que je vois cet infléchissement prévu se refléter sur les images satellites, j’avais eu le temps de me dire que si j’avais choisi la mauvaise option – celle de rester dans la Marina du Marin en Martinique – au lieu de me déplacer plus au sud, il était maintenant trop tard pour faire quoi que ce soit. Houle trop forte, rafales de vent, je n’aurais plus eu qu’à accepter les conséquences de mon choix… Heureusement, tout s’était bien passé pour nous en Martinique au contraire des îles plus au nord comme celles notamment de Saint-Martin(*) ou de Barbuda(*). Et à la vue des monstrueux dégâts engendrés par le monstre IRMA, je me suis dis que jamais plus, si je pouvais l’éviter, je ne resterai dans une zone menacée. C’est ainsi qu’à peine une semaine après le passage d’IRMA et de JOSE, j’étais, de nouveau, à suivre fébrilement l’évolution d’un nouveau phénomène potentiellement cyclonique…

J-4… Chacun à la Marina y va de son pronostic : « Elle va monter au Nord, t’inquiète pas », « Va à la marina de Ste Lucie(*), ça suffit » (c’est l’île au sud de la Martinique à environ 20 milles nautiques), « Ne bouge pas de ton corps mort(*) au Marin, il est solide », « Met ton bateau dans la mangrove(*) » (l’attacher aux palétuviers qui bordent les « trous à cyclone »(*) du Marin)… Certains de mes amis toutefois se préparent à bouger plus au sud avec leur bateau. Le mien est prêt. Il ne me reste qu’à me décider.

J-3… Nous sommes samedi 16 septembre 2017. J’ai deux amis qui déplacent leur bateau. Pierre a décidé de partir mettre son catamaran à l’abri à Bequia(*) à environ 100 milles d’ici. Jean-Phi, lui, part également au sud. Son voilier est à l’heure actuelle dans la baie de Saint-Anne à la sortie du Marin. Son moteur ne fonctionne pas et il sait que son mouillage risque de ne pas résister à la forte houle attendue… Il est 10h du matin et j’hésite encore. J’y vais, j’y vais pas ? J’y vais ? Allez, je fonce ! Après tout, ça me fera naviguer, ce n’est pas plus mal.

Pierre et son équipage prévoient de s’arrêter à l’« Anse Cochon » sur l’île de Ste Lucie le samedi soir et de rejoindre Bequia le dimanche. Pourquoi ne pas suivre leur trajet et faire la même étape ? Je ne connais pas cette anse, ce sera l’occasion. J’appelle Jean-Phi pour connaître son plan. J’apprends à l’occasion qu’il est à terre à la marina du Marin, pas loin de moi, et qu’il cherche le moyen de rejoindre son bateau. Ni une, ni deux, je lui propose de le déposer. Il me rejoint et m’aide à finir de préparer le bateau. Et hop, on remonte le moteur de l’annexe, puis l’annexe elle-même qui est dégonflée et stockée devant le mat, sanglée comme il le faut. Ça va quand même nettement plus vite à deux ! Je vérifie les niveaux et allume le moteur. Ça y est, c’est parti !!! Il est 13h30.

Premier arrêt, le bateau de Jean-phi à St Anne. Mon voilier est un nain à côté de celui-ci qui est deux fois plus grand ! Le vent qui souffle en rafales fait tourner son acier. Il me faut deux essais pour réussir à rapprocher suffisamment mon voilier du sien et lui permettre d’enjamber les filières pour monter à bord sans se mouiller. Me voici seule à mon bord.

Prochaine étape : Sainte-Lucie ! Je hisse rapidement la grand-voile et déploie mon génois(*). La traversée du canal(*) se déroule sans accroc. Je réalise toutefois en m’approchant de l’île que je suis partie un peu trop tard. Je vais arriver à l’Anse Cochon bien après la nuit et ça m’ennuie car je ne connais pas les lieux. En plus, la cartographie indique qu’il y a une épave à l’entrée. C’est chaud quand même d’y entrer sans avoir repérer les lieux avant. Et, en plus, il n’y a pas de lune aujourd’hui. Les conditions ne sont pas au top quand même…

Je réfléchis un instant à m’arrêter à la première baie facilement accessible à Ste Lucie, Marigot Bay que je connais bien, bien avant l’Anse Cochon, mais la distance que je n’aurais pas parcourue ce soir, c’est autant à parcourir demain et la route est encore longue. MARIA – la perturbation a enfin un nom car elle s’est transformée en tempête tropicale – arrive lundi soir sur l’arc et je ne peux pas me permettre de traîner en route. D’autant plus qu’il s’agirait alors d’un cyclone de catégorie 1 voire 2…

Je dépasse donc Marigot Bay. La nuit tombe. Je passe à distance de l’Anse Cochon vers 21h. Je tente un timide appel VHF à destination de Pierre qui devrait déjà y être depuis longtemps. Pas de réponse. Mon téléphone, quant à lui, ne capte aucun réseau… Je me sens un peu esseulée subitement, toute seule là dans le noir… Jean-Phi est censé n’être pas très loin derrière moi – il m’a envoyé un SMS me disant qu’il était parti environ 1 heure après que je l’ai déposé – mais je n’arrive pas non plus à le contacter. Et j’ai beau tenter de repérer ses feux de route au loin, je ne vois rien…

Je m’interroge… Un marin averti n’hésiterait pas et continuerait à naviguer de nuit. Moi, je n’ai encore jamais enchaîné 24h de navigation non stop. Ma plus longue traversée en solo, c’est 17 heures jusqu’à présent. J’étais partie très tôt le matin, avant la levée du jour et j’étais arrivée à la nuit tombée. Mais je n’ai encore jamais navigué seule une nuit complète… En équipage, ça passe… Mais seule, c’est une idée qui m’angoisse un peu, j’avoue. La nuit, tout me semble plus menaçant. Privée d’une vision parfaite, mon imagination s’emballe. Un peu comme les gosses qui ont peur du monstre caché sous leur lit. J’avoue me sentir un peu démunie là toute seule dans le noir. Pas un bateau « ami » visible à l’horizon… Malgré l’absence de lune, je vois toutefois un ciel dégagé, décoré d’étoiles. Je décide de me lancer. Après tout, pourquoi ça se passerait mal ?

Je continue donc ma route. Le vent diminue. Tant mieux car j’aimerais traverser le canal séparant Ste Lucie de St Vincent de jour si possible et une réduction de mon allure va dans le bon sens sinon je vais entamer le canal dans l’obscurité la plus complète. Il semble que ma prière ait été entendue… un peu trop d’ailleurs… Plus de vent ou à peine… Les voiles claquent… Mais un petit courant favorable me permet tout de même de faire du 1 noeud, 1,5 noeud…

Je fais des micro-siestes de 5 ou 10 minutes. Dès que j’ouvre les yeux, je vérifie ma position car je ne suis pas si loin de la côte, je reste à l’affût de potentiels obstacles ou de bateaux que je pourrais croiser sur ma route. Je ferme à nouveau les yeux quand j’entends un gros souffle non loin de moi, une sorte de forte expiration qui me fait sursauter. Il fait trop sombre pour voir quoi que ce soit. Je brandis une lampe sur les eaux noires, sans succès. Encore un souffle, sur l’autre bord cette fois, ci. Je devine sans les voir que ce sont des dauphins qui doivent chasser tout près. Ce petit manège dure 2 ou 3 minutes et ensuite, c’est de nouveau le seul bruit des voiles et du bateau qui avance doucement sur l’eau.

A 2 heures du matin, je craque et je mets le moteur pour atteindre une vitesse d’environ 4 noeuds. J’atteins le canal de St Vincent et là, surprise, toujours pas de vent… Sous le vent de l’île, ça ne me paraît pas étonnant mais dans le canal ?!!! Étonnée, je traverse ainsi au moteur ce canal réputé pour être habituellement plus coriace que celui de Ste Lucie…

La levée du jour est magnifique à voir. Je longe maintenant l’île de St Vincent. Le vent est monté un peu pour retomber plus loin. J’essaie de jouer avec les voiles mais le vent est réellement capricieux. De nouveau, j’utilise le moteur pour traverser le canal entre St Vincent et Bequia. Et c’est seulement à 1 ou 2 milles de l’arrivée que le vent se remet à souffler. Trop tard, j’ai déjà rangé ma grand-voile et roulé le génois… Ce sera moteur jusqu’à la fin.

J’entre enfin dans la baie qui m’offrira sa protection pour le passage du cyclone MARIA. Elle est très ouverte et donc, forcément, on ne pourra pas échapper à la houle d’ouest qui est attendu. Pas vraiment idéale l’orientation de cette baie. Je tente de trouver un coin « confortable ». J’analyse tant bien que mal la situation et je décide de me rapprocher du bord pour pouvoir mouiller l’ancre dans 5 mètres maximum (ce sera 25 à 30 mètres de chaîne à remonter à la main déjà… si je vais dans du plus profond, c’est encore plus de chaine à lâcher) et je choisis l’extrémité de la baie la plus éloignée du mouillage principal et des pontons. J’espère être légèrement protégée par le relief de l’île et avoir fait le bon choix. Il est 13h00. Je pose l’ancre et je me glisse dans ma couchette pour faire une longue sieste.

A 17h00, je suis réveillée par des coups frappés sur ma coque. C’est Pierre qui est arrivé entre-temps sur le mouillage. Il a eu le temps de faire une bonne nuit lors de son étape et il est ancré à une centaine de mètres de là, pas loin d’un de ses amis également en catamaran. Il passait juste me faire un coucou et repart rapidement.

J’ai quelques nouvelles de Jean-Phi, il est loin derrière sans moteur pour soutenir son allure. Il prévoit d’arriver au milieu de la nuit. Avant que la nuit tombe, je décide de gonfler mon annexe et de la mettre à l’eau au cas où il aurait besoin d’un coup de main à son arrivée. Poser le moteur dessus n’est pas une mince affaire, ça commence déjà à rouler là où je suis. Je peste, je râle, j’utilise les pieds et les mains pour descendre le moteur à l’aide de mon palan fait maison. Le dinghy(*) saute, bouge, se coince sous le cul de Nautigirl, et moi j’essaie de viser le tableau arrière avec les mâchoires étroites du moteur hors bord qui pèse quand même dans les 30 kilos. Pas facile toute seule ! Mais je finis par remporter la bataille sans rien casser ! J’amarre l’annexe à l’arrière de Nautigirl. Je me fais un peu de souci car je la vois bondir quand même pas mal. J’espère qu’une vague ne viendra pas la renverser. De toute manière, il est trop tard pour y changer quoi que ce soit. J’ai déjà eu du mal à mettre en place l’ensemble, tout désassembler, ça va être la misère toute seule. Et la nuit tombe… On verra bien…

Décidément, ce mouillage est bien pourri… On subit quelques bonnes rafales durant la nuit qui me font sortir d’urgence de la couchette dans laquelle je dors toute habillée pour être prête au cas où, frontale sur le front… Je vérifie que l’ancre tient toujours et que le rivage est toujours à distance. Je ne suis pas rassurée par le bruit de quelques vagues que j’entends déferler… Pas bon, pas bon ! Qu’est ce qu’on voit mal même avec une lampe quand il n’y a pas de lune ! Si ça monte encore, ça va rapidement craindre là où je suis. J’ai du mal à conserver mon équilibre. Je vois que plusieurs de mes voisins sont soucieux eux-aussi, les lumières qui balayent leur pont et l’eau environnante en témoignent.

A 2 heures du matin, Jean-Phi m’envoie un SMS. Il est sous grain, non loin de Bequia et il préfère continuer sa route. La mer lui paraît un meilleur abri qu’un mouillage mal orienté. Et je le comprends, maintenant que je suis dedans… Jamais je n’avais connu de mouillage si agité. Ma seule expérience, c’était le passage d’IRMA bien plus au Nord quand j’étais au corps mort dans la marina du Marin. Je trouvais déjà que Nautigirl jouait au « poney », mais là ce n’est plus du saut d’obstacles, ce sont les montagnes russes !!!

Et la pluie se met de la partie… J’arrive tout de même à dormir un peu entre deux escalades (c’est le bon terme !) sur le dinghy pour le vider entre deux bonnes averses. C’est fou ce qu’un grain peut libérer comme litres d’eau ! Quelques minutes de pluie intense et c’est 10 ou 20 litres d’eau au fond de l’annexe…

Au petit matin, j’escalade une nouvelle fois le dinghy et je m’invite à bord du catamaran de Pierre qui m’offre gentiment le thé. J’apprécie ce petit moment plus au calme. J’ai beau préférer les monocoques, j’avoue qu’un catamaran, c’est pas mal non plus… Là au moins, je peux poser ma tasse sans craindre qu’elle se renverse dans la seconde. Nous nous mettons d’accord pour aller à terre ensemble un peu plus tard pour faire les formalités d’entrée et ensuite, nous déplacerons ensemble mon bateau pour trouver un endroit plus protégé de la houle. Cool !

Je retourne rapidement à mon voilier pour prendre deux ou trois affaires mais ce que je vois me fait changer d’avis. La houle semble encore plus forte là où je suis… ou c’est le fait de sortir d’un catamaran ultra stable qui me donne cette impression… La houle surprend Nautigirl de travers parfois et je la vois giter(*) très très fortement… C’est sûr, la houle a bien forci ! J’ai peur de tomber de l’annexe avant de réussir à monter à bord ou de voir la coque de Nautigirl lui tomber dessus à cause des ruades que je lui vois faire ! J’ai énormément de mal à monter à bord et une fois que c’est fait, j’attache l’annexe à l’arrière, je démarre le moteur et j’appelle Pierre à l’aide.

A SUIVRE…


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A très vite !


PS : Cette histoire raconte ce que j’ai vécu mais afin de respecter l’anonymat des personnes qui ont croisées ma route, j’utilise des prénoms d’emprunt – sauf autorisation expresse obtenue de leur part.


GLOSSAIRE :

AIS (Automatic Identification System) : système d’identification automatique et d’anti-collision qui va envoyer des informations sur la position, le cap et la vitesse d’un bateau équipé de l’appareil.

Annexe : petite embarcation, à rame ou à moteur, permettant de faire les allers retours entre le port ou le rivage et le bateau en mouillage.

Arpège : modèle mathématique de prévision de Météo France.

Baille à mouillage : soute à l’avant du bateau dans laquelle on range la chaîne et parfois l’ancre elle-même.

Barbuda (se dit aussi « Barbude » en français, à ne pas confondre avec « La Barbade ») : île du Nord des Petites Antilles faisant partie du pays Antigua-et-Barbuda. Barbuda se situe au nord de l’île d’Antigua. La population est d’environ 1.600 habitants.

Balcon : structure métallique à l’avant (et parfois à l’arrière) du bateau.

Bequia : île du Sud des Antilles faisant partie de l’état de Saint-Vincent-et-les-Grenadines. Bequia se situe au sud de l’île de Saint-Vincent. C’est la plus grande île des Grenadines. La population est d’environ 6.000 habitants.

Canal : portion de mer entre deux îles.

Chaise (de moteur) : support sur lequel se fixe l’étrier (l’espèce de mâchoire) d’un moteur hors-bord. Il peut être en bois ou en plastique et permet d’entreposer le moteur verticalement, souvent au niveau du balcon arrière d’un voilier.

Chandelier : rien à voir avec une bougie même si ça peut vaguement y ressembler. Ce sont les barres métalliques verticales fixées tout autour du pont et dans lesquelles passent les filières.

Cockpit : emplacement situé à l’arrière d’un bateau de plaisance, où se tient le barreur.

Couple (à) : mettre à couple deux bateaux, cela veut dire les mettre côte à côte.

Corps-mort : objet pesant, comme une dalle de béton par exemple, posé au fond de l’eau et qui est relié par un filin ou une chaîne à une bouée, afin que les bateaux puissent s’y amarrer.

Davier : pièce métallique fixée à l’étrave (l’avant du bateau) et équipée d’un réa (partie mobile qui tourne sur elle-même comme l’intérieur d’une poulie) afin de guider la chaîne du mouillage. L’ancre elle-même vient s’y encastrer une fois remontée.

Dinghy : annexe en anglais. Les deux mots sont couramment employés pour définir la même chose. Voir la définition d’annexe plus haut.

ECMWF (European Centre for Medium-Range Weather Forecasts) : modèle mathématique de prévision météorologique européen.

Enrouleur : dispositif permettant d’enrouler une voile, soit pour en réduire la surface afin de l’adapter à la force du vent, soit pour la ranger complètement enroulée. L’enrouleur de génois ressemble à un long tube allant du pont quasiment au sommet de mat avec une sorte de bobine de corde à sa base (c’est cette corde qui permet d’enrouler ou de dérouler la voile).

Génois : voile d’avant avec un recouvrement important de la grand-voile (i.e, le point d’attache des écoutes est bien en arrière du mât).

GFS (Global Forecast System) : Modèle mathématique de prévision météorologique américain.

Giter : action de s’incliner sur un bord lorsqu’on parle d’un bateau.

Irma : L’ouragan Irma s’est développé du 29 août au 12 septembre 2017. Il est le dixième système tropical de la saison cyclonique 2017 dans l’océan Atlantique nord et le deuxième ouragan majeur, catégorie 5, sur l’échelle de Saffir-Simpson, après l’ouragan Harvey, catégorie 4, survenu une semaine auparavant. Il est un des ouragans les plus puissants enregistré dans l’Atlantique nord depuis Hugo en 1989 et par la vitesse de ses vents soutenus (295 km/h) depuis Allen en 1980. Il est aussi le premier ouragan à rester classé en catégorie 5 pendant une aussi longue période continue. Il a causé des dégâts catastrophiques dans les îles de Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Anguilla et les Iles Vierges, a éprouvé sévèrement la côte nord de Cuba et a obligé la Floride à mettre en place une évacuation de plus de six millions d’habitants.

José : L’ouragan Jose est le onzième système tropical et le troisième ouragan majeur de la saison cyclonique 2017 dans l’océan Atlantique nord. Formé dans la traîné de l’ouragan Irma, à partir d’une onde tropicale sortie de la côte africaine, il s’est intensifié rapidement en arrivant près des Petites Antilles. Menaçant de se propager le long de la même trajectoire que son prédécesseur, Jose a soudainement viré vers le nord et a erré plusieurs jours entre les Bahamas et les Bermudes avant de remonter lentement vers le nord en faisant une courbe entre la côte est des États-Unis et les Bermudes.

Mangrove : écosystème de marais maritime.

NHC (National Hurricane Center) : service américain de suivi de la formation et de l’évolution des ouragans.

Pare-battage : sorte de bouée gonflée d’air servant à amortir et à protéger la coque face à d’éventuels chocs sur un quai ou un autre bateau (on parle également de « défense »).

Portique : structure en inox à l’arrière du voilier permettant de supporter des panneaux solaires par exemple.

Sainte-Lucie (Saint Lucia en anglais) : état insulaire des Antilles situé entre, au sud, les îles de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, au sud-est, la Barbade et au nord, la Martinique.

Sondeur : appareil servant à mesure la profondeur. de l’eau sous le bateau.

Taquet : pièce fixée au navire pour y amarrer les aussières (dites également amarres).

Trou à cyclone : baie particulièrement bien protégée dans laquelle se réfugient les bateaux en cas de menace de vents forts.

UTC (Universal Time Coordinated) : « Temps Universel Coordonné » en français. C’est l’heure de référence internationale.

 

INFO 01 – Les cyclones ont tous un prénom

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La liste des noms qui seront attribués aux cyclones et tempêtes à venir dans la la zone Atlantique Nord est établie chaque début d’année par le Centre National des Ouragans de Miami en Floride (National Hurricane Center ou NHC en anglais) ? En 2017, elles s’appelleront : Arlene, Bret, Cindy, Don, Emily, Franklin, Gert, Harvey, Irma, Jose, Katia, Lee, Maria, Nate, Ophelia, Philippe, Rina, Sean, Tammy, Vince, Whitney.

On donne ainsi un nom commençant par la lettre A à la première tempête de l’année, ensuite c’est B et ainsi de suite. Certaines lettres comme Q, U, X, Y et Z sont exclues car il n’y a pas assez de prénoms leur correspondant.

Si vous voulez briller en société, je vous donne quelques détails complémentaires. Alors, lisez jusqu’au bout !

C’est en Australie, au début du 20ème siècle, qu’un météorologue a, pour la première fois, baptisée une tempête tropicale. Il a décidé de lui donner le nom d’un politicien qu’il n’aimait pas.
Pendant la Seconde guerre mondiale, les militaires américains prennent l’habitude de nommer de nommer les tempêtes dans les zones tropicales d’après le nom de leur femme par exemple.

Ce n’est qu’à partir de 1950 que le Bureau météorologique américain décide de donner systématiquement un nom aux cyclones en utilisant dans un premier temps l’alphabet phonétique.

Puis à partir de 1953, ce sont des prénoms exclusivement féminins qui sont utilisés selon la croyance populaire (humm… masculine plutôt) que les humeurs des femmes sont aussi imprévisibles que les tempêtes. Ceci, forcément, a engendré la colère des ligues de féministes aux Etats-Unis trouvant anormal d’associer le nom d’une femme à une catastrophe naturelle.
Il faudra attendre 1979 (soit 26 ans plus tard !!!) pour voir l’apparition de noms masculins dans la liste !

Les mêmes listes sont réutilisées tous les six ans. L’année 2017 est la première année d’un cycle. En 2024, on réutilisera les mêmes prénoms en supprimant les plus traumatisants. C’est pourquoi il n’y aura plus de Katrina, de Mitch ou encore d’Harvey par exemple.

Dans le cas d’une année record où le nombre de tempêtes tropicales dépasse le nombre de 21, les tempêtes suivantes font appel à l’alphabet grec, en commençant par Alpha.

Le recours à ces noms permet de faciliter les échanges avec les spécialistes, les autorités et la population. Chaque phénomène dangereux étant ainsi identifié, le risque de confusion est réduit lorsque deux ouragans se suivent par exemple.

Comme je le disais, seules les phénomènes de type tempête « et plus » sont baptisées. Lorsqu’ils sont « bébés », ce ne sont que de simples perturbations tropicales. Selon les conditions que celles-ci rencontrent, elles peuvent se transformer en dépression tropicale. Sur les animations satellites, les vents forment alors clairement un cercle fermé. S’ils atteignent 17 mètres par seconde (soit 62 km/h), on parle de tempête tropicale. C’est à ce stage généralement qu’on lui donne un prénom. A partir de 118 km/h, on parle de cyclone tropical autrement dit un ouragan.

Les ouragans sont classés dans 5 catégories, selon l’échelle de Saffir-Simpson, qui correspondent à des niveaux d’intensité et à des intervalles de vitesses de vents : catégorie 1 : des vents de 119 à 153 km/h (soit 64 à 82 noeuds), catégorie 2 : des vents de 154 à 177 km/h (soit 83 à 95 noeuds), catégorie 3 : des vents de 178 à 210 km/h (soit 96 à 113 noeuds), catégorie 4 : des vents de 211 à 251 km/h (soit 114 à 135 noeuds), catégorie 5 : des vents de plus de 251 km/h (soit plus de 135 noeuds).

Instructif, n’est-ce pas ?